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constitution - Page 3

  • Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet

    « C’est avec une immense émotion que je prends la parole devant vous. Les dernières semaines ont été particulièrement tendues. Notre pays est inquiet et fracturé. Nous avons une immense responsabilité. (…) Ces voix, ces suffrages, cette mobilisation exceptionnelle et inédite nous confèrent une immense responsabilité. Si nos compatriotes ont été aussi nombreux à se rendre aux urnes, c’est qu’ils ont compris que la démocratie était un bien précieux, que certains enjeux étaient majeurs, que les hommes et les femmes politiques que nous sommes pouvaient avoir un effet direct sur leurs vies, nos décisions et nos actions peuvent changer leurs vies. » (Yaël Braun-Pivet, le 18 juillet 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Veste rouge vs Veste verte. La députée des Yvelines Yaël Braun-Pivet a été réélue Présidente de l'Assemblée Nationale ce jeudi 18 juillet 2024 vers 20 heures 40 à l'issue d'une séance très tendue et d'un scrutin très serré et incertain. C'est avec beaucoup d'émotion qu'elle a accueilli cette nouvelle et dans son bref discours inaugural, sans note, spontané, elle a salué ses concurrents en les faisant ovationner un à un, y compris le candidat du RN mi-amusé.

    Reprenons la journée parlementaire. Les candidatures ont été annoncées par les différents groupes quelques jours voire quelques heures avant le scrutin. En lice : Yaël Braun-Pivet, Présidente de l'Assemblée Nationale sortante, dont les qualités pour présider l'Assemblée ont été reconnues de tous, et André Chassaigne, président du groupe communiste et désigné candidat unique de la nouvelle farce populaire (NFP) qui voyait le perchoir comme son bâton de maréchal pour couronner sa carrière politique, étaient les deux concurrents principaux.


    Sans surprise, comme en 2022, Sébastien Chenu concourrait pour le groupe RN. S'il ne s'attendait pas à se faire élire, ses décisions de se maintenir à chaque tour étaient importantes car selon son comportement, il pouvait être un faiseur de Président. Son objectif est la reconnaissance des députés RN en tant que députés de la nation et à ce titre, capables de prendre des responsabilités dans les différents postes de l'Assemblée. Entre 2022 et 2024, deux députés RN étaient vice-présidents, Hélène Laporte et Sébastien Chenu.

    En revanche, surprise du côté LR puisque la candidature d'Annie Genevard, ancienne vice-présidente de l'Assemblée entre 2017 et 2022, a été éclipsée au profit de Philippe Juvin, le plus Macron-compatible des membres de LR. Attendue mais cela restait quand même étonnant et peu responsable, le groupe Horizons a présenté sa propre candidate Naïma Moutchou, vice-présidente sortante, pour compter ses députés, au prix d'une désunion du bloc présidentiel nécessairement relégué en troisième place. Enfin, représentant du groupe centriste et ultramarin LIOT et absolument opposé à la réélection de Yaël Braun-Pivet, Charles de Courson s'est également présenté, se positionnant comme le candidat qui pourrait réunir une grande partie de l'Assemblée car il ne ferait de l'ombre à personne. Le groupe MoDem (présidé par Marc Fesneau) avait envisagé de présenter un candidat, comme l'a fait le groupe Horizons, puis y a renoncé.

    Comme le 28 juin 2022, la séance a été présidée par le doyen d'âge, le député RN José Gonzalez, inaugurant ainsi la XVII
    e législature de la Cinquième République. Après une courte allocution, le scrutin a pu commencer pour élire le Président de l'Assemblée Nationale pour cinq ans, de 2024 à 2029 (en principe !).

    Les scrutateurs chargés d'organiser le scrutin et de surveiller et porter les deux grosses urnes sont les députés les plus jeunes de l'Assemblée, en particulier deux RN. Lors de cette séance un peu spéciale, les députés sont placés non pas selon leur appartenance à un groupe politique mais par ordre alphabétique, permettant d'étranges proximités politiques, selon le hasard des noms. Pour voter à bulletin secret, sans pression, chaque député se lève et va jusqu'à la tribune pour y placer son bulletin, selon l'ordre alphabétique à partir d'une lettre tirée au sort. Le jeune scrutateur RN tendait la main à tous les députés votants mais les membres insoumis et écologistes, entre autres, au regard fuyant, refusaient obstinément de lui serrer la main en raison de son appartenance au RN (ce qui est absolument stupide et pas très positif pour la propre réputation de ces députés très dogmatiques). Chaque député est député de la nation et représentant du peuple, ils ont les même droits quelles que soient leurs appartenances, et la courtoisie et la politesse sont des questions d'éducation et pas de tendance politique.

     

     
     


    Chaque scrutin a duré environ deux heures : une heure pour voter, une heure pour dépouiller. Aux deux premiers scrutins, il faut la majorité absolue, au troisième et dernier scrutin, la majorité relative suffit. Vu l'émiettement politique de l'Assemblée, inutile de dire que trois tours ont été nécessaires, et heureusement qu'il était prévu la majorité seulement relative au troisième, sinon, il y aurait eu une vingtaine, trentaine de tours.

    Les résultats du premier tour ont été annoncés par José Gonzalez autour de 17 heures 10. 574 députés ont pris part au vote, 4 ont été nuls ou blancs. Il y a donc eu 570 suffrages exprimés, ce qui signifie la majorité absolue à 285. André Chassaigne a fait un très beau score en rassemblant sur son nom 200 voix, soit plus que les seules voix du NFP. Sébastien Chenu a reçu 142 voix, soit l'ensemble des groupes RN et de ses alliés ciottistes. Yaël Braun-Pivet, candidate d'Ensemble, n'a obtenu que 124 voix en raison de la présence, parmi les concurrents, de la députée Horizons Naïma Moutchou 38 voix (ce qui est pas mal). Philippe Juvin a rassemblé 48 voix. Enfin, Charles de Courson a obtenu 18 voix. À ce stade, Naïma Moutchou et Philippe Juvin ont annoncé le retrait de leur candidature pour le deuxième tour, soutenant désormais la candidature de Yaël Braun-Pivet. Quelle faute politique pour Horizons d'avoir présenté une candidate contre Yaël Braun-Pivet, mécaniquement troisième, derrière le RN.

    Vers 19 heures 05, les résultats du deuxième tour ont été proclamés : 574 votants, 5 blancs ou nuls, 569 suffrages exprimés (majorité absolue 285). Yaël Braun-Pivet a bondi de la troisième à la première place avec 210 voix, soit exactement le total au premier d'elle et de deux candidats qui se sont retirés. André Chassaigne a recueilli 202 voix, soit encore 2 de plus qu'au premier tour. Sébastien Chenu aussi a amélioré son score avec 143. Charles de Courson, en revanche, a chuté de 18 à 12. Enfin, 2 députés ont voté pour des personnes qui n'étaient pas candidates.

    Donc, les 6 voix manquantes de Charles de Courson se sont réparties ainsi : 1 blanc, 2 voix pour un autre candidat non déclaré, 1 pour Sébastien Chenu, 2 pour André Chassaigne. Charles de Courson s'est alors retiré à l'issue du deuxième tour, en sachant qu'au troisième tour, le vote a lieu à la majorité relative.
     

     
     


    Restaient donc en lice au troisième tour les trois principaux candidats. Trois, car Sébastien Chenu a annoncé se maintenir au troisième tour. Cette configuration, plus dangereuse pour elle, est aussi la plus payante politiquement : Yaël Braun-Pivet n'allait pas dépendre des voix ou de l'abstention du RN pour sa réélection. Tout le monde a cependant dit que ce serait très serré car où iraient les 12 voix de Charles de Courson, alors que l'écart entre André Chassaigne et la Présidente sortante n'était que de 8.

    Petit arrêt sur l'hypothèse où André Chassaigne aurait été élu, ce qui n'a pas été le cas, ouf ! D'abord, quel anachronisme cela aurait été : l'Assemblée Nationale de la France, ce pays moderne, présidée par un communiste, un vrai communiste qui se revendique d'un parti communiste sans jamais s'être réformé ! Au-delà du signal terrible d'archaïsme (aurait-on imaginé André Lajoinie présider l'Assemblée dans les années 1980 ?), de paléontologie politique française, comment imaginer qu'un parti qui ne représente que 2% de l'électorat (son score aux élections européennes du 9 juin 2024) puisse présider la Représentation nationale ? Enfin, le signal lourd qu'une majorité à la gauche radicalisée était possible au gouvernement.

    Le suspense dramatique a pris fin un peu au-delà de 20 heures 35, quand José Gonzalez a proclamé Yaël Braun-Pivet vainqueure de cette élection avec 220 voix contre 207 à André Chassaigne et 141 à Sébastien Chenu. 1 voix s'est portée sur un autre candidat non présenté. 572 votants, 3 blancs ou nuls, 569 suffrages exprimés. Bien entendu, l'émotion a conquis l'hémicycle, et bien au-delà des rangs macronistes. Elle a même eu droit à une ovation, ce qui est la tradition.


    La première satisfaction, c'est qu'une femme continue encore à présider l'Assemblée, et quand on voit les autres candidats, ce n'était pas sûr du tout. La deuxième satisfaction est de démontrer que la gauche radicalisée n'est pas majoritaire, cela remet un peu les points sur les i sur la nature du message des électeurs. Cette Assemblée est en effet confuse, mais la première chose qu'il en sort, après dix jours de confusion totale, c'est Yaël Braun-Pivet réélue au perchoir, et bien réélue, avec 13 voix d'écart, c'était serré mais clair. Et réélue dans les meilleures conditions politiques, meilleures qu'en juin 2022 où le RN s'était retiré dès le second tour. En 2024, on peut affirmer (contrairement à ce qu'a prétendu l'aboyeuse professionnelle Mathilde Panot) qu'aucune voix du RN n'est allée sur Yaël Braun-Pivet. Des 142 voix du premier tour pour Sébastien Chenu, il en a perdu une seule, qui a dû se porter vers un candidat non déclaré. En revanche, le groupe LIOT est bien un OVNI de la vie politique et on aimerait que ce groupe puisse perdurer au fil des législatures tant son identité particulière (liberté de vote) est troublante : certains ont voté pour André Chassaigne, d'autres pour Yaël Braun-Pivet, et même 1 pour Sébastien Chenu au deuxième tour.

    Quelques minutes avant l'annonce des résultats, quelques députés insoumis allaient donner le ton de leur réaction après l'annonce. Ils ont remis en doute la légalité des 17 ministres démissionnaires qui ont voté à ce scrutin. Pourquoi le leur reprocher quand les résultats leur seraient défavorables et pas dès le premier tour ? Mystère ! Sur ce point très particulier, la plupart des constitutionnalistes ont expliqué que c'était légal. Du reste, le ministre démissionnaire élu député, pourquoi ne pas prendre en compte les électeurs de leur circonscription ? Il faut rappeler aussi qu'un suppléant ne peut prendre ses fonctions qu'un mois après la nomination d'un député au gouvernement. Dans des scrutins serrés, chaque voix compte et surtout, chaque électeur compte ! Refuser ce droit de vote serait plutôt là comme déni de démocratie. Par ailleurs, il y aurait eu au moins six précédents sous la Cinquième République. J'en connais au moins deux, en mars 1986 (majorité très serrée) et aussi en 1988 (absence de majorité absolue), où les ministres démissionnaires du premier gouvernement de Michel Rocard élus députés ont siégé pour élire le Président de l'Assemblée Nationale (à l'époque, le PS était ultradivisé et chaque voix comptait aussi).

    Autre critique stérile relayée tant à l'extrême droite qu'à l'extrême gauche : la réélection de Yaël Braun-Pivet serait un déni de démocratie. Pour les députés NFP, rappelant qu'ils étaient arrivés en tête au premier tour, ils ont dénoncé (comme le RN) les combinaisons et les accords opaques avec le groupe LR. C'est très fort d'hypocrisie ! D'une part, aucune opacité puisque cet accord a été commenté en long et en large pendant près d'une journée. D'autre part, le résultat de la candidature unique d'André Chassaigne a résulté aussi d'un accord, d'une combinaison entre les quatre partis du NFP, pas plus transparente que du côté de LR.


    Enfin, si André Chassaigne, Mathilde Panot mais aussi Boris Vallaud et Cyrielle Chatelain, les quatre présidents de groupe du NFP, ont tant hurlé et aboyé contre la réélection de Yaël Braun-Pivet (on leur aurait volé l'élection, quels démagogues vraiment petits !), prouvant qu'ils étaient mauvais joueurs et qu'ils remettaient en cause la sérénité des institutions, de véritables garnements qui nieraient des faits évidents, c'est tout simplement parce qu'avec l'échec de la candidature d'André Chassaigne (qu'ils ont appelée succès parce que c'était un succès d'avoir réussi à trouver un candidat commun au perchoir !), s'est éloignée évidemment (et heureusement) la perspective d'un gouvernement du NFP (toutefois fantôme puisqu'ils étaient incapables d'en nommer un seul membre). Et c'est tant mieux ! Je n'ose pas imaginer le cas où ces fous enragés auraient conquis le perchoir, sur la manière très partisane de diriger les débats parlementaires.

    La réaction du RN et de Sébastien Chenu à la réélection de Yaël Braun-Pivet était un peu plus subtile : les députés RN ont fustigé le maintien de Yaël Braun-Pivet alors que les électeurs auraient réclamé du changement, mais cette contestation fait finalement le jeu de la Présidente réélue car au moins, on ne pourra pas dire qu'elle a été réélue grâce au RN. L'autre critique beaucoup plus forte du RN, c'est l'accord en bonne et due forme du groupe LR en faveur des macronistes, l'objectif du RN étant de reprendre la place laissée vacante par LR.

    Pourtant, entre André Chassaigne et Yaël Braun-Pivet, il n'y avait pas photo pour le RN : son intérêt était effectivement pour la réélection de Yaël Braun-Pivet qui souhaite la représentation de tous les groupes, y compris extrémistes, dans le bureau (qui sera désigné le lendemain), alors que la gauche veut ostraciser le RN des instances décisionnelles de l'Assemblée (ce qui serait une erreur, et serait illégal, en contradiction avec une loi organique appelée Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale).
     

     
     


    L'émotion énorme et très visible de Yaël Braun-Pivet semble enfin clore une séquence ultrastressante qui va du dimanche 9 juin 2024 à ce jeudi 18 juillet 2024 : un tremblement de terre électoral aux élections européennes, pas assez commenté car tout de suite suivi de la dissolution, d'une campagne difficile et courte, d'une perspective devenue quasi-réalité au premier tour du 30 juin 2024 d'une majorité absolue de députés RN, puis d'un front républicain très efficace contre le RN au second tour du 7 juillet 2024. Le retour de Yaël Braun-Pivet à l'Hôtel de Lassay est aussi une manière de dire que la raison, l'ordre et la stabilité l'ont emporté sur les hurlements ou les aboiements d'une gauche radicalisée qui a soumis la gauche molle (PS), tétanisée de la crainte d'être considérée comme des traîtres à la gauche : il fallait voir la tête dépitée de François Hollande et Olivier Faure à l'annonce des résultats.

    Au même moment, à Strasbourg, Ursula von der Leyen était réélue Présidente de la Commission Européenne par les députés européens qui lui ont accordé un second mandat de cinq ans. On a pu voir une grande embrassade entre elle et ...Manon Aubry, séquence vidéo qu'a immédiatement retransmise Marine Le Pen dans les réseaux sociaux en disant : sans commentaire.

    Au programme du vendredi 19 juillet 2024, l'élection des autres membres du bureau de l'Assemblée (6 vice-présidents, 3 questeurs, 12 secrétaires). Celui du samedi 20 juillet 2024 : la constitution des différentes commissions permanentes. Et cette difficulté : qui se déclare de la majorité, qui se déclare de l'opposition ?



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240718-braun-pivet.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-27-l-emotion-de-255913

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/18/article-sr-20240718-braun-pivet.html




     

  • Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier

    « Je suis en colère, écœurée, je suis fatiguée, j'en ai marre, je suis désolée du spectacle qu'on donne aux Français et aux Françaises. » (Marine Tondelier, le 17 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Ce mercredi 17 juillet 2024, dans la matinale de France 2, Marine Tondelier, la secrétaire nationale des écologistes d'EELV, était à la fois triste et en colère. Elle s'est bien rendue compte que décidément, l'union de la gauche n'est pas une affaire facile. C'est même une affaire impossible. Si dans la journée, la nouvelle farce populaire (NFP) a finalement réussi à se mettre d'accord sur un seul candidat au perchoir, ce n'est pas le cas pour un possible Premier Ministre. Le vieux communiste André Chassaigne, sympathique président du groupe communiste apprécié humainement de tout l'hémicycle, candidat au perchoir, aura quand même du mal à réunir sur son nom des voix au-delà du NFP en raison de son positionnement politique.

    Marine Tondelier est désespérée sur l'incapacité du NFP à sortir de son chapeau un nom de Premier Ministre. Évidemment ! Il aurait fallu le trouver et l'annoncer avant les élections, s'ils avaient un peu de respect pour leurs électeurs, mais c'était trop compliqué. Le NFP était une sorte d'artifice vite fait, bâclé, pour faire face à la fois au macronisme et au RN. Ils ne pensaient pas qu'ils auraient l'audace de prétendre à gouverner la France à l'issue du second tour.

    De toute cette séquence particulièrement éprouvante, une sorte de trajet du train fantôme dans une maison hantée, celle de la campagne des élections législatives où était martelée l'inéluctable victoire du RN, une personnalité s'est dégagée, inconnue jusqu'alors de Français, Marine Tondelier. À presque 38 ans, le mois prochain, secrétaire nationale d'EELV depuis le 10 décembre 2022, Marine Veste Verte a multiplié ses interventions médiatiques depuis la dissolution de l'Assemblée : dès le 10 juin 2024, elle est allée sonner à la porte de ses partenaires de la Nupes, les insoumis, les communistes et les socialistes, pour dire qu'il fallait s'unir aux élections sinon ils seraient laminés par la vague RN. En quelque sorte, l'union de la gauche en 2024 lui doit beaucoup. Son échec aussi.

    Car Marine Tondelier n'est pas une déesse, ni une sainte, elle ne fait pas de miracle, et ne sait pas déplacer les montagnes. Surtout quand l'une s'appelle Jean-Luc Mélenchon ! Comme chez tout écologiste, il y a toujours une part de naïveté et de candeur chez Marine Tondelier. C'est ce qui les fait apprécier de ceux qui préfèrent s'occuper de l'environnement à magouiller dans de la cuisine politicienne.

    Pas facile de porter le même prénom que la leader de l'extrême droite, ou alors, c'est justement c'est le challenge de changer de Marine. Pas facile non plus son implantation électorale, dans le Pas-de-Calais, il faut dire qu'elle n'a pas beaucoup de chance ; depuis 2014, elle est conseillère municipale dans le cœur de la MarineLePénie : Hénin-Beaumont, dont le maire, Steeve Brivois et la députée, Marine Le Pen, ont durablement conquis les terres électorales initialement de gauche. Elle a été candidate dans cette onzième circonscription du Pas-de-Calais en 2012 (avec Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en concurrents, le député sortant PS Philippe Kemel a encore gagné, pour la dernière fois), en 2017 et en 2022 (unique candidate de la gauche), mais a laissé son tour en 2024, dans un bastion désormais imprenable (sortante depuis 2017, Marine Le Pen y a été réélue dès le premier tour avec 58,0% !).

    Pourtant, l'échec du NFP de proposer un nom de Premier Ministre, il est en partie de sa propre responsabilité. En effet, ce sont les quatre chefs de parti du NFP qui négocient depuis le 7 juillet 2024 pour ne pas trouver de nom. Elle est aussi responsable que Manuel Bompard, Fabien Roussel ou Olivier Faure.

    Certains journalistes disent même qu'elle est plus responsable de l'échec que d'autres. Pourquoi ? Parce qu'elle aurait systématiquement émis la neutralité des écologistes entre les deux camps très clivés, les insoumis et les socialistes. Refusant de prendre partie pour ne froisser ni les uns ni les autres, elle empêcherait de faire pencher la balance d'un côté et pas de l'autre et d'aboutir à une conclusion, à une décision.


    Il faudrait reprendre exactement l'historique de la proposition de la présidente du conseil régional de La Réunion Huguette Bello à Matignon. Selon la version officielle (je pense qu'il s'agit en réalité d'une manœuvre de Jean-Luc Mélenchon), c'est Fabien Roussel qui l'a proposée le vendredi matin (12 juillet 2024). Il a lâché son nom en public afin de faire avancer les choses. Dans la journée, les insoumis se sont ralliés à ce nom.
     

     
     


    Le samedi (13 juillet 2024), dans l'après-midi, Olivier Faure a convoqué le conseil national du PS pour approuver ou rejeter le nom d'Huguette Bello. A priori, elle est trop marquée à gauche, Olivier Faure n'en voulait donc pas mais voudrait auparavant connaître la position des écologistes. En effet, si EELV annonçait aussi son accord pour Huguette Bello, le PS serait obligé de s'y rallier, sinon il serait responsable du blocage et de la division, chose que ne veut absolument pas endosser Olivier Faure. Selon Mediapart, il aurait lâché : « Si on est seuls contre trois, on va devoir céder ! ».

    À ce moment de l'histoire, assez confuse il faut bien le dire, il faut lire la chronique du journaliste Daniel Schneidermann mise en ligne ce mercredi 17 juillet 2024, qui n'a toujours pas compris pourquoi ni comment la candidature d'Huguette Bello a capoté. Il a contacté tous les acteurs de cette tragi-comédie pour tenter de démêler mauvaise foi et vérité.

    Selon lui, Olivier Faure aurait interrompu le conseil national du PS pour contacter Marine Tondelier qui lui aurai dit : « Les Verts, c'est ni oui ni non ! ». Forts de cette indécision, les socialistes ont alors officialisé leur refus. La version de Marine Tondelier, c'est qu'elle n'aurait pas été contactée elle-même samedi après-midi, mais un « membre de son entourage » qui, aujourd'hui, tient fermement à rester anonyme. Elle-même était favorable à la candidature d'Huguette Bello qu'elle connaissait déjà mais elle l'avait appelée au téléphone et voulait qu'elle se présentât devant la direction des écologistes pour exposer son projet politique (Huguette Bello était en vacances et devait rentrer en début de semaine).


    Lorsqu'elle est partie pour la matinale de France Inter le dimanche 14 juillet 2024, Marine Tondelier voulait annoncer son soutien « avec beaucoup de bienveillance et d'enthousiasme » à Huguette Bello... mais c'était trop tard, cette dernière venait de décliner l'offre en raison du refus des socialistes. Marine Tondelier n'a pu que regretter cette décision. Caramba ! Encore raté !

    Dans sa petite investigation personnelle, Daniel Schneidermann s'est un peu désespéré : « Tondelier : "Faure a peut-être entendu ce qu'il voulait entendre". "Franchement, c'est un beau symbole mais elle n'était pas du tout prête à assumer Matignon" confirme Faure (par SMS). Ils me répondent, mais je les sens désarçonnés par mes questions factuelles (qui a dit quoi ? À quelle heure ? Qui a répondu quoi exactement ?). Manifestement, ils n'ont pas l'habitude. Et puis, dans ce harcèlement de textos, d'appels, de sommations, allez vous souvenir des détails ! ».

    Donc, si la candidature d'Huguette Bello a échoué, c'est en partie à cause de Marine Tondelier elle-même qui, à force de ménager la chèvre et le chou, est incapable de prendre des décisions claires et surtout connues de ses partenaires. En fait, les écologistes seront toujours d'accord. Ainsi, Marine Tondelier a aussi avalisé l'hypothèse de Laurence Tubiana, rejetée absolument par les insoumis. Retour à la case départ. Ne croyez pas que le Président de la République se frotte les mains aujourd'hui. C'est plutôt Marine Le Pen qui se frotte les mains. Elle attend plein d'espoir son heure l'année 2025...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (17 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240717-tondelier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-26-les-larmes-de-255887

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/17/article-sr-20240717-tondelier.html



     

  • Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?

    « L'élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s'efforçant de reproduire au sein du bureau la configuration politique de l'Assemblée et de respecter la parité entre les femmes et les hommes. » (Article 10 alinéa 2 du Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale).


     

     
     


    Tout s'accélère cette semaine dans la perspective de l'ouverture de la XVIIe législature de la Cinquième République ce jeudi 18 juillet 2024. La nouvelle farce populaire (NFP) est en phase de décomposition avancée, prêt à imploser devant l'étendue des désaccords : ils ne sont pas capables de s'entendre pour la première décision à prendre, comment pourraient-ils se mettre d'accord sur la politique à mener, par exemple, sur le nucléaire ?

    Après le rejet des socialistes de la proposition d'Huguette Bello, à Matignon, le PS a proposé d'autres noms dont Cécile Duflot (!!!!!) (les bras m'en sont tombés !), Esther Duflo (l'économiste qui n'a pas vraiment validé le programme économique du NFP), et enfin, Laurence Tubiana. Le PCF et EELV se sont ralliés à cette idée, mais les insoumis l'ont rejetée catégoriquement, demandant un peu de sérieux. Laurence Tubiana, en particulier, avait fait partie des personnalités pressenties pour Matignon en 2020 puis 2022. De là à instruire son procès pour macronisme aggravé, il n'y a qu'un pas mais justement, c'est parce qu'elle est macron-compatible qu'elle conviendrait pour élargir la majorité à Ensemble. Fin de non recevoir de Jean-Luc Mélenchon, et même pire, rupture des négociations au NFP. C'est bien joli, ces petites guéguerres, mais ils ne se mettent même pas d'accord alors qu'il leur manque 100 députés et qu'ils devraient nécessairement aller les chercher ailleurs que chez eux. En fait, comme il est très intelligent, le gourou des insoumis prouve qu'il ne veut pas gouverner et préfère la position confortable de l'opposant jusqu'en 2027.

    C'est un spectacle pitoyable qui montre à l'évidence que le Président Emmanuel Macron avait raison : ni le RN ni le NFP ne sont capables de gouverner et ils n'ont d'ailleurs pas de projet de gouvernement, ils ne sont pas prêts ni sur le plan des personnalités à nommer, ni sur le plan du contenu. Toutefois, cela ne fait pas les affaires de la France et les entreprises sont dans une grande expectative.

    Ce mardi 16 juillet 2024 a eu lieu un ultime conseil des ministres du gouvernement dirigé par Gabriel Attal. La démission du gouvernement est devenue officielle vers 18 heures 30 et en attendant le prochain gouvernement, le démissionnaire gérera les affaires courantes (et les ministres qui ne sont plus ministres pourront siéger à l'Assemblée s'ils ont été élus ou réélus). Certains évoquent que cette période pourrait durer jusqu'au 1er octobre 2024, date de l'ouverture de la session ordinaire.

    Emmanuel Macron a encouragé les députés Ensemble à travailler sur une coalition avec les élus LR et centristes ainsi qu'avec le centre gauche pour former un gouvernement viable que ne peut manifestement pas concevoir le NFP, faute de majorité. De son côté, le groupe LR a travaillé son pacte législatif à partir duquel il proposera une dizaine de textes législatifs sur lesquels ils seront vigilants, en compensation d'une bienveillance parlementaire (pas de vote de motion de censure). Emmanuel Macron, en tout cas, a exclu la nomination d'une gouvernement 100% NFP avant le mois d'octobre, car sans session parlementaire, aucune motion de censure ne pourra être déposée, et pendant ces semaines au pouvoir, ce gouvernement pourrait faire de graves dégâts économiques par voie de décrets.

     

     
     


    L'enjeu se déplace de quelques rues, de Matignon au Palais-Bourbon, et l'importance de l'élection du prochain Président de l'Assemblée Nationale jeudi est grande car elle pourrait préfigurer la capacité ou non de gouverner, de trouver des majorités de circonstance. Je rappelle que dans ce scrutin, il faut la majorité absolue aux deux premiers tours, et la majorité relative suffit au troisième tour. De nouveaux candidats peuvent le cas échéant se présenter entre deux tours.

    Le NFP a assuré qu'ils se sont mis d'accord pour ne présenter qu'une seule candidature, espérant l'emporter à la majorité relative au dernier tour. Beaucoup sont candidats mais certains pourraient s'effacer : Éric Coquerel pour FI, Cyrielle Chatelain (qui vient d'être réélue présidente du groupe EELV à l'unanimité), André Chassaigne pour le PCF et Boris Vallaud pour le PS. Apparemment, Cyrielle Chatelain auraient les faveurs du NFP (à confirmer). D'autres candidats dans les autres groupes (en tout, il y aurait treize groupes) : Charles de Courson pour les centristes (ils ne représentent que quelques sièges), Annie Genevard pour LR, probablement Sébastien Chenu pour le RN (à confirmer).

    La Présidente de l'Assemblée Nationale sortante Yaël Braun-Pivet a également annoncé sa candidature ce mardi, mais rien n'indique qu'il n'y aurait pas, non plus, un candidat du groupe Horizons, et même un autre du MoDem. Peu appréciée du Président de la République, Yaël Braun-Pivet veut réunir une large majorité des députés sur son nom. Certes, sa réélection pourrait mettre un doute sur le besoin de changement et la réalité des élections législatives, mais en fait, la question ne se pose pas vraiment en ces termes : si elle est réélue jeudi, cela signifie que la configuration de l'Assemblée lui a apporté une majorité (même relative), et c'est donc bien la volonté populaire puisque cette configuration a été voulue par les électeurs (plus ou moins consciemment).

    Mais derrière l'enjeu du perchoir, il y a deux autres enjeux : le premier, déjà évoqué, de la capacité à recueillir une majorité relative dans cette Assemblée impossible ; le second, c'est qu'il y a d'autres postes de gestion de l'Assemblée, le fameux bureau de l'Assemblée Nationale, à désigner, et aussi les commissions et ses présidents.

     

     
     


    Là, formellement, on tombe sur un os institutionnel. Pourquoi ? Parce que selon le Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, dans sa dernière version du 24 novembre 2014 (loi organique n°2014-1392 du 24 novembre 2014), chaque groupe doit indiquer, au moment de sa formation (ils ont jusqu'au 20 juillet 2024 pour achever leur constitution), à côté de sa profession de foi, son appartenance (très binaire) à la majorité ou à l'opposition. Sur les treize groupes actuellement formés, seul le RN aurait indiqué opposition, et il revendique déjà la présidence de la commission des finances (réservée traditionnellement, depuis 2007, à un membre de l'opposition). Quant au groupe insoumis, il aurait indiqué qu'il appartenait à la majorité, puisqu'il est dans le trip de la formation d'un gouvernement 100% NFP.

    Comme aucun nouveau gouvernement n'est encore nommé, ni aucune coalition n'a démontré qu'elle pouvait gouverner, se dire de la majorité ou de l'opposition relève de procédés divinatoires ! Et être de l'opposition, cela signifie quelle opposition, puisque le problème s'était déjà posé en 2022 où FI et le RN avaient revendiqué la même présidence de la commission des finances, le premier car faisant partie de la Nupes, plus nombreuse que le RN, pourtant le groupe d'opposition le plus nombreux. Ce qui était déjà difficile en 2022 devient une véritable épreuve de force pour faire le casting de 2024.

    Dans le bureau, en plus du Président, il y a six vice-présidents (trois sortantes ont été battues aux dernières législatives : Valérie Rabault, Élodie Jacquier-Laforge et Caroline Fiat), trois questeurs (les sortants étaient Éric Woerth, Éric Ciotti et Brigitte Klinkert), et douze secrétaires.

     

     
     


    À chaque nouvelle session, ces désignations sont renouvelées, et ce sont tous les groupes qui se mettent d'accord sans faire de vote formel (en fait, si, mais pour donner l'ordre dans le protocole). Dans tous les cas, l'alinéa 2 de l'article 10 du Règlement intérieur de l'Assemblée est assez clair : « L'élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s'efforçant de reproduire au sein du bureau la configuration politique de l'Assemblée et de respecter la parité entre les femmes et les hommes. ».

    Pourquoi citer cet article ? Parce qu'il y a une double petite musique qui pourrait mettre en question la quiétude des institutions et leur caractère démocratique. L'Assemblée Nationale est en effet comme une grande maison nationale, appartenant aux Français, à tous les Français, et à leurs représentants, à tous leurs représentants, que sont les députés. Or le NFP s'est mis d'accord pour refuser toute désignation d'un membre du RN dans le bureau de l'Assemblée. Le groupe Ensemble pour la République (macroniste) a également émis le vœu de refuser tout député RN mais aussi FI au sein des instances décisionnelles de l'Assemblée.

    Ce serait un déni de démocratie, et une incohérence avec ce qui s'est passé dans la précédente législature en 2022 puisque le RN, beaucoup moins nombreux, avait obtenu deux vice-présidences (Sébastien Chenu et Hélène Laporte). De son côté, FI avait obtenu une vice-présidence (Caroline Fiat) et une secrétaire (Danièle Obono).

     

     
     
     
     


    La position de Yaël Braun-Pivet n'est pas du tout celle de son groupe. Elle considère que tous les groupes doivent participer à la direction de l'Assemblée où il doit régner une certaine concorde. Rejeter des groupes, c'est rejeter leurs électeurs (10 millions pour le RN). De là à imaginer des choses... "Le Figaro" a un peu vite conclu que Yaël Braun-Pivet aurait scellé un accord avec le RN pour la laisser au perchoir en échange de vice-présidences. Pas du tout, a riposté la députée des Yvelines, qui rappelle qu'elle pourrait être réélue à la majorité relative sans le RN si elle rassemble l'ensemble du bloc central, Ensemble et LR.

    Lors de sa première élection au perchoir, le 28 juin 2022, Yaël Braun-Pivet avait recueilli 238 voix sur 562 votants (42,4%) au premier tour, et 242 voix sur 474 votants (52,4%) au second tour (les % sont par rapport aux suffrages exprimés et pas votants). Un troisième tour n'avait pas été nécessaire grâce au désistement, après le premier tour, du candidat RN Sébastien Chenu et à l'abstention de son groupe pour le second tour.

    Vu le comportement plutôt responsable des députés RN en 2022, il est fort probable qu'ils renouvelleront ce comportement en 2024 dans une situation plus délicate pour eux puisqu'il est question de leur priver de responsabilités internes. L'objectif du RN serait donc d'empêcher à tout prix l'élection du candidat provenant du NFP qui refuserait toute cogestion de l'Assemblée avec le RN. Le retrait du candidat du RN et l'abstention du RN feraient que la majorité absolue pourrait être atteinte avec 226 voix, soit à peu près l'ensemble du pôle macroniste et de LR. Certains estiment que le retrait des autres candidats du bloc central (candidate LR et Charles de Courson, antimacroniste notoire) après le premier ou second tour ne pourrait se faire qu'avec une nouvelle candidature, par exemple celle de la centriste Valérie Létard (UDI) : ancienne ministre, sénatrice du Nord, elle s'est présentée à la vingt et unième circonscription du Nord et a été élue de justesse face au RN après le désistement du candidat NFP.

    Avant l'installation de la nouvelle Assemblée, j'indique ici les principaux résultats de certaines personnalités politiques lors de ces élections législatives anticipées (c'est très loin d'être exhaustif).

    Ne se sont pas présentés : François Bayrou, Édouard Philippe, Bruno Le Maire, Valérie Pécresse, Jordan Bardella, Raphaël Glucksmann, Jean-Luc Mélenchon, Manon Aubry, Valérie Hayer, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Louis Aliot, François-Xavier Bellamy, Xavier Bertrand, Christian Estosi, Renaud Muzelier, Olivier Dussopt, Éric Dupond-Moretti, Jean-François Copé, Marion Maréchal, Éric Zemmour, Amélie de Montchalin, Rachida Dati, etc.

    Ne se sont pas représentés : Adrien Quatennens, Jean-Louis Bourlanges, Bruno Millienne, etc.

    Battus dès le premier tour : Laurence Sailliet, Jean Messiha, Fabien Roussel, Clément Beaune, Jérôme Cahuzac, Arnaud Dassier, Rachel-Flore Pardo, Pierre-Louis Giscard d'Estaing, Yann Wehrling, Pierre-Yves Bournazel, Damine Abad, etc.

    Élus dès le premier tour : Mathilde Panot, Éric Coquerel, Aymeric Caron, Julien Oudol, Sandrine Rousseau, Edwige Diaz, Sébastien Chenu, Philippe Ballard, Marine Le Pen, Bruno Bilde, Laure Lavalette, Manuel Bompard, Sébastien Delogu, François Piquemal, Sophia Chikirou, Danièle Obono, Aurélien Saintoul, Éric Coquerel, Sarah Legrain, Aurélie Trouvé, Bastien Lachaud, Clémence Guetté, Emmanuel Grégoire, Olivier Faure, Clémentine Autain, Carlos Martens Bilongo, Marie-Charlotte Garin, Pouria Amirshahi, Éva Sas, Rodrigo Arenas, Elsa Faucillon, Stéphane Peu, Sophie Taillé-Polian, Philippe Juvin, etc.

    Se sont désistés au second tour : Gilles Le Gendre, Marie Guénévoux, Dominique Faure, Raquel Garrido, Élodie Jacquier-Laforge, Sabrina Agresti-Roubache, etc.


    Battus au second tour : Aude Luquet, Stanislas Guérini, Jean Lassalle, Valérie Rabault, Nicolas Dupont-Aignan, François Durovray, Robin Reda, Laurence Maillart-Méhaignerie, Stéphane Beaudet, Aude Lagarde, Sébastien Jumel, Olivier Véran, Philippe Poutou, Sarah El Haïry, Maud Gatel, Victor Habert-Dassault, Bertrand Pancher, Caroline Fiat, Jérôme Sainte-Marie, Meyer Habib (battu par Caroline Yadan), Rachel Keke, Pierre Larrouturou, Sabrina Ali-Benali, Emmanuelle Ménard, Grégoire de Fournas, Gilles Bourdouleix (sa manipulation grossière n'a fait perdre à son adversaire que 82 voix sur 80 125), etc.

    Élus au second tour : Xavier Breton, Julien Dive, Éric Ciotti, Michèle Tabarot, Hervé Saulignac, Pierre Cordier, Jean-Luc Warsmann, Hendrik Davi, José Gonzalez, Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Laurent Wauquiez, Gérald Darmanin, Marc Fesneau, Olivier Falorni, François Hollande, Hervé Berville, Dominique Voynet, Annie Genevard, Guillaume Kasbarian, Olivier Marleix, Philippe Vigier, Erwan Balanant, Laurent Marcangeli, Jean-René Cazeneuve, Thomas Cazenave, Thierry Benoit, Laurent Baumel, Cyrielle Chatelain, Geneviève Darrieussecq, Roger Chudeau, Boris Vallaud, Emmanuel Mandon, Sandrine Josso, Thomas Ménagé, Richard Ramos, Aurélien Pradié, Hélène Laporte, Stéphane Travert, Stella Dupont, Philippe Gosselin, Jérôme Guedj, Charles de Courson, Guillaume Garot, Christophe Bentz, Yannick Favennec, Stéphane Hablot, Thibault Bazin, Dominique Potier, Nathalie Colin-Oesterlé, Fabien Di Filippo, Laurent Jacobelli, Ugo Bernalicis, Sébastien Huyghe, David Guiraud, Violette Spillebout, Roland Lescure, Valérie Létard, Éric Woerth, Agnès Pannier-Runacher, André Chassaigne, Jean-Paul Matteï, David Habib, Sandra Regol, Patrice Hetzel, Brigitte Klinkert, Raphaël Schellenberger, Olivier Becht, Bruno Fuchs, Blandine Brocard, Cyrille Isaac-Sibille, Marina Ferrari, Sylvain Maillard, Céline Hervieu, Olivia Grégoire, David Amiel, Benjamin Haddad, Danielle Simonnet, Agnès Firmin Le Bodo, Frédéric Valletoux, Arnaud Saint-Martin, Aurélien Rousseau, Franck Riester, Ersilia Soudais, Jean-Noël Barrot, Marie Lebec, Yaël Braun-Pivet, Benjamin Lucas, Aurore Bergé, Karl Olive, Delphine Batho, François Ruffin, Jean-Philippe Tanguy, Yannick Chenevard, Raphaël Arnault, Sacha Houlié, Nicolas Turquois, Paul Midy, Antoine Léaument, Céline Calvez, Constance Le Grip, Prisca Thevenot, Stéphane Séjourné, Maud Bregeon, Thomas Portes, Alexis Corbière, Aly Diouara, Louis Boyard, Vincent Jeanbrun, Michel Herbillon, Emmanuel Maurel, Aurélien Taché, Olivier Serva, Emmanuel Tjibaou, Caroline Yadan, Anne Genetet, etc.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (16 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240716-assemblee-nationale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-25-faut-il-255871

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/16/article-sr-20240716-assemblee-nationale.html





     

  • Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin

    « Dans ces conditions et soucieuse d'un accord rapide au sein du NFP, j'ai décidé de décliner sans plus attendre l'offre qui m'a été faite. » (Huguette Bello, communiqué du 14 juillet 2024).



     

     
     


    Non, vous avez bien lu : "on" aurait proposé l'offre de devenir Premier Ministre à Huguette Bello (presque 74 ans), présidente du conseil régional de La Réunion depuis 2021, mais elle a décliné l'offre ce dimanche 14 juillet 2024 à 10 heures 45, pas par modestie ou humilité, mais parce que le parti socialiste avait bien vu la manœuvre et a refusé cette idée la veille, le 13 juillet 2024.

    On est en plein surréalisme. D'un côté, un groupe ultraminoritaire (74 sièges) fait le forcing pour appliquer son programme populiste avec ses militants ; de l'autre, un Président de la République qui, ma foi, est très patient en ne faisant rien, parce qu'il aurait pu prendre une initiative pour tenter un pacte de législature entre Ensemble et LR, et de ce fait, prendre la nouvelle farce populaire (NFP) de court.

     

     
     


    Il faut que la gauche plus ou moins extrémiste se rende compte d'une chose : la temporisation du Président Emmanuel Macron leur profite, au contraire de tout ce qu'ils disent. Parce qu'ils ne sont pas capables de sortir un nom de leur chapeau depuis une semaine. Il faut dire qu'ils n'envisageaient pas être en position de gagner, et il a fallu l'habileté de Jean-Luc Mélenchon pour dire à ses partisans qu'ils avaient gagné (sinon, personne ne l'aurait su). Les médias ont fait le reste, pour amplifier l'interprétation pourtant erronée des résultats des élections législatives alors qu'aucun groupement n'a la capacité de former un gouvernement viable, c'est cela la vérité première.

    Le surréalisme, c'est d'imaginer que Jean-Luc Mélenchon serait le Président autoproclamé (le vote serait alors inutile, ici) d'une supposée sixième (selon ses rêves les plus fous) mais plutôt quatrième République et que du haut de son Olympe, sans aucun mandat du peuple, il intrigue et manœuvre, dans la plus belle tradition des poisons et délices de la Quatrième République (dans laquelle son mentor François Mitterrand nageait comme un poisson dans l'eau). Il faut bien reconnaître que l'opération Bello était bien ficelée.

    À l'origine, en effet, c'est Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, qui a proposé son nom vendredi 12 juillet 2024. Comme je l'ai écrit précédemment, je n'avais pas tout de suite compris. Certes, Fabien Roussel, qui a subi de lourdes pertes électorales aux élections législatives (lui-même a été battu dès le premier tour par un candidat RN), va avoir du mal à maintenir un groupe communiste à l'Assemblée Nationale (il faut 15 députés, il n'en aurait que 9), alors, comme c'est souvent habituel, le PCF tente d'attirer quelques députés ultramarins aux partis de gauche au positionnement pas très compréhensible en métropole. Huguette Bosso, qui est chef de son parti qu'elle a fondé en 2012, est "originaire" du parti communiste à La Réunion. C'était donc cohérent.

     

     
     


    Ce qui était en revanche moins cohérent, c'était que le chef battu de la plus petite composante du NFP (2,4% aux dernières élections européennes) a proposé à toute sa coalition le nom d'un Premier Ministre. J'ai vite compris quand j'ai entendu Manuel Bompard le soir du même jour, sur BFMTV, annoncer qu'il ne s'opposerait pas au choix de Huguette Bello : « une proposition qui peut faire consensus » ! Le lendemain, pluie de soutiens chez les insoumis, notamment Clémence Guetté et, bien sûr, le vieux gourou Jean-Luc Mélenchon.

    En fait, Huguette Bello est avant tout une insoumise. Elle a le droit, mais autant être claire. Elle est insoumise, et pas n'importe laquelle puisque Jean-Luc Mélenchon, qui était le numéro 80 (sur 81) sur la liste des insoumis de Manon Aubry aux élections européennes de juin 2024, l'avait installée à la place numéro 81, c'est-à-dire la plus grande place d'honneur. Si elle avait été si communiste que ça, elle aurait été candidate sur la liste communiste, puisqu'il y en avait aussi une. Huguette Bello est une amie de Jean-Luc Mélenchon, qui ont, à un an près, le même âge (très avancé). La manipulation était finalement un peu grossière, quoique bien ficelée.

     

     
     


    Trêve de plaisanterie : c'était donc évidemment une manœuvre des insoumis pour imposer leur candidate aux socialistes. Très subtile puisque les insoumis ont feint que l'idée ne vienne pas d'eux. Ainsi, FI, PCF et EELV seraient favorables à Huguette Bello, et il ne restait que les socialistes pour faire les difficiles. Malgré les pressions, les socialistes n'en démordaient pas le 13 juillet 2024 en rejetant fermement la proposition d'Huguette Bello : pour eux, le Premier Ministre doit provenir du PS, et cela ne peut être que son chef au charisme d'huître et à l'autorité de moineau, Olivier Faure.

    La parenthèse Bello s'est refermée discrètement dès le 14 juillet 2024 et Fabien Roussel, désespéré, dans une sorte de sursaut d'honneur, en est venu alors à proposer le nom de sa prédécesseure au PCF, Marie-George Buffet (ancienne ministre de Lionel Jospin). Certains commencent à se dire qu'il faudrait arrêter de lire à voix haute les annuaires, et d'autant plus qu'on n'en est encore qu'à la lettre B !

     

     
     


    Je reviens sur le profil tout à fait estimable d'Huguette Bello. À part l'âge (car l'âge compte : 28 ans, 35 ans, 46 ans, ce sont des âges de grand dynamisme pour l'Élysée et Matignon ; 74 ans, un peu moins), Huguette Bello cochait beaucoup de cases et la principale, c'est une insoumise ! Femme (ça compte), issue d'une minorité (à définir ce que c'est ; en fait, à La Réunion, elle est issue de la majorité, d'où sa présidence de région), elle a été sept ans maire de Saint-Paul, trois ans présidente du conseil régional de La Réunion, et vingt-trois ans députée de La Réunion, cette expérience à la fois de parlementaire et de chef d'un exécutif important lui donnait quelques atouts pour diriger un gouvernement, en tout cas, beaucoup plus d'atouts qu'un Jordan Bardella (ou qu'un Olivier Faure). Quant à La Réunion, elle n'aurait pas été le seul Premier Ministre à y avoir vécu, Raymond Barre aussi y est né et y a grandi.
     

     
     


    Mais, dès que son nom a été jeté en pâture, très vite, on a rappelé que la députée Huguette Bello était absente de l'hémicycle lors du vote de la loi sur le mariage pour tous, qu'elle cite volontiers le Coran dans certains de ses tweets tandis que des internautes auraient préféré qu'elle cite Victor Hugo. En face, on insiste sur l'admiration qu'ont eue pour elle Emmanuel Macron et Gabriel Attal. Un argument à double tranchant car les plus ultras considèrent qu'elle est macronisée. En tout cas, le chef de l'État aurait du mal à affirmer qu'elle ne serait pas dans l'arc républicain alors qu'elle le recevait avec honneurs et compliments à La Réunion.

    Revenons à cette farce mélenchonesque : jusqu'à nouvel ordre, et révision de la Constitution qui risque d'être délicate à mener à bien alors qu'il faut une majorité des trois cinquièmes du Congrès et qu'aucune majorité n'existe à l'Assemblée, ce n'est pas au gourou des insoumis de nommer le Premier Ministre mais au Président de la République élu démocratiquement par tous les Français, et en l'occurrence, à celui qui a été réélu à 58,6% le 24 avril 2022.


    Sa vision des choses, exprimée dans sa lettre aux Français, demeure la même. Il reste ouvert à toutes les solutions, dès lors que celles-ci permettent la formation d'un gouvernement qui ne serait pas censuré deux jours après sa nomination : « C’est à ce titre que je demande à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays. Les idées et les programmes avant les postes et les personnalités : ce rassemblement devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible et prendre en compte les préoccupations que vous avez exprimées au moment des élections. Elle devra garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible. Elle rassemblera des femmes et des hommes qui, dans la tradition de la Ve République, placent leur pays au-dessus de leur parti, la Nation au-dessus de leur ambition. Ce que les Français ont choisi par les urnes, le front républicain, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes. ».

    C'est exactement ceci : le gagnant de ces élections législatives, contre toute prévision des journalistes et des sondeurs, c'est le front républicain. À lui, donc, d'assumer la mise en place du gouvernement. Jean-Luc Mélenchon et ses sbires insoumis, qui voudraient préempter l'ensemble du NFP, voudraient aussi préempter l'ensemble du front républicain. Mais il n'a pas assez de sièges pour cela.


    La solution devient de plus en plus évidente pour les socialistes, et j'ai toujours pensé que la clef de cette période post-électorale se trouvait au PS : les socialistes devraient se désengager de leur lien de vassalité avec les insoumis pour reprendre leur indépendance et mener ce front républicain. Sans cela, il est assez probable qu'une personnalité venant de LR prenne le relais. Gérard Larcher a proposé une trêve politique jusqu'à début septembre, le temps des Jeux olympiques et paralympiques. Cela donnerait un peu de temps à Olivier Faure pour se rendre compte que décidément, celui dont il croyait être le dauphin a des visées hégémoniques peu compatibles avec sa propre ambition personnelle. Plus le NFP peine à se structurer, plus la perspective d'un gouvernement NFP s'éloigne, et c'est tant mieux, car leur majorité est en peau de lapin.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240714-huguette-bello.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-24-huguette-255842

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/13/article-sr-20240714-huguette-bello.html




     

  • Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement

    « Le Président a le devoir d’appeler le nouveau front populaire à gouverner (…). Le nouveau front populaire appliquera son programme, rien que son programme, mais tout son programme. » (Jean-Luc Mélenchon, à Paris le dimanche 7 juillet 2024 à 20 heures 02).




     

     
     


    Eh voilà ! La réécriture de l'histoire s'est installée avec les médias complaisants dès la deuxième minute de la clôture des bureaux de vote pour le second tour des élections législatives. Habile manœuvrier, le gourou des insoumis a bien compris qu'il y avait le vote et il y avait "l'opinion publique". Or, ce que le vote n'a pas permis, il pouvait se le permettre avec "l'opinion publique" en hurlant la victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) malgré le faible nombre de sièges gagnés, 182, insuffisant pour atteindre la majorité absolue, 289. C'est la magie de Jean-Luc Mélenchon : transformer tout ce qu'il touche en mouise.

    À l'évidence, ce postulat de départ, repris ad nauseam par de nombreux journalistes eux-mêmes rêvant d'un nouveau grand soir, a fait perdre à la France une bonne semaine. Le pire, c'est que malgré cela, le NFP a été incapable, en une semaine, de proposer un nom de Premier Ministre. Alors, il est un peu risible d'entendre chaque jour des députés NFP répéter avec la méthode Coué que le Président de la République n'a pas proposé Matignon au NFP : le voudrait-il qu'il serait incapable de savoir à qui il devrait s'adresser.

    L'objectif du che mélenvera, c'est aussi de cibler tous les membres téméraires du NFP qui tenterait de négocier un projet de gouvernement avec d'autres forces politiques afin de rechercher une majorité à l'Assemblée, ou, du moins, une indulgente neutralité, en les traitant de traîtres vis-à-vis de leurs électeurs. C'est un argument très efficace à gauche dont les marquages et les postures sont plus importants que les actes (pour eux, le pire est d'être considérés comme de la fausse gauche). Cela interdit alors tout compromis.

     

     
     


    Pour ajouter à la tension politique, l'irresponsable secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a appelé le 11 juillet 2024 à mettre l'Assemblée « sous surveillance » (on croit rêver : bravo le respect de la démocratie et des institutions !) et voudrait une grève et une manifestation devant l'Assemblée à l'ouverture de la législature, le 18 juillet 2024. Mettre la pression sur des représentants du peuple, cela s'appelle coup d'État.

    Ce vendredi 12 juillet 2024, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, battu dès le premier tour dans sa circonscription (la vingtième circonscription du Nord) par un candidat FN, non content du climat de confusion qui règne déjà, a proposé un nouveau nom de Premier Ministre, en l'occurrence de Première Ministre, Huguette Bello, 74 ans le mois prochain, présidente du conseil régional de La Réunion depuis 2021, ancienne députée-maire PCF de Saint-Paul, qui a bondi en notoriété nationale ces dernières heures.

    Il faut dire que cette femme politique réunionnaise très expérimentée et très estimable (à part l'âge, elle cocherait toutes les cases du cahier des charges) a apporté son parrainage présidentiel à Jean-Luc Mélenchon en 2022, qu'elle était candidate aux élections européennes de 2024 en dernière place (juste derrière Jean-Luc Mélenchon) sur la liste insoumise de Manon Aubry et qu'elle est nécessairement mélencho-compatible (Manuel Bompard a déjà annoncé sur BFMTV vendredi soir que si cette candidature s'imposait, il la soutiendrait). L'initiative de Fabien Roussel paraît donc n'être qu'une manœuvre téléguidée par les insoumis.

     

     
     


    Mais en vérité, il n'y a pas de fumée blanche dans les conclaves du NFP depuis une semaine parce qu'ils ne sont d'accord sur rien. Personne de ses créateurs, avant le second tour, n'imaginait pouvoir revendiquer la victoire, ils avaient concocté une alliance électorale commode et efficace pour ne pas s'effondrer et combattre les macronistes et l'extrême droite, ils l'avaient agrémenté d'un programme démagogique, sorte de liste à la Prévert attrape-tout qui n'avait pas d'autre finalité que la campagne électorale. Voici les réalistes du NFP dans de beaux draps, piégés par eux-mêmes et leur électoralisme populiste !
     

     
     


    Le problème est insoluble : Jean-Luc Mélenchon veut Matignon et tout le programme du NFP, il veut Matignon selon la règle que les insoumis sont les plus nombreux du NFP, la coalition la plus nombreuse de l'Assemblée, mais ne représentant que 32% des sièges. Pas de quoi être capable de gouverner. Surtout que les insoums, c'est 73 sièges, soit même pas 13% des sièges, quel esprit démocratique ! C'est la démocratie dans le sens "démocratie populaire" ("populaire" dont est fagoté le NFP).

    Pourtant, les insoumis (pour brûler tout sur leur passage et hurler à la dictature), mais aussi les écologistes et les socialistes, pour d'autres raisons (naïveté ?) se comportent comme s'ils avaient obtenu 350 sièges au lieu des 182 ! Arrogance, mépris, menaces... les députés insoumis et même écologistes multiplient les invectives directes contre le Président de la République (qui, je l'espère, en gardera mémoire), avec des mots dénués de toute signification malgré leurs connotations historiques évidentes, comme cet Aurélien Saintoul qui a répété au moins cinq fois le mot "forfaiture". Comment ces gens-là comptent-ils se convaincre que le Président les nommera ministres alors qu'ils ne respectent même pas les institutions et encore moins la personne du Président de la République qui présidera les conseils des ministres ?
     

     
     


    Alors, bien sûr, les journalistes et probablement à leur suite, la plupart des députés NFP vont devoir remiser leurs rêves éveillés dans le tiroir de leur table de nuit. 182 ne fera jamais 289. Arithmétique simple (pas besoin de calculatrice) pour comprendre que vous ne gouvernez pas avec les deux tiers de l'Assemblée qui sont contre vous.

    Car c'est cela, la prise de conscience : les autres groupes qui pensaient qu'il n'y avait pas à argumenter sur la non-victoire du NFP ont dû expliciter lourdement. Emmanuel Macron l'avait déjà écrit aux Français le 10 juillet 2024 : « Personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. ». Et en écrivant cela, il a reconnu la défaite de son camp (contrairement à ce qui est habituellement commenté), défaite qu'il a confirmée à la suite en insistant sur « ces élections marquées par une demande claire de changement ».

    C'est ainsi qu'il a fallu aux autres groupes mettre les points sur les i. Cette clarification était nécessaire même si elle était pourtant évidente. Laurent Wauquiez, président du groupe des députés LR, a commencé le 10 juillet 2024 en proclamant qu'il déposerait et voterait immédiatement une motion de censure en cas de nomination d'un gouvernement comportant ne serait-ce qu'un seul ministre insoumis. Le 11 juillet 2024, le Président du Sénat Gérard Larcher a élargi la fatwa en disant que LR voterait une motion de censure si le gouvernement émanait du NFP. Le même jour, Marine Le Pen, réélue présidente du groupe RN, a confirmé que son groupe voterait la censure contre un gouvernement ayant des ministres insoumis ...ou écologiste. Le lendemain, le Premier Ministre Gabriel Attal, futur président du groupe Renaissance (le deuxième de l'Assemblée), mais aussi la ministre Aurore Bergé, ancienne présidente du groupe Renaissance, ont affirmé que les macronistes voteraient aussi la censure d'un gouvernement comportant des ministres insoumis, et Gérald Darmanin a même évoqué la censure s'il y a aussi des ministres écologistes.
     

     
     


    Bref, pour ceux qui n'auraient pas compris, 61+143+168 égalent 372, soit largement au-dessus des 289 nécessaires à l'adoption d'une motion de censure. En résumé, un gouvernement NFP pour faire un programme NFP n'aura pas trois jours de durée de vie (il faut quarante-huit heures entre le dépôt et l'examen d'une motion de censure).

    Certains, au NFP, voudraient que le Président de la République nomme celui qui sera nommé par le NFP (grand mystère car ça négocie sec) et que l'heureux nommé se fasse bananer trois jours plus tard. À part enrichir furtivement sa carte de visite (et son CV), je ne vois pas l'intérêt dans l'affaire, du moins l'intérêt national, bien sûr.

    La clef est sans doute dans ce qu'a proposé Laurent Wauquiez : aucune participation mais un pacte de non-censure (en quelque sorte) afin de proposer des textes qui auraient l'accord (implicite) d'une grande partie de l'Assemblée. C'est là le paradoxe : peuple comme députés sont majoritairement... à droite ! Donc, pour éviter à tout prix un gouvernement 100% NFP (d'ultragauche), LR et sans doute aussi le RN (à voir) sont prêts à ne pas censurer un gouvernement qui ne serait pas l'émanation directe du NFP et qui penserait un peu aux préoccupations des gens, comme la sécurité.
     

     
     


    Pour l'heure, Emmanuel Macron semble décidé, ce vendredi, à faire démissionner le gouvernement Attal le mardi 16 juillet 2024, à l'issue d'un ultime conseil des ministres : pas le mercredi car le Président est en visite en Grande-Bretagne les 17 et 18 juillet 2024. Il y a urgence que le gouvernement démissionne pour une raison simple : un ministre élu (ou réélu) député ne peut siéger le 18 juillet 2024 s'il reste ministre. En tant que démissionnaire, il n'est plus ministre de droit et peut donc participer aux scrutins dans l'hémicycle où chaque voix va compter, notamment pour l'élection du prochain Président de l'Assemblée Nationale.

    Et puis, indépendamment de l'esprit démocratique, il y a aussi un intérêt à ce que le gouvernement soit démissionnaire : l'opposition ne pourra pas voter une motion de censure, puisqu'on ne peut pas tuer un mort ! Le gouvernement gérera alors les affaires courantes jusqu'à la survenue, probablement après un long temps de maturation, d'une solution viable d'un gouvernement qui ne sera pas censuré dès ses premiers jours d'exercice. Pour cela, il faudra d'abord lever une fois pour tout l'hypothèque NFP.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    (Illustrations : Astérix de Goscinny et Uderzo chez Dargaud, Les Schtroumpfs de Peyo chez Dupuis, Xavier Gorce dans "Le Point" et Kak dans "L'Opinion").


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240712-futur-gouvernement.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-23-grand-pays-255804

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/12/article-sr-20240712-futur-gouvernement.html




     

  • Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?

    « Plaçons notre espérance dans la capacité de nos responsables politiques à faire preuve de sens de la concorde et de l’apaisement dans votre intérêt et dans celui du pays. Notre pays doit pouvoir faire vivre, comme le font tant de nos voisins européens, cet esprit de coalition et de dépassement que j’ai toujours appelé de mes vœux. » (Emmanuel Macron, le 10 juillet 2024).



     

     
     


    La situation politique est particulièrement désordonnée : les électeurs ont refusé de donner une majorité à l'un des trois grands pôles de la vite politique, mais la plupart des partis politiques refusent de l'admettre. Ainsi, les uns pensent qu'ils ont gagné alors qu'ils ne représentent que 32% de la représentation nationale, les autres se croient confortés dans l'objectif de ne pas se mettre au travail et d'attendre tranquillement les mains dans les poches un an de désordre et de blocage dans l'optique d'une élection présidentielle qui, pourtant, les sanctionnerait sévèrement pour leur manque d'esprit de responsabilité.

    Heureusement que le Président Emmanuel Macron a recadré un peu les choses. On ne peut pas dire qu'il a voulu influencer les parlementaires, vu qu'il a attendu quatre jours avant de rappeler que, d'une part, la volonté populaire s'est exprimée pour s'opposer très clairement à un gouvernement d'extrême droite, et d'autre part, qu'on le veuille ou pas, qu'on le déplore ou pas, aucun bloc actuel (ni le NFP ni le bloc macroniste) n'est en mesure, aujourd'hui, de diriger le gouvernement de la France.

    Le Président de la République a donc choisi de prendre son temps, ce qu'a également souhaité le Président du Sénat Gérard Larcher qui, en passant, a confirmé qu'il n'était absolument pas candidat à Matignon, passer les Jeux olympiques et paralympiques, se donner un horizon de quelques semaines, avec une obligation de résultat pour la rentrée parlementaire du début octobre 2024 (ouverture de la prochaine session ordinaire).

    En fait, il n'a pas choisi de prendre son temps, mais il a laissé aux groupes parlementaires le temps nécessaire pour trouver une solution viable pour gouverner le pays. Après tout, sans évoquer l'expérience des pays voisins dont certains mettent six mois voire quinze mois à trouver une introuvable coalition, c'est bien normal que cette situation inédite demande un peu de temps de maturation auprès des acteur politiques.


    Certes, Emmanuel Macron aurait pu jouer au plus stupide avec la nouvelle farce populaire (NFP) : nommer un membre du NFP pour faire le programme du NFP. Déjà, le premier problème : qui ? Peut-être que nous aurons un nom ce vendredi 12 juillet 2024, ou à la fin du week-end ? Les cardinaux sont plus efficaces : enfermez-les jusqu'à ce qu'ils trouvent une solution ! Mais même uni, même avec un nom de chef, le NFP est voué, dans sa tentative de déni démocratique particulièrement criant, à l'échec : seuls 32% des députés le soutiendraient et une motion de censure serait immédiatement votée. Un gouvernement exclusivement NFP ne tiendrait pas plus de deux jours. La question est donc : faut-il qu'Emmanuel Macron nomme un gouvernement qui n'aurait aucune chance ou préfère-t-il attendre, dans l'intérêt des Français, qu'un vrai gouvernement, appuyé sur une vraie majorité, même relative, puisse gouverner ?

    Ce jeudi, le site Atlantico a titré ainsi sa une : « La France atteinte de la maladie de la gauche folle ». Avec ce chapeau : « Irréalisme économique, déni de réalité régalienne, complaisance pour les décoloniaux et l’islamisme, radicalité préférée à la culture de gouvernement… la gauche française donne sans doute dans le romantisme mais elle accumule les contre performances électorales tout en parvenant à le nier grâce à sa domination médiatique. » (article politique de Jean Petaux et Virginie Martin). Même Jean Quatremer a trouvé, sur LCI, que les journalistes en faisaient un peu trop dans le récit mélenchonesque d'une supposée victoire électorale du NFP.


    Après la lettre aux Français, les dirigeants du NFP, en particulier Olivier Faure, n'ont pas bougé d'un iota leur position indéfendable : il faudrait proposer aux députés des cours d'arithmétique. On sait très bien que plus on attend, plus l'extrême droite en fera ses choux gras. Le déni est une phase du deuil, le deuil de n'avoir pas gagné, et même pire, que personne n'a gagné : après viendra le temps de l'action. C'est, je l'espère, par une maturation rapide pour que les dirigeants du NFP mais aussi de LR puissent prendre pleinement conscience qu'aucun bloc ne peut gouverner seul. Les faits sont têtus.

    Toutefois, les choses peuvent aller plus vite par nécessité. D'une part, d'ici au 20 juillet 2024, nous aurons la répartition exacte des députés dans leur groupe politique repectif. À partir de là, les rapports de force seront actés. Mais d'autre part, les nouveaux députés vont devoir s'installer, installer le bureau, les commissions, etc. Généralement, cela se fait à la proportionnelle, la majorité (quand elle est vraiment majorité) prend le perchoir (la Présidence de l'Assemblée Nationale), les présidences des commissions sauf la présidence de la commission des finance laissée à l'opposition. En 2022, il était déjà difficile de définir l'opposition : était-ce la gauche ou le RN ? Le RN considérait qu'il était le groupe d'opposition le plus important mais les insoumis considéraient que la Nupes était plus nombreuse. Résultat, Éric Coquerel a été élu président de la commission des finances.

    Certains à gauche, notamment parmi les élus écologistes, voudraient faire un barrage à l'extrême droite dans les postes au sein de l'Assemblée. Ce n'est pas très responsable. En 2022, il y a eu une vice-présidente FI et deux vice-présidents RN de l'Assemblée. Avec un groupe plus imposant, le RN devrait au moins retrouver le même nombre de postes à responsabilité (qui n'ont pas grand-chose à être politisés, sauf le perchoir, puisqu'il s'agit de faire fonctionner l'Assemblée).


    Bien sûr, le premier acte des nouveaux députés, à l'ouverture de la nouvelle législature, le jeudi 18 juillet 2024 dans l'après-midi, ce sera l'élection du Président de l'Assemblée Nationale. La séance sera présidée par le doyen d'âge, José Gonzalez, député RN réélu de 81 ans dans la dixième circonscription des Bouches-du-Rhône, qui était déjà le doyen en 2022.

    Au contraire des autres postes, le perchoir est d'une responsabilité extrêmement politique et cruciale, surtout dans une Assemblée aussi confuse que celle-ci : d'une part, le futur Président (ou la future Présidente) reste maître, avec le gouvernement, de l'ordre du jour, d'autre part, la manière de mener les débats sera très importante dans la nouvelle Assemblée, et aussi la capacité ou non à sanctionner des députés qui promettent, pour certains d'entre eux, de dépasser largement le respect qu'on pourrait être en droit d'attendre pour leurs collègues (c'était déjà assez irrespectueux dans la précédente législature et cela risque d'être pire aujourd'hui).


    Le mode de scrutin est assez simple : pour les deux premiers tours, il faut être élu à la majorité absolue, au troisième tour, la majorité relative est suffisante. Ce signifie qu'il faudra sans doute trois tours pour élire le successeur de Yaël Braun-Pivet. Si chaque bloc, y compris le quatrième, plus petit, celui des députés LR (appelé Droite républicaine), présentait un candidat à chaque tour, le NFP pourrait remporter le perchoir au troisième tour. Mais je doute que, justement, les députés LR puissent accepter, par passivité, de laisser un député NFP présider l'Assemblée. On pourrait alors imaginer, du moins au troisième tour, un accord implicite bloc central et LR pour faire passer un député qui serait équilibré et modéré dans l'animation de l'Assemblée. On peut aussi imaginer (cela s'est fait) que le groupe RN, dès le deuxième tour, se retire du scrutin, sachant qu'il ne gagnerait pas, et laisse la situation se décanter avec les autres groupes politiques. Auquel cas un accord bloc central et LR (autour de 220-230 députés) pourrait faire obtenir la majorité absolue des voix dès le deuxième tour.

    On voit bien sur un vote très concret l'intérêt qu'auraient les députés LR de se mettre d'accord avec le pôle central. Il y a d'ailleurs une forte probabilité pour que la Présidente sortante, Yaël Braun-Pivet, se présente pour sa succession et comme elle n'a pas démérité, ce qui n'était pas évident dans la situation de 2022 (et sera encore moins évident en 2024), il serait judicieux de profiter de son expérience. Probablement d'ailleurs qu'elle aura le soutien de Gérard Larcher, qui l'avait déjà soutenue dès le premier tour dans la cinquième circonscription des Yvelines (aucun candidat LR ne s'était présenté, mais il y avait eu un ex-LR soutenu par le RN, Jacques Myard qui a été qualifié pour le second tour dans une triangulaire).


    Beaucoup de candidatures se sont plus ou moins déclarées. La difficulté des potentiels candidats, c'est de se présenter assez tôt pour s'imposer et convaincre leurs collègues que leur candidature est naturelle et évidente, mais pas trop tôt pour ne pas être carbonisés trop vite. Dans les starting-blocks, on peut citer l'écologiste doctrinaire Sandrine Rousseau (a priori, il vaudrait quand même mieux une personnalité moins clivante et acceptée de tous), le journal "L'Opinion" citait aussi la présidente du groupe EELV Cyrielle Chatelain, mais je suppose que les deux ne seraient pas candidates à la fois. À gauche, on peut aussi citer Éric Coquerel (la présidence de commission incite à une candidature au perchoir, c'était le cas de Yaël Braun-Pivet qui a été présidente de la commission des lois de 2017 à 2022), et l'ancien Président de la République François Hollande. Si ce dernier était élu, ce serait un retour éclatant dans la vie politique et en même temps, une situation très étrange, un peu Troisième République. Même Valéry Giscard d'Estaing n'aurait pas réussi un tel retour sur la scène nationale.

    Si on peut imaginer Sébastien Chenu briguer le perchoir pour le compte du RN, chez les LR, Annie Genevard, vice-présidente sortante de l'Assemblée, serait apparemment intéressée, et Charles de Courson, le doyen d'ancienneté des députés (élu depuis 1993, il y a trente et un ans), malgré son élection très serrée cette fois-ci (je dirais même miraculeuse), aurait des raisons de prétendre au perchoir, lui qui a su agréger une convergence des oppositions à l'occasion d'une motion de censure contre la réforme des retraites.

    L'enjeu de cette désignation est important. Le Président de l'Assemblée Nationale est élu pour cinq ans, ou plutôt, pour la durée de la législature, c'est-à-dire jusqu'aux prochaines élections législatives, dissolution ou pas dissolution. Cela signifie qu'il sera un acteur stable de la vie politique dans une période où l'instabilité risque de pointer son nez. Par ailleurs, c'est une fonction qui a beaucoup de responsabilités (par exemple, la nomination d'un prochain membre du Conseil Constitutionnel en février 2025, là encore instance cruciale avec une Assemblée si morcelée), et qui a beaucoup aussi d'avantages matériels et honorifiques : siégeant à l'hôtel de Lassay, le Président de l'Assemblée peut multiplier les conciliabules pour arriver à la construction d'une majorité d'action.


    Personne, aujourd'hui, ne peut raisonnablement dire quelles sont les chances des uns et des autres. On peut imaginer que le RN, et LR, par exemple, n'ont aucune chance pour le perchoir, et que cela va se décider entre le NFP et le pôle central (dont ferait partie Charles de Courson, bien qu'anti-macroniste). Mais il y a encore une chance et de multiples occasions pour que cela évolue, surtout du côté de la gauche selon les personnalités vaguement pressenties dans un gouvernement hypothétique du NFP. Ce sera la première épreuve de nos amis députés élus ces 30 juin et 7 juillet 2024.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     


     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240711-perchoir.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-22-qui-au-255756

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/11/article-sr-20240711-perchoir.html



     

  • Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?

    « En plein déni, la droite rêve éveillée. Mais elle n'est pas la seule, me semble-t-il. Soit ils rêvent, soit nous rêvons. L'un des deux rêve. Il est aussi possible que tous deux rêvent en même temps. » (Daniel Schneidermann, le 10 juillet 2024).



     

     
     


    L'éditorialiste mélenchonisé depuis des mois (que j'appréciais parfois auparavant) Daniel Schneidermann a eu cette petite lueur de lucidité : oui, il rêve. Et la marche sur Matignon hurlée par Adrien Quatennens, ancien député FI, qui ferait mieux de rester discret, manque un peu ...d'esprit de responsabilité. Je ne cite pas certains députés insoumis qui parlent du "forcené de l'Élysée" et d'autres expressions qui montrent à l'évidence que ce groupe de quelque 75 députés, dont une petite moitié élue dès le premier tour (félicitation), n'a aucune intention de gouverner la France. Même la venue de Jean-Luc Mélenchon, ex-député, au Palais-Bourbon le 9 juillet 2024 prouve que sa seule obsession est l'élection présidentielle de 2027. Alors, dans ces conditions, qui pourrait donc devenir Premier Ministre ?

    Le déni est généralisé : ce sont des nuls en arithmétiques qui voudraient gouverner la France. Pas étonnant puisqu'ils sont aussi nuls en économie avec l'objectif de faire des dizaines de milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires alors qu'il faudrait plutôt faire 65 milliards d'euros d'économie en 2025 si on veut commencer à réduire notre dette sérieusement. C'est le problème historique de la gauche : ils ne savent pas compter. Ni à l'Assemblée, ni pour les finances publiques.

    Alors, les mathématiques sont implacables et on peut d'ailleurs dire que c'est un sale coup des électeurs : 182 (le nombre approximatif de députés NFP) ne feront jamais 289 (la majorité absolue à l'Assemblée Nationale). La majorité macroniste avait pu survivre tant bien que mal (plutôt mal) avec une majorité relative de seulement 250 députés, mais c'est parce qu'elle bénéficiait, entre 2022 et 2024, de la clémence du groupe LR tandis que le total Nupes + RN ne faisait pas les 289 sièges nécessaires au vote d'une motion de censure. Laurent Wauquiez, élu président du nouveau groupe LR (rebaptisé Droite républicaine), a averti calmement : si le gouvernement comportait un seul ministre insoumis, le groupe LR déposerait immédiatement une motion de censure. Et on sait qu'elle serait adoptée puisque Renaissance et le RN s'y rallieraient.

    Alors, il est faux de dire que la nouvelle farce populaire (NFP) a gagné les élections législatives. C'est pourtant ce qu'on entend depuis trois jours sur les plateaux de télévision avec quelques journalistes complaisants. Eh bien, non ! Le NFP n'a pas gagné les élections, et c'est même le bordel. En revanche, ses dirigeants n'ont pas beaucoup de respect pour le Président de la République qu'ils accusent de manquement démocratique, et c'est très paradoxal, car même si Emmanuel Macron interprétait de la même manière la situation, qui devrait-il appeler ? Ils ne sont pas capables, pour l'instant, non seulement de choisir leur potentiel Premier Ministre, mais même de se mettre d'accord sur son mode de désignation !

     

     
     


    Ainsi, tous les noms affluent : Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, Mathilde Panot, Clémence Guetté, Olivier Faure, François Hollande, Jérôme Guedj, Boris Vallaud, Marine Tondelier, François Ruffin, Clémentine Autain... qui d'autres encore ? Dure tâche du Président de la République qui n'est pas en mesure d'avoir un seul interlocuteur de cette union bâclée et hypocrite puisqu'ils ne sont d'accord sur pas grand-chose (nucléaire, Ukraine, Israël, etc.). Cela donne d'ailleurs un arrière-goût d'arrière-boutique particulièrement nauséabond. C'est le problème quand leurs électeurs ont pris leur imposture au sérieux.
     

     
     


    Rappelons l'époque des cohabitations, des "vraies" cohabitations, quand l'opposition remportait la majorité absolue des sièges face à un Président de la République défait. En 1986 avec Jacques Chirac, en 1993 avec Édouard Balladur, en 1997 avec Lionel Jospin, tout était clair pour les électeurs : on savait qui était le prétendant à Matignon en cas de victoire de l'opposition et le Président de la République n'avait d'autre choix que de le nommer. Il y avait aussi le syndrome d'Iznogoud, selon l'évocation de Benjamin Morel : tous ces Premiers Ministres voulaient devenir, à l'issue de la cohabitation, Présidents de la République, si bien qu'ils ont exercé leurs pouvoirs à Matignon prudemment en respectant les prérogatives du Président de la République qui pourraient devenir les leurs quelques années plus tard. C'est pour cela que les sorties de Marine Le Pen sur le "chef des armées à titre honorifique" ou le "coup d'État administratif" étaient malvenues pour une prétendante au trône. Cela a contribué à la défaite du RN.

    Avant les élections législatives de 2024, en cas de victoire du NFP, on ne savait pas qui sortirait du chapeau. C'est même bien pire : dans les meilleurs scénarios, il était impensable que la gauche puisse gagner (et d'ailleurs, elle n'a pas gagné). C'était même l'argument phare d'un revenant, Dominique Strauss-Kahn qui exhortait les électeurs du centre et de droite de voter même pour un candidat insoumis face à un candidat RN, puisque de toute façon, le NFP ne gagnerait pas et son programme ne serait jamais appliqué. Une véritable tromperie quand on voit aujourd'hui Jean-Luc Mélenchon et ses sbires imposer le programme du NFP à l'ensemble de ses supposés partenaires, tous élus en partie grâce aux désistements du bloc modéré et à ses électeurs, alors qu'en plus, aucune majorité n'est possible dans une telle configuration.

    À droite de l'échiquier, il n'y a pas la prétention de diriger le gouvernement, ou plutôt, pas vraiment. À l'extrême droite, ce que Jordan Bardella, aimant l'hypocrisie, nomme "victoire différée" pour "défaite", empêche les députés RN de prétendre gouverner la France (au contraire de ce qu'ils répétaient matin midi et soir pendant quatre semaines). Du côté LR, Laurent Wauquiez a évacué l'idée d'une grande coalition, et on le comprend un peu, les députés LR auraient tout à y perdre. Néanmoins, il y a d'autres petites musiques au sein de LR, en particulier l'ancien président du groupe LR Olivier Marleix, ou encore Xavier Bertrand (qui y croit dur comme fer), poussés par l'ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin (qui leur dit : mettez-vous au travail !), qui évoquent la possibilité d'un gouvernement incluant des LR.

    Il faut également reconnaître que Renaissance n'a pas non plus gagné les élections, les macronistes ont perdu des dizaines de circonscriptions et ne sont pas en mesure, seuls, de continuer à gouverner la France. Alors que faire ? La première chose est politique et pas personnelle. Il faut une grande coalition, ce qui signifie aussi que, sans se renier, les partis doivent quitter leur programme initial pour réfléchir sur un certain nombre de mesures avec lesquelles ils seraient d'accord dans l'intérêt du pays et qui constitueraient l'ossature politique d'une grande coalition. C'est difficile à faire car c'est nouveau, c'est inédit institutionnellement.

    Finalement, c'est ce que le Président Emmanuel Macron a rappelé le 10 juillet 2024 dans sa lettre aux Français juste avant son départ pour le Sommet de l'OTAN : s'il y a un vainqueur, qui a soulagé plus de 60% des électeurs le dimanche soir, c'est bien le front républicain. Et c'est bien un gouvernement de front républicain qu'il faut constituer car il n'y en aura pas d'autre viable pendant un an.

     

     
     


    Sa enseignement, c'est : « Si l’extrême-droite est arrivée en tête au premier tour avec près de 11 millions de voix, vous avez clairement refusé qu'elle accède au gouvernement. ». Cela, tout le monde l'admet, y compris le RN. La suite : « Personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. Divisées au premier tour, unies par les désistements réciproques au second, élues grâce aux voix des électeurs de leurs anciens adversaires, seules les forces républicaines représentent une majorité absolue. La nature de ces élections, marquées par une demande claire de changement et de partage du pouvoir, les oblige d’ailleurs à bâtir un large rassemblement. ». Avec cette expression, il n'y a pas de déni démocratique : Emmanuel Macron reconnaît clairement une "demande claire de changement". Chaque mot a été pesé.

    Remarquons en passant que quoi que fasse Emmanuel Macron, ce n'est pas bien. Il parle : pas bien. Il reste silencieux : pas bien. Il donne la parole au peuple : pas bien. Il propose une méthode pour former le gouvernement, vu que personne n'est capable de le faire : pas bien. Je rappelle que les candidats aux gouvernements de cohabitation étaient relativement prudents dans le respect qu'ils doivent au Président de la République qui, dans le passé, que ce soit François Mitterrand ou Jacques Chirac, ont mis des veto pour la nomination de personnalités qui leur ont manqué de respect. Il y a un minimum d'éducation à respecter dans la pratique des institutions.

    Cette "demande claire de changement" doit donner une piste pour Matignon : la personnalité qui devrait être nommée ne doit pas appartenir à l'ancienne majorité macroniste et à sa proche "banlieue". Cela exclut ainsi tant François Bayrou (qui aurait été assez crédible) que Jean-Louis Borloo dont l'hypothèse un peu farfelue avait germé dans les réseaux sociaux. Il n'y a donc pas trente-six mille possibilités. Cela signifie donc qu'elle devrait émaner soit de LR, soit du PS. Donc, pas d'électron libre (comme Raphaël Glucksmann dont la candeur et l'inexpérience des joutes parlementaires le disqualifieraient assurément) ni des personnalités comme Gabriel Attal, qui, bien que très populaire, ne peut absolument pas se maintenir très longtemps à Matignon, sinon le temps de trouver son successeur.

     

     
     


    À mon sens, vu la configuration de l'Assemblée, le PS a une position cruciale dans cette grande coalition de front républicain. Avec Olivier Faure sur la même ligne que Jean-Luc Mélenchon, le PS est en train de se griller stupidement : aucune solution viable ne peut naître en voulant conserver obstinément et exclusivement le programme du NFP. Aucun député macroniste ne pourrait accepter de défaire ce qu'il avait fait dans les législatures précédentes. La grande coalition ne peut naître et vivre que sur le tombeau du NFP.

    S'il devait perdurer, le dogmatisme de la gauche aboutirait à un déplacement fort du barycentre : seul le bloc modéré pourrait gouverner, et il serait plus nombreux que le bloc de gauche (autour de 220-230). Pour certains, comme Xavier Bertrand qui meurt d'envie d'être le chef d'un "gouvernement provisoire", il serait plus logique que la grande coalition se fasse vers la droite que vers la gauche du bloc central, puisqu'il y a une grande majorité des électeurs qui ont voté à droite voire extrême droite (47% pour la droite et l'extrême droite contre 27% pour la gauche et extrême gauche). En fait, le raisonnement a un défaut, c'est que le RN serait exclu de cette grande coalition, si bien que le front républicain est effectivement plus à gauche et pas plus à droite que le bloc central.

    Mais avant toute chose, il y a les électeurs. Au moins un tiers est meurtri de ne pas voir ses idées au gouvernement, les électeurs du RN, et un autre tiers risque d'être frustré ne pas voir ses idées non plus au gouvernement, du moins dans leur globalité. Ce gouvernement de front républicain doit donc être un gouvernement de large rassemblement qui se focalise d'abord sur les Français, leurs conditions. Son accouchement sera très douloureux, sa viabilité très aléatoire, mais l'enjeu est énorme : avec autour de 140 députés, le RN va recevoir près de 30 millions d'euros par an (un peu moins), ce sera le parti le plus riche de France, avec ses collaborateurs parlementaires, il pourra les envoyer dans les centaines de circonscriptions aux prochaines élections législatives, là où ses candidats étaient un peu pauvrets en CV (dirons-nous), et la déception, le découragement et la colère des Français seraient redoutables si les acteurs politiques actuels en restaient, comme ces trois premiers jours, dans des considérations de combines politiciennes et de carrières personnelles.

    C'est le sens de cette lettre présentielle : députés, réveillez-vous ! Le peuple vous attend ! Soyez enfin responsables et à la hauteur des enjeux !


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    Sylvain Rakotoarison (10 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
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    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240710-matignon.html

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    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/10/article-sr-20240710-matignon.html



     

  • Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel

    « Croyez-vous que [le peuple] préfère que l'on divise le pays en trois ? Pourquoi ne voulez-vous pas faire confiance au peuple ? Je suis persuadé qu'automatiquement, dès le début de la campagne, il se produira une concentration instinctive ! Je n'arrive pas à croire que le pays, dans sa masse, ne soit pas guidé, le moment venu, par une sorte d'instinct. Il élira quelqu'un qui ne soit pas un extrémiste. » (De Gaulle au conseil des ministres du 26 septembre 1962 à l'Élysée, retranscrit par Alain Peyrefitte dans "C'était De Gaulle", éd. Gallimard).




     

     
     


    La situation parlementaire est on ne peut pas plus difficile pour la constitution du nouveau gouvernement. Avec trois blocs aux effectifs à peu près égaux, du moins, dont aucun n'est capable de rassembler sur son programme une majorité absolue de députés, la situation politique est inédite sous la Cinquième République, et donc, particulièrement intéressante sur le plan intellectuel mais inquiétante sur le plan économique et social car on ne peut pas laisser la France sans gouvernement (l'agence de notation Moody's a déjà exprimé sa préoccupation sur la fiabilité de la France pour les investisseurs, ceux qui financent notre dette et nos déficits ; chaque pourcent de taux d'intérêt supplémentaire, c'est 30 milliards d'euros par an en plus à payer pour la France).

    Alors, il y a une petite musique très malsaine qui émerge depuis deux jours : puisque c'est le bordel aujourd'hui, faisons en sorte que ce le soit tout le temps ! Non, c'est une traduction purement personnelle, mais en gros, certains disent : puisque c'est ingouvernable, changeons de mode de scrutin et adoptons le scrutin proportionnel pour les élections législatives. C'est d'une logique shadok imparable : nous fonçons dans le mur, alors accélérons !

    D'abord, en préliminaire, rappelons que cela ne résoudrait en rien le problème d'aujourd'hui puisque dans tous les cas, y compris la démission du Président de la République, cette Chambre ingouvernable restera en fonction au moins jusqu'au 7 juillet 2025. De plus, vouloir réformer les institutions serait ouvrir une boîte de Pandore et amorcer un nouveau chantier bien inutile quand on n'est même plus sûr que pouvoir payer les fonctionnaires au mois de janvier prochain, en absence de gouvernement et en absence de lois de finances. D'autant plus que nos institutions, au contraire, sont solides et c'est à peu près le seul socle qui nous garantit encore aujourd'hui la stabilité face aux risques de guerre civile.

    Ensuite, il faut admettre que cette situation parlementaire ne provient absolument pas du mode de scrutin majoritaire, au contraire, puisqu'en général, l'effet majoritaire donne la majorité absolue à une formation qui n'aurait qu'un tiers des voix, mais elle provient du peuple. Dit comme cela, j'ai l'air d'accuser le peuple, mais je peux dire aussi que c'est grâce au peuple que nous sommes dans cette situation : c'est le peuple qui a choisi cette Assemblée. Et le peuple est très divisé. Mais plus politiquement, cette situation improbable provient d'une tripolarisation étonnante de la vie politique depuis 2017 avec un bloc central divisé (Ensemble et LR) et deux blocs malheureusement extrémistes ou, du moins, radicalisés, à gauche (NFP), radicalisé par les insoumis qui contrôlent pour l'instant cette alliance, et à droite (RN).


    Si les appareils ont effectivement choisi le désistement des candidats arrivés les moins bien placés au second tour contre un candidat RN, ce sont bien les électeurs qui ont donné l'ordre d'arrivée au premier tour. C'est parce que celui-ci est assez diversifié que les résultats du second tour sont contrastés. Le second tour est toujours la conséquence du premier tour, avec un effet, celui du front républicain, qui n'est pas seulement un effet d'appareils politiques, par les désistements, mais aussi un effet populaire, électoral, par les électeurs qui étaient plus de 60% vraiment opposés à un gouvernement RN dirigé par Jordan Bardella.

    Pour une fois, on ne peut pas mettre la responsabilité des acteurs politiques dans l'ingouvernabilité actuelle du pays. Il s'agit bien d'un situation de fait voulue par les électeurs. Changer les institutions ne changerait pas cet état de fait, on ne peut pas changer le peuple avec les institutions (même si parfois, ce serait bien pratique !).

    Maintenant, voyons le mode de scrutin qui n'y peut rien dans cette situation politique et électorale. Certains aiment bien comparer avec des pays étrangers.

    Alors, prenons le cas du Royaume-Uni dont l'éclatant victoire du parti travailliste ne s'est fait qu'avec seulement quelques pourcents supplémentaires en voix des travaillistes par rapport à 2019. Évidemment, le mode de scrutin y est pour quelque chose et le scrutin britannique est majoritaire uninominal à un tour : cela signifie que l'élu, c'est le candidat arrivé en tête dès le premier tour. S'il avait été appliqué en France, le RN aurait obtenu environ 350 sièges puisqu'il était en tête dans 350 circonscriptions. On voit que le mode de scrutin influe sur le résultat... mais attention : les partis et les électeurs se comportent aussi en fonction du mode de scrutin. Vu les désistements et le front républicain au second tour, nul doute que les partis auraient choisi leurs candidats différemment dans certaines circonscriptions, n'en auraient pas présenté dans des circonscriptions ingagnables, etc. au regard des résultats des élections européennes où le RN était en tête dans de nombreuses communes de France, autour de 97% des communes (c'est ce qu'Ensemble a fait dans certaines circonscriptions comme dans celle de Jérôme Guedj, de Nicolas Dupont-Aignan et de François Hollande, entre autres, en ne présentant aucun candidat dès le premier tour).

    Quant aux autres pays, effectivement, c'est le système proportionnel qui domine, parfois très complexe comme en Allemagne où le nombre total de députés change à chaque élection, les gouvernements ne peuvent être formés que par grande coalition aujourd'hui en raison de l'émiettement des "opinions publiques", mais cela nécessite , d'une part, une culture du compromis, or, les premiers jours de l'après-législatives montrent qu'en France, peu de partis l'ont, cette culture du compromis, et d'autre part, elle trahit la volonté populaire qui vote pour un programme. C'est du reste à cause de la seconde raison que la première n'existe pas en France : les électeurs du NFP, par exemple, ont voté pour le programme du NFP, donc, si le NFP était au pouvoir, il faudrait appliquer le programme du NFP, et aucun autre. Sauf que si le NFP n'a pas la majorité absolue des sièges, il ne pourra pas se maintenir très longtemps, et s'il veut gouverner durablement, il doit faire un contrat avec d'autres formations politiques sur la base d'un programme forcément édulcoré.


    Car il est là l'intérêt du scrutin majoritaire, en principe (j'écris en principe puisque ce n'est pas le cas depuis 2022) : au lieu de faire des compromis et des coalitions après les élections législatives, au mépris de la volonté des électeurs, ces accords sont fait auparavant, avant les élections, ce qui a été le cas par exemple pour la gauche avec le NFP mais aussi l'accord entre le RN et les ciottistes. J'ajoute également un élément non négligeable. J'ai écrit que le système allemand est complexe mais il reste de la proportionnelle intégrale (certains députés sont élus au scrutin majoritaire, mais au niveau national, il y a un recompensation pour que ce soit la stricte proportionnalité, ce n'a rien à voir, par exemple, avec le scrutin des régionales ou des municipales en France où il y a une prime majoritaire). La complexité pollue la démocratie. Le peuple a besoin de simplicité dans ses choix, ne serait-ce que parce que tout le monde vote et que la compréhension doit être donnée à tout le monde, y compris les moins intellos. Le scrutin majoritaire a l'avantage de la simplicité : on vote simplement pour faire le choix entre plusieurs candidats.

    Certains journalistes considèrent que l'idée du front républicain et du barrage à l'extrême droite, de voter pour un candidat qui ne correspond pas à ses idées pour éviter un gouvernement RN, n'aurait pas lieu avec un scrutin proportionnel, mais au contraire, il est démocratique que les électeurs prennent leur responsabilité (ce qui a été le cas le 7 juillet 2024, et je l'écris avec un étonnement très positif). Le peuple a pu au moins clairement exprimé sa volonté de rejeter l'idée d'un gouvernement RN. Le blocage actuel se fait non pas sur les trois blocs mais sur deux blocs : aucune coalition incluant le RN n'est aujourd'hui pensable.

    Un autre argument supposé en faveur de la proportionnelle serait d'éviter qu'un parti extrémiste gagne une majorité absolue des sièges. En fait, l'exemple d'Israël, démocratie à la proportionnelle, montre qu'au contraire, dans la nécessité de grande coalition, les extrêmes ont une influence beaucoup plus grande que la réalité du pays et font aujourd'hui la politique du pays.


    Je trouve d'autres intérêts au scrutin majoritaire à deux tours. Le premier, le principal au départ, mais qui n'a pas lieu aujourd'hui, c'est qu'il aide à trouver des majorités absolues. Ce n'est pas le cas en 2022 et en 2024, mais ce n'était pas le cas non plus en 1958 ni en 1988, et ce n'était pas le cas non plus sous la Troisième République (avec un scrutin d'arrondissement, c'est-à-dire le même qu'actuel), ce qui a conduit les constituants de 1958 à proposer quelques outils constitutionnels (indispensables !) pour permettre de gouverner avec une simple majorité relative, à condition que celle-ci ne soit pas trop faible (quelques dizaines de sièges manquants au maximum). Globalement, la vraie idée, et le seul point qui permet à un gouvernement de durer, c'est d'empêcher le vote d'une motion de censure à la majorité absolue des députés, y compris les absents (donc, il faut au moins 289 voix). Tant qu'une majorité absolue contre n'est pas formée, le gouvernement survit, c'était le cas avec Élisabeth Borne et Gabriel Attal depuis 2022 parce que les populistes irresponsables n'étaient pas majoritaires (RN + FI), comme du reste depuis le 7 juillet 2024 (ce qui est une très bonne nouvelle et devrait permettre de trouver une solution viable).

    Le deuxième intérêt, c'est qu'on vote pour ou contre des personnalités bien définies : dans un scrutin de liste sans panachage, on ne peut pas choisir son député, on accepte le diktat des appareils, les premiers de listes seront élus dans tous les cas et ceux en bout de liste ne le seront pas dans tous les cas aussi. Dans un scrutin majoritaire, des dissidents de parti, comme c'était le cas en 2024 pour François Ruffin, Alexis Corbière et Danielle Simonnet, ont pu être élus contre le diktat de leur parti car ils ont réussi à réunir une majorité d'électeurs derrière eux contre le candidat officiel de leur parti. Avec un scrutin proportionnel, ces individualités n'auraient jamais pu être élues, tu es avec le parti ou tu n'es rien.

    Ensuite, ce lien entre le député et ses électeurs est important dans la circonscription. Certains ne bossent pas et ne sont pas réélus, d'autres au contraire sont très présents auprès de leurs électeurs. On dit d'ailleurs que les députés sont des assistantes sociales, car dans leur permanence, les gens viennent surtout pour trouver un logement ou un emploi. On a parlé de réserve parlementaire, elle était intéressante car cela permettait, en dehors des obstacles administratifs, débloquer certains projets locaux (construction d'une bibliothèque, etc.), à condition, bien sûr, comme c'était le cas, que ce soit transparent puisqu'il s'agit d'argent public. Ce contact avec le peuple, le scrutin proportionnel ne le permet pas (même dans le cadre départemental) : qui aujourd'hui est capable de citer le nom des 81 députés européens français élus le 9 juin 2024, à part les quelques têtes de liste ? Et surtout, ces élus rendent-ils des comptes aux électeurs ? Quand et à qui, puisqu'ils sont élus dans un cadre national ? Impossible dans le cadre du scrutin proportionnel.


    Du reste, la limitation du cumul qui interdit notamment d'être à la fois député et maire coupe le parlementaire des réalités locales. L'élu municipal est à l'écoute des problèmes de ses concitoyens (et s'il ne l'est pas, les habitants vont le mettre rapidement au courant !). Des députés sans mandat local sont un peu hors-sol. Le fait qu'ils soient élus dans une circonscription leur permet de se plonger dans la réalité locale, au contraire de la proportionnelle qui les rendrait très éloignés du peuple et de ses problèmes.

    Paradoxalement, puisque c'est le contraire qu'on dit, le scrutin majoritaire permet une réelle diversité politique des députés, plus grande qu'avec la proportionnelle. Par exemple, il vient d'échouer, mais Nicolas Dupont-Aignan n'aurait jamais pu avoir sa carrière de député pendant des dizaines d'années hors de son ancien parti (l'UMP) sans scrutin majoritaire. Elle aussi vient d'échouer, mais Emmanuelle Ménard n'aurait jamais été élue députée de Béziers hors du scrutin majoritaire car elle ne voulait pas être embrigadée par le FN/RN en 2017 (si bien qu'elle a été finalement battue par un candidat RN en 2024, la vague RN étant plus forte que le rayonnement personnel de certaines individualités).

    Quant à la parité homme/femme, qui me paraît saine dans une démocratie moderne (et qui est effectivement plus simple à imposer avec la proportionnelle, on le voit aux municipales, aux régionales et aux européennes), le dispositif actuel pénalise déjà beaucoup financièrement les partis qui ne la respectent pas. La preuve que c'est possible dans un scrutin majoritaire, c'est le groupe LREM en 2017, et aussi le groupe écologiste en 2024.

    Le seul intérêt du scrutin proportionnel est d'avoir une représentation plus exacte de la mosaïque politique du peuple. Mais comme il y a toujours des seuils (entre 3% et 5% dans les pays qui l'ont adopté), il restera toujours des exclus de ce système. De toute façon, dans le cas extrême, un député ne peut pas représenter moins que 1/le nombre total des sièges, en France, cela signifie au moins 0,2% des voix (ce qui signifie, dans le cas extrême d'une proportionnelle intégrale à l'échelle nationale sans seuil, que 23 partis des 38 qui se sont présentés aux élections européennes du 9 juin 2024 auraient quand même été exclus d'une représentation !).

    Le système électoral répond à des questions philosophiques essentielles. Et la question, ici, est la suivante : à quoi sert une Assemblée Nationale ? Si c'est juste pour papoter avec la représentation de toutes les opinions, oui, la proportionnelle est indiquée. Mais les plateaux de télévision existent et sont là pour cela. Les réseaux sociaux sur Internet aussi, avec l'expression parfois bruyante voire hurlante d'ultraminoritaires. Si c'est pour permettre de gouverner le pays, voter un budget, pour permettre aux fonctionnaires d'être payés, pour récolter l'impôt, etc. alors il faut un système qui augmente les chances de trouver une majorité absolue.

    Et j'en viens à l'essentiel. Aujourd'hui, la situation d'ingouvernabilité provient de la tripolarisation du paysage politique français. Dans une entreprise, on conseille souvent que le bureau exécutif (l'instance décisionnelle) soit composé de trois membres et pas deux. Deux membres, quand ils ne sont pas d'accord, c'est fatal pour une entreprise qui ne prend du coup plus aucune décision. À trois, il y a toujours, pour chaque question, 2 contre 1, donc une majorité (ou alors l'unanimité). En politique, c'est un peu différent, car le schéma évoqué signifierait qu'il faut que deux pôles sur les trois se mettent d'accord. Ils se sont mis d'accord pour faire barrage au RN avec le front républicain. Avec succès. Il faut donc que le gouvernement reprenne ce principe, c'est le message des électeurs.

    C'est ce que pense le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier qui l'a exprimé dans un chronique au "Nouvel Obs" le 8 juillet 2024 : « Plusieurs responsables politiques ont indiqué, dans la foulée des résultats, refuser toute ouverture au-delà de leur camp et de leur programme. Les électeurs, donc le peuple qui est le seul décideur dans une démocratie, ont pourtant indiqué une autre position. En effet, un nombre important de députés tant du Nouveau Front populaire que d’Ensemble a été élu non en raison d’un ralliement à leur programme, mais grâce au front républicain, c’est-à-dire au désistement d’un candidat arrivé en troisième position au soir du premier tour. Il en va ainsi d’environ quatre-vingts députés Ensemble et d’une cinquantaine de députés NFP. Démocratiquement, il est nécessaire de tenir compte d’un tel vote, en prenant en considération le choix des électeurs, lequel impose d’atténuer certaines positions programmatiques, en vue de composer un gouvernement de coalition qui dépasse un seul bloc politique. Toute prise de position inverse conduirait à l’échec. ».

    Et je mets en garde contre les tentations de changer le scrutin, de passer du scrutin majoritaire au scrutin proportionnel : ce serait une voie irréversible, dans l'état actuel de l'opinion et probablement pour longtemps. Jamais une majorité ne pourra revenir sur celle-ci, car la proportionnelle interdit, sauf dans le cas d'un pôle qui ferait plus de 40%, comme en 1986 qui était une exception, toute majorité absolue.

    En somme, sous prétexte que le scrutin majoritaire, dans une situation exceptionnelle de trois pôles, ne donne pas de majorité absolue, on voudrait généraliser définitivement ce foutoir ambiant. C'est assez stupide comme raisonnement. Méfions-nous de cette petite musique. J'avais, en son temps, combattu le quinquennat car il me paraissait peu sain que le mandat du Président de la République fût de même durée que celui des députés. Il a fallu attendre vingt-quatre ans avant qu'un Président de la République rompe ce cycle plutôt infernal, et c'est à mettre à l'actif du Président Emmanuel Macron. Il ne faudrait pas qu'une nouvelle erreur institutionnelle nous bloque dans un foutoir institutionnalisé pendant un quart voire un demi-siècle. Pensons à notre avenir, il y a d'autres réformes à faire que les mauvaises comme celle-ci. Gardons-nous d'abîmer nos précieuses institutions de la Cinquième République qui n'étaient pas, dans leurs objectifs, destinées à De Gaulle, car il avait conquis une légitimité historique qui l'autorisait à tout faire, mais faites
    au contraire pour répondre à l'impuissance politique de la Quatrième République, quel que soit le personnel politique du moment.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240709-proportionnelle.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-20-le-poison-du-255740

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/09/article-sr-20240709-proportionnelle.html




     

  • Sidération institutionnelle : la Vie dissolue d'Emmanuel Macron

    « - Le Président de la République peut, après consultation du Premier Ministre et des Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée Nationale.
    - Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.
    - L'Assemblée Nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.
    - Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections. »
    (Article 12 de la Constitution).





     

     
     


    On ne va pas le cacher, je reste surpris et atterré par la dissolution annoncée par le Président Emmanuel Macron au soir des élections européennes de ce dimanche 9 juin 2024. J'étais dans mon bureau de vote en fin de dépouillement quand je l'ai appris et je l'ai moi-même appris aux autres assesseurs et scrutateurs consternés.

    Par l'observation continue des scrutins de la Cinquième République, je pressentais bien qu'il y aurait, comme dans tous les scrutins, une surprise. La surprise de ces européennes, c'est qu'en gros, les résultats sont cohérents avec ce que donnaient les derniers sondages, je les commenterai donc, mais plus tard, dans un autre article. La surprise et la sidération ne viennent pas de ces résultats finalement attendus, mais de la réaction très rapide, trop rapide ?, du Président, au cours d'une courte allocution télévisée à 21 heures, celle de dissoudre l'Assemblée Nationale et d'organiser de nouvelles élections législatives dès le 30 juin 2024 pour le premier tour et le 7 juillet 2024 pour le second tour.

    Après avoir constaté la défaite de son camp et la victoire des populistes, Emmanuel Macron a déclaré en effet : « Pour moi, qui ai toujours considéré qu'une Europe unie, forte, indépendante est bonne pour la France, c'est une situation à laquelle je ne peux me résoudre. La montée des nationalistes, des démagogues, est un danger pour notre nation, mais aussi pour notre Europe, pour la place de la France en Europe et dans le monde. (…) Oui, l'extrême droite est à la fois l'appauvrissement des Français et le déclassement de notre pays. Je ne saurais donc, à l'issue de cette journée, faire comme si de rien n'était. À cette situation s'ajoute une fièvre qui s'est emparée ces dernières années du débat public et parlementaire dans notre pays, un désordre qui, je le sais, vous inquiète, parfois vous choque, et auquel je n'entends rien céder. Or, aujourd'hui, les défis qui se présentent à nous, qu'il s'agisse des dangers extérieurs, du dérèglement climatique et de ses conséquences, ou des menaces à notre propre cohésion, ces défis exigent la clarté dans nos débats, l'ambition pour le pays et le respect pour chaque Français. C'est pourquoi, après avoir procédé aux consultations prévues à l'article 12 de notre Constitution, j'ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale. Je signerai dans quelques instants le décret de convocation des élections législatives qui se tiendront le 30 juin pour le premier tour et le 7 juillet pour le second. Cette décision est grave, lourde, mais c'est avant tout, un acte de confiance. ».


    Comme je l'ai rappelé en début d'article, si l'agenda est serré (j'écrirais même dément pour les communes qui organiseront les deux scrutins !), il reste constitutionnel. L'article 12 de la Constitution dit entre vingt et quarante jours de la dissolution, et là, le Président a proposé vingt et un jours. Un record ! Évacuons quelques remarques préliminaires : comme dans le cas d'un référendum, le principe de retourner aux urnes est, en lui-même, un gage de démocratie, évidemment. Donner la parole au peuple est toujours un gaine de démocratie. Mais il est des décisions qui peuvent être désastreuses. Jouer avec le feu peut brûler.

    Car la première image qui vient à l'esprit, c'est le Président qui offre sur un plateau d'argent le pouvoir au RN, pour deux à trois ans au moins. Comment a-t-il pu penser qu'en trois semaines, les Français changeraient radicalement de tendance électorale ? Au contraire, on a bien vu en 1981, 1988, 2002, 2007, 2012, 2017 et 2022 que les Français ont confirmé la tendance présidentielle aux législatives qui ont suivi, parfois en l'amplifiant, parfois en la freinant mais jamais en la désavouant. Or, on peut imaginer raisonnablement que la tendance ici, favorable au RN, serait amplifiée avec ces élections législatives anticipées. Il faut comprendre que le RN a infusé dans toutes les catégories de la population, âge, catégorie socioprofessionnelle, niveau d'études, etc. Et que son audience électorale remarquable provient d'un mouvement de fond, très profond, pas seulement des gilets jeunes, mais depuis quarante ans (septembre 1983 à Dreux) et, en outre, c'est un mouvement international qui touche pratiquement toute l'Europe (les élections britanniques du 4 juillet 2024 seront instructives) et même les États-Unis, l'Amérique du Sud, etc. (d'où la responsabilité d'Emmanuel Macron pas vraiment évidente).

    Et le calendrier ! Quelle sottise ! Juste en fin d'année scolaire, quand les gens se préparent à leurs vacances (méritées). Juste avant les Jeux olympiques et paralympiques (bonjour la sécurité ! Sans compter que faire campagne dans un Paris à circulation impossible, cela pose quelques questions). Les week-ends de début d'été sont souvent très occupés pour les loisirs, seuls moments de détente après un printemps cette année particulièrement pluvieux. Manifestement, mais on le savait déjà, l'Élysée ne sent pas le pays.


    Dès lors que la dissolution est considérée comme un coup politique, la colère n'en prendra que plus d'ampleur. Ceux qui ont contribué à cette décision auront, face à l'histoire, une bien grave responsabilité. Car imaginer que tout le monde, hors de l'extrême droite, va rejoindre la Macronie au nom d'un combat sur les valeurs morales, c'est perdu d'avance et on le savait depuis 2017. On ne combat pas l'extrême droite, d'autant plus que son emballage a l'air plaisant, avec des incantations moralisatrices dont les électeurs n'ont rien à faire. D'ailleurs, Éric Ciotti, le président de LR, a rapidement confirmé qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Quant au PS, il ne lorgne que vers les insoumis sur lesquels ils ont repris l'ascendant électoral (et montre au passage le visage qu'il a toujours eu depuis 2018). Eh puis, que penser d'un Président qui répond "chiche !" aux revendications de dissolution réclamées à grands cris par l'extrême droite ? Comment peut-on tomber dans un tel piège tout seul ? Suicide collective à la mode kamikaze ? C'est comme si on sautait dans le vide de peur d'y être poussé.

    Cette dissolution du 9 juin 2024 a pour conséquence d'oublier encore un peu plus l'Europe, et le Parlement Européen, ce qui est franchement triste et décevant, surtout pour un Président si proche des partisans de la construction européenne. Elle a néanmoins quelques avantages non négligeables mais de court terme : interrompre l'examen du projet de loi sur l'euthanasie ; ne pas instaurer de proportionnelle aux législatives ; casser la concomitance présidentielle suivie des législatives depuis 2002 ; en finir avec cette Assemblée Nationale où régnait le désordre permanent (par le choc de deux extrêmes).

    Quelles ont été les motivations réelles d'Emmanuel Macron ? Probablement que les historiens se pencheront dans quelques décennies sur cette question en séchant. S'il souhaitait lever l'hypothèque RN, il risquerait d'en avoir pour ses frais. Après tout, le Zentrum a bien cherché à lever l'hypothèque de la NSADP en 1933. Rappelons aussi qu'un parti à 30%, comme c'est le cas aujourd'hui avec le RN, c'est la capacité d'obtenir plus de 50% des députés... sauf véritable sursaut électoral.

    Donner le pouvoir au RN pendant deux ou trois ans, sous contrôle présidentiel par une nouvelle cohabitation et éviter de perdre l'élection présidentielle. Maligne, Marie Le Pen s'est bien gardée de vouloir Matignon. Elle préfère laisser la responsabilité à Jordan Bardella dit Coquille vide, dont l'éventualité de l'échec n'impacterait pas sur l'avenir supposé présidentiel de Marine Le Pen. Mais qui dit qu'un gouvernement RN serait forcément impopulaire ? Le RN, astucieux, pourrait avoir tout le loisir, au contraire, de se rendre populaire en supprimant la limitation à 80 kilomètres par heure, le contrôle technique pour les motards, la fin des véhicules thermiques, et quelques autres mesures démagogiques et irresponsables qui soulageraient les Français inquiets par leurs libertés rognées de toute part.


    Il ne faut pas non plus oublier que, comme en 1997, la dissolution oblige le Président de la République qui ne pourra pas dissoudre avant un an. Une configuration de cohabitation donnerait donc nécessairement un grand ascendant au RN s'il gagnait les législatives anticipées car ses députés seraient "indissolvables" pendant un an !

    Cette dissolution du 9 juin 2024, qui restera dans les annales de la République, cela ne fait aucun doute, est la sixième depuis le début de la Cinquième République. Il est facile de se retourner en arrière pour imaginer l'avenir. Dans l'analyse, il faut éliminer les deux dissolutions prises juste après l'élection puis la réélection de François Mitterrand qui n'ont été que des confirmations sans surprise.

    Sans doute que la première comparaison qui arrive à l'esprit est celle avec la dissolution du 21 avril 1997 faite par Jacques Chirac. Et le parallélisme est terrible. Des élections législatives devaient avoir lieu en mars 1998. Jacques Chirac bénéficiait d'une très large majorité depuis le début de son septennat, la plus large de tous les temps. Au début du printemps 1997, le principal parti d'opposition, le PS, avait désigné tous ses candidats aux législatives de l'année suivante, tandis que le RPR n'avait pas fait ce travail de fond. À la dissolution, le PS était prêt à se battre, le RPR était pris à l'improviste. En 2024, le RN est déjà prêt avec tous ses candidats dans les circonscriptions. La rapidité des élections fait que les négociations pour d'éventuelles alliances n'auront pas le temps d'aboutir. Et la majorité est-elle prête à concourir ? Pas sûr. On peut faire la comparaison jusqu'au conseiller hors sol qui a recommandé cette très incertaine décision (Dominique de Villepin en 1997).

    On peut aussi imaginer qu'Emmanuel Macron pensait à la dissolution du 30 mai 1968 : le retournement de tendance a été spectaculaire aux législatives des 23 et 30 juin 1968. Mais retournement de quoi ? D'une "opinion publique" voyant d'un œil vaguement sympathique la révolte étudiante. Mais il n'y avait pas eu d'élections organisées le mois précédent.

     

     
     


    Peut-être qu'Emmanuel Macron pensait plutôt à la première dissolution, celle 9 octobre 1962. Il faut rappeler le contexte : l'Assemblée élue les 23 et 30 novembre 1958 n'avait pas de majorité absolue pour les gaullistes et alliés, la majorité était relative. Quand De Gaulle a proposé le 20 septembre 1962 le référendum pour élire le Président de la République au suffrage universel direct, il s'est heurté à un front uni des partis politiques (autres que l'UNR) contre ce projet (tant sur le fond, l'élection directe du Président, que sur la forme, le référendum par l'article 11 au lieu d'une révision par l'article 89 de la Constitution). Dans la crise politique, une motion de censure a été alors adoptée le 4 octobre 1962, la seule motion de censure jusqu'à maintenant adoptée (depuis 1958), si bien que le 9 octobre 1962, De Gaulle a dissous l'Assemblée et organisé des élections législatives les 18 et 25 novembre 1962, peu après le référendum fixé au 28 octobre 1962 (on note d'ailleurs que la limite de quarante jours a été respectée exactement).

    La quasi-unanimité de la classe politique contre les gaullistes ne laissaient guère de doute sur l'issue des scrutins. La lecture des notes d'Alain Peyrefitte permet de se faire une idée intéressante du climat psychologique. La plupart des ministres et députés gaullistes se considéraient en sursis, le régime des partis et les forces de la Quatrième République allaient gagner la partie contre eux et ils n'auraient qu'à rentrer chez eux après une expérience de quatre ans. La victoire du référendum (62,3% de oui avec 77,0% de participation) a engendré une grande victoire électorale aux législatives le mois suivant, apportant une large majorité absolue à l'UDR (ex-UNR) et ses alliés de 354 sièges sur 487 (avec 47,8% des voix au premier tour).

    Mais tout le monde n'est pas De Gaulle. La dissolution du 9 juin 2024 relève surtout d'une sorte de coup de poker peu admissible car il met la France en danger. Y aura-t-il un sursaut des Français face aux énormes enjeux nationaux et internationaux du moment ? Je le souhaite. Cette initiative présidentielle ne pourra pas être jugée à sa propre valeur avant le 7 juillet 2024, mais ce qui est sûr, c'est que c'est casse-cou et cela heurte de nombreux Français... parmi les plus proches du Président. Le ça-passe-ou-ça-casse très gaullien ne fait plus partie des mœurs d'une république plus participative.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Sidération institutionnelle.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 9 juin 2024 vers 20 heures 30 (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2 (vidéo intégrale).
    Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240609-dissolution.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/sideration-institutionnelle-la-vie-255132

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/09/article-sr-20240609-dissolution.html



     

  • Émeutes en Nouvelle-Calédonie : l'enjeu, c'est la démocratie !

    « Des personnes qui sont nées en Nouvelle-Calédonie ou qui y résident depuis de nombreuses années, qui y ont leur vie personnelle et leurs activités professionnelles, qui y payent des impôts sont privées du droit de vote aux élections provinciales, c’est-à-dire à un scrutin local. Le dégel du corps électoral est donc un enjeu démocratique incontournable et demandé par le Conseil d’État. Il s’agit de permettre la tenue des prochaines élections provinciales et d’assurer la représentativité des élus, sans remettre en cause les équilibres fondamentaux de l’accord de Nouméa. » (Gabriel Attal, le 14 mai 2024 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale).



     

     
     


    Depuis lundi 13 mai 2024, la Nouvelle-Calédonie est en proie, à nouveau, hélas, à la violence quasi-insurrectionnelle. Le bilan en deux jours est très lourd puisqu'il y a eu quatre morts, dont un gendarme de 22 ans, Nicolas Molinari, affecté à Melun, et plus d'une cinquantaine de blessés parmi les forces de l'ordre qui ont réagi avec rigueur sans mettre en danger la vie d'un manifestant.

    On se posera la question sérieuse de l'origine de ces émeutes, en particulier à Nouméa, qui ressemblent plus à du vandalisme de banlieue, comme en automne 2005 ou en été 2023, qu'à un acte de "résistance" politique des indépendantistes. S'en prendre aux personnes et aux biens, mettre le feu aux maisons, piller les commerces donne rarement un message politique mais indique surtout une colère floue et une volonté de détruire, de saccager.

    Le déclenchement de ces émeute serait l'examen à l'Assemblée Nationale du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. J'évoquerai ce texte ci-après, et disons clairement que le texte a été déposé dès janvier 2024, et voté par le Sénat en avril, pourquoi donc ce regain de violence soudain ?


    Il y a bien sûr des hypothèses, mais ce ne sont que des suppositions. Ce qui est sûr, c'est que la gauche, toute la gauche : socialistes, insoumis et communistes, sont vent debout contre cette réforme constitutionnelle ; ils ne croient plus en l'universalité du suffrage, c'est grave. D'autant plus qu'on prêterait aux insoumis d'être les porte-parole de puissances étrangères (Russie et Chine) qui seraient bien intéressées par la déstabilisation de la France en Nouvelle-Calédonie, en particulier, l'influence de la Chine dans le Pacifique est de plus en plus prégnante.

    Dans la nuit du 14 au 15 mai 2024, Gérald Darmanin a regretté dans l'hémicycle le manque de soutien aux forces de l'ordre de la part de la gauche : « Nous regrettons que l’Assemblée Nationale n’ait pas unanimement condamné les actions conduites contre les policiers et gendarmes. On aurait pu croire que les pillages, les incendies, les menaces de mort, visaient à exercer une pression politique sur les représentants du peuple. ».

    Le gouvernement a manifestement été surpris par cette forte flambée de violence alors que le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer s'est beaucoup investi pour trouver un accord tripartite (État, loyalistes, indépendantistes) pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Par exemple, il s'est rendu en Nouvelle-Calédonie cinq à sept fois en 2023. La réponse immédiate a été de réagir promptement : le Président Emmanuel Macron a convoqué un conseil de défense le mercredi 15 mai 2024 matin, repoussant le conseil des ministres dans l'après-midi. La principale décision a été de proclamer l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie à partir du 16 mai 2024 à 5 heures (heure locale), ainsi qu'un couvre-feu de 18 heures à 6 heures du matin, l'interdiction de rassemblement à Nouméa, et l'interdiction du transport et du port d'armes et d'alcool sur tout le territoire de Nouvelle-Calédonie.

    Pourtant, on ne peut pas dire qu'Emmanuel Macron n'avait pas joué le jeu rigoureux des Accords de Matignon de 1988 puis de Nouméa de 1998. Il était question d'organiser jusqu'à trois référendums sur l'indépendance, qui ont eu lieu le 4 novembre 2018, le 4 octobre 2020 et le 12 décembre 2021. Emmanuel Macron est resté très étrangement neutre, refusant d'influencer les électeurs alors qu'il aurait été normal (cela lui a été reproché) que le gouvernement français fît campagne pour le maintien dans la République française, ce qui a finalement été le cas, mais au troisième référendum, les indépendantistes, se sentant minoritaires, ont refusé de participer au scrutin, faisant chuter la participation alors qu'elle était très élevée aux deux premiers. Néanmoins, tout le monde pouvait faire son choix, librement consenti, dans la sincérité et le secret des règles d'une démocratie mature.

    C'est pour cela que depuis le début de l'année 2022, le gouvernement français est en négociation avec toutes les parties en Nouvelle-Calédonie pour construire les structures néo-calédoniennes définitives. Pour Emmanuel Macron, la question de l'indépendance a été définitivement tranchée le 12 décembre 2021 : « Les Calédoniennes et les Calédoniens ont choisi de rester Français. Ils l’ont décidé librement. Pour la Nation entière, ce choix est une fierté et une reconnaissance. Ce soir, la France est plus belle car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester. ». Encore faut-il se mettre d'accord pour cet avenir commun.


    Parallèlement, il y avait une réforme à faire qui ne pouvait pas être négociable au nom des valeurs de la démocratie : la composition du corps électoral qui est gelée depuis trente ans ! Cela signifie qu'un habitant français né en Nouvelle-Calédonie et vivant en Nouvelle-Calédonie depuis vingt-cinq ans ne peut pas, actuellement, voter aux élections néo-calédoniennes. C'est l'objet de ce projet de loi constitutionnelle d'en finir avec cette exception antidémocratique néo-calédonienne.
     

     
     


    Rappelons plus précisément le contenu de la loi constitutionnelle n°98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie qui crée un nouveau titre de la Constitution sur les dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie. En particulier, le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution dit (rajouté en 2007) : « Pour la définition du corps électoral appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, le tableau auquel se réfèrent l'accord mentionné à l'article 76 et les articles 188 et 189 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est le tableau dressé à l'occasion du scrutin prévu audit article 76 et comprenant les personnes non admises à y participer. ». Cela signifie le gel pur et simple du corps électoral depuis vingt-cinq ans ! (Je précise bien que cet alinéa n'avait pas été inscrit en 1998 mais en 2007 : auparavant, le corps électoral était régi uniquement par la seule loi organique de 1999).

    Que dit (entre autres) la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 ? Son article 6 : « Il est institué une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie dont bénéficient les personnes de nationalité française qui remplissent les conditions fixées à l'article 188. ». Et son article 188 : « I. - Le congrès et les assemblées de province sont élus par un corps électoral composé des électeurs satisfaisant à l'une des conditions suivantes : a) Remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998 ; b) Être inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au congrès et aux assemblées de province ; c) Avoir atteint l'âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection. II. - Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. ». Cette règle avait été d'ailleurs blâmée par le Conseil Constitutionnel le 15 mars 1999, si bien que le Président Jacques Chirac l'avait finalement inscrite directement dans la Constitution par la loi constitutionnelle n°2007-237 du 23 février 2007.

    Concrètement, cela signifie qu'en 2023, 42 000 électeurs étaient exclus du corps électoral sur les 220 000, soit près de 20%, un électeur sur cinq interdit de vote ! Cette spécificité antidémocratique, cette exemption démocratique ne pouvait être tolérée par les "organes de contrôle" tels que le Conseil d'État et le Constitutionnel en France, mais aussi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) que sous réserve que ce fût transitoire. Or, ici, le transitoire dure depuis plus de vingt-cinq ans.


    Dans le rapport du député Nicolas Metzdorf (le rapporteur du projet de loi constitutionnelle) déposé le 7 mai 2024, il est dit : « Le constituant doit tenir compte du droit international et européen : la supériorité de la Constitution dans l’ordre juridique interne n’épuise pas pour autant le débat juridique sur les dérogations aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage. ». Autrement dit, aujourd'hui, la CEDH nous observe sur la nécessaire évolution de la définition du corps électoral.

    Il est quand même choquant que ceux qui, je pense particulièrement aux insoumis, militent depuis longtemps pour le droit de vote aux étrangers dans toute la France (ce qui serait une hérésie démocratique également), notamment pour les élections locales, refusent que des citoyens qui sont nés en Nouvelle-Calédonie et qui paient leurs impôts, Français, ne puissent pas voter chez eux à cause de ce gel des listes électorales. C'est même un scandale qui n'auraient jamais dû endosser les gouvernements de Michel Rocard et de Lionel Jospin. Une telle exception démocratique ne peut être maintenue aussi longtemps dans le temps : ce sont des générations de citoyens, ce qui y naissent et ceux qui s'y installent, qui sont privés scandaleusement de leur droit de vote ! C'est contraire à tous nos principes, toutes nos valeurs, tous nos standards !

    C'est du reste incroyable que certains associent démocratie et colonisation, comme si la décolonisation ne pouvait aboutir qu'à une non-démocratie. Les Néo-calédoniens ont parlé en 2021 et le maintien dans la République est un choix démocratique, il faut le respecter et rétablir un corps électoral compatible avec une démocratie adulte. D'ailleurs, selon des études, il semblerait que le rétablissement du corps électoral ne profitera à aucun des deux camps, loyaliste et indépendantiste, ce qui n'en ferait donc pas un élément crucial de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.


    La règle de l'État de droit est l'égalité de tous les citoyens devant les urnes. Ce projet de loi constitutionnelle a été déposé au Sénat par le gouvernement de Gabriel Attal le 29 janvier 2024. Après examen en commission puis en séances publiques, le texte a été adopté le 2 avril 2024 par 233 voix pour, 99 voix contre sur 339 votants et 332 exprimés (scrutin n°168). À son tour, les députés de l'Assemblée Nationale l'ont examiné en commission puis en séance publique et l'ont adopté dans les mêmes termes le soir du mardi 14 mai 2024, peu après minuit, par 351 voix pour, 153 voix contre sur 507 votants et 504 exprimés. Pour être définitif en tant que révision de la Constitution, ce texte doit passer un troisième scrutin (selon l'article 89 de la Constitution), soit un référendum national, soit l'adoption par le Congrès (à Versailles, réunion des députés et des sénateurs) avec la majorité des trois cinquièmes, ce qui est largement possible étant donné les scrutins de chaque assemblée (cette majorité serait à environ 70% ; les trois cinquièmes, c'est 60%).

    Que contient cette réforme constitutionnelle ? Il y a deux articles. Le premier article supprime le dernier alinéa de l'article 77 (cité plus haut) et le remplace par un article 77-1 ainsi rédigé : « Dans les conditions définies par une loi organique prise après avis du congrès de la Nouvelle Calédonie, le corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province est restreint aux électeurs qui, inscrits sur la liste électorale générale de Nouvelle Calédonie, y sont nés ou y sont domiciliés depuis au moins dix années. ».


    Il précise également : « En cas d’accord portant sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle Calédonie en vue d’assurer à tous les citoyens de Nouvelle Calédonie un destin commun, négocié dans le cadre des discussions prévues par l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998, les critères d’admission au corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle Calédonie mentionnés à l’article 77 1 de la Constitution peuvent être modifiés par une loi organique. ». Ce point permet à cette réforme constitutionnelle de ne pas être un point final aux discussions mais au contraire d'en être un complément constitutionnel.

    Le second article indique que l'article premier entre en vigueur le 1er juillet 2024... sauf « si les Présidents des deux assemblées du Parlement saisis à cette fin par le Premier Ministre constatent qu’un accord portant sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle Calédonie en vue d’assurer à tous les citoyens de Nouvelle Calédonie un destin commun, négocié dans le cadre des discussions prévues par l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998, a été conclu au plus tard dix jours avant la date des élections pour le premier renouvellement général du congrès et des assemblées de province postérieur à la publication de la présente loi constitutionnelle entre les partenaires de cet accord. Ils se prononcent dans un délai de huit jours à compter de leur saisine. Le gouvernement présente en conseil des ministres un projet de loi organique visant à reporter le premier renouvellement général du congrès et des assemblées de province postérieur à la publication de la présente loi constitutionnelle, afin de permettre l’adoption des mesures constitutionnelles, organiques et législatives nécessaires à la mise en œuvre dudit accord. L’adoption en conseil des ministres de ce projet de loi organique emporte, le cas échéant, report du décret de convocation des électeurs pour ledit scrutin. ».

    L'impact de cette réforme constitutionnelle est de réintégrer dans le corps électoral 25 000 électeurs des 42 000 exclus (car il faut encore résider pendant au moins dix ans en Nouvelle-Calédonie). C'est mieux mais encore très insuffisant pour les standards de la démocratie.

     

     
     


    Avant le vote, lors de la séance au gouvernement du 14 mai 2024, le Premier Ministre Gabriel Attal a montré un signe d'apaisement en ne convoquant pas immédiatement le Congrès à Versailles comme il en aurait la possibilité, afin de se donner du temps pour un accord global : « Au-delà, notre unique volonté est de trouver, avec les indépendantistes et avec les non-indépendantistes, un accord politique global et le plus large possible qui permette d’aller de l’avant et d’écrire le futur de la Nouvelle-Calédonie. J’y insiste : cet accord passera par le dialogue avec toutes les parties prenantes. C’est pourquoi notre main est toujours tendue. C’est pourquoi le Président de la République, vous l’avez rappelé, a proposé d’ouvrir de nouvelles discussions entre les responsables politiques calédoniens et le gouvernement. C’est pourquoi le Congrès ne sera pas convoqué immédiatement à l’issue des débats à l’Assemblée Nationale. Dans l’intervalle, j’invite les responsables politiques calédoniens à saisir cette main tendue et à venir discuter à Paris dans les prochaines semaines. L’important, c’est l’apaisement. L’important, c’est le dialogue. L’important, c’est la construction d’une solution politique commune et globale. L’important, c’est de trouver les moyens de faire respecter le choix souverain de la Nouvelle-Calédonie de rester dans la République et de définir le bon équilibre pour l’avenir du Caillou et de la jeunesse calédonienne, tout en respectant le droit à l’autodétermination. ».

    C'est peut-être le député LR Philippe Gosselin qui a expliqué le mieux la méthode de l'État dans ces négociations. Il l'a expliquée le 7 mai 2024 lors de l'examen en commission : « Certains collègues semblent s’étonner qu’un accord entre les parties puisse mettre un terme à la révision de la Constitution dont nous discutons. Or le processus est totalement dérogatoire au droit commun, depuis le début. C’est particulièrement le cas depuis la révision du titre XIII de la Constitution, mais cela l’était déjà avec les accords de Matignon et de Nouméa : au fond, le Parlement joue le rôle de greffier des accords locaux. Ce n’est pas un problème, et c’est même important, dans la mesure où les partis calédoniens sont directement concernés. ».

    Par ailleurs, le gouvernement a reporté au 15 décembre 2024 la date des prochaines élections provinciales afin d'obtenir un accord global avant cette date. Mais le FLNKS a quitté la table des négociations le 28 février 2024. Sa responsabilité est très grande sur les événements actuels très graves à Nouméa. Il faut négocier, mais sans transiger sur les principes qui fondent notre démocratie, et en particulier les principes d'égalité et d'universalité du suffrage. La politique demande toujours du courage pour tracer une route claire.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Émeutes en Nouvelle-Calédonie : l'enjeu, c'est la démocratie !
    La messe est dite : la Nouvelle-Calédonie dit non à l’indépendance.
    Nouvelle-Calédonie : jamais deux sans trois !
    Bernard Pons.
    Nouvelle-Calédonie : le vent du boulet ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 4 octobre 2020 sur la Nouvelle-Calédonie.
    Résultats du référendum du 4 octobre 2020 en Nouvelle-Calédonie.
    Nouvelle-Calédonie : bis repetita ?
    Jean-Marie Tjibaou fut-il un martyr de la cause kanake ?
    Nouvelle-Calédonie : un timide oui pour la France.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 4 novembre 2018 sur la Nouvelle-Calédonie.
    Résultats du référendum du 4 novembre 2018 en Nouvelle-Calédonie.
    Paris à l’écoute de la Nouvelle-Calédonie.
    Discours du Président Emmanuel Macron le 5 mai 2018 à Nouméa.
    Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le 5 décembre 2017 à Nouméa.
    L’assaut de la grotte d’Ouvéa selon Michel Rocard.
    Jacques Lafleur.
    Dick Ukeiwé.
    Edgard Pisani.
     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240515-nouvelle-caledonie.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/emeutes-en-nouvelle-caledonie-l-254694

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/15/article-sr-20240515-nouvelle-caledonie.html