Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

théâtre - Page 2

  • Plein d'étoiles pour Vera Miles

    « Tu aurais dû écrire que tu m’aimais. Tu pouvais au moins me dire de t’attendre, je trouve que c’était la moindre des choses. (…) J’ai passé deux années interminables dans cet endroit perdu à attendre que monsieur daigne revenir. Crois-tu que je veuille rester vieille fille ? » (Vera Miles, "La Prisonnière du désert", 1956).


     

     
     


    L'actrice américaine Vera Miles fête ses 95 ans ce vendredi 23 août 2024. Cela fait près d'une trentaine d'années (1995) qu'elle s'est retirée de toute activité cinématographique pour prendre sa retraite à Palm Desert, en Californie. Elle est née Vera June Ralston mais lorsqu'elle est arrivée à Hollywood, au début des années 1950, il existait déjà une (autre) Vera Ralston, si bien qu'elle a gardé son nom de jeune femme mariée (son premier mari, entre 1948 et 1954, s'appelait Bob Miles avec qui elle a eu deux enfants).

    Élue Miss Kansas à 19 ans, Vera Miles s'est installée à Los Angeles pour commencer une carrière d'actrice. Elle a d'abord eu des petits rôles à la télévision qui lui ont fait connaître l'actrice Janet Leigh. Elle tournait alors aussi pour de la publicité. Sous contrat avec Warner Bros, elle a joué notamment une "faiblement amoureuse" de Tarzan dans "Tarzan's Hidden Jungle" de Harold D. Schuster (sorti le 16 février 1955), épousant quand même (dans la vie réelle) le Tarzan en question, l'acteur Gordon Scott, en deuxièmes noces (entre 1954 et 1959).

    Le réalisateur John Ford a lancé véritablement la carrière de star de Vera Miles en lui proposant un second rôle dans le western "La Prisonnière du désert" (sorti le 13 ars 1956) où elle a pu jouer avec John Wayne, Natalie Wood et Jeffrey Hunter, grâce au succès du film considéré comme un chef-d'œuvre (désigné "le plus grand western de tous les temps" par l'American Film Institute). Dans ce film (que je résume très mal !), Vera Miles aime Jeffrey Hunter mais lui et John Wayne ne sont jamais là car ils doivent aller sauver Natalie Wood prise en otage par les Indiens, finalement, elle va se marier avec un autre homme mais son bien-aimé arrive juste avant en s'en prenant au futur marié (on comprendra que les histoires d'amour ici comptent moins que d'autres valeurs).





    Vera Miles a tourné ensuite beaucoup d'autres films, sous la direction des plus grands, comme Robert Aldrich, mais ce qui a été important dans sa carrière, c'était sa rencontre avec Alfred Hitchcock complètement séduit par elle et qui lui a fait signer un contrat de cinq ans avec elle (il voulait en faire une nouvelle Grace Kelly). Elle est ainsi devenue Rose, l'épouse de Henry Fonda dans le film "Le Faux Coupable" (sorti le 26 janvier 1957)... et surtout, Hitchcock la voulait pour son futur chef-d'œuvre, "Sueurs froides" ["Vertigo"] (sorti le 9 mai 1958) pour le rôle principal aux côtés de James Stewart, mais Vera Miles, enceinte, y renonça, ce qui a obligé Hitchcock à la remplacer par Kim Novak.

    Toutefois, Vera Miles est retournée dans un film d'Hitchcock probablement pour le meilleur rôle de sa carrière (elle l'a contesté !), Lila Crane, la sœur de Janet Leight (Marion Crane) qu'elle tente de retrouver après sa disparition étrange dans le grand film "Psychose" (sorti le 16 juin 1960) aux côtés d'Anthony Perkins (Norman Bates), John Gavin (l'amant de Marion) et Martin Balsam (le détective).





    L'actrice a retrouvé John Wayne et James Stewart dans un autre grand film de John Ford, "L'Homme qui tua Liberty Valance" (sorti le 22 avril 1962), dans lequel a également joué Lee Marvin dans le rôle de Liberty Valance. Vera Miles est alors la future femme du futur sénateur James Stewart, mais secrètement aimée par John Wayne, dans une histoire qui est le clivage entre l'État de droit (la justice représentée par James Stewart) et la loi du plus fort (celle du revolver représentée par John Wayne). Là encore, l'histoire se résume surtout aux relations entre les trois hommes (John Wayne, James Stewart et Lee Marvin) mais Vera Miles, première rôle féminin, permet de faire le liant social.





    Pendant deux décennies encore (années 1960 et 1970), Vera Miles a continué sa carrière au cinéma. Elle a tourné son dernier film en 1995, après l'opus numéro 2 de Psychose, "Psychose II" de Richard Franklin (sorti le 3 juin 1983) avec toujours Anthony Perkins (vingt-deux ans plus tard, Norman Bates sort de l'asile psychiatrique contre l'avis de Lila et retombe dans ses vieilles torpeurs).

     

     
     


    Si Vera Miles n'a jamais quitté la télévision (séries télévisées et téléfilms) pendant sa période cinématographique, elle s'y est consacrée exclusivement à partir du milieu des années 1970 (en prenant de l'âge), intervenant dans des séries comme "Magnum", "La Petite Maison dans la prairie", "L'île fantastique", "Buck Rogers", 'La croisière s'amuse", "Hôtel", "Arabesque", etc.

    Depuis 1995, Vera Miles a quitté les rangs de la célébrité pour prendre une retraite discrète et tranquille en Californie, toute éblouie de souvenirs et d'histoires devenues elles-mêmes célèbres. Elle a déjà son étoile dans le grand Hollywood Walk of Fame à Los Angeles, témoignant de sa contribution au cinéma américain voire mondial.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Vera Miles.
    Alain Delon.
    Pierre Richard.
    Marianne Faithfull.
    Pierre Perret.
    Anouk Aimée.
    Marceline Loridan-Ivens.
    Édouard Baer.
    Françoise Hardy.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Frédéric Mitterrand.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Sophia Aram.
    Plastic Bertrand.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Brigitte Bardot.
    Charlie Chaplin.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240823-vera-miles.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/plein-d-etoiles-pour-vera-miles-256388

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/23/article-sr-20240823-vera-miles.html



     

  • Le charisme d'Alain Delon : The Girl on a Motorcycle

    « When you're Mick Jagger, but the other one is Alain Delon ! »


     

     
     


    À l'annonce de la mort du grand acteur français et international Alain Delon (ce dimanche 18 août 2024), les réseaux sociaux ont rejoint les médias en général pour des hommages de toute sorte. Mais aussi pour un peu d'humour. Parmi les témoignages parfois insignifiants revient un élément majeur d'Alain Delon : certes, le jeune homme était beau, quoique, de la beauté masculine, je n'ai pas grand-chose à dire, mais sa beauté n'était pas tout. Après tout, il n'était pas le seul jeune homme beau de tout le village, et pourtant, il n'y a pas eu beaucoup d'Alain Delon en fin de compte. Cet élément reconnu par tous, qui a fait la différence, c'était le charisme. Le charisme d'Alain Delon !

    Le charisme, c'est que qui permet à des responsables politiques pourtant, pour certains, peu recommandables d'être réélus ou d'être encore appréciés malgré, parfois, quelques casseroles. Par exemple, Alain Carignon, qu'il faut avoir approcher pour bien comprendre l'homme. Lorsqu'il était maire, il était du genre à traverser assez rapidement le très large boulevard Jean-Pain, celui devant la mairie, qui s'engage directement vers l'autoroute Grenoble-Chambéry très passant, le regard bloqué sur le Grenoblois qu'il allait croiser, et à le saluer en lui demandant des nouvelles du petit dernier. Bernard Tapie, Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, etc. (j'en oublie plein), quoi qu'on en pense, sont ou ont été des personnalités charismatiques qui leur ont permis de convaincre parce qu'elles fascinaient. Le charisme. Mélange de présence et de magnétisme. De sincérité plus ou moins feinte et d'authenticité plus ou moins réelle.

    Évidemment, un bon acteur ne peut être que charismatique et on peut en citer beaucoup, Yves Montand, Jean Gabin, Lino Ventura, Fabrice Luchini, Gérard Depardieu, etc. (pareil, j'en oublie de nombreux). Alain Delon était sans doute l'un des plus charismatiques et c'est cela qui l'a distingué des autres, plus que sa dite beauté dont je ne connais pas la définition.

     

     
     


    Les réseaux sociaux ont alors rappelé une photographie célèbre (plusieurs en fait) et un trait d'humour déjà ancien : "Quand tu es déjà une star et que tu sors avec ta (très belle) copine, méfie-toi d'Alain Delon !". C'est un peu cela l'idée.

    Sur Wikipédia, Mick Jagger (81 ans), le célèbre chanteur des Rollings Stones, est considéré très charismatique : « Véritable star depuis le milieu des années 1960, il est, par son jeu de scène démonstratif, son attitude et son charisme, considéré comme l'archétype du chanteur de rock, souvent cité comme référence par de nombreux artistes. ». Entre 1966 et 1970, selon des potins très médiatisés, il vivait avec la très belle chanteuse (et actrice) britannique Marianne Faithfull (77 ans). Il l'a même aidée à démarrer sa carrière de chanteuse, a composé quelques-unes de ses chansons, etc.
     

     
     


    La photographie en question daterait du 15 novembre 1967 (je peux me tromper). Mick Jagger n'avait que 24 ans (et déjà très connu), Marianne Faithfull pas encore 21 ans (et un petit peu connue). L'actrice a rencontré Alain Delon par l'entremise du réalisateur britannique Jack Cardiff (alors 53 ans) pour un projet de film franco-britannique. Elle fut tout de suite attirée par le charisme d'Alain Delon (qui venait d'atteindre ses 32 ans). À cet instant magique, il n'y avait pas photo... ah si, il y avait photos, justement !
     

     
     


    Marianne Faithfull a raconté plus tard que cette rencontre a rendu très jaloux Mick Jagger alors que ce n'était pas son tempérament d'être jaloux. L'histoire retient toutefois que la chanteuse n'a pas vraiment accroché avec Alain Delon : il était fascinant, mais pas forcément de quoi en être amoureuse.

    Cela ne l'a pas empêchée de l'embrasser. Pour des raisons strictement professionnelles bien sûr. Le projet du film de Jack Cardiff a abouti à "The Girl on the Motorcycle", en français, plus pudiquement, "La Motocyclette". Le résumé de Wikipédia explique doctement : « Rebecca s’ennuie auprès de Raymond, l’homme qu’elle vient tout juste d’épouser. Une nuit, elle s’échappe du lit conjugal et part, nue sous une combinaison de cuir, sur sa Harley-Davidson FL, pour rejoindre son amant en Allemagne. ». Le personnage de Rebecca était interprété bien sûr par Marianne Faithfull, celui de l'amant Daniel par Alain Delon. Non, Mick Jagger ne jouait pas le mari trompé (l'acteur était Roger Mutton). Avec la participation de Jacques Marin.

     

     
     


    Ce film est un film érotique (aux États-Unis, le titre est plus explicite : "Naked Under Leather", nue sous le cuir !), et a été tourné en Alsace, à Heidelberg et à Genève. Il a fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes de mai 1968 mais n'a reçu aucune récompense car le festival a été interrompu par la révolte étudiante. Le film est sorti le 23 juin 1968 en France et le 20 octobre 1968 au Royaume-Uni. (Ce qui est amusant avec une encyclopédie comme Wikipédia, c'est qu'il y a des trucs intéressants et des trucs surréalistes, comme le fait qu'un homme né en décembre 1968 puisse avoir été l'assistant réalisateur d'un film sorti en juin 1968 !).

    Pour changer un peu des hommages habituels à Alain Delon, je propose d'écouter une très belle chanson de ...sa partenaire de cinéma Marianne Faithfull, qui a repris l'interprétation de "The Ballad of Lucy Jordan" (Lucie Castets ou Jordan Bardella ? humour de chaussettes dépareillées...) utilisée également au cinéma, notamment dans l'excellent film "Cours privé" de Pierre Granier-Deferre (sorti le 12 novembre 1986), avec Élizabeth Bourgine, Michel Aumont et Xavier Deluc.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le charisme d'Alain Delon : The Girl on a Motorcycle.
    Le grand Alain Delon
    Affaire Alain Delon : ce que cela nous dit de la fin de vie.
    Comment va Alain Delon ?







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240819-alain-delon.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-charisme-d-alain-delon-the-girl-256382

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/20/article-sr-20240819-alain-delon.html




     

  • Le grand Alain Delon

    « Il a dit à Sophie, la mère de mes filles, qui a fait l'aller et retour dans la journée pour l'embrasser : "C'est mon dernier Noël, tu restes ?". Elle avait prévu de passer Noël avec ses deux autres enfants, elle a quitté Douchy les larmes aux yeux. » (Anthony Delon, "Paris Match" le 4 janvier 2024).




     

     
     


    Dimanche 18 août 2024, journée nationale Alain Delon ? L'annonce de sa disparition ce dimanche matin choque parce que l'acteur faisait partie, depuis plusieurs décennies, du roman national français. Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, son jeu d'acteur ou sa personnalité, il était l'une des personnes qui incarnaient le plus l'esprit français, comme interprète plus que comme auteur.

    Les plus âgés l'associeront jeune à leur jeunesse, très jeune même, le regard du jeune voyou ; les plus jeunes à un vieux mythe vivant qui parlait parfois de lui à la troisième personne (peut-être que les Guignols ont un peu exagéré dans la caricature). Combien restent-ils de ces monstres du cinéma français à la grande période des années 1960 ? Pas même Gérard Depardieu qui n'existait pas encore même si lui est un autre monstre (sacré ou pas).

    Sa famille le disait malade, au point d'être en conflit jusqu'à en devenir un affaire, médiatique sinon judiciaire. Comme le raconte le témoignage de son fils aîné au début de cette année, l'acteur ne comptait pas passer un nouveau Noël. Il était même partisan de l'euthanasie lorsque la situation l'exigeait, son côté "libéral" sans doute...


    Alain Delon a exprimé son vif soutien à l'Ukraine le 10 septembre 2022. Le Président de l'Ukraine, ancien acteur, Volodymyr Zelensky lui a rendu hommage en lui disant le 23 septembre 2022 : « Je n'ai jamais été un acteur aussi génial que vous (…). Nous vous aimons beaucoup et pour moi vous êtes toujours une autorité et un immense acteur ! ».

    _yartiDelonAlain01

    On pensera à tous ses films, la télévision repassera tous ses films, les premiers très bons, les suivants avec cette petite tâche du grand acteur qui en a conscience et qui se laisse aller. Personnellement, je retiendrai Alain Delon le philosophe. Eh oui, il a fait partie des rares personnes qui m'ont beaucoup fait réfléchir. Avec cette petite phrases sibylline qui est plus profonde qu'une simple pirouette. Le 3 octobre 1996, il lâchait à "Paris Match" : « Un ami ? C’est quelqu’un à qui on peut téléphoner à trois heures du matin en disant qu’on vient de commettre un crime et qui vous répond seulement : "Où est le corps ?" ». Ai-je beaucoup d'amis ? Sujet du baccalauréat, épreuve de philosophie, juin 2037.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le grand Alain Delon
    Affaire Alain Delon : ce que cela nous dit de la fin de vie.
    Comment va Alain Delon ?


    _yartiDelonAlainB01



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240818-alain-delon.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-grand-alain-delon-256378

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/18/article-sr-20240818-alain-delon.html




     

  • Mick Jagger jaloux d'Alain Delon ?

    « When you're Mick Jagger, but the other one is Alain Delon ! »


     

     
     


    À l'annonce de la mort du grand acteur français et international Alain Delon (ce dimanche 18 août 2024), les réseaux sociaux ont rejoint les médias en général pour des hommages de toute sorte. Mais aussi pour un peu d'humour. Parmi les témoignages parfois insignifiants revient un élément majeur d'Alain Delon : certes, le jeune homme était beau, quoique, de la beauté masculine, je n'ai pas grand-chose à dire, mais sa beauté n'était pas tout. Après tout, il n'était pas le seul jeune homme beau de tout le village, et pourtant, il n'y a pas eu beaucoup d'Alain Delon en fin de compte. Cet élément reconnu par tous, qui a fait la différence, c'était le charisme. Le charisme d'Alain Delon !

    Le charisme, c'est que qui permet à des responsables politiques pourtant, pour certains, peu recommandables d'être réélus ou d'être encore appréciés malgré, parfois, quelques casseroles. Par exemple, Alain Carignon, qu'il faut avoir approcher pour bien comprendre l'homme. Lorsqu'il était maire, il était du genre à traverser assez rapidement le très large boulevard Jean-Pain, celui devant la mairie, qui s'engage directement vers l'autoroute Grenoble-Chambéry très passant, le regard bloqué sur le Grenoblois qu'il allait croiser, et à le saluer en lui demandant des nouvelles du petit dernier. Bernard Tapie, Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, etc. (j'en oublie plein), quoi qu'on en pense, sont ou ont été des personnalités charismatiques qui leur ont permis de convaincre parce qu'elles fascinaient. Le charisme. Mélange de présence et de magnétisme. De sincérité plus ou moins feinte et d'authenticité plus ou moins réelle.

    Évidemment, un bon acteur ne peut être que charismatique et on peut en citer beaucoup, Yves Montand, Jean Gabin, Lino Ventura, Fabrice Luchini, Gérard Depardieu, etc. (pareil, j'en oublie de nombreux). Alain Delon était sans doute l'un des plus charismatiques et c'est cela qui l'a distingué des autres, plus que sa dite beauté dont je ne connais pas la définition.

     
     

    Les réseaux sociaux ont alors rappelé une photographie célèbre (plusieurs en fait) et un trait d'humour déjà ancien : "Quand tu es déjà une star et que tu sors avec ta (très belle) copine, méfie-toi d'Alain Delon !". C'est un peu cela l'idée.

    Sur Wikipédia, Mick Jagger (81 ans), le célèbre chanteur des Rollings Stones, est considéré très charismatique : « Véritable star depuis le milieu des années 1960, il est, par son jeu de scène démonstratif, son attitude et son charisme, considéré comme l'archétype du chanteur de rock, souvent cité comme référence par de nombreux artistes. ». Entre 1966 et 1970, selon des potins très médiatisés, il vivait avec la très belle chanteuse (et actrice) britannique Marianne Faithfull (77 ans). Il l'a même aidée à démarrer sa carrière de chanteuse, a composé quelques-unes de ses chansons, etc.

     
     


    La photographie en question daterait du 15 novembre 1967 (je peux me tromper). Mick Jagger n'avait que 24 ans (et déjà très connu), Marianne Faithfull pas encore 21 ans (et un petit peu connue). L'actrice a rencontré Alain Delon par l'entremise du réalisateur britannique Jack Cardiff (alors 53 ans) pour un projet de film franco-britannique. Elle fut tout de suite attirée par le charisme d'Alain Delon (qui venait d'atteindre ses 32 ans). À cet instant magique, il n'y avait pas photo... ah si, il y avait photos, justement !
     

     
     


    Marianne Faithfull a raconté plus tard que cette rencontre a rendu très jaloux Mick Jagger alors que ce n'était pas son tempérament d'être jaloux. L'histoire retient toutefois que la chanteuse n'a pas vraiment accroché avec Alain Delon : il était fascinant, mais pas forcément de quoi en être amoureuse.

    Cela ne l'a pas empêchée de l'embrasser. Pour des raisons strictement professionnelles bien sûr. Le projet du film de Jack Cardiff a abouti à "The Girl on the Motorcycle", en français, plus pudiquement, "La Motocyclette". Le résumé de Wikipédia explique doctement : « Rebecca s’ennuie auprès de Raymond, l’homme qu’elle vient tout juste d’épouser. Une nuit, elle s’échappe du lit conjugal et part, nue sous une combinaison de cuir, sur sa Harley-Davidson FL, pour rejoindre son amant en Allemagne. ». Le personnage de Rebecca était interprété bien sûr par Marianne Faithfull, celui de l'amant Daniel par Alain Delon. Non, Mick Jagger ne jouait pas le mari trompé (l'acteur était Roger Mutton). Avec la participation de Jacques Marin.

     

     
     


    Ce film est un film érotique (aux États-Unis, le titre est plus explicite : "Naked Under Leather", nue sous le cuir !), et a été tourné en Alsace, à Heidelberg et à Genève. Il a fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes de mai 1968 mais n'a reçu aucune récompense car le festival a été interrompu par la révolte étudiante. Le film est sorti le 23 juin 1968 en France et le 20 octobre 1968 au Royaume-Uni. (Ce qui est amusant avec une encyclopédie comme Wikipédia, c'est qu'il y a des trucs intéressants et des trucs surréalistes, comme le fait qu'un homme né en décembre 1968 puisse avoir été l'assistant réalisateur d'un film sorti en juin 1968 !).

    Pour changer un peu des hommages habituels à Alain Delon, je propose d'écouter une très belle chanson de ...sa partenaire de cinéma Marianne Faithfull, qui a repris l'interprétation de "The Ballad of Lucy Jordan" (Lucie Castets ou Jordan Bardella ? humour de chaussettes dépareillées...) utilisée également au cinéma, notamment dans l'excellent film "Cours privé" de Pierre Granier-Deferre (sorti le 12 novembre 1986), avec Élizabeth Bourgine, Michel Aumont et Xavier Deluc.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le charisme d'Alain Delon : The Girl on a Motorcycle.
    Le grand Alain Delon
    Affaire Alain Delon : ce que cela nous dit de la fin de vie.
    Comment va Alain Delon ?







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240820-mick-jagger.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/20/article-sr-20240820-mick-jagger.html




     

  • Marianne Faithfull fascinée par Alain Delon en 1967

    « When you're Mick Jagger, but the other one is Alain Delon ! »


     

     
     


    À l'annonce de la mort du grand acteur français et international Alain Delon (ce dimanche 18 août 2024), les réseaux sociaux ont rejoint les médias en général pour des hommages de toute sorte. Mais aussi pour un peu d'humour. Parmi les témoignages parfois insignifiants revient un élément majeur d'Alain Delon : certes, le jeune homme était beau, quoique, de la beauté masculine, je n'ai pas grand-chose à dire, mais sa beauté n'était pas tout. Après tout, il n'était pas le seul jeune homme beau de tout le village, et pourtant, il n'y a pas eu beaucoup d'Alain Delon en fin de compte. Cet élément reconnu par tous, qui a fait la différence, c'était le charisme. Le charisme d'Alain Delon !

    Le charisme, c'est que qui permet à des responsables politiques pourtant, pour certains, peu recommandables d'être réélus ou d'être encore appréciés malgré, parfois, quelques casseroles. Par exemple, Alain Carignon, qu'il faut avoir approcher pour bien comprendre l'homme. Lorsqu'il était maire, il était du genre à traverser assez rapidement le très large boulevard Jean-Pain, celui devant la mairie, qui s'engage directement vers l'autoroute Grenoble-Chambéry très passant, le regard bloqué sur le Grenoblois qu'il allait croiser, et à le saluer en lui demandant des nouvelles du petit dernier. Bernard Tapie, Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, etc. (j'en oublie plein), quoi qu'on en pense, sont ou ont été des personnalités charismatiques qui leur ont permis de convaincre parce qu'elles fascinaient. Le charisme. Mélange de présence et de magnétisme. De sincérité plus ou moins feinte et d'authenticité plus ou moins réelle.

    Évidemment, un bon acteur ne peut être que charismatique et on peut en citer beaucoup, Yves Montand, Jean Gabin, Lino Ventura, Fabrice Luchini, Gérard Depardieu, etc. (pareil, j'en oublie de nombreux). Alain Delon était sans doute l'un des plus charismatiques et c'est cela qui l'a distingué des autres, plus que sa dite beauté dont je ne connais pas la définition.

     
     


    Les réseaux sociaux ont alors rappelé une photographie célèbre (plusieurs en fait) et un trait d'humour déjà ancien : "Quand tu es déjà une star et que tu sors avec ta (très belle) copine, méfie-toi d'Alain Delon !". C'est un peu cela l'idée.

    Sur Wikipédia, Mick Jagger (81 ans), le célèbre chanteur des Rollings Stones, est considéré très charismatique : « Véritable star depuis le milieu des années 1960, il est, par son jeu de scène démonstratif, son attitude et son charisme, considéré comme l'archétype du chanteur de rock, souvent cité comme référence par de nombreux artistes. ». Entre 1966 et 1970, selon des potins très médiatisés, il vivait avec la très belle chanteuse (et actrice) britannique Marianne Faithfull (77 ans). Il l'a même aidée à démarrer sa carrière de chanteuse, a composé quelques-unes de ses chansons, etc.
     

     
     

    La photographie en question daterait du 15 novembre 1967 (je peux me tromper). Mick Jagger n'avait que 24 ans (et déjà très connu), Marianne Faithfull pas encore 21 ans (et un petit peu connue). L'actrice a rencontré Alain Delon par l'entremise du réalisateur britannique Jack Cardiff (alors 53 ans) pour un projet de film franco-britannique. Elle fut tout de suite attirée par le charisme d'Alain Delon (qui venait d'atteindre ses 32 ans). À cet instant magique, il n'y avait pas photo... ah si, il y avait photos, justement !

     
     


    Marianne Faithfull a raconté plus tard que cette rencontre a rendu très jaloux Mick Jagger alors que ce n'était pas son tempérament d'être jaloux. L'histoire retient toutefois que la chanteuse n'a pas vraiment accroché avec Alain Delon : il était fascinant, mais pas forcément de quoi en être amoureuse.

    Cela ne l'a pas empêchée de l'embrasser. Pour des raisons strictement professionnelles bien sûr. Le projet du film de Jack Cardiff a abouti à "The Girl on the Motorcycle", en français, plus pudiquement, "La Motocyclette". Le résumé de Wikipédia explique doctement : « Rebecca s’ennuie auprès de Raymond, l’homme qu’elle vient tout juste d’épouser. Une nuit, elle s’échappe du lit conjugal et part, nue sous une combinaison de cuir, sur sa Harley-Davidson FL, pour rejoindre son amant en Allemagne. ». Le personnage de Rebecca était interprété bien sûr par Marianne Faithfull, celui de l'amant Daniel par Alain Delon. Non, Mick Jagger ne jouait pas le mari trompé (l'acteur était Roger Mutton). Avec la participation de Jacques Marin.

     

     
     


    Ce film est un film érotique (aux États-Unis, le titre est plus explicite : "Naked Under Leather", nue sous le cuir !), et a été tourné en Alsace, à Heidelberg et à Genève. Il a fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes de mai 1968 mais n'a reçu aucune récompense car le festival a été interrompu par la révolte étudiante. Le film est sorti le 23 juin 1968 en France et le 20 octobre 1968 au Royaume-Uni. (Ce qui est amusant avec une encyclopédie comme Wikipédia, c'est qu'il y a des trucs intéressants et des trucs surréalistes, comme le fait qu'un homme né en décembre 1968 puisse avoir été l'assistant réalisateur d'un film sorti en juin 1968 !).

    Pour changer un peu des hommages habituels à Alain Delon, je propose d'écouter une très belle chanson de ...sa partenaire de cinéma Marianne Faithfull, qui a repris l'interprétation de "The Ballad of Lucy Jordan" (Lucie Castets ou Jordan Bardella ? humour de chaussettes dépareillées...) utilisée également au cinéma, notamment dans l'excellent film "Cours privé" de Pierre Granier-Deferre (sorti le 12 novembre 1986), avec Élizabeth Bourgine, Michel Aumont et Xavier Deluc.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le charisme d'Alain Delon : The Girl on a Motorcycle.
    Le grand Alain Delon
    Affaire Alain Delon : ce que cela nous dit de la fin de vie.
    Comment va Alain Delon ?






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240820-marianne-faithfull.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/20/article-sr-20240820-marianne-faithfull.html







     

  • Le théâtre d'Alexandre Dumas fils

    « J’ai fini par me demander si les pauvres sont vraiment aussi à plaindre qu’on le croit, et s’il n’y aurait pas lieu, ce qui n’est encore venu à l’idée de personne, de s’apitoyer enfin sur le sort des riches. » (Alexandre Dumas fils).



     

     
     


    Phrase un poil provocatrice prononcée à l'âge de 50 ans, dans la plénitude de son art (voir son contexte plus bas). L'écrivain Alexandre Dumas fils est né il y a exactement 200 ans, le 27 juillet 1824 à Paris. Il est mort le 27 novembre 1895 à Marly-le-Roi à l'âge de 71 ans et est enterré au cimetière de Montmartre. Attention à ne pas le confondre avec son père Alexandre Dumas, tout seul (1802-1870), auteur à succès de nombreux romans comme "Les Trois Mousquetaires" (1844), "Le Comte de Monte-Cristo" (1844), "La Reine Margot" (1845), "Le Collier de la Reine" (1849), etc. et aussi des pièces romantiques comme "Antony" (1831), etc., et dont les restes ont été transférés au Panthéon le 30 novembre 2002 par Jacques Chirac et Alain Decaux à l'occasion du bicentenaire de sa naissance.

    Non, ce n'est pas le père ! Alexandre Dumas fils est aussi un écrivain très prolifique, fils à l'origine extraconjugale d'Alexandre Dumas et de sa voisine de palier, mais reconnu toutefois par son père le 17 mars 1831 quand il avait un peu moins de 7 ans, douze jours après la naissance de Marie Alexandrine (1831-1878), une demi-sœur devenue, elle aussi, femme de lettres. Alexandre Dumas fils a eu plusieurs demi-frères ou demi-sœurs, chaque fois de mère différente, dont Henry Bauër (1851-1915), également écrivain.

    Alexandre Dumas fils est donc né dans un contexte social et familial difficile mais aussi littéraire. Il est connu pour ses nombreux ouvrages littéraires dont son fameux premier roman "La Dame aux camélias" (1848), adapté en pièce de théâtre en février 1852 (et Verdi l'a adapté en opéra en mars 1853 sous le nom de …"La Traviata"). Il est selon le site de l'Académie française l'auteur d'au moins cinquante-six livres, parfois de plusieurs volumes. Il a surtout été célèbre pour sa dramaturgie. Parmi ses pièces de théâtre qui ont accueilli le plus de public dans les théâtres, on peut citer "Diane de Lys" (1851), "Le Demi-Monde" (1855), "Le Fils naturel" (1858), "Les Idées de Madame Aubray" (1867), "La Princesse Georges" (1871), "L'Étrangère" (1876), etc. Le même site rappelle aussi qu'il a publié « un certain nombre de brochures sur le divorce, la recherche de la paternité, etc. », thèmes par lesquels il pouvait légitimement (!) se sentir concerné.

    Il a été souvent considéré comme un auteur à scandale car il a abordé des sujets sociétaux très particuliers en raison de son origine, sur les femmes seules, les enfants conçus hors du foyer conjugal, etc. à une époque très puritaine et aussi très hypocrite (voir notamment "Le Fils naturel" en janvier 1858, "Un Père prodigue" en novembre 1859 et "L'Ami des femmes" en mars 1864).

    Le contexte paternel, c'était aussi celui-ci. Son père Alexandre Dumas, qui avait un "nègre" (un collaborateur, Auguste Marquet), défendait la toute jeune théorie de l'Évolution de Charles Darwin, et quand on lui disait qu'il devait en connaître un rayon sur les nègres, il répondait avec beaucoup d'ironie : « Mais très certainement. Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière-grand-père était un singe. Vous voyez, Monsieur : ma famille commence où la vôtre finit. ».

    Dès la sortie du premier roman d'Alexandre Dumas fils ("La Dame aux camélias"), le critique littéraire Jules Janin (futur académicien), y décela de la graine de génie et en fit l'introduction de la deuxième édition : « Le fils d’Alexandre Dumas, à peine échappé du collège, marche déjà d’un pas sûr dans la trace brillante de son père. Il en a la vivacité et l’émotion intérieure ; il en a le style vif et rapide, avec un peu de ce dialogue si naturel, si facile, si varié, qui donne aux romans de ce grand inventeur le charme, le goût et l’accent de la comédie. ».

    Tous n'ont pas eu la même fascination. Selon le critique d'art Remy de Gourmont, l'œuvre d'Alexandre Dumas fils est un « affreux théâtre pharmaceutique et procédurier » et Émile Zola imaginait peu que cet auteur eût une postérité : « Je n'aime guère le talent de M. Alexandre Dumas fils. C'est un écrivain extrêmement surfait, de style médiocre et de conception rapetissée par les plus étranges théories. J'estime que la postérité lui sera dure. » (1876) en ajoutant plus tard : « Il a été un des ouvriers les plus puissants du naturalisme contemporain. Puis, il s'est déclaré en lui une sorte d'accès philosophique, qui a empoisonné et détraqué ses œuvres. » (1879).

    Pourtant, d'autres n'ont pas eu la même opinion. Ainsi, Victor Hugo, académicien qui s'est exilé en 1851 de l'Académie pour cause de Napoléon III, est revenu pour la première fois siéger à l'Académie française le 29 janvier 1874 justement pour voter pour Alexandre Dumas fils qui a été élu par 22 voix contre 11 au fauteuil numéro deux, celui de Montesquieu, celui actuellement occupé par un auteur québéco-haïtien que j'adore, Dany Laferrière. Il a aussi été occupé par un essayiste très intéressant, André Frossard.

     

     
     


    Contrairement à son père au succès pourtant bien plus reconnu, Alexandre Dumas fils a été ainsi reçu sous la Coupole lors d'une cérémonie très formelle le 11 février 1875 avec un discours qu'il a commencé ainsi : « Je ne saurais mieux reconnaître la faveur exceptionnelle dont j’ai été l’objet dans votre illustre compagnie qu’en vous parlant avec toute franchise (…). Lorsque tant de mes confrères, bien supérieurs à moi, ont dû frapper plusieurs fois à votre porte avant qu’on la leur ouvrît, comment se fait-il que je n’aie eu qu’à me présenter pour qu’elle s’ouvrît toute grande, et, pour ainsi dire, toute seule ? Il y aurait là de quoi m’inspirer un grand orgueil si, je ne connaissais la véritable raison de cette sympathie. (…) Je me suis mis sous le patronage d’un nom que vous auriez voulu, depuis longtemps, avoir l’occasion d’honorer et que vous ne pouviez plus honorer qu’en moi. Aussi est-ce le plus modestement du monde, croyez-le, que je viens aujourd’hui recevoir une récompense qui ne m’a été si spontanément accordée que parce qu’elle était réservée à un autre. Je ne puis cependant, je ne dois l’accepter que comme un dépôt ; souffrez donc que j’en fasse tout de suite et publiquement la restitution à celui qui ne peut malheureusement plus la recevoir lui-même. En permettant que cette chère mémoire tienne aujourd’hui une telle gloire de mes mains, vous m’accordez le plus insigne honneur que je puisse ambitionner, et le seul auquel j’aie vraiment droit. » (Son illustre père était mort quatre années auparavant et se moquait bien de l'Académie).

    Le comte Joseph d'Haussonville, qui l'a accueilli à l'Académie, l'a rassuré dans sa réponse : « Vous venez de vous accuser d’avoir, pour ouvrir la porte de cette enceinte, usé de sortilège et de magie. Vous semblez croire que vous nous avez, pour ainsi dire, forcé la main en vous plaçant sous le patronage tout-puissant du nom que vous portez et qui vous aurait aidé, comme un bon génie, à triompher de tous les obstacles. Notre compagnie, qui vit de traditions, éprouve, en effet, une véritable joie quand elle a le bonheur de rencontrer l’hérédité dans le talent. Elle a donc été heureuse d’honorer dans votre personne une mémoire dont vous êtes justement fier. Croyez-le bien, toutefois, le véritable magicien, c’est encore vous. Nous ne nous sentions d’ailleurs aucun tort à expier envers l’auteur d’ "Antony", des "Trois Mousquetaires" et de "Mademoiselle de Belle-Isle". Ce n’est pas nous qui l’avons oublié. Nos règlements, dont vous avez reconnu la sagesse puisque vous vous y êtes soumis, nous interdisent d’apporter nos suffrages à quiconque n’a pas témoigné par écrit le désir de nous appartenir. Votre illustre père les aurait sans doute obtenus s’il les avait demandés. À l’exemple de Balzac, de Béranger, de Lamennais et de tant d’autres, pour ne parler que des morts, il a préféré demeurer ce que vous appelez quelque part "un académicien du dehors". Pour vous, Monsieur, au premier signe que vous avez fait, nous avons eu hâte de vous admettre au dedans, et nous nous en réjouissons. ».

    Et d'évoquer la sainte hérédité littéraire : « J’ignore dans quelle mesure vous avez pu, au temps de votre première jeunesse, vous inspirer des œuvres de votre père. La critique littéraire, dont l’indiscrétion est sans limites, s’appliquera probablement un jour à vous comparer tous deux, et peut-être à vous opposer l’un à l’autre. À Dieu ne plaise que je devance ses jugements ! Si par hasard le goût des comparaisons classiques était alors redevenu à la mode, je m’imagine que, pour donner une idée du talent de votre père, on le représentera volontiers comme l’un de ces fleuves puissants, aux larges rives, à la course vagabonde, coulant à pleins bords avec une force exubérante, toujours prompts à passer pardessus leurs digues et à tout inonder autour d’eux, mais charriant des parcelles d’or dans leurs ondes un peu mêlées. Les juges compétents remarqueront, au contraire, avec quel soin vous avez de très-bonne heure veillé sur le trésor des dons qui vous ont été si largement départis. À cette heure difficile où le tapage de vos vingt ans devait bruire si fort à vos oreilles, vous avez su écouter la voix secrète de la muse que vous sentiez en vous. Elle vous priait de la respecter et de ne pas dévorer en un jour toutes les promesses de l’avenir. C’est elle qui vous a enseigné à gouverner votre talent ; c’est à elle que vous devez d’avoir résisté à la tentation d’exploiter vos succès au profit de vos plaisirs et de battre immédiatement monnaie avec vos premiers triomphes. ».

    Le comte d'Haussonville a pris ainsi le rôle d'un critique littéraire : « Quoi qu’il en arrive, vous pouvez vous rendre cette justice, Monsieur, que vous n’avez rien négligé pour inculquer aux femmes le sentiment de leurs devoirs, et leur démontrer toutes les conséquences de leurs fautes. Vous y avez employé la persuasion et la douceur, mais aussi le fer et le feu. Les évolutions d’un esprit comme le vôtre sont trop curieuses à étudier pour que je ne les signale pas. C’est à partir de votre comédie intitulée : "Les Idées de Madame Aubray", que votre attention paraît surtout s’être tournée vers ce genre particulier de délits dont les femmes sont plus ou moins volontairement les complices nécessaires. La pièce que je viens de nommer est l’une des mieux conduites et des plus dramatiques parmi toutes celles que vous avez composées. On a rarement mis autant de talent à soutenir au théâtre la thèse de la complète réhabilitation de la jeune fille après une première faute commise. Votre conclusion était malaisée à faire accepter par le public auquel vous la présentiez. Vous l’avez si bien senti vous-même, que vous avez eu soin de placer, en terminant, dans la bouche de l’un de vos personnages, une exclamation qui a justement pour but d’indiquer ce qu’a d’excessif, au point de vue du monde, le dénouement de votre drame. Il y a, en effet, des efforts de conscience qu’en raison de sa divine origine la foi peut arracher aux âmes pieuses, mais que l’on demandera toujours difficilement à cette morale de convention qui règne plus ou moins sur cette terre et domine absolument au théâtre. C’est l’un de ces sentiments d’inspiration toute chrétienne qui détermine Mme Aubray, quand elle commande à son fils d’épouser la femme dégradée, mais repentie, qui a promené avec elle, pendant trois actes, l’enfant né d’une liaison où l’amour n’a jamais eu nulle part. ».

    De ses activités au sein de l'Académie française, Alexandre Dumas fils n'en a pas fait beaucoup, et, à l'exception d'un hommage, il n'a prononcé qu'un discours, très remarquable, sur les prix de vertu le 2 août 1877, exercice plus que de style pour chaque académicien, et celui de Dumas fils débuta par sa réflexion sur la richesse : « "Non, croyez-moi, Monsieur, vous êtes bien heureux de ne pas être très-riche, et il a eu bien raison celui qui a dit que la fortune ne fait pas le bonheur". Après avoir entendu maintes fois ces lamentations très-sincères et très-convaincues, j’ai fini par me demander si les pauvres sont vraiment aussi à plaindre qu’on le croit, et s’il n’y aurait pas lieu, ce qui n’est encore venu à l’idée de personne, de s’apitoyer enfin sur le sort des riches, et d’essayer de l’améliorer. Je me suis donc appliqué à résoudre ce problème nouveau et je me disais sans cesse : "D’où vient que la fortune, tant enviée de ceux qui ne l’ont pas, ne fait pas le bonheur de ceux qui l’ont ?". À force de réfléchir, je suis arrivé à cette explication, bien facile à trouver du reste : "La fortune, tant enviée de ceux qui ne l’ont pas, ne fait pas le bonheur de ceux qui l’ont, parce que ceux qui l’ont ne s’en servent pas assez pour faire le bonheur de ceux qui ne l’ont pas". Je ne trouve pas d’autre raison, Messieurs, aux désillusions, à la tristesse, à la misanthropie, si fréquentes chez les gens riches. Ils ne demandent, pour la plupart, à l’argent, que les plaisirs qu’il peut leur donner, au lieu de lui demander les joies qu’il pourrait donner aux autres. Il n’y a qu’à voir le bonheur complet, durable, céleste, pour ainsi dire, que les braves gens que nous couronnons chaque année ont éprouvé à faire le bien, non pas avec ce qu’ils possèdent, mais avec ce qu’ils acquièrent par un travail pénible, incessant, pour se rendre compte du bonheur que les riches pourraient se donner si facilement pendant le temps qu’ils passent à regretter de ne pas l’avoir. ».

    Alexandre Dumas fils sympathisa avec le grand biologiste Louis Pasteur (élu à l'Académie le 8 décembre 1881) et considéra le romancier Jules Verne comme le digne fils spirituel de son père Alexandre Dumas. "Mathias Sandorf" (1885) était pour lui une autre version du "Comte de Monte-Cristo". Malgré plusieurs tentatives, dont une, en 1883, par l'intermédiaire d'Alexandre Dumas fils, Jules Verne n'est jamais parvenu à se faire élire à l'Académie. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

    L'une des citations les plus connues d'Alexandre Dumas fils est souvent répétée encore aujourd'hui : « N'estimez l'argent ni plus ni moins qu'il ne vaut : c'est un bon serviteur et un mauvais maître. ». Sur l'argent, il a laissé beaucoup de réflexion comme celle-ci aussi : « L'argent est l'argent, quelles que soient les mains où il se trouve. C'est la seule puissance qu'on ne discute jamais. ». Après tout, il vivait en pleine révolution industrielle et les capitaines d'industrie réussissaient à s'enrichir plus que nécessaire. Ils étaient les GAFAM du XIXe siècle
    .


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Alexandre Dumas fils.
    Edgar Morin.
    Bernard Pivot.
    Yves Duteil.
    Pierre Perret.
    Françoise Hardy.
    Paul Auster.
    Christine Ockrent.
    Dominique Baudis.
    Racine.
    Molière.
    Frédéric Dard.
    Alfred Sauvy.
    George Steiner.
    Françoise Sagan.
    Jean d’Ormesson.
    Les 90 ans de Jean d’O.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240727-alexandre-dumas-fils.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-theatre-d-alexandre-dumas-fils-255948

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240727-alexandre-dumas-fils.html



     

  • Anouk Aimée la savoureuse marginale

    « Anouk Aimée, c'est un peu un cas en marge. "Huit et demi", "Lola", "Un homme et une femme" sont eux aussi des films en marge, mais c'est dans les marges du cinéma que se conçoit et s'épanouit le vrai cinéma. » (François Chalais, mai 1966).




     

     
     


    Monument du cinéma français, selon l'expression de France Culture, l'actrice Anouk Aimée s'est éteinte à son domicile parisien ce mardi 18 juin 2024 à l'âge de 92 ans (née le 27 avril 1932 à Paris) selon un communiqué de sa fille Manuella. Cette dame déjà d'un grand âge avait su rester jeune non seulement dans l'esprit mais même dans le corps, il suffit de revoir une interview de 2002 (elle avait presque 70 ans) pour s'en rendre compte (on ne lui aurait pas donné un tel âge). Elle était une enfant précoce du cinéma et, jeune et belle star des années 1950 et 1960, elle a tourné avec les plus grands réalisateurs.

    Pour Pierre Murat, dans un article publié ce 18 juin 2024 dans "Télérama", elle était la « reine des rôle énigmatiques » et n'avait pas besoin d'être dirigée : « Elle était là, elle, et cela suffisait. Tous ses metteurs en scène s’effaçaient devant l’incroyable présence qui lui servait de talent. ». Fellini, qui lui a donné deux rôles, disait d'elle : « Son visage évoque la même sensualité que ceux de Greta Garbo, de Marlene Dietrich et de Joan Crawford, ces grandes reines pleines de mystère. ». Il a dit à Anouk joliment : « Le temps se comporte avec toi comme un gentleman ! ».


    Née de deux parents comédiens et d'origine juive, elle s'appelait d'abord Nicole Dreyfus. Cette origine juive l'a conduite à être scolarisée au collège de Morzine en Savoie pour échapper aux rafles, et elle y a connu Roger Vadim qui lui a appris à faire du ski. Parce qu'elle était une adolescente à la beauté étincelante, le réalisateur Henri Calef lui a proposé de tourner dans "La Maison sous la mer" (sorti le 20 août 1947) : elle avait 14 ans. En fait, Anouk Aimée a toujours un peu regretté de ne pas avoir fait carrière : elle aurait pu demander des rôles, elle n'a fait qu'accepter (ou refuser) les rôles qu'on lui proposait. Elle est devenue actrice par effraction, et elle aurait voulu devenir danseuse classique ou pharmacienne.

    Ainsi, malgré la participation à des films éclatants (et culte), elle n'a jamais bénéficié de ses succès et chaque fois, ce fut un recommencement pour avoir des rôles. Elle n'a pas "capitalisé" sur ses succès parce qu'elle n'a jamais cherché à le faire. Un peu plus tard, dans les années 1970, elle a même fait un break pour devenir femme au foyer et elle a appris à faire de la bonne cuisine lorsqu'elle vivait avec l'acteur britannique Albert Finney, son quatrième (et dernier) mari.

    Elle n'a pas fait carrière mais elle a quand même tourné près de quatre-vingt-dix films, surtout au cinéma, quelques-uns à la télévision. Et pas rien : Marcel Carné, André Cayatte, Alexandre Astruc, Julien Duvivier, Jacques Becker, Georges Franju, Jean-Pierre Mocky, Federico Fillini, Jacques Demy, Philippe de Broca, Robert Aldrich, Claude Lelouch, André Delvaux, George Cukor, Élie Chouraqui, Robert Altman, Alexandre Arcady, Marceline Loridan-Ivens, Yvan Attal, Édouard Molinaro, Agnès Varda, Charlotte de Turckheim, etc.

    En particulier, elle a tourné avec le rôle principal dans des chefs-d'œuvre : "La dolce vita" de Fellini (sorti le 5 février 1960 ; Palme d'Or à Cannes) avec Marcello Mastroianni et Anita Ekberg ; "Lola" de Jacques Demy (sorti le 3 mars 1961) ; "Huit et demi" de Fellini (sorti le 14 février 1963) avec Marcello Mastroianni et Claudia Cardinale ; "Un homme et une femme" de Lelouch (sorti le 27 mai 1966) avec Jean-Louis Trintignant, Pierre Barouh (un futur mari) et Valérie Lagrange. 1966 fut la consécration internationale pour l'actrice de 32 ans avec ce film qui a obtenu la Palme d'Or à Cannes et une nomination aux Oscars : dans l'une des deux vidéos que je propose ci-après, on la voit interrogée par François Chalais pour le Festival de Cannes en mai 1966. Elle était enjouée, souriante, spontanée, naturelle. Elle ne jouait pas la star boudeuse.

     

     
     


    Elle a été adulée aux États-Unis et on lui a permis de rencontrer Groucho Marx. L'acteur qu'elle admirait John Wayne est aussi venu la voir pour la saluer et la féliciter. Avec Danielle Darrieux et Catherine Deneuve, Anouk Aimée était l'une des muses de Jacques Demy (trois films). Et aussi une des égéries de la Nouvelle Vague, elle était une actrice fétiche de Claude Lelouch avec qui elle a tourné huit films.

    Anouk était le nom de son premier personnage dans son premier film "La Maison sous la mer" et rapidement, on l'appelait ainsi. Elle comptait garder ce nom de scène tout seul (Anouk) comme une autre actrice s'appelait seulement Arletty ("Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?"), mais Jacques Prévert lui a confié ce précieux conseil : Anouk tout seul ? Mais à 40 ans, qu'est-ce que tu vas devenir ?... et il lui a ajouté : Aimée. Elle allait donc être Anouk Aimée.

    Elle avait fait la connaissance de Jacques Prévert en mai 1947 pendant le tournage de son deuxième film, "La Fleur de l'âge", de Marcel Carné (avec Arletty, Serge Reggiani, Martine Carol et Paul Meurisse), qui n'a pas été achevé pour cause de manque de financement (Prévert en était le coscénariste). Au début des années 1950, Anouk Aimée s'est intégrée dans le petit milieu de Saint-Germain-des-Prés, faisant la connaissance de Pablo Picasso, Jean Genet, Jean Cocteau, Raymond Queneau, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Juliette Gréco, etc. (Pierre Murat : « Jean Genet qui lui dit adorer sortir avec elle : sa beauté attire le regard des hommes qu’il tente, ensuite, de draguer ! »). Elle a joué avec de nombreux acteurs comme Gérard Philipe, Jean-Pierre Cassel, Serge Reggiani, Yves Montand, etc. En France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, aux États-Unis. Dans les années 1990 puis 2000, elle a fait du théâtre avec Alain Delon, Philippe Noiret, Gérard Depardieu, Jean-Louis Trintignant, Jacques Weber, Bruno Cremer, etc.

    Dans les récompenses qu'elle a reçues, on peut citer entre autres le prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes en 1980, un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière en 2002 (et une nomination au César de la meilleure actrice en 1979), un Golden Globe en 1967 (meilleure actrice), le prix de la meilleure actrice étrangères aux BAFTA en 1968, même l'Aigle d'or en 2010 (récompense russe), une nomination pour l'Oscar de la meilleure actrice en 1967 (pour "Un homme et une femme"), etc.


    Anouk Aimée se répandait rarement sur les plateaux de télévision. Néanmoins, elle était l'invitée de Thierry Ardisson le 13 avril 2002 sur France 2 dans son émission "Tout le monde en parle" (et pas le 9 octobre 2004 : elle venait juste de recevoir son César d'honneur). C'est la seconde vidéo que je propose ici. Se prêtant au jeu du pas très conventionnel animateur, elle se montrait à la fois intelligente et intellectuelle (elle disait regarder Arte), et malgré son caractère réservé, elle dévoilait un excellent sens de la répartie.
     

     
     


    L'intellectualisme, on peut l'appréhender lorsque Thierry Ardisson lui a demandé quelle question elle lui poserait : elle lui a posé une question ...tellement compliquée que cela a rendu silencieux le bavard animateur (qui était donc sans réponse). À la question : si vous deviez refaire votre vie, elle a reconnu qu'elle prendrait en considération avec un peu plus de sérieux l'argent... tout en se disant pour sa vie en cours : « Je n'ai pas trop à me plaindre ! ». À la question : que vous dites-vous en vous regardant dans un miroir le matin ?, elle a répondu : « Je me regarde, mais je ne mets pas mes lunettes ! ». La dernière fois qu'elle a pleuré (le sujet est encore d'une actualité très brûlante) : elle a vu deux mois auparavant un reportage sur des enfants palestiniens et des enfants israéliens qui jouaient ensemble... puis quand ils sont rentrés chez eux, ils se disaient que peut-être, quand ils seraient grands, ils seraient amenés à s'entre-tuer.

    Mais la plus belle démonstration de son esprit de répartie, c'était à la question : s'il vous restait vingt-quatre heures à vivre, vous feriez quoi pendant ces vingt-quatre heures ? Elle a répondu avec un éclat de rire et sans hésiter : « Je pars à Honolulu parce que je gagne un jour ! ». Hélas, ce mardi matin, les vols pour Honolulu étaient complets. RIP.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Anouk Aimée.
    Marceline Loridan-Ivens.
    Édouard Baer.
    Françoise Hardy.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Frédéric Mitterrand.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Sophia Aram.
    Plastic Bertrand.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Comment va Alain Delon ?
    Alfred Hitchcock.
    Brigitte Bardot.
    Charlie Chaplin.











    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-anouk-aimee.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/anouk-aimee-la-savoureuse-255310

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/18/article-sr-20240618-anouk-aimee.html




     

  • Édouard Baer mis en accusation dans un rôle non voulu

    « Vous vous rendez compte qu'il y a douze sujets en un là, il y a douze prises de parole différentes, il y a des scandales. Tout est différent. Il y a des saloperies, il y a des malentendus… Je pense que c'est les médias qui réunissent tout ça dans une grande cause d'époque. » (Édouard Baer, le 12 mai 2024 sur France 2).



     

     
     


    Très déstabilisé, Édouard Baer répondait le dimanche 12 mai 2024 à cette question de Laurent Delahousse dans le journal de 20 heures de France 2 : « Est-ce que vous considérez que les hommes ne parlent pas assez, ne défendent pas assez ou n'expriment pas une sorte de mea culpa ? ». L'invité, venu pour promouvoir son nouveau spectacle "Ma candidature", n'était pas n'importe qui.

    En effet, Édouard Baer, à 57 ans, est l'un des acteurs les plus "bankables" de France, comme on dit. Acteur, réalisateur de cinéma, metteur en scène de théâtre, animateur et producteur de télévision et de radio, on le voit et l'entend partout. Initié à la comédie par la savoureuse Isabelle Nanty, sa prof d'art dramatique au cours Florent, il a eu un parcours artistique très flatteur, couronné déjà par un Molière en 2001 (et deux nominations) et par trois nominations aux Césars.

    Pourquoi l'acteur était-il si gêné de parler de MeToo à la veille du Festival de Cannes ? Peut-être parce qu'il avait été mis au courant qu'un article incendiaire allait être publié par Mediapart ce jeudi 23 mai 2024. L'article d'Amine Abdelli et Julia Tissier commence d'ailleurs par ce malaise au 20 heures : « Confus et visiblement mal à l’aise, le comédien fronce les sourcils, bafouille et s’embourbe. Lui, le pro de l’impro, apparaît soudainement déstabilisé. ».

    Pas étonnant de bafouiller autant quand on sait qu'il va être mis sur le grill de la vindicte populaire par six femmes qui ont été contactées depuis plusieurs mois par Mediapart et qui, dans cet article, accusent Édouard Baer de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles. L'article précise : « Elles livrent le récit de faits de harcèlement et d’agressions sexuelles sur une période s’étalant de 2013 à 2021 (…), majoritairement dans des contextes professionnels », à savoir son bureau parisien, quand il est au théâtre, ou dans les stations de radio, quand il est animateur, c'est-à-dire à Radio Nova puis à France Inter.
     

     
     


    Le journal "Le Monde", qui en rend compte avec l'AFP, explique : « Selon l’une de ces femmes, Édouard Baer aurait pris son "sein gauche avec sa main" dans un ascenseur. Une autre l’accuse de lui avoir touché "les seins à plusieurs reprises", de l’avoir "prise par la taille" et d’avoir "posé sa main sur [s]es fesses". "Il essaie de m’embrasser dans le cou et sur la bouche. Je le repousse", selon les propos rapportés d’une autre. Certaines évoquent des sollicitations répétées, des compliments insistants sur leur physique. L’une explique ne pas avoir porté plainte car elle a pensé que ce serait "sa parole contre la [s]ienne". ».

    Aucune de ces six femmes, âgées d'une vingtaine d'années au moment des faits et qui ont voulu rester anonymes dans leur témoignage, n'a déposé plainte (à ce jour). J'ajoute que dans l'entourage d'une des radios, l'information n'était pas connue même sous forme de rumeur et certains ont été étonnés de l'apprendre.

    Comme est étonné Édouard Baer lui-même qui a rapidement publié, en réponse à l'article, un communiqué d'incompréhension mais aussi d'excuses : « C’est avec stupeur et une grande tristesse que je découvre les témoignages que vous me rapportez. Je ne me reconnais pas dans les mots ou les gestes qui me sont attribués, mais je ne peux qu’exprimer mes regrets que mon comportement ait mis mal à l’aise ou blessé ces femmes. Je n’ai pas eu l’intelligence de le percevoir. J’en suis profondément désolé. Je n’ai jamais cherché à les heurter intentionnellement. Je leur présente toutes mes excuses. ».

    Si on résume grossièrement le message, c'est ceci : j'ai été assez lourd dans mon approche, aucune ne m'a dit que j'allais trop loin et je m'en veux de ne pas l'avoir vu moi-même, désolé. Dans ce genre d'affaire, on peut supposer que les deux parties, les six femmes, d'un côté, et l'acteur, de l'autre côté, sont complètement sincères. Il faut aussi comprendre qu'Édouard Baer est une grande star qui a fasciné ces six femmes qui ont à peine commencé leur vie active. On peut imaginer qu'il leur était difficile, sans être dotée une personnalité très forte, de rejeter les éventuels gestes déplacés.

    La réponse rapide et finalement assez humble (présentant ses excuses) d'Édouard Baer plaide plutôt en sa faveur, ou du moins, pour sa sincérité. Il ne nie pas les éventuels faits sans les reconnaître précisément car il y a plusieurs faits, et la réponse reste assez floue. Ce n'est pas comme Gérard Depardieu ou même comme Patrick Poivre d'Arvor qui, à ma connaissance (sous réserve que je ne me trompe pas, je ne suis peut-être pas en possession d'informations plus récentes), ne reconnaissaient pas les faits et surtout, ne présentaient pas leurs excuses à leurs (nombreuses) accusatrices.

    Évidemment, un vieil article de la journaliste Josyane Savigneau publié le 5 novembre 2016 dans "Le Monde" revient en pleine figure d'Édouard Baer. À l'origine, la journaliste voulait faire la promotion de l'acteur redevenu animateur à Radio Nova, responsable de la matinale depuis le 10 octobre 2016. Mais elle s'est sentie très mal accueillie à son arrivée à 6 heures 45 un jour d'octobre 2016, « victime des humeurs du présentateur vedette », si bien qu'elle a exprimé sa colère : « D’emblée il est odieux. Furieux qu’on ait osé désobéir, il aurait exigé qu’on ne vienne qu’à 7h30, il insiste haut et fort : il n’a rien demandé, on a omis de le prévenir, on lui pourrit la vie, on va lui faire rater son émission, qu’on dégage. Avec plaisir. Dans une vie de journaliste, il arrive parfois que l’on rencontre, c’est fatal, des gens désagréables. À ce point d’arrogance et de mépris, c’est plus que rare. Morale de l’histoire : quand on remplace les journalistes par des stars, on s’expose à ce genre de caprices. ».

     

     
     


    Ce qui n'a pas empêché la journaliste d'en dire aussi du bien (il faut dire que Matthieu Pigasse, actionnaire du "Monde", venait de racheter Radio Nova) : « On retrouve avec plaisir la voix de Baer, son ton décalé, ses improvisations bienvenues, son accueil chaleureux des participants. ». Et de terminer sur l'avis du nouveau patron : « Matthieu Pigasse se félicite de la réussite de la matinale et de l’idée de Bernard Zekri de faire appel à Édouard Baer, "tant Nova et Édouard se correspondent : les 3 C, Culture, Curiosité d’esprit, Carrefour d’échanges". "Elle incarne ce que nous voulons être et faire, précise-t-il : refuser le repli sur soi, être ouverts à tous, donner du sens et s’engager par la culture". ». Édouard Baer a quitté Radio Nova pour France Inter en 2018 (jusqu'en 2022, il me semble).

    Pour l'heure, Édouard Baer, qui avait un spectacle à Romans-sur-Isère le vendredi 24 mai 2024 à 20 heures (au théâtre des Cordeliers), l'a maintenu. Le problème qu'il n'y ait pas de dépôt de plainte, c'est de transférer cette affaire du tribunal correctionnel au tribunal médiatique, avec tous les excès que cela peut entraîner, notamment dans les réseaux (a)sociaux. Comme je ne sais que penser des accusatrices sincères et d'un supposé prédateur sexuel qui s'ignorerait et qui affirme que ce n'est pas du tout lui, et n'étant pas juge, je ne peux faire aucun commentaire de soutien aux unes ou à l'autre.

    En revanche, ce problème récurrent depuis quelques années (MeToo date de 2018) où des femmes (en général) accusent (parfois plusieurs décennies après les faits) une personnalité (généralement très connue) dans des milieux bien définis (cinéma, sports, médias audiovisuels, etc.) de divers faits allant du simple geste déplacé (voire maladroit) jusqu'au crime (le viol), en passant par des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel (qui sont des délits), est souvent insoluble quand il n'y a aucune preuve (car il faut que la victime prouve l'absence de consentement, ce qui est très difficile). Alors, c'est parole contre parole, et un juge, si cela arrive à la suite du dépôt d'une plainte, ne pourra pas condamner si le doute persiste (principe général du droit). D'un côté, il faut écouter les victimes, les femmes, ou du moins qu'elles soient écoutées, de l'autre, il ne faut pas détruire la réputation d'une personne qui serait injustement accusée (dans l'affaire d'Outreau, une personne injustement accusée s'est même suicidée). C'est du tout ou rien. Ou salaud, ou salopes, en quelque sorte.

    Un livre explique très bien ce problème. Il s'agit d'un roman d'une ancienne procureure américaine qui a fait non seulement des études de droit mais avant, des études de psychologie et qui s'est recyclée dans l'écriture de romans à succès. Alafair Burke a en effet publié en 2018 un très bon roman "Un Couple irréprochable" (en anglais "The Wife"), dont le sujet principal est cette accusation contre une personnalité médiatique.

     

     
     


    L'histoire est celle-ci, et racontée selon le point de vue de l'épouse (mère au foyer) d'un économiste qui, au-delà de donner des cours d'économie à l'université, a écrit un livre devenu best-seller, ce qui lui a donné gloire, fortune et notoriété (il a créé un cabinet de conseil en entreprises et il est invité très fréquemment à la télévision pour donner son avis). Et son expertise, c'est l'éthique dans les entreprises, et sa parole est d'or car il fait et défait des réputations d'entreprises auprès de leurs investisseurs. (L'homme accusé est un parangon de l'éthique, comme Édouard Baer considéré ouvert, sympa).

    Et puis soudain, une stagiaire l'accuse de gestes déplacés en déposant plainte. Plus tard, une autre femme avec qui il est en contact sur le plan professionnel l'accuse carrément de viol. L'affaire est suivie par une inspectrice de police spécialisée dans ce domaine (l'Unité spéciale des victimes). Il y a aussi la réaction du procureur adjoint qui ne veut poursuivre que lorsqu'il y a de fortes suspicions de culpabilité, d'autant plus que ce prévenu serait une personnalité célèbre. Comme l'auteure du roman est une spécialiste du droit, cela permet aussi de voir comment fonctionne la justice et la police (ici américaines) dans les coulisses face à une telle affaire. Interviennent aussi dans l'histoire une animatrice de télévision féministe (et amie de l'accusé), une avocate exigeante, etc.

    L'inspectrice, parce qu'elle est féministe, veut aller au plus profond des détails pour pincer l'éventuel auteur d'agressions sexuelles voire de viols. Elle admet d'ailleurs que pour la victime, il vaut mieux être violée de façon violente en pleine rue que subir des attouchements sexuels par des personnes familières dans un lieu privé, parce que ce sera beaucoup plus facile à prouver.

    La première des réactions, dans ce genre d'affaire (agression sexuelle voire viol), c'est de se focaliser sur la victime et pas sur le prédateur présumé. Et de trouver des éléments chez la victime que son infortune était la conséquence de sa vie et cela, pour se dire qu'on n'est pas comme la victime et donc, que ça ne peut pas arriver à soi : « N'est-ce pas dans la nature humaine que de toujours rejeter la faute sur la victime ? ».

    Et pourtant, parfois, les victimes ne disent pas exactement la vérité : « Impossible pour [les policiers] d'affirmer que les victimes ne racontent jamais toute la vérité, parce que cela reviendrait à les traiter de menteuses. Or, elles ne mentent pas, elles tentent de se protéger. Se préparent à affronter le scepticisme. Anticipent déjà toutes les attaques à venir, se forgent un bouclier. ».

    L'animatrice de télévision donne aussi les différentes étapes dans ce genre d'affaire : « La première réaction de l'opinion publique, c'est toujours de jeter le discrédit sur la femme, parce que la société ne veut pas admettre que de telles horreurs se produisent. Alors, en réaction, les féministes convaincues ont décrété qu'il fallait croire toutes les femmes, chaque fois. ».

    Féministe, l'animatrice est d'accord avec cette réaction : « C'est vrai, a-t-elle admis, je suis toujours la première à défendre les femmes dans les cas d'agression sexuelle où tout repose sur la parole de l'un contre celle de l'autre. Parce que, dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, elles disent la vérité, et que c'est une terrible épreuve pour elles d'en parler. Elles se retrouvent jugées, stigmatisées, blâmées, critiquées. ».

    Et dans une affaire de viol, cela retombe toujours sur la même question : « Quelles que soient les allégations de cette fille, ce sera sa parole contre celle de [l'accusé]. Or l'accusation a besoin d'éléments concrets. Et même s'il peut s'appuyer sur l'ADN, le procureur doit démontrer que la relation n'était pas consentie. ».

    Mais justement, des petits détails peuvent faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre pour la police. Ainsi, dans ce roman, la policière va voir de façon informelle l'accusé qui ne sait pas encore qu'il est aussi accusé de viol par une seconde femme (il est juste accusé de harcèlement sexuel par une première femme). La policière lui demande alors s'il a eu des relations sexuelles avec cette seconde femme et ce dernier, au lieu de refuser de répondre sans son avocat, fait l'erreur de dire qu'il n'a pas eu de relations sexuelles, sans savoir que la seconde femme avait gardé intacte sa robe avec des traces de lui. Avoir des relations sexuelles ne confirme pas forcément le viol, car ces relations peuvent être consenties, mais mentir sur la réalité des rapports sexuels (même pour éviter d'en informer son épouse), c'est jeter un discrédit sur tout ce qu'il va affirmer.

    A contrario, la policière garde aussi des détails sur l'accusatrice qui lui demande une heure avant de passer chez elle, le temps de faire un peu de ménage : « [La policière] venait déjà de découvrir quelque chose à propos de [l'accusatrice] : c'était le genre de personne qui pensait à remettre de l'ordre chez elle avant de recevoir un policier pour dénoncer des actes de harcèlement sexuel. En soi, ça ne signifiait rien, pourtant [l'inspectrice] remisa soigneusement ce détail dans un coin de sa tête, parce qu'elle aimait à penser que rien ne lui échappait. ».

    Bref, ce roman est très intéressant pour comprendre la mécanique des accusations, des défenses et des jugements. Plus rien de mal ne doit rester impuni. Mais reste à se mettre d'accord sur ce qui est mal, sur ce qui est un mauvais comportement, un comportement inapproprié. L'homme est décidément détrôné, dans cette société qui se transforme à vive allure.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    "Un Couple irréprochable" (2018) d'Alafair Burke.
    Édouard Baer.
    Lucien Neuwirth.
    Le vote des femmes en France.
    Femmes, je vous aime !
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
    L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
    Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
    L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
    L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
    La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
    L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
    Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
    L’avortement et Simone Veil.
    Le fœtus est-il une personne à part entière ?
    Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
    Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
    Six ans plus tard.
    Mariage lesbien à Nancy.
    Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
    Mariage annulé : le scandaleux jugement en faveur de la virginité des jeunes mariées.
    Ciel gris sur les mariages.

    Les 20 ans du PACS.
    Ces gens-là.
    L’homosexualité, une maladie occidentale ?
    Le coming out d’une star de la culture.
    Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
    PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
    La PMA pour toutes les femmes.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240523-edouard-baer.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/edouard-baer-mis-en-accusation-254809

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/26/article-sr-20240523-edouard-baer.html


     

  • Nostalgies aznavouriennes

    « Je vous parle d'un temps
    Que les moins de vingt ans
    Ne peuvent pas connaître »
    (Charles Aznavour, "La Bohème", 1965).





    _yartiAznavour02

    L'auteur, compositeur, interprète et acteur Charles Aznavour est né il y a juste 100 ans, le 22 mai 1924, au sixième arrondissement de Paris. Il serait aujourd'hui centenaire, et un centenaire chantant, car il n'a jamais vraiment arrêté de chanter depuis ses débuts en 1933, jusqu'à son départ de terre le 1er octobre 2018.

    À l'occasion de ce centenaire, Universal France a sorti le 10 mai 2024 le coffret "The Complete Work, Centenary Edition" qui réédite toute sa discographie française et internationale, avec des enregistrements en studio mais aussi en concert (en live), de 1948 à 2015. Il contient 100 CD avec des sons restaurés et remasterisés, incluant des versions inédites. Répartis notamment ainsi : 33 CD pour sa discographie française complète (51 albums originaux comprenant 751 titres) ; 26 CD pour sa discographie internationale complète (41 albums originaux comprenant 542 titres) ; 20 concerts comprenant 513 titres (et il y a encore des CD pour des bonus, des contes pour enfants, etc.). Ce coffret est vendu 300 euros en tirage limité et numéroté (je n'en fais pas la publicité mais je le signale simplement). (Moi, ça m'impressionne toujours les coffrets "toute l'œuvre complète" d'un artiste, que ce soit un chanteur ou un acteur ; c'est comme une urne funéraire, un cube somme toute relativement petit pour représenter, ici, quatre-vingt-quatorze années d'existence de la vie d'un homme).

    Parce que ses chansons éternelles datent de cette époque, malgré ces nombreuses décennies de scène, Aznavour me fait penser avant tout à la nostalgie des années 1960, une nostalgie très parisienne, Montmartre, etc. Une époque peut-être encore facile (ce qui est faux, se soigner était plus compliqué qu'aujourd'hui), sans les turpitudes de la complexité du monde d'aujourd'hui, complexité économique, géopolitique, planétaire, numérique, génétique, etc. S'il fallait donner un couple de chanteurs caractérisant les Trente Glorieuses à Paris, ce serait évidemment Charles Aznavour et Édith Piaf... Je propose à la fin ses quelques chansons ultraconnues qui ont fait si bien aimer Aznavour, Paris, le français, la France, les Français, l'amour...

    Auparavant, je veux évoquer un élément étonnant de sa biographie : sa rencontre avec les Manouchian qu'il connaissait bien avant et pendant la guerre.

    Le père de Charles Aznavour était un Arménien de Géorgie (à l'époque province russe) et sa mère une Arménienne de la région de Marmara (à l'époque dans l'empire ottoman, maintenant, à l'ouest de la Turquie), et ils se sont rencontrés à Constantinople (Istanbul) en 1921. Ils se sont réfugiés à Paris en 1924, juste avant la naissance de Charles (et après la naissance de sa sœur Aïda, née seize mois avant lui). La petite famille Aznavourian était à la fois artiste et restauratrice : le père baryton tenait un restaurant, la mère comédienne, la sœur au piano, et forcément, Charles était dans cette ambiance d'artistes de toutes origines, réfugiés d'Europe centrale et orientale des années 1920 et 1930 (et il y avait aussi en France une forte immigration arménienne à l'époque, les Arméniens fuyant la nouvelle Union Soviétique après avoir fui la Turquie génocidaire). Charles Aznavour, passionné de cinéma et voulant être acteur, adopta son nom définitif, Aznavour (au lieu d'Aznavourian), dès l'âge de 9 ans, à ses premières prestations (il voulait être chanteur et acteur, comme ses parents). Adolescent, il a assisté à des dizaines de concerts de Maurice Chevalier, et allait toutes les semaines au cinéma russe et au théâtre arménien.

     

     
     


    Quel rapport avec les Manouchian ? Celle qui allait devenir Mélinée Manouchian était une rescapée du génocide contre les Arméniens. Orpheline à l'âge de 2 ans, elle s'est réfugiée en Grèce en 1922 puis en France en 1926. Dans les années 1930, elle s'est intégrée à la famille Aznavourian à Paris, et a ainsi accompagné le premier succès de radio-crochet de Charles Aznavour en 1935. Adhérente du parti communiste français pour combattre le fascisme, elle y a rencontré son futur mari, Missak Manouchian, en 1934, qui passait aussi de nombreuses soirées chez les Aznavourian à chanter ou à lire ses poèmes (il a appris à Charles Aznavour à jouer aux échecs). Missak fut fusillé par les nazis le 21 février 1944 au Mont-Valérien après leur engagement dans la Résistance (les Aznavourian avaient caché le couple chez eux). Mélinée Manouchian lui a survécu quarante-cinq ans. Tous les deux ont été transférés au Panthéon le 21 février 2024 dans une cérémonie présidée par le Président Emmanuel Macron.

    Après la guerre, les Aznavourian envisageaient d'aller vivre en Arménie soviétique, ils s'étaient déjà fait faire des passeports soviétiques (Staline avait encouragé tous les réfugiés arméniens à revenir en Arménie), mais Mélinée Manouchian les en dissuada en raison de l'extrême dureté du régime stalinien. La suite est d'ailleurs très étrange : les passeports soviétiques, qui n'ont servi donc à rien, furent laissés au fond d'un tiroir d'un meuble. Complètement oubliés. Un peu plus tard, le meuble en question a été donné à une association caritative pour être vendu (comme aujourd'hui chez Emmaüs). Bien plus tard, Charles Aznavour a reçu un coup de téléphone de l'actrice Simone Signoret : elle venait de retrouver ces passeports et voulait les lui rendre. Elle venait d'acheter le meuble. Destin farceur. Cette anecdote est restée secrète pendant de longues années, jusqu'à ce que Charles Aznavour se soit livré en septembre 2014 auprès de Cyril Hanouna dans son émission sur Europe 1 ("Les pieds dans le plat").

    Fasciné par Maurice Chevalier et Charles Trenet, Aznavour a voulu chanter joyeusement sur des sujets pas forcément joyeux. Charles Trenet était son modèle absolu parce que, comme il l'expliquait le 8 décembre 2014 : « Parce qu’il a fait ce que les autres n’ont pas fait : chanter des chansons gaies, mais avec du fond. Prenez la plupart de ses premiers succès. "Je chante", par exemple : le texte n’est pas du tout léger. C’est tout de même l’histoire d’un gars qui se pend. "J’ai rendez-vous avec la lune: non plus. Il a montré qu’on pouvait aller au-delà de la chansonnette facile. Il y a une ouverture pour quelqu’un comme Guy Béart. D’ailleurs, c’est aussi la force de Trenet : il y a chez lui une ouverture pour tous ceux qui sont venus ensuite. Pour Brassens, pour Brel, et pour moi bien sûr. Trenet, c’est celui que chacun d’entre nous a rêvé d’être. » ("Migros Magazine").

    Cela a donné, après une vingtaine d'années de scène un peu laborieuse, un énorme succès tant commercial qu'artistique, amorcé par "Je m'voyais déjà". En tout, plus de mille deux chansons interprétées (beaucoup d'autres écrites pour d'autres chanteurs comme Édith Piaf, Eddie Constantine, Gilbert Bécaud, Serge Gainsbourg, Joe Dassin, Juliette Gréco, Maurice Chevalier, Régine, Johnny Hallyday, Mireille Mathieu, Eddy Mitchell, Dorothée, Richard Antony, Bob Dylan, etc.), en neuf langues (le français, l'allemand, l'anglais, l'italien, l'espagnol, le russe, l'arménien, le napolitain et le kabyle), quatre-vingt-douze albums enregistrés en studio, dont une trentaine de disques d'or, plus de 180 millions d'exemplaires vendus partout dans le monde. Sans compter sa participation à en environ quatre-vingts films et téléfilms et cinq pièces de théâtre.


    Il avait besoin de la scène : « C’est le miracle. Ce n’est pas juste un désir, c’est un bonheur. Je suis poussé vers elle. Bien avant la presse, le public m’est fidèle. Et j’ai besoin d’aller devant lui. (…) Je suis sans doute le seul chanteur triste qui est heureux d’être devant son public. Et il paraît que ça se sent. » ("Migros Magazine").

    Parmi les très nombreuses collaborations avec d'autres artistes, citons par exemple José Carreras, Elton John, Dalida, Nana Mouskouri, Liza Minnelli, Claude François, les Compagnons de la chanson, Franck Sinatra, Ray Charles, Fred Astaire, Petula Clark, etc. Même le chanteur Kendji Girac, sous les projecteurs de l'actualité récente, a chanté en 2015 sa fameuse chanson "La Bohème" (qui racontait le quartier de Montmartre). Charles Aznavour a reçu de très nombreuses récompenses, dont un Lion d'or de la Mostra de Venise en 1971, un César d'honneur en 1997, deux Victoires de la musique en 1997 et 2010, etc.

    Mais laissons-nous nous enivrer de sa nostalgie...



    1. "Je m'voyais déjà" (1961)






    2. "For me formidable" (1963)






    3. "Hier encore" (1964)






    4. "La Bohème" (1965)






    5. "Emmenez-moi" (1967)






    6. "Mourir d'aimer" (1971)






    7. "Comme ils disent" (1972)






    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La France de Charles Aznavour.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Eden Golan.
    ABBA.
    Toomaj Salehi.
    Sophia Aram.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Micheline Presle.
    Plastic Bertrand.
    Jacques Dutronc.

    Françoise Hardy.
    Guy Marchand.
    Maria Callas.
    Catherine Deneuve.
    Gérard Depardieu.
    Stéphanie de Monaco.
    Jane Birkin.
    Fernand Raynaud.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.


    _yartiAznavour03



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240522-aznavour.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/nostalgies-aznavouriennes-254540

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/15/article-sr-20240522-aznavour.html




     

  • "Un Couple irréprochable" d'Alafair Burke

    « Vous vous rendez compte qu'il y a douze sujets en un là, il y a douze prises de parole différentes, il y a des scandales. Tout est différent. Il y a des saloperies, il y a des malentendus… Je pense que c'est les médias qui réunissent tout ça dans une grande cause d'époque. » (Édouard Baer, le 12 mai 2024 sur France 2).


     

     
     


    Très déstabilisé, Édouard Baer répondait le dimanche 12 mai 2024 à cette question de Laurent Delahousse dans le journal de 20 heures de France 2 : « Est-ce que vous considérez que les hommes ne parlent pas assez, ne défendent pas assez ou n'expriment pas une sorte de mea culpa ? ». L'invité, venu pour promouvoir son nouveau spectacle "Ma candidature", n'était pas n'importe qui.

    En effet, Édouard Baer, à 57 ans, est l'un des acteurs les plus "bankables" de France, comme on dit. Acteur, réalisateur de cinéma, metteur en scène de théâtre, animateur et producteur de télévision et de radio, on le voit et l'entend partout. Initié à la comédie par la savoureuse Isabelle Nanty, sa prof d'art dramatique au cours Florent, il a eu un parcours artistique très flatteur, couronné déjà par un Molière en 2001 (et deux nominations) et par trois nominations aux Césars.

    Pourquoi l'acteur était-il si gêné de parler de MeToo à la veille du Festival de Cannes ? Peut-être parce qu'il avait été mis au courant qu'un article incendiaire allait être publié par Mediapart ce jeudi 23 mai 2024. L'article d'Amine Abdelli et Julia Tissier commence d'ailleurs par ce malaise au 20 heures : « Confus et visiblement mal à l’aise, le comédien fronce les sourcils, bafouille et s’embourbe. Lui, le pro de l’impro, apparaît soudainement déstabilisé. ».

    Pas étonnant de bafouiller autant quand on sait qu'il va être mis sur le grill de la vindicte populaire par six femmes qui ont été contactées depuis plusieurs mois par Mediapart et qui, dans cet article, accusent Édouard Baer de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles. L'article précise : « Elles livrent le récit de faits de harcèlement et d’agressions sexuelles sur une période s’étalant de 2013 à 2021 (…), majoritairement dans des contextes professionnels », à savoir son bureau parisien, quand il est au théâtre, ou dans les stations de radio, quand il est animateur, c'est-à-dire à Radio Nova puis à France Inter.
     

     
     


    Le journal "Le Monde", qui en rend compte avec l'AFP, explique : « Selon l’une de ces femmes, Édouard Baer aurait pris son "sein gauche avec sa main" dans un ascenseur. Une autre l’accuse de lui avoir touché "les seins à plusieurs reprises", de l’avoir "prise par la taille" et d’avoir "posé sa main sur [s]es fesses". "Il essaie de m’embrasser dans le cou et sur la bouche. Je le repousse", selon les propos rapportés d’une autre. Certaines évoquent des sollicitations répétées, des compliments insistants sur leur physique. L’une explique ne pas avoir porté plainte car elle a pensé que ce serait "sa parole contre la [s]ienne". ».

    Aucune de ces six femmes, âgées d'une vingtaine d'années au moment des faits et qui ont voulu rester anonymes dans leur témoignage, n'a déposé plainte (à ce jour). J'ajoute que dans l'entourage d'une des radios, l'information n'était pas connue même sous forme de rumeur et certains ont été étonnés de l'apprendre.

    Comme est étonné Édouard Baer lui-même qui a rapidement publié, en réponse à l'article, un communiqué d'incompréhension mais aussi d'excuses : « C’est avec stupeur et une grande tristesse que je découvre les témoignages que vous me rapportez. Je ne me reconnais pas dans les mots ou les gestes qui me sont attribués, mais je ne peux qu’exprimer mes regrets que mon comportement ait mis mal à l’aise ou blessé ces femmes. Je n’ai pas eu l’intelligence de le percevoir. J’en suis profondément désolé. Je n’ai jamais cherché à les heurter intentionnellement. Je leur présente toutes mes excuses. ».

    Si on résume grossièrement le message, c'est ceci : j'ai été assez lourd dans mon approche, aucune ne m'a dit que j'allais trop loin et je m'en veux de ne pas l'avoir vu moi-même, désolé. Dans ce genre d'affaire, on peut supposer que les deux parties, les six femmes, d'un côté, et l'acteur, de l'autre côté, sont complètement sincères. Il faut aussi comprendre qu'Édouard Baer est une grande star qui a fasciné ces six femmes qui ont à peine commencé leur vie active. On peut imaginer qu'il leur était difficile, sans être dotée une personnalité très forte, de rejeter les éventuels gestes déplacés.

    La réponse rapide et finalement assez humble (présentant ses excuses) d'Édouard Baer plaide plutôt en sa faveur, ou du moins, pour sa sincérité. Il ne nie pas les éventuels faits sans les reconnaître précisément car il y a plusieurs faits, et la réponse reste assez floue. Ce n'est pas comme Gérard Depardieu ou même comme Patrick Poivre d'Arvor qui, à ma connaissance (sous réserve que je ne me trompe pas, je ne suis peut-être pas en possession d'informations plus récentes), ne reconnaissaient pas les faits et surtout, ne présentaient pas leurs excuses à leurs (nombreuses) accusatrices.

    Évidemment, un vieil article de la journaliste Josyane Savigneau publié le 5 novembre 2016 dans "Le Monde" revient en pleine figure d'Édouard Baer. À l'origine, la journaliste voulait faire la promotion de l'acteur redevenu animateur à Radio Nova, responsable de la matinale depuis le 10 octobre 2016. Mais elle s'est sentie très mal accueillie à son arrivée à 6 heures 45 un jour d'octobre 2016, « victime des humeurs du présentateur vedette », si bien qu'elle a exprimé sa colère : « D’emblée il est odieux. Furieux qu’on ait osé désobéir, il aurait exigé qu’on ne vienne qu’à 7h30, il insiste haut et fort : il n’a rien demandé, on a omis de le prévenir, on lui pourrit la vie, on va lui faire rater son émission, qu’on dégage. Avec plaisir. Dans une vie de journaliste, il arrive parfois que l’on rencontre, c’est fatal, des gens désagréables. À ce point d’arrogance et de mépris, c’est plus que rare. Morale de l’histoire : quand on remplace les journalistes par des stars, on s’expose à ce genre de caprices. ».

     

     
     


    Ce qui n'a pas empêché la journaliste d'en dire aussi du bien (il faut dire que Matthieu Pigasse, actionnaire du "Monde", venait de racheter Radio Nova) : « On retrouve avec plaisir la voix de Baer, son ton décalé, ses improvisations bienvenues, son accueil chaleureux des participants. ». Et de terminer sur l'avis du nouveau patron : « Matthieu Pigasse se félicite de la réussite de la matinale et de l’idée de Bernard Zekri de faire appel à Édouard Baer, "tant Nova et Édouard se correspondent : les 3 C, Culture, Curiosité d’esprit, Carrefour d’échanges". "Elle incarne ce que nous voulons être et faire, précise-t-il : refuser le repli sur soi, être ouverts à tous, donner du sens et s’engager par la culture". ». Édouard Baer a quitté Radio Nova pour France Inter en 2018 (jusqu'en 2022, il me semble).

    Pour l'heure, Édouard Baer, qui avait un spectacle à Romans-sur-Isère le vendredi 24 mai 2024 à 20 heures (au théâtre des Cordeliers), l'a maintenu. Le problème qu'il n'y ait pas de dépôt de plainte, c'est de transférer cette affaire du tribunal correctionnel au tribunal médiatique, avec tous les excès que cela peut entraîner, notamment dans les réseaux (a)sociaux. Comme je ne sais que penser des accusatrices sincères et d'un supposé prédateur sexuel qui s'ignorerait et qui affirme que ce n'est pas du tout lui, et n'étant pas juge, je ne peux faire aucun commentaire de soutien aux unes ou à l'autre.
     

     
     


    En revanche, ce problème récurrent depuis quelques années (MeToo date de 2018) où des femmes (en général) accusent (parfois plusieurs décennies après les faits) une personnalité (généralement très connue) dans des milieux bien définis (cinéma, sports, médias audiovisuels, etc.) de divers faits allant du simple geste déplacé (voire maladroit) jusqu'au crime (le viol), en passant par des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel (qui sont des délits), est souvent insoluble quand il n'y a aucune preuve (car il faut que la victime prouve l'absence de consentement, ce qui est très difficile). Alors, c'est parole contre parole, et un juge, si cela arrive à la suite du dépôt d'une plainte, ne pourra pas condamner si le doute persiste (principe général du droit). D'un côté, il faut écouter les victimes, les femmes, ou du moins qu'elles soient écoutées, de l'autre, il ne faut pas détruire la réputation d'une personne qui serait injustement accusée (dans l'affaire d'Outreau, une personne injustement accusée s'est même suicidée). C'est du tout ou rien. Ou salaud, ou salopes, en quelque sorte.

    Un livre explique très bien ce problème. Il s'agit d'un roman d'une ancienne procureure américaine qui a fait non seulement des études de droit mais avant, des études de psychologie et qui s'est recyclée dans l'écriture de romans à succès. Alafair Burke a en effet publié en 2018 un très bon roman "Un Couple irréprochable" (en anglais "The Wife"), dont le sujet principal est cette accusation contre une personnalité médiatique.


    L'histoire est celle-ci, et racontée selon le point de vue de l'épouse (mère au foyer) d'un économiste qui, au-delà de donner des cours d'économie à l'université, a écrit un livre devenu best-seller, ce qui lui a donné gloire, fortune et notoriété (il a créé un cabinet de conseil en entreprises et il est invité très fréquemment à la télévision pour donner son avis). Et son expertise, c'est l'éthique dans les entreprises, et sa parole est d'or car il fait et défait des réputations d'entreprises auprès de leurs investisseurs. (L'homme accusé est un parangon de l'éthique, comme Édouard Baer considéré ouvert, sympa).

    Et puis soudain, une stagiaire l'accuse de gestes déplacés en déposant plainte. Plus tard, une autre femme avec qui il est en contact sur le plan professionnel l'accuse carrément de viol. L'affaire est suivie par une inspectrice de police spécialisée dans ce domaine (l'Unité spéciale des victimes). Il y a aussi la réaction du procureur adjoint qui ne veut poursuivre que lorsqu'il y a de fortes suspicions de culpabilité, d'autant plus que ce prévenu serait une personnalité célèbre. Comme l'auteure du roman est une spécialiste du droit, cela permet aussi de voir comment fonctionne la justice et la police (ici américaines) dans les coulisses face à une telle affaire. Interviennent aussi dans l'histoire une animatrice de télévision féministe (et amie de l'accusé), une avocate exigeante, etc.

    L'inspectrice, parce qu'elle est féministe, veut aller au plus profond des détails pour pincer l'éventuel auteur d'agressions sexuelles voire de viols. Elle admet d'ailleurs que pour la victime, il vaut mieux être violée de façon violente en pleine rue que subir des attouchements sexuels par des personnes familières dans un lieu privé, parce que ce sera beaucoup plus facile à prouver.

    La première des réactions, dans ce genre d'affaire (agression sexuelle voire viol), c'est de se focaliser sur la victime et pas sur le prédateur présumé. Et de trouver des éléments chez la victime que son infortune était la conséquence de sa vie et cela, pour se dire qu'on n'est pas comme la victime et donc, que ça ne peut pas arriver à soi : « N'est-ce pas dans la nature humaine que de toujours rejeter la faute sur la victime ? ».

    Et pourtant, parfois, les victimes ne disent pas exactement la vérité : « Impossible pour [les policiers] d'affirmer que les victimes ne racontent jamais toute la vérité, parce que cela reviendrait à les traiter de menteuses. Or, elles ne mentent pas, elles tentent de se protéger. Se préparent à affronter le scepticisme. Anticipent déjà toutes les attaques à venir, se forgent un bouclier. ».

    L'animatrice de télévision donne aussi les différentes étapes dans ce genre d'affaire : « La première réaction de l'opinion publique, c'est toujours de jeter le discrédit sur la femme, parce que la société ne veut pas admettre que de telles horreurs se produisent. Alors, en réaction, les féministes convaincues ont décrété qu'il fallait croire toutes les femmes, chaque fois. ».

    Féministe, l'animatrice est d'accord avec cette réaction : « C'est vrai, a-t-elle admis, je suis toujours la première à défendre les femmes dans les cas d'agression sexuelle où tout repose sur la parole de l'un contre celle de l'autre. Parce que, dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, elles disent la vérité, et que c'est une terrible épreuve pour elles d'en parler. Elles se retrouvent jugées, stigmatisées, blâmées, critiquées. ».

    Et dans une affaire de viol, cela retombe toujours sur la même question : « Quelles que soient les allégations de cette fille, ce sera sa parole contre celle de [l'accusé]. Or l'accusation a besoin d'éléments concrets. Et même s'il peut s'appuyer sur l'ADN, le procureur doit démontrer que la relation n'était pas consentie. ».

    Mais justement, des petits détails peuvent faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre pour la police. Ainsi, dans ce roman, la policière va voir de façon informelle l'accusé qui ne sait pas encore qu'il est aussi accusé de viol par une seconde femme (il est juste accusé de harcèlement sexuel par une première femme). La policière lui demande alors s'il a eu des relations sexuelles avec cette seconde femme et ce dernier, au lieu de refuser de répondre sans son avocat, fait l'erreur de dire qu'il n'a pas eu de relations sexuelles, sans savoir que la seconde femme avait gardé intacte sa robe avec des traces de lui. Avoir des relations sexuelles ne confirme pas forcément le viol, car ces relations peuvent être consenties, mais mentir sur la réalité des rapports sexuels (même pour éviter d'en informer son épouse), c'est jeter un discrédit sur tout ce qu'il va affirmer.

    A contrario, la policière garde aussi des détails sur l'accusatrice qui lui demande une heure avant de passer chez elle, le temps de faire un peu de ménage : « [La policière] venait déjà de découvrir quelque chose à propos de [l'accusatrice] : c'était le genre de personne qui pensait à remettre de l'ordre chez elle avant de recevoir un policier pour dénoncer des actes de harcèlement sexuel. En soi, ça ne signifiait rien, pourtant [l'inspectrice] remisa soigneusement ce détail dans un coin de sa tête, parce qu'elle aimait à penser que rien ne lui échappait. ».

    Bref, ce roman est très intéressant pour comprendre la mécanique des accusations, des défenses et des jugements. Plus rien de mal ne doit rester impuni. Mais reste à se mettre d'accord sur ce qui est mal, sur ce qui est un mauvais comportement, un comportement inapproprié. L'homme est décidément détrôné, dans cette société qui se transforme à vive allure.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    "Un Couple irréprochable" (2018) d'Alafair Burke.
    Édouard Baer.
    Lucien Neuwirth.
    Le vote des femmes en France.
    Femmes, je vous aime !
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
    L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
    Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
    L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
    L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
    La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
    L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
    Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
    L’avortement et Simone Veil.
    Le fœtus est-il une personne à part entière ?
    Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
    Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
    Six ans plus tard.
    Mariage lesbien à Nancy.
    Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
    Mariage annulé : le scandaleux jugement en faveur de la virginité des jeunes mariées.
    Ciel gris sur les mariages.

    Les 20 ans du PACS.
    Ces gens-là.
    L’homosexualité, une maladie occidentale ?
    Le coming out d’une star de la culture.
    Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
    PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
    La PMA pour toutes les femmes.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240523-un-couple-irreprochable.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/27/article-sr-20240523-un-couple-irreprochable.html