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comédien

  • 5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade

    « Encadré par ses avocats, Pierre Palmade a l'air un peu perdu, comme depuis ce matin, dans cette salle d'audience. Livide. Le regard un peu dans le vague. Pas un bruit dans le prétoire. Il y a pas mal de tension dans l'air. » (Vincent Vantighem, sur Twitter le 20 novembre 2024, au moment du délibéré).



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    C'était le réquisitoire du parquet pour blessures involontaires aggravées dans le procès qui a eu lieu ce mercredi 20 novembre 2024 au tribunal judiciaire de Melun pour juger "l'humoriste" Pierre Palmade. Je mets entre guillemets, on pourrait maintenant écrire l'ex-humoriste car je crois qu'il ne fera plus jamais rire. C'est aussi le verdict du procès qui a été prononcé dans la soirée (vers 20 heures 30).

    Toutefois, le mandat de dépôt est à effet différé, ce qui signifie que Pierre Palmade n'est pas incarcéré à l'issue de ce procès. Les deux ans ferme ne sont pas aménageables (et seront probablement exécutés près de Bordeaux). Quant au sursis : « À l’issue de l’exécution de cette peine, vous aurez au dessus de la tête trois ans que vous ne ferez jamais à deux conditions : prouver que vous continuez de vous soigner et payer les victimes. L’autre condition : de ne recommencer aucune infraction dans les trois ans. ».


    Je rappelle très succinctement les faits : le vendredi 10 février 2023 sur une route de Villiers-en-Bière (en Seine-et-Marne), Pierre Palmade, bourré de drogue dans le sang, ne chassant pas ses démons, avait refusé de céder le volant à l'un de ses deux passagers pour conduire dans une contrée où il habitait (il connaissait donc très bien la route). Roulant à gauche en raison d'une altération de la réalité, Pierre Palmade est le responsable d'un grave accident qui a fait quatre victimes, trois personnes blessées très gravement, le conducteur et les passagers de la voiture qui roulait en face, et malheureusement un enfant à naître, dans le ventre de la passagère depuis six mois, qui n'a pas survécu au choc.

    Au-delà du choc d'une star prise en défaut, j'ai d'abord vu les victimes, une famille complètement effondrée et traumatisée à vie. La perte d'un enfant à naître, qui n'a peut-être même pas encore eu son prénom (en l'occurrence, si, la petite fille à naître a eu son prénom à titre posthume), est une horreur pour les parents, d'autant plus que c'était le premier enfant qu'ils attendaient.


    Si on voulait faire de l'humour noir, on dirait que Pierre Palmade avait des circonstances atténuantes, puisque drogué à bloc, c'était difficile pour lui de rouler convenablement. Non, ne riez pas, ce n'était pas de l'humour, mais c'était à peu près l'état d'esprit des tribunaux dans les années 1970 lorsqu'un conducteur galvanisé par l'alcool était responsable d'un accident mortel. On vient de loin. Heureusement, depuis une cinquantaine d'années, avoir le sang rempli d'alcool ou de stupéfiant est devenu une circonstance aggravante et pas atténuante.

    On voit ainsi par cette occasion que la star se droguait régulièrement et bien sûr illégalement, mais cette addiction était déjà connue publiquement depuis quelque temps, notamment par une ancienne condamnation. Je sais que le calvaire de l'addiction n'est pas seulement pour celui qui est atteint mais aussi pour ses proches, sa famille, et que la double peine résout rarement les choses, mais lorsqu'on sait qu'une personne est incapable de ne pas boire ou de ne pas se droguer, pourquoi l'État, la société, la loi, n'enlèverait pas, provisoirement, la validité de son permis de conduire ? Après tout, les bigleux (dont je fais partie) doivent toujours avoir des lunettes à verres correctifs dans la voiture pour avoir le droit de conduire (même s'ils portent des lentilles), et on imagine bien que certaines personnes n'ont plus le droit, ou un droit sous condition, de reconduire pour raisons médicales, en particulier lorsqu'elles ont été victimes d'un AVC.

    Deux ans de prison ferme, on pourrait penser que c'est sévère. Surtout que s'il y a un homicide, il l'est sur un enfant à naître, pas une personne "finie" déjà reconnue par la société et l'État de droit (mais ce débat est très important, existe-t-on, socialement, éthiquement, avant de naître ? Ma propre réponse est oui, ne serait-ce que dans la tête des parents, mais aussi dans les listes d'attente des crèches, etc. et surtout, l'existence biologique est patente !). En outre, la sévérité d'une peine ne fait jamais revenir un être chéri disparu, ni supprimer les traumatismes d'un accident qui restera toujours présent dans la tête. De même, Pierre Palmade a bien compris ce qu'il a fait comme monstrueuse bêtise, et la regrette, bien trop tard mais la regrette, il n'est pas indifférent à la détresse des victimes et leur demande pardon. Peut-on pardonner ? Personnellement, je ne répondrai à la question que lorsqu'elle se posera, dans le cas malheureux échéant.


    Avant, on pouvait être responsable d'un accident mortel qui a tué plusieurs personnes sur la route et n'être condamné qu'à deux ans de prison avec sursis. Maintenant, les juges deviennent de plus en plus sévères, et c'est avec raison. Certes, l'intention fait partie de la proportionnalité de la peine, et le caractère accidentel est évidemment pleinement reconnu (du moins, dans la plupart des accidents de la route), c'est le principe de l'homicide involontaire. Le concept de responsabilité est aussi essentiel, et c'est même le point clef dans les accidents du travail. Un accident reste toujours le résultat et la combinaison de plusieurs causes souvent improbables. Il est pourtant des causes probables d'accident, rouler imbibé d'alcool ou de stupéfiant est justement l'une des causes qui donnent beaucoup plus de probabilité à l'accident.

    Le passage du permis de conduire a surtout pour but, au-delà du simple apprentissage de la technique de conduite, de responsabiliser le futur conducteur : il a risque de vie ou de mort sur la route. Le comportement totalement irresponsable de Pierre Palmade pouvait ainsi se traduire par : il se moquait totalement de la vie des autres usagers de la route, il pensait avoir la route pour lui tout seul, ou il se moquait des autres, en clair, égocentrisme total et anti-altruisme. On peut comprendre que la demande de pardon vient un peu tard. Elle est celle d'un enfant qui a fauté mais qui n'a pas donné toutes les garanties pour qu'il ne refaute plus. C'est, je pense, le sens de la sévérité du réquisitoire même s'il faut rappeler que Pierre Palmade risquait quatorze ans de prison, et pas seulement cinq dont deux ferme.

    Par ailleurs, juger une personnalité célèbre n'est jamais facile pour un juge car il faut éviter toute pression : la personnalité ne doit pas bénéficier d'une tolérance qu'on n'aura pas pour un anonyme, mais, a contrario, elle ne doit pas non plus être condamnée plus sévèrement pour l'exemple.

    Concrètement, les victimes se sont senties plutôt méprisées par le verdict pourtant sévère car il n'est pas reconnu l'homicide involontaire aggravé malgré la mort de l'enfant à naître. Durant les débats au procès, l'avocat de la jeune femme avait même déclaré, dégoûté : « Le droit protège mieux les animaux que les enfants à naître. Les œufs de certains oiseaux sont mieux protégés que les fœtus en France. C’est ahurissant ! ». De son côté, la procureure a affirmé, pendant son réquisitoire : « Cette consommation de stupéfiants ne doit pas justifier la faute de Pierre Palmade. (…) Le souci, c’est cette prise en charge qui peut être chaotique, c’est de prévenir le risque de récidive. (…) Et c’est aussi la volonté de donner une peine qui doit être comprise par la société. » [ces déclarations sont issues du compte rendu du journaliste Vincent Vantighem sur Twitter].

    Moi, j'aimais bien les sketchs de Pierre Palmade, je me bidonnais bien dans ses duos avec Michèle Laroque. C'est difficile maintenant. L'impression qu'un monument s'est encore écroulé. Un peu comme l'abbé Pierre : les êtres humains sont complexes, font des choses épatantes... et en même temps, ils peuvent être de vrais salauds. Oui, qu'il fasse sa peine, qu'il se soigne, mais cela n'empêchera pas les victimes d'être effondrées à vie. Là est la peine à perpétuité. La seule chose qui pourrait sortir de bien, c'est que, de ce procès médiatique, il en reste cette idée impérieuse que chaque conducteur que nous sommes a la fragile responsabilité de faire attention à la vie des autres. Cette attention devrait être portée en permanence. Et surtout, en prendre conscience en permanence. La voiture, parce qu'elle a de l'énergie, est un instrument mortel. Il faut la manier avec cette conscience aiguë. Pour éviter d'autres victimes.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'AVC de Pierre Palmade.
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    Tristesse.
    Contrôle médical obligatoire pour le permis de conduire : une erreur de vision ?
    Émotion nationale pour Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Claude Got.
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    Le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du lundi 17 juillet 2023.
    Le refus d'obtempérer est un délit routier.
    Faut-il interdire aux insomniaques de conduire ?
    Faut-il en finir avec le permis de conduire à vie ?
    L'avenir du périph' parisien en question.
    Fin du retrait de point pour les "petits" excès de vitesse : est-ce bien raisonnable ?
    Les trottinettes à Paris.
    L'accident de Pierre Palmade.
    La sécurité des personnes.
    Anne Heche.
    Diana Spencer.
    100 ans de code de la route.
    80 km/h : le bilan 2018-2020 très positif.

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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241120-palmade.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/5-ans-de-prison-dont-2-ferme-pour-257764

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/20/article-sr-20241120-palmade.html



  • La grande sensibilité de Valeria Bruni Tedeschi

    « Un tournage est comme un pays où il y a des lois et des langages. » (Valeria Bruni Tedeschi, le 18 février 2019 sur France Inter).


     

     
     


    L'actrice franco-italienne Valeria Bruni Tedeschi fête ses 60 ans ce samedi 16 novembre 2024 (elle est née à Turin ; elle est la grande sœur de la chanteuse et mannequin Carla Bruni, et donc la belle-sœur de Nicolas Sarkozy). Issue de la famille très riche de l'industriel Virgino Bruni Tedeschi (son grand-père qui a fait fortune dans les pneumatiques), Valeria est la fille d'une actrice et pianiste et d'un industriel qui était aussi compositeur d'opéra. La famille a dû se réfugier en France dans les années 1970 parce qu'elle était devenue une cible des Brigades rouges, ce qui a été un douloureux déchirement à l'âge de 9 ans.

    Elle est une actrice très attachante, presque familière, comme si c'était une intime, une bonne amie, une mère proche, une sœur complice... J'ai un petit faible pour elle dont la sensibilité est très forte, des yeux exceptionnellement pleins de vie, capable, dans un personnage secondaire, de voler la vedette à des personnages plus centraux dans un film.

    Un exemple frappant est l'excellent film de Claude Chabrol "Au cœur du mensonge" (sorti le 13 janvier 1999). Dans un jeu à quatre, elle s'est octroyée sans doute le rôle le plus captivant, même si tous sont intéressants. Les deux rôles principaux sont tenus par Sandrine Bonnaire et Jacques Gamblin, jouant un couple bien étrange, l'une médecin un peu désolée et déboussolée par son mari, peintre sans inspiration qui a été blessé dans un attentat (celui de la rue de Rennes le 17 septembre 1986 qui a tué 7 personnes et blessé 55 autres dont le personnage du film). Antoine de Caunes joue le journaliste écrivain odieux et imbu de lui-même, dandy séducteur de la médecin, qui a le don d'agacer voire de rendre jaloux le peintre. Le journaliste meurt dans d'étranges conditions et la commissaire Valeria Bruni Tedeschi enquête.

    Dans ce film, l'actrice n'est pas seulement policière, elle est aussi mère, et c'est une chose importante car elle a confié la garde de sa fille (attention, spoiler !) à la compagne d'une personne accusée de l'assassinat d'un enfant (donc, dans une autre affaire). La commissaire ne semble pas vraiment efficace dans ses investigations, mais elle tient un rôle assez surprenant dans le film de Claude Chabrol chez qui rien n'est jamais blanc ou noir.

     

     
     


    Commençant par le théâtre et la télévision, Valeria Bruni Tedeschi a obtenu son premier grand rôle au cinéma en 1987 ("Hôtel de France" de Patrick Chéreau, sorti le 20 mai 1987) et depuis ses débuts, elle a tourné dans plus d'une centaine de films, mais aussi en a réalisé sept, car elle est aussi réalisatrice (et scénariste). Patrick Chéreau était son mentor et son initiateur au théâtre et même au cinéma pour son premier rôle principal : « Je lui serai éternellement reconnaissante de m'avoir appris le sens du mot travail. » (a-t-elle dit à la mort du metteur en scène le 7 octobre 2013). Il était son professeur et elle avait pour camarades de classe Agnès Jaoui, Vincent Perez, Eva Ionesco et Marianne Denicourt. Réalisatrice et actrice, un peu comme Emmanuelle Bercot. Valeria Bruni Tedeschi a fait jouer souvent de nouveaux comédiens, apprécie les nouvelles têtes, encourage et promeut les nouvelles pousses.

    Parmi les films qu'elle a réalisés, souvent intimistes et très personnels (tout en étant très collectifs), on peut citer "Actrices" (sorti le 26 décembre 2007) avec Noémie Lvovsky, Valeria Golino, Mathieu Amalric et Louis Garrel ; "Les Estivants" (sorti le 10 décembre 2018) avec Noémie Lvovsky, Valeria Golino, Pierre Arditi, Yolande Moreau, Laurent Stocker, etc. ; et (encore à visée autobiographique) "Les Amandiers" (sorti le 16 novembre 2022) avec Nadia Tereszkiewicz, Louis Garrel (qui joue le rôle de Patrick Chéreau), Sofiane Bennacer, Micha Lesco... sans oublier à la télévision, la comédie "Les 3 Sœurs" (diffusée le 4 septembre 2015 sur Arte) qui s'inspire d'une pièce de Tchekhov sur le deuil du père de trois sœurs dans la Russie de la fin du XIXe siècle, avec notamment Florence Viala, Coraly Zahonero, Éric Ruf, Bruno Raffaelli, Michel Vuillermoz et Laurent Stocker (ainsi que le succulent et regretté Michel Robin pour un petit rôle).

    Malgré la présence dans le casting de sa mère Marisa Borini et de sa fille Oumy Bruni Garrel, "Les Estivants" n'a pas de vocation autobiographique si ce n'est dans l'imaginaire de Valeria Bruni Tedeschi qui a distribué les rôles selon sa famille, parfois avec les propres rôles (sa mère, par exemple). Quant à son dernier film "Les Amandiers", il a été sélectionné par le Festival de Cannes de 2022, et a reçu en 2023 un César (meilleur espoir féminin pour Nadia Tereszkiewicz) et sept nominations de César (dont meilleur film et meilleur scénario). Présentant ce film (qui raconte sa jeunesse) le 10 novembre 2022 sur France Inter, Valeria Bruni Tedeschi a fait un parallèle avec les jeunes d'aujourd'hui : « J'ai l’impression qu'on a insufflé à nos enfants la peur de l'avenir, je les trouve très angoissés, en train d'essayer de bien construire leur avenir. Nous, on ne construisais rien du tout, on voulait vivre, travailler, on s'en foutait de construire une carrière, on voulait juste jouer. ».


    Les films qu'elle a réalisés, comme je l'ai écrit plus haut, sont souvent ou vaguement à visée autobiographique et familiale. Ainsi, Valeria Bruni Tadeschi évoquait sa sœur et la mort de son père dans "Il est plus difficile pour un chameau..." (sorti le 16 avril 2003) avec Chiara Mastroianni, Jean-Hugues Anglade, Marisa Borini (sa mère), Denis Podalydès, Lambert Wilson, Yvan Attal, Emmanuell Devos, etc. (Prix Louis-Delluc du premier film), ainsi que la mort de son frère, succombant du sida en 2006, dans "Un château en Italie" (sorti le 30 octobre 2013) avec Louis Garrel, Marisa Borini et Xavier Beauvois (ce qui a valu à Valeria d'être la seule femme candidate à la Palme d'Or au Festival de Cannes 2013). Du reste, Valeria Bruni Tedeschi a pu tourner dans le propre château familial, le château de Castagneto Po, à 25 kilomètres de Turin, vendu par la famille en 2009 à un prince saoudien pour la somme de 17,5 millions d'euros et son mobilier, vendu aux enchères à Londres pour 10 millions d'euros, qui ont été versés à la Fondation Virginio-Bruni-Tedeschi (le frère décédé) contre le sida.
     

     
     


    En fait, Carla Bruni n'est que la demi-sœur de Valeria Bruni Tedeschi, mais elles ne l'ont su que tardivement, au début de l'année 1996. Le père biologique était un homme d'affaires installé au Brésil et le père qui l'a élevée, Alberto Bruni Tedeschi, qui l'avait su, l'a toujours chérie comme sa propre fille. Toutefois, le choc de la révélation n'en a pas été moins grand, d'autant plus qu'elle a eu lieu peu avant la mort du père affectif (le 17 février 1996).

    Louis Garrel a été le compagnon de Valeria Bruni Tedeschi après le tournage de son film "Actrices" et le couple a adopté alors en 2009 une petite fille Oumy qui a joué avec eux en 2018. Elle a aussi adopté en 2014 un petit garçon, Noé. Son nouveau compagnon Sofiane Bennacer a eu l'un des rôles principaux dans "Les Amandiers" (et la procureure de la République de Mulhouse a annoncé le 22 novembre 2022 qu'il a été mis en examen en octobre 2022 pour des accusations de viols et d'agressions sur trois voire quatre de ses anciennes compagnes, mais il a clamé son innocence ; à cause de cette mise en examen, et alors qu'il a été une révélation dans "Les Amandiers", son nom a été prudemment retiré de la liste des "talents émergents" pour les Césars 2023 par respect pour les victimes présumées).

    Reconnue par la profession, Valeria Bruni Tedeschi a reçu de nombreuses récompenses, en particulier un César du meilleur espoir féminin pour "Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel" de Laurence Ferreira Barbosa (sorti le 1994), avec Melvil Poupaud, Frédéric Diefenthal, Sandrine Kiberlain et Jackie Berroyer (et nommée pour cinq autres Césars), quatre David di Donatello de la meilleure actrice en 1996, 1998, 2014 et 2017 (l'équivalent italien des Césars), également le Prix spécial du jury au Festival de Cannes en 2007 et une citation pour un Molière de la meilleure comédienne, car elle joue aussi au théâtre (des pièces de Molière, Tchekhov, Tourgueniev, etc.).

    L'un des récents films dans lesquels Valeria a joué (très nombreux, depuis le début de la décennie ; elle a joué dans treize films !) est "Les Amours d'Anaïs" de Charline Bourgeois-Taquet (sorti le 15 septembre 2021) avec la très séduisante Anaïs Demoustier et Denis Podalydès. L'actrice devenue écrivaine se retrouve alors au centre d'un triangle amoureux où deux doubles hétérosexualités évoluent vers une seule homosexualité féminine sans identification d'orientation sexuelle mais avec pour seul guide le désir, comme l'a expliqué la jeune réalisatrice le 16 septembre 2021 à Mégane Choquet pour le site Allociné : « La seule chose qui guide Anaïs, c'est son désir. Et elle a cette capacité à suivre son désir de manière aveugle, sans se poser de questions. Elle se laisse emporter par ses pulsions et ses envies. Je trouvais ça beau qu'elle aille jusqu'au bout sans se poser de questions. (…) Le film commence à Paris et plus on avance, plus il s'ouvre quand on arrive à la campagne verdoyante en Bretagne et vers la fin on est carrément au bord de la mer avec cet horizon infini. Sans vouloir tomber dans trop de symbolisme, c'était aussi une trajectoire vers la liberté et le fait de suivre son désir jusqu'au bout et sans limites. ».


     

     


    Quant à Valeria Bruni Tadeschi, voici ce qu'en dit Charline Bourgeois-Taquet pour cette première collaboration : « J'ai adoré travailler avec Valeria. Encore aujourd'hui, quand je vois le film, je suis subjuguée, je la trouve sublime. C'était assez intéressant parce que j'avais envie de lui proposer ce personnage qu'elle a rarement joué, voire presque jamais, c'est-à-dire une femme solide, puissante, accomplie. Et Valeria aime bien faire rire, donc les premiers jours de tournage, elle était assez déstabilisée. Je pense même qu'elle était un peu frustrée parce qu'elle voyait qu'Anaïs et Denis [Podalydès] nous faisaient rire. Je n'avais vraiment pas envie qu'elle soit en souffrance sur le tournage mais j'ai quand même tenu bon, je lui ai expliqué qu'il fallait qu'elle me fasse confiance et que son personnage allait être marquant même s'il ne faisait pas rire. Et elle a fini par comprendre ce que j'avais derrière la tête et par accepter de s'abandonner. ».

    Dans "Paris Match", Valeria Bruni Tedeschi a déclaré de son côté, le 8 juillet 2022 à Karelle Fitoussi : « J'aime les metteurs en scène qui m’obligent à aller dans des endroits nouveaux. Charline m’a demandé d’incarner une femme qui assume sa beauté et sa puissance. Je crois n’avoir jamais été regardée par des cinéastes hommes hétérosexuels comme un objet de désir. ». Réponse de la réalisatrice : « Mais parce que tu résistes à ça ! Au début du tournage, ce qui t’aurait vraiment fait plaisir, c’était plutôt de faire rire tout le monde ! Il y a chez toi une fragilité qu’on perçoit derrière tous tes rôles. ».

     

     
     


    Complexée par le caractère très riche de sa famille (elle s'en sent coupable), mais pas du tout complexée par son physique (contrairement à sa sœur, elle ne se maquille pas, ne se coiffe pas, ne se chirurgie-esthétique pas, ne se photoshope pas dans les magazines aux pages glacées), Valeria Bruni Tadeschi aura un mal fou à atteindre la sérénité, faute d'un bonheur qu'elle n'assumerait pas : « J’ai le sentiment que rien ne m’a apaisée, que rien ne m’apaise, que rien ne m’apaisera jamais. » (a-t-elle lâché à Vanessa Schneider le 17 mai 2013 pour "Le Monde"). Toujours anxieuse, la religion catholique peut lui apporter cette sérénité qu'elle désire tant : « Je vais parfois à l’office du [dimanche] soir, que je trouve plus solitaire, moins familial et bourgeois que celui du matin. J’ai beaucoup de mal avec ce qui se dit à l'Église, de nombreuses choses ne me plaisent pas du tout, mais je peux y trouver des instants d’apaisement. C’est la religion de mon enfance, le langage qui m’est le plus naturel, même si je n’ai reçu que des miettes de foi. » (s'est-elle confiée le 28 mai 2022 à Baptiste Thion dans le "Journal du dimanche").


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (16 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.
     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241116-valeria-bruni-tedeschi.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/la-grande-sensibilite-de-valeria-257319

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/15/article-sr-20241116-valeria-bruni-tedeschi.html


     

  • Où est donc passé Teddy Vrignault ?

    « Les gens bien intentionnés les qualifient d'amuseurs. Les gens moins bien intentionnés les classent parmi les "rigolos". Ils valent beaucoup mieux que ça. Le délire verbal, le coq-à-l'âne, la gymnastique des mots, est probablement le genre exigeant le plus de maîtrise, le plus de rigueur, en un mot : le plus de style. Ce n'est pas Raymond Devos qui me contredira. » (Michel Audiard, à propos des Frères ennemis).


     

     
     


    C'est l'histoire banale du mec qui sort un dimanche soir pour chercher un paquet de clopes. Et il ne revient jamais. La femme est pourtant sûre qu'il reviendra. Une disparition sans préavis comme en font les romans ou les films à New York. Il y a quarante ans, le 1er novembre 1984, c'était le tour de Teddy Vrignault. Il allait avoir 56 ans le 22 novembre 1984. Il habitait à Montmartre avec son épouse Simone.

    Il a dit à sa femme : je vais chercher des clopes. Il a pris sa voiture, une 504 Peugeot de couleur dorée avec le toit noir, sans son carnet de chèque mais avec quelques billets de banque, et il est parti. On le cherche encore aujourd'hui. L'enquête n'a rien donnée. On n'a jamais retrouvé ni l'homme pourtant assez facilement identifiable (avec de belles moustaches) ni sa voiture. Par l'article 112 du code civil sur les disparitions, il a été considéré par l'État comme décédé le 1er novembre 2004, mais rien n'indique qu'il ne serait pas encore vivant aujourd'hui, auquel cas il aurait presque 96 ans. Sa femme n'avait rien remarqué d'anormal, si ce n'était que Teddy avait des problèmes d'argent, était déprimé et prenait des somnifères pour dormir.

    En France, il y a environ 50 000 à 60 000 personnes signalées disparues chaque année ; et chaque année, on retrouve entre 800 et 2 000 corps non identifiés. Certains, d'une famille de disparus, militent pour créer un fichier des empreintes ADN des cadavres anonymes à analyser systématiquement. En 2008, il y a eu 5 650 recherches administratives pour des disparitions présumées volontaires de personnes adultes (notre cas ici), et 2 456 (soit 44%) ont été découvertes après enquête, mais seulement la moitié de celles-ci ont accepté de communiquer leurs coordonnées. Je ne sais pas si l'année 2008 est statistiquement représentative d'une moyenne, et certainement pas de l'année 1984, mais cela signifie que Teddy Vrignault a fait partie de plusieurs milliers d'adultes qui se sont volatilisées a priori volontairement chaque année. Son cas, malheureusement, n'est donc pas très rare.

    Rappelons que la liberté de circulation implique aussi le liberté de disparaître (dès lors qu'on ne trouble l'ordre public et qu'on respecte la loi). Les enquêtes sont motivées par la légitimité de la détresse familiale, mais la procédure administrative de recherche dans l'intérêt des familles (datant de la
    Première Guerre mondiale et organisée selon la circulaire n°83-52 du 21 février 1983) a été abrogée par la circulaire du 26 avril 2013 en raison de la possibilité de faire des recherches, accessible à tous, grâce à l'Internet et aux réseaux sociaux.

    Enfin, si, un petit signe pourrait laisser entendre qu'il n'est hélas plus de ce monde. Un détective privé (un généalogiste) a retrouvé, sur le site Geneanet l'acte de décès (qu'on peut lire dans le fichier de l'INSEE) de Pierre Édouard Georges Vrignault (le vrai nom d'état-civil de Teddy Vrignault), correspondant à la bonne date de naissance, bon lieu de naissance, et qui serait décédé le 29 janvier 1999 à l'âge de 70 ans au 18
    e arrondissement de Paris. S'il s'agissait de la même personne, cela signifierait qu'elle serait restée dans la même ville (et dans le même arrondissement) pendant quatorze ans sans avoir été retrouvée, ce qui est difficile à imaginer car l'homme était une célébrité. C'est le journal "France Dimanche" qui a donné cette information le 17 avril 2020, malheureusement après le décès d'André Gaillard.
     

     
     


    Car il faut en effet rappeler qui est Teddy Vrignault à qui il faut absolument associer André Gaillard (1927-2019). Tous les deux étaient des humoristes. Ils s'étaient rencontrés par hasard au cours de leur service militaire en Allemagne, ils faisaient un spectacle ensemble mais n'étaient pas du même escadron. Après leur retour dans le civil, ils se sont perdus de vue (déjà) et se sont recroisés quelques années plus tard par hasard aux Champs-Élysées à Paris. Très vite, ils ont apprécié l'un chez l'autre l'humour sophistiqué, basé principalement sur des jeux de mots, sur la richesse du vocabulaire. Ils ont suivi des cours de théâtre et leur première représentation a eu lieu le 24 octobre 1953 dans un cabaret parisien. Ils étaient lancés.
     

     
     


    Avec un petit côté désuet, Teddy Vrignault, le grand chevelu à moustaches, André Gaillard, le chauve avec des rouflaquettes d'avant-guerre, ont formé un duo, les Frères ennemis, très connus dans les années 1960. Ils se sont produits de 1953 à 1984, pendant trente et une années, et en faisant rigoler un public bon enfant au cours de 750 sketchs différents (qui ont fait l'objet de publications livresques). Comme l'a rappelé Jérémy Gallet le 5 octobre 2019 sur le site Avoir-alire : « Des Frères Ennemis, duo comique injustement oublié, on retient les sketchs absurdes, qui lorgnent sur l’humour de Raymond Devos et Pierre Dac, avec des réparties débitées à la mitraillette, un art consommé du coq-à-l’âne et le contraste physique entre le chevelu Teddy Vrignault, brun ténébreux, sorte de mélange entre Claude Giraud et Lee Van Cleef, et André Gaillard, le dégarni, avec moustaches et rouflaquettes d’antan. Le binôme avait commencé, tel Richard et Lanoux, Darras et Noiret, par écumer les cabarets, dans les années 50, dont L’Écluse, lieu incontournable du rire, avant que le petit écran ne les rende populaires. ».
     

     
     


    Ils ont eu la chance de démarrer à Saint-Germain-des-Prés, un quartier parisien très encourageant pour les artistes. Ils ont aussi tourné dans plusieurs films, notamment de Jean Yanne et Pierre Richard, dans des seconds rôles, avec un humour qui n'a jamais été vulgaire et que certains (anciens) regrettent beaucoup. Cependant, les années 1970 ont vu leur succès décliner à cause de nouveaux modes de l'humour, plus audacieux, plus féroces (à l'instar de Coluche, Thierry Le Luron, Pierre Desproges et Michel Leeb, préférés des émissions de télévision).

    Quand Teddy Vrignault a disparu, les deux frères d'humour avaient encore un contrat pour des représentations en province toute l'année. Le site
    Wikipédia (qui ne semble se baser sur aucun indice sérieux) laisse entendre que c'est le désespoir d'une perte de succès qui lui aurait fait abandonner sa vie d'artiste pour retrouver l'anonymat, mais ce n'est pas très convainquant. En 2010 (ou 2011), André Gaillard, invité de Thierry Ardisson, a plutôt laissé entendre un problème avec son épouse (mais sans plus de conviction). Teddy était (à l'imparfait ?) quelqu'un de pas très tendre, très distant dans les relations personnelles, dur au contact, et ce ne devait peut-être pas être très facile avec sa femme. Il n'aurait peut-être pas osé lui dire en face qu'il voulait se séparer (mais partir sans rien dire est pour moi une forme très avancée de la goujaterie). Supputations de café du commerce. Le mystère restera.
     

     
     


    Toujours est-il qu'on n'a jamais eu de nouvelles par la suite. André Gaillard a tenté de continuer les sketchs à deux, notamment avec leur régisseuse Colette Duval (1930-1988), championne de saut en parachute et mannequin, avec qui ça a bien marché, aidés par Thierry Le Luron qui leur a proposé de se produire devant 4 000 spectateurs. Hélas, sa nouvelle partenaire est morte d'un cancer au bout de trois ans (le 22 mai 1988), ce qui a fait dire à un copain : c'est dur de travailler avec toi ! En 1993-1994, le seul Frère ennemi non disparu a trouvé un nouveau partenaire de réparties en la personne de Jean-Louis Blèze (1927-2012), cancre récurrent de "La Classe", l'émission présentée par Fabrice sur France 3, mais sans retrouver les heures glorieuses de son duo initial.

    André Gaillard a poursuivi sa carrière de comédien et d'humoriste, au cinéma, à la télévision, au théâtre et aussi chez Philippe Bouvard, aux "Grosses Têtes". Affecté jusqu'à sa mort par la disparition de son ami, au point d'aller chez Jacques Pradel, dans l'émission "Perdu de vue" dans les années 1990, sans succès, le dernier Frère ennemi, qui est mort le 30 septembre 2019 (à 91 ans et demi), a eu la satisfaction de voir ses deux filles Silvia et Valérie reprendre les sketchs paternels en 2010 sous le nom de Sœurs Z'ennemies. Quant à l'ami Teddy, il aura parfaitement réussi sa dernière (mauvaise) blague.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241101-teddy-vrignault.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/ou-est-donc-passe-teddy-vrignault-256593

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/25/article-sr-20241101-teddy-vrignault.html




     

  • Mon Top 7 de François Truffaut, grand maître de l'art cinématographique

    « La vie est pleine de paradoxes et le cinéma doit refléter ces paradoxes. Dans les soi-disant films politiques, il n'y a pas de vie parce qu'il n'y a pas de paradoxes. Le metteur en scène va au travail en sachant à l'avance qui est l'inspecteur de police corrompu, qui est le promoteur malhonnête, qui est le jeune brave reporter, etc. Pendant longtemps, en France, André Cayatte était le seul metteur en scène à faire ce genre de film. Depuis 1968, il y a eu une vogue de ce que j'appelle le "néo-cayattisme", qu'en tant que spectateur je refuse absolument de voir, et qu'en tant que metteur en scène je refuse absolument de pratiquer. » (François Truffaut, textes réunis par Anne Gillain, éd. Flammarion, 1992).


     

     
     


    La réalisateur français François Truffaut est mort il y a quarante ans, le 21 octobre 1984, à l'hôpital américain de Paris à Neuilly-sur-Seine. Il avait, à 52 ans. Une tumeur au cerveau, soignée sans doute trop tardivement, qui ne lui a guère laissé le choix, malgré encore sa trentaine d'idées de film. Jeune cinéaste pionnier de la Nouvelle Vague, François Truffaut est, selon moi, l'un des meilleurs réalisateurs, voire le meilleur. Sa finesse et sa douceur se ressentent dans les chefs-d'œuvre qu'il a tournés. Amour, ambiguïté, complexité... Rien n'est simple dans la vie, et c'est ce qu'a tenté de retranscrire Truffaut dans ses œuvres.

    Autodidacte, il s'est beaucoup inspiré de Jean Renoir (son maître absolu), Orson Welles, Roberto Rossellini qu'il a assisté pour trois films qui ne sont finalement pas sortis (en 1956), et surtout, Alfred Hitchcock qu'il a interviewé en 1955 en qualité de critique cinéma aux "Cahiers du cinéma", son métier d'origine. Son intérêt pour Hitchcock, il l'a précisé en 1975 : « Alfred Hitchcock (…) s’est appliqué toute sa vie à faire coïncider ses goûts avec ceux du public, forçant sur l’humour dans sa période anglaise, forçant sur le suspense dans sa période américaine. C’est ce dosage de suspense et d’humour qui a fait de AH [Hitchcock] un des metteurs en scène le plus commerciaux au monde (…) mais c’est sa grande exigence vis-à-vis de lui-même et de son art qui fait de lui, également, un grand metteur en scène. (…) Hitchcock a acquis une telle science du récit cinématographique qu’il est devenu en trente ans beaucoup plus qu’un bon conteur d’histoires. Comme il aime passionnément son métier, qu’il n’arrête pas de tourner et qu’il a résolu depuis longtemps les problèmes de la mise en scène, il doit, sous peine de s’ennuyer et se répéter, s’inventer des difficultés supplémentaires, se créer des disciplines nouvelles, d’où l’accumulation dans ses films récents de contraintes passionnantes et toujours brillamment surmontées. ».

    François Truffaut a amorcé la vague du cinéma d'auteurs, en France, cette si fameuse Nouvelle Vague qui a commencé avec "Les Quatre Cents Coups" de lui-même (sorti le 3 juin 1959), en guise de vague autobiographie (Truffaut s'en est défendu : « Contrairement à ce qui a été souvent publié dans la presse depuis le festival de Cannes, "Les Quatre Cents Coups" n'est pas un film autobiographique. ») avec son personnage récurrent Antoine Doinel joué par Jean-Pierre Léaud (qui s'est poursuivie avec quatre autres films), et qui a continué avec "À bout de souffle" de
    Jean-Luc Godard (sorti le 16 mars 1960), dont il a participé au scénario, avec Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg.

    La Nouvelle Vague, selon l'expression de
    François Giroud (citée le 3 octobre 1957 dans "L'Express"), a rassemblé aussi d'autres réalisateurs comme Éric Rohmer, Claude Chabrol, Louis Malle, Agnès Varga, Jacques Demy, Jacques Rivette, Alain Resnais, etc. Comme Truffaut, certains étaient d'abord critiques de cinéma et ils dénigraient le cinéma de divertissement, qui devait être avant tout commercial et plaire au plus grand nombre, au profit d'un cinéma d'auteur, visant à révolutionner la narration cinématographique par des narrations autobiographiques, des mises en abyme, des voix off, etc. Les héros sont capables de s'affranchir de la loi voire de la morale, le happy end n'est plus systématique, etc. Et, non sans prétention, elle visait aussi à hisser le cinéma au statut d'art. Les réalisateurs de la Nouvelle Vague furent également soutenus par le Ministre des Affaires culturelles André Malraux. Beaucoup de réalisateurs, à la suite de cette période de la Nouvelle Vague (années 1960), s'en sont inspirés (parfois ou tout le temps), comme Claude Lelouch, André Téchiné, Jean Eustache, Jacques Doillon, etc. ...et même Jean-Pierre Mocky.

    Le seul véritable essai que François Truffaut a publié a été "Le Cinéma selon Alfred Hitchcock" (éd. Robert Laffont) en 1966, dont la réédition en 1983 (chez Gallimard) lui a valu une invitation le 13 avril 1984 à l'émission "Apostrophes" sur Antenne 2 (sa dernière apparition publique, semble-t-il). Sur le plateau de
    Bernard Pivot (qui est hélas mort de la même méchante maladie), il y avait alors aussi l'acteur Marcello Mastroianni, le réalisateur Roman Polanski et la productrice Caterina D'Amico.

    François Truffaut a été invité auparavant à une autre émission "Apostrophes", celle du 8 avril 1983, pour présenter la biographie de Dudley Andrew consacrée au critique de cinéma André Bazin (1918-1958) qui fut pour lui un maître à penser mais aussi un maître à agir et à tourner, fondateur des "Cahiers du cinéma" et théoricien du cinéma (voir dernière vidéo en fin d'article).


    En tout, sur une (courte) carrière qui n'a duré que vingt-cinq ans, il a tourné vingt-deux films longs-métrages et la plupart sont devenus "culte", comme on dit. Il a été parfois également acteur dans ses propres films, mais aussi dans un excellent film de Steven Spielberg, lui-même grand admirateur des films de Tuffaut, qui lui a offert le rôle du scientifique dans l'extraordinaire "Rencontre du Troisième type" ["Close Encounters of the Third Kind"] (sorti le 16 novembre 1977), avec Richard Dreyfuss, Teri Garr et Melinda Dillon (il a été doublé en anglais parce que son anglais laissait à désirer) : « Je me suis habitué, dis-je à Steven, à l'idée qu'il n'y aura jamais un film intitulé "Close Encounters" mais que vous êtes un type qui fait croire qu'il tourne un film et qui réussit à grouper beaucoup de gens autour de sa caméra pour accréditer cette immense blague. Je suis content de faire partie de cette blague et je suis prêt à vous rejoindre de temps à autre n'importe où dans le monde pour "faire semblant" de faire un film avec vous. ».
     

     
     


    Les professionnels (français et étrangers) ne sont pas restés indifférents à François Truffaut, lui qui a obtenu deux Prix au Festival de Cannes en 1959 (mise en scène et prix du jury œcuménique) pour "Les Quatre Cents Coups" (et deux nominations pour la Palme d'or), un triple César en 1981 (meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario) pour "Le Dernier Métro" (et trois autres nominations), un Oscar en 1974 pour "La Nuit américaine" (et cinq autres nominations), deux BAFTA en 1974 (quatre autres nominations), cinq Prix du Syndicat français de la critique de cinéma, ex-Prix Méliès (meilleur film français) en 1959, 1968, 1970, 1973 et 1976, enfin, quatre nominations aux Golden Globes et quatre nominations pour l'Ours d'or aux Berlinales.

    La plupart des films de Truffaut ont connu le succès commercial, ce qui n'était pourtant pas l'objectif de leur auteur. Près de la moitié de ses films ont dépassé le million d'entrées en salles et deux ont fait sauté les compteurs, "Les Quatre Cents Coups" avec 4,2 millions entrées et "Le Dernier Métro" avec 3,4 millions d'entrées. Et à part trois films (dont celui que je préfère qui a été le moins apprécié des spectateurs de cinéma), tous ont eu au moins 700 000 entrées.

    Pour tout dire, tous ses films sont excellents. Néanmoins, certains sont encore plus excellents que d'autres ! Alors, je propose mon petit Top 7 qui est très personnel et très arbitraire, donné par ordre décroissant de préférence selon moi (pourquoi les 7 meilleurs et pas les 5 ou les 10 ? pourquoi pas ? un tiers ?).

    1. Le premier est, pour moi, incontestablement "La Chambre verte" (sorti le 5 avril 1978), avec François Truffaut et Nathalie Baye parmi les acteurs (avec également, entre autres, Antoine Vitez). Le personnage principal (joué par Truffaut) est effondré par le deuil de sa femme et la solitude. Il a aménagé chez lui une chambre dédiée à la disparue dans une sorte de véritable culte des morts (et d'amour). L'idée principale de ce film, adaptation personnelle de plusieurs nouvelles d'Henry James avec quelques inspirations de l'œuvre de
    Georges Bernanos, se retrouve dans plusieurs fictions ultérieures.

    2. "La Femme d'à côté" (sorti le 30 septembre 1981), avec l'éclatante
    Fanny Ardant (son meilleur film à mon avis), Gérard Depardieu, Henri Garcin et Michèle Baumgartner. L'histoire se déroule dans une région que je connais bien, la région grenobloise (à Bernin) dont l'atmosphère provinciale est très bien ressentie. Un couple bien installé dans leur maison (joué par Gérard Depardieu et Michèle Baumgarner) voit l'arrivée de nouveaux voisins, un autre couple, dont la femme (jouée par Fanny Ardant) est son ancienne amante d'une passion très forte. Les anciens amoureux se retrouvent en secret, jusqu'à ce que cette relation soit révélée et s'interrompe. Dépression de l'amoureuse et ...et je ne continue pas pour ne pas spoiler, sinon cette conclusion finale : « Ni avec toi, ni sans toi ». Pas d'effet de scène et neutralité très déconcertante de la narration (cela commence même par une voix off). Fanny Ardant y a joué de manière exceptionnelle, elle était alors la dernière compagne de François Truffaut. Michèle Baumgartner est morte quelques années après le tournage d'un accident de la circulation à l'âge de 31 ans (avec son mari).

    3. "L'Homme qui aimait les femmes" (sorti le 27 avril 1977), avec
    Charles Denner (son seul véritable film où il a la vedette), Brigitte Fossey, Nathalie Baye, Leslie Caron, Geneviève Fontanel, Nelly Borgeaud, Valérie Bonnier, etc. Le personnage vaguement autobiographique joué par Charles Denner est un amoureux des femmes et même de "la" femme en général. Pas aimé ni par sa mère et ni par sa compagne qui a rompu, il va alors collectionner (les relations avec) les femmes au point d'en faire un répertoire détaillé. C'est là où il prononce cette phrase "truffaldienne" bien connue : « Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie. ».

    4. "Le Dernier métro" (sorti le 17 septembre 1980), avec
    Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Jean Poiret, Andréa Ferréol, Paulette Dubost, Maurice Risch et Heinz Bennent. Ce film a fait un triomphe à la cérémonie des Césars en 1981 en remportant dix prix dont les cinq plus prestigieux (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleur acteur, meilleure actrice), ce qui est unique pour les Césars (et encore, il y avait deux autres nominations dont le second rôle féminin pour Andréa Ferréol qui a été battue par une actrice fétiche de Truffaut, Nathalie Baye ; 1981 au cinéma était l'année Truffaut). L'histoire (qui s'est inspirée d'œuvres antérieures) se passe pendant l'Occupation nazie à Paris, la vie d'un théâtre parisien. Son directeur d'origine juive (joué par Heinz Bennent) est officiellement parti aux États-Unis mais en fait, vit encore dans la cave du théâtre et continue clandestinement à diriger le théâtre et la troupe par l'intermédiaire du metteur en scène (joué par Jean Poiret) et de sa femme également comédienne (jouée par Catherine Deneuve) qui lui parle d'un jeune comédien plein d'avenir (joué par Gérard Depardieu) qui souhaite s'engager dans la Résistance.
     

     
     


    5. "Fahrenheit 451" (sorti le 15 septembre 1966), avec Oskar Werner et Julie Christie (film entièrement en anglais), adaptation de la célèbre œuvre de Ray Bradbury. Le personnage principal (joué par Oskar Werner) est un pompier chargé de détruire par le feu tous les livres qu'il peut repérer (car trop dangereux pour le pouvoir en place et officiellement ils empêchent d'être heureux). La température d'auto-inflammation du papier est de 232,8°C, soit 451°F. La rencontre avec une jeune fille dite asociale car lettrée (jouée par Julie Christie) remet en cause son métier. Sur l'histoire elle-même, il y aurait beaucoup à dire aujourd'hui avec le livre remplacé par le smartphone et les réseaux sociaux.

    Dans une interview avec la journaliste Aline Desjardins diffusée en décembre 1971 par Radio-Canada (et publiée en 1973 chez Ramsay), François Truffaut a raconté sa relation avec les livres : « Ayant envie de faire un film sur les livres, j'ai tourné "Fahrenheit" qui est un film sur tous les livres en général. D'autres de mes films comme "Jules et Jim" ou "La Mariée était en noir" sont des films tirés de livres que j'aimais et j'ai essayé non seulement d'en tirer un bon film, mais aussi de faire aimer le livre. Lorsqu'un de mes films peut éveiller la curiosité pour un livre, comme pour le roman "Jules et Jim" qui était passé inaperçu, ou "Deux Anglaises et le Continent", je suis très content ; je dois dire que si un jour j'ai l'occasion de faire un film qui serait toute l'histoire d'un livre, depuis le moment où il est à l'état de manuscrit jusqu'au moment où il est publié et diffusé chez les libraires, si je trouve une histoire qui se prête à cela, je suis sûr que je le ferai avec un grand enthousiasme. ».

    6. "La Mariée était en noir" (sorti le 17 avril 1968), avec
    Jeanne Moreau, Claude Rich, Michel Bouquet, Michael Lonsdale, Charles Denner, Jean-Claude Brialy, etc. dans une adaptation du roman de William Irish. Le jour de son mariage, la mariée (jouée par Jeanne Moreau) voit son mari se faire assassiner sur le parvis de l'église. Elle se venge, les uns après les autres, de tous ceux qui l'ont tué. L'atmosphère du film est très hitchcockienne. Mais dans "L'Express", Truffaut a regretté d'avoir tourné ce film : « Le seul que je regrette d'avoir fait, c'est "La Mariée était en noir". Je voulais offrir à Jeanne Moreau quelque chose qui ne ressemble à aucun de ses autres films, mais c'était mal pensé. (…) Le thème manque d'intérêt: l'apologie de la vengeance idéaliste, cela me choque en réalité. ».

    7. "L'Enfant sauvage" (sorti le 26 février 1970), avec François Truffaut, Jean-Pierre Cargol, Françoise Seigner et Jean Dasté. C'est l'adaptation d'une histoire vraie de l'enfant sauvage appelé Victor de l'Aveyron (1785-1828), enfant sauvage trouvé en 1797, et pris en charge et instruit par le docteur Jean Itard (joué par Truffaut). Ce film est devenu un classique, parodié d'ailleurs par
    Gotlib. Jean-François Stévenin a repéré Jean-Pierre Cargol (12 ans) pour le rôle de l'enfant sauvage, dans un camp de gitans (il est le neveu du musicien Manitas de Plata). Choix tout de suite approuvé par le réalisateur-acteur : « Jean-Pierre, le petit gitan que j'ai finalement choisi pour jouer ce rôle, est un enfant très beau mais je crois qu'il a bien l'air de sortir des bois. ».

    J'ai bien sûr conscience de l'arbitraire et je sais que j'ai "oublié" d'autres films majeurs de Truffaut comme "Jules et Jim" (sorti le 24 janvier 1962), avec Jeanne Moreau, Oskar Werner,
    Marie Dubois et Henri Serre ; "La Sirène du Mississipi" (sorti le 18 juin 1969), avec Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve et Michel Bouquet (dans "Le Figaro" du 10 octobre 2014, Bertrand Guyard a écrit : « Faire du "Magnifique" un homme soumis à la passion amoureuse, l'idée était osée. On se souviendra du charme vénéneux et candide à la fois de Catherine Deneuve. L'obstination de Michel Bouquet dans son rôle de détective est parfaite. Comme toujours. ») ; ou encore, "La Nuit américaine" (sorti le 24 mai 1973), avec Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Léaud, Nathalie Baye, Valentina Cortese, Dani, Jean-Pierre Aumont, Alexandra Stewart, etc. ; mais comme je l'ai indiqué plus haut, tout est beau dans le Truffaut ! J'accroche un peu moins avec la saga Antoine Doinel parce que j'ai un peu de mal à m'identifier personnellement au personnage.

    Dans l'émission "Apostrophes" du 13 avril 1984, François Truffaut a expliqué, à propos d'Hitchcock : « Ses scènes d'amour sont filmées comme des scènes de meurtres et ses scènes de meurtres comme des scènes d'amour. C'est la même chose, c'est un déversement qui arrive là et qui est très puissant. Mais je pense que c'est ça aussi qui fait que les films sont forts, qu'ils sont beaux et qu'ils traversent les années. Vous voyez, un film d'Hitchcock de 1940, vous allez le voir aujourd'hui, vous n'avez pas l'impression de voir un film de 1940, vous voyez un film qui a une forme très pure, très serrée, et qui est, s'il était poignant quand il est sorti, il est encore poignant aujourd'hui [1984].
     Ça, c'est ce que j'aime ! ».

    Nous sommes maintenant encore quarante ans plus tard : les films d'Hitchcock ont un peu vieilli, mais à peine (surtout à cause du noir et blanc), ...en revanche, ceux de Truffaut n'ont pas pris une ride. En quelque sorte, sa postérité plaide pour lui. Il a réussi son pari, mettre en action ce qu'il disait être ses rêves d'adolescent : « Je fais des films pour réaliser mes rêves d'adolescent, pour me faire du bien et, si possible, faire du bien aux autres. ».


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    Sylvain Rakotoarison (19 octobre 2024)
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    Pour aller plus loin :
    François Truffaut.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.




















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  • L'acteur Daniel Prévost fête son 85e anniversaire ce dimanche 20 octobre 2024

    « Je n’ai jamais été à la mode, comment voulez-vous que je devienne ringard ? Tandis que vous, vous êtes pour l’instant à la mode, donc vous deviendrez ringard ! » (Daniel Prévost à Marc-Olivier Fogiel, "On ne peut pas plaire à tout le monde" sur France 3, le 19 octobre 2001).


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    L’humoriste Daniel Prévost a fêté son 85e anniversaire le 20 octobre 2024. Quatre-vingt-cinq ans, c’est quasiment un vieillard ! Il paraît que les humoristes font rarement de vieux os. J’espère que Daniel Prévost démentira cette (fausse) rumeur aussi longtemps que possible. Daniel Prévost est un touche-à-tout du spectacle, un peu comme Sim, il est un acteur au cinéma et à la télévision, un comédien au théâtre, à l’occasion un chroniqueur à la télévision, un chanteur et même un écrivain puisqu’il a sorti une quinzaine de livres, certains qui racontent son enfance, son origine familiale, ses deuils…

    Daniel Prévost a le don pour faire les personnages plutôt négatifs, petits, lâches, les rôles de petit chef prêt aux mesquineries, capable d’abuser de son petit pouvoir, avec le petit rictus pour bien montrer sa joie d’être sadique. Tendre sadique au grand cœur, car finalement, cette face si réussie du sadique, il ne l’assume évidemment pas dans la vie civile. Pour lui, c’est la manière d’user et d’abuser de l’humour et de l’esprit comique. Pourquoi réussit-il si bien à faire ce bas sadique ? Sûrement grâce à son sourire inimitable, son petit grincement de dents (les héhéhé des méchants dans les  bandes dessinées) et, bien sûr, à sa grande présence scénique.

    Dans "Moustique", Yannic Duchesne dit le 14 janvier 2018 pour le décrire : « Prévost, c’est à la fois un homme mûr (…) et un enfant qui ne renonce jamais devant une farce. Il a la bouclette rieuse, les yeux vifs, la silhouette gainée et une propension à faire de tout tout le temps. (…) On honore trop peu les comiques au cœur chaud. ». Je suis évidemment de cet avis. Honorons-le !

    Ses participations au cinéma sont très nombreuses, mais rarement avec le premier rôle. C’est le propre du second rôle, être connu par endurance, à force d’être présent un peu partout, surtout lorsque le partout, ce sont des films à grand succès commercial. En fait, Daniel Prévost a été connu très rapidement. S’il a commencé en 1961 (à 22 ans) au théâtre et en 1968 au cinéma, il a vite gagné en notoriété dès le début des années 1970 avec "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" de Jean Yanne (sorti le 5 mai 1972) avec Jean Yanne, Michel Serrault, Bernard Blier et Jacques François. D’ailleurs, il est yannique, le Prévost, il a commencé sur les planches avec Michel Serrault et Jean Yanne, ce qui était pour lui une excellente école de l’art comique et absurde, du loufoque féroce, de l’humour vache et coriace, de l’esthétique caustique.

    Daniel Prévost a ensuite gagné en notoriété avec sa participation dans l’émission satirique dominicale "Le Petit Rapporteur" animée par Jacques Martin de janvier 1975 à juin 1976 sur TF1 : il était l’un des chroniqueurs aux côtés de Pierre Bonte, Stéphane Collaro, Pierre Desproges et Piem, entre autres, et s’était particulièrement fait remarquer lors de son reportage dans le village de Montcuq en interrogeant son maire et en faisant beaucoup de plaisanteries avec le nom de ce village du Lot. Daniel Prévost et Pierre Desproges étaient à l’époque de sacrés complices dans leur audace. C’était l’époque (et l’émission) où Pierre Desproges, qui jouissait encore de l’anonymat, interviewait une Françoise Sagan très polie et patiente sur sa santé et ses vacances (la santé et les vacances de Desproges !).

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    La voix de Daniel Prévost est également très connue car il l’a "prêtée" depuis une trentaine d’années à une marque de supermarché, Super U, pour des spots publicitaires tant à la télévision qu’à la radio. Je croyais que c’était un imitateur, mais ce n’est en fait pas le cas (d’ailleurs, je me demande quelles sont les conditions juridiques pour faire l’imitation d’un personnage célèbre pour un but publicitaire, au point peut-être de ternir la réputation dudit personnage). Daniel Prévost a utilisé sa voix aussi pour d’autres marques, comme Rivoire et Carret (avec Pierre Desproges), la MAAF, etc.

    À ce jour, Daniel Prévost a joué dans quatre-vingt-sept films au cinéma et trente-trois téléfilms, ainsi que dans une trentaine de pièces de théâtre. L’un des rôles les plus dramatiques, ce fut dans le téléfilm "René Bousquet ou le Grand Arrangement", de Laurent Heynemann, diffusé sur Arte le 16 novembre 2007, où il était René Bousquet lui-même.

    Restons au cinéma. Les vingt et un films qui ont obtenu le plus de succès, et dans lesquels il a participé, ont eu 65 millions d’entrées rien qu’en France ! Difficile de passer inaperçu, même dans un rôle mineur et discret.

    Et le premier d’entre eux (12,3 millions d’entrées dans le monde, dont 9 en France), le film qui lui a fait d’ailleurs obtenir à juste titre le César du meilleur acteur pour le second rôle masculin en 1999, ce fut "Le Dîner de cons", excellent film-pièce de Francis Veber (sorti le 15 avril 1998) où Daniel Prévost a été au sommet de son art de montrer son sourire sadique tout en ne "punissant" pas. Il est en effet l’inspecteur des impôts, vantard mais cocu, venu aider un copain chez un grand bourgeois, et qui détecte tout de suite, dans le grand appartement, les tableaux rangés, les meubles luxueux cachés, mais qui est trop déprimé pour prendre plaisir à sévir… Dans son rôle de véritable "enfoiré", il est vraiment excellent, plus que les autres personnages, je trouve, même que Jacques Villeret qui a lui aussi obtenu un César pour son premier rôle dans ce film.

    Voici quelques autres rôles intéressants de Daniel Prévost dans le cinéma français…

    Dans "Uranus" de Claude Berri (sorti le 12 décembre 1990), avec Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Michel Blanc, Philippe Noiret, Michel Galabru, Fabrice Luchini, etc., film pour lequel il a été sélection à la cérémonie des Césars, Daniel Prévost joue le cheminot communiste qui dénonce (injustement) un cafetier de cacher un ancien collabo après la Libération.

    Dans "Astérix et Obélix contre César" de Claude Zidi (sorti le 3 février 1999), qui est la première adaptation cinématographique de la célèbre bande dessinée Astérix, Daniel Prévost joue Prolix, le charlatan qui se fait passer pour un devin, exploitant la crédulité des villageois.

    Dans "La vérité si je mens ! 2" de Thomas Gilou (sorti le 2001), Daniel Prévost est le méchant directeur des achats d’une grande surface qui tente de profiter de sa position dominante pour étouffer les petits producteurs (et qui se fait finalement duper par eux, la morale est sauve).

    Dans "Les Petits Ruisseaux" de Paul Rabaté (sorti le 23 juin 2010), avec Gilbert Melki, Gad Elmaleh, Bruno Solo, Richard Anconina et José Garcia, Daniel Prévost, qui a le rôle principal, joue un vieux pépère veuf qui se réveille à la vie grâce à un voisin et qui finit par fréquenter des hippies.

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    Dans "Je sais rien, mais je dirai tout" de Pierre Richard (sorti le 6 décembre 1973), satire antimilitariste avec Pierre Richard, Bernard Blier et Luis Rego, Daniel Prévost joue un policier (dont le patron est Pierre Tornade).

    Dans "La Maison du bonheur" de Dany Boon (sorti le 7 juin 2006), avec Michèle Laroque, Line Renaud, Laurent Gamelon et Michel Vuillermoz, Daniel Prévost joue un rôle ordinaire pour lui, celui ici de l’escroc cynique, un agent immobilier véreux qui cherche à duper un acquéreur de maison surendetté.

    Dans "Le Petit Nicolas" (sorti le 30 septembre 2009) et "Les Vacances du Petit Nicolas" (sorti le 9 juillet 2014), tous les deux de Laurent Tirard, adaptation du célèbre personnage de René Goscinny et Sempé, avec Valérie Lemercier, Kad Merad, Sandrine Kiberlain, Anémone, etc., Daniel Prévost joue le rôle de Mouchebourne, le patron du père du Petit Nicolas.

    Dans "Le plus beau métier du monde" de Gérard Lauzier (sorti le 11 décembre 1996), Daniel Prévost campe le voisin épieur et lâche, dans une cité HLM, de Gérard Depardieu, devenu prof de banlieue difficile après un divorce.

    Enfin, je termine par "Musée haut, musée bas" de Jean-Michel Rives (sorti le 19 novembre 2008), avec Isabelle Carré, Pierre Arditi, Michel Blanc et Gérard Jugnot, film assez déconcertant et intéressant, composé de beaucoup de sketchs, où Daniel Prévost est à la recherche d’une place de parking.

    Dans "On est pas couché" le 28 avril 2018 sur France 2, Daniel Prévost faisait de l’amour son hymne à la vie en disant à Laurent Ruquier : « Depuis le début de la vie, tout le monde cherche l’amour (…). Le chien, l’homme, la femme, tout le monde cherche quelque chose. Pourquoi ? Parce que je pense que sans amour, on s’emmerde. Sans amour, il n’y a rien, il n’y a pas de vie (…). Je ne peux pas croire une fois que quelqu’un qui est seul soit heureux, tu vois ce que je veux dire… ».

    Paroles d’autant plus fortes qu’il est lui-même veuf. Paroles qui accompagnent son dernier livre qui parle de la mort de sa femme ("Tu ne sauras jamais combien je t’aime" éd. Le Cherche Midi, 2018) : « Je rumine des pensées, des points de vue : après tout, c’est un chagrin ordinaire, chaque être humain est passé par là, moi-même n’ai-je pas déjà éprouvé des deuils dans ma famille, parmi mes proches (…) ? Et tous ces morts autour, tous les morts du monde que je ne connais pas ? C’est trop ! J’arrête. Non ! Pas elle, pas Kirsten ! Pas besoin d’être raisonnable. Cela ne m’est d’aucun secours. »


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 octobre 2019)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Daniel Prévost.
    Coluche.
    Sim.
    Élie Kakou.
    Pierre Desproges.
    Thierry Le Luron.
    Pierre Dac.

    _yartiPrevostDaniel03



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241020-daniel-prevost.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/20/article-sr-20241020-daniel-prevost.html





  • Michel Blanc marche à l'ombre

    « Putain Michel… Qu’est-ce que tu nous as fait !… » (Gérard Jugnot, le 4 octobre 2024 sur Instagram).




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    Le comédien Michel Blanc est mort à l'âge de 72 ans dans la nuit du 3 au 4 octobre 2024, à l'hôpital des suites d'un malaise cardiaque à son domicile. Une nouvelle qui a de quoi émouvoir de nombreuses personnes tant l'acteur était populaire.

    Michel Blanc avait deux caractéristiques : il était un excellent acteur tant dans les comédies que dans les drames (ce qu'on a pu entrevoir aussi avec Coluche, avec "Tchao Pantin"), mais aussi, il fait partie des rares acteurs (il y en a quelques-uns) qui ont pu se faire une réputation également dans la réalisation de films. Il était aussi comédien au théâtre, là où il a débuté (avec la troupe du Splendid) et en même temps metteur en scène.

    Le monde du théâtre et le monde du cinéma l'avaient d'ailleurs récompensé plusieurs fois : prix du scénario au Festival de Cannes en 1994, prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes en 1996, deux Césars (un du meilleur acteur dans un second rôle et 2012, un d'anniversaire avec la troupe du Splendid) et sept autres nominations aux Césars, un Molière de l'adaptateur en 2004 (et cinq autres nominations aux Molières).

    À l'origine du Splendid, une bande de copains au lycée Pasteur, à Neuilly-sur-Seine.
    Gérard Jugnot était à côté de Michel Blanc en classe de terminale et leur bureau était collé à celui du prof, ce qui leur permettait de chahuter sans trop se faire voir... jusqu'au jour où ils ont été pincés : « Blanc et Jugnot, plus jamais ensemble ! ». Gérard Jugnot était aussi copain avec Thierry Lhermitte lui-même copain avec Christian Clavier. Le Splendid s'est constitué rue du Faubourg Saint-Martin, à Paris, avec aussi Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel et Bruno Moynot. Du rire, des pièces de théâtre, et puis plusieurs films qui ont fait leur succès, la série des Bronzés de Patrice Leconte et "Le Père Noël est une ordure" de Jean-Marie Poiré (sorti le 25 août 1982). Ensuite, chacun est allé de son côté au cinéma et au théâtre.

    Le jeu de Michel Blanc parlait à beaucoup de Français parce qu'il était avant tout un anti-héros, ou, au mieux, un individu ordinaire, monsieur tout-le-monde. Bien entendu, parce que cela lui est resté collé à la peau comme pour les autres acteurs de la série, Michel Blanc est mémorable dans "Les Bronzés" (sorti le 22 novembre 1978) et surtout, "Les Bronzés font du ski" (sorti le 21 novembre 1979) dans sa recherche pitoyable, désespérée et lourdement obsédante (presque
    houellebecquienne !) de vouloir absolument "conclure" (profitant de circonstances néfastes).

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    Lors de retrouvailles de la bande du Splendid le 13 avril 2024, Michel Blanc expliquait à "Paris Match" : « C’est un peu tout le problème. À l’époque, on a écrit des personnages qui étaient assez proches de nous. Jean-Claude Dusse, c’était clairement pour moi, pas pour Thierry Lhermitte. J’ai très vite eu peur qu’on m’y associe toute ma vie. ». Avec ses compères, il avait une grande envie de recommencer l'aventure commune, mais absolument pas dans le cadre des Bronzés.

    Heureusement, le rôle de Jean-Claude Dusse n'a pas tant que ça collé à la peau de Michel Blanc car il s'est beaucoup renouvelé. Étrangement, son seul véritable César, il l'a dû pour "L'Exercice de l'État" de Pierre Schoeller (sorti le 26 octobre 2011) dont je n'ai pas du tout apprécié la non-histoire. Certes, il faisait excellemment le directeur de cabinet du ministre, mais il a été peu servi par le scénario qui voulait en mettre plein les yeux du pouvoir sans pour autant en montrer le fond (les choses concrètes, les décisions, les difficultés de prendre des décisions, les enjeux politiques, économiques, sociaux). Je n'ai jamais compris pourquoi ce film a eu tant de bonnes critiques alors que pour mieux comprendre le mécanisme du pouvoir, "
    Quai d'Orsay" de Bertrand Tavernier (sorti le 6 novembre 2013) vaut mille fois mieux (avec un autre membre du Splendid, Thierry Lhermitte). Le monde du cinéma paraît très hermétique à celui du pouvoir politique, et pour que ce soit un vrai succès, il faut que parmi les scénaristes, il y ait au moins une personne de ce monde politique, pour avoir la connaissance de l'intérieur (comme ce fut le cas pour "Quai d'Orsay" avec Antonin Baudry alias Abel Lanzac).

    L'intérêt de "L'Exercice de l'État", c'est qu'on peut dire que Michel Blanc était un véritable acteur, c'est-à-dire que la personnalité se collait, s'adaptait au personnage et pas l'inverse. Il se moquait de lui-même en affirmant qu'il aimait le rôle de névrosé, comme il le reconnaissait le 12 janvier 2010 pour la sortie de "Une petite zone de turbulences" d'Alfred Lot : « Je n’aime pas les habitudes, les charentaises dans lesquelles on pantoufle, mais comment résister aux névroses, si jouissives à interpréter ? C’est comme un exorcisme. Et puis, je n’ai pas besoin de me documenter ! ».

    J'écrivais
    il y a deux ans : « Il y aurait en effet deux Michel Blanc… Le jeune chauve et moustachu, qui est un chauve triste, solitaire, à la limite de la dépression, en tout cas, désespéré, en opposition avec un autre chauve du Splendid, le sympa, le jovial, le collectif, le bon compagnon, qu’est Gérard Jugnot… enfin, je suis dans la caricature et je parle évidemment des rôles de Michel Blanc et pas de sa propre personnalité, c’est parfois difficile de faire la différence tant des réalisateurs utilisent justement la personnalité de leurs principaux acteurs pour raffermir les personnages de leurs fictions. Mais ce n’est pas toujours le cas, qui de l’acteur ou de son personnage l’emporte sur l’image publique ? En tout cas, il est dans la vraie vie l’hypocondriaque et l’angoissé de nombreux de ses personnages, ce qui le rend bien sûr authentique, authentiquement névrosé ! ».

    Et un peu plus loin : « En tout cas, il y avait manifestement, et depuis longtemps, un second Michel Blanc qui mijotait, effectivement plus dramatique que comique, avec des personnages de plus de maturation, et le jeu de plus de maturité, presque le physique a changé, pas forcément l’âge qui enlève le lissage de la jeunesse, mais peut-être la moustache en moins et les lunettes en plus. ».

    Il y a eu bien sûr de grands succès pour l'acteur et même le réalisateur, qui prenait l'audace d'évoquer la situation des SDF, l'homosexualité, les agressions sexuelles, ou d'autres sujets sociétaux rarement évoqués à l'époque au cinéma, comme notamment dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine" de Patrice Leconte (sorti le 28 janvier 1981), "Marche à l'ombre" de lui-même (sorti le 17 octobre 1984), "Tenue de soirée" de Bertrand Blier (sorti le 23 avril 1986), "Grosse Fatigue" de lui-même (sorti le 18 mai 1994), etc. Il y a eu également d'autres succès avec "Papy fait de la Résistance" de Jean-Marie Poiré (sorti le 26 octobre 1983), pour un petit rôle, et "Uranus" de Claude Berri (sorti le 12 décembre 1990).

    On peut aussi apprécier des rôles plus improbables de Michel Blanc, comme dans "Je vous trouve très beau" d’Isabelle Mergault (sorti le 11 janvier 2006), où il semble jouer un remake du "Bonheur est dans le pré", agriculteur en recherche de compagne après la mort de sa femme, ou dans "Les Souvenirs" de Jean-Paul Rouve (sorti le 14 janvier 2015), une adaptation très réussie de l'excellent roman de
    David Foekinos, avec Annie Cordy, Mathieu Spinosi et Chantal Lauby.

    De tous ses rôles, je choisirais, s'il ne fallait en choisir qu'un seul, celui de "Monsieur Hire", un film de (encore) Patrice Leconte (sorti le 24 mai 1989) : il y est un commerçant peu aimé de son quartier, solitaire, misanthrope et taciturne, tombé amoureux de sa (jeune) voisine (jouée par la succulente
    Sandrine Bonnaire) qu'il espionne. Il se trouve alors entraîné dans une mécanique infernale due à son obsession. Cette adaptation de George Simenon (mort peu après la sortie du film) est particulièrement réussie, avec un flou voulu sur l'unité de temps et l'unité de lieu. Patrice Leconte avait d'ailleurs souhaité confier ce rôle à Coluche avant qu'il ne mourût. Le choix de Michel Blanc proposé par le réalisateur était donc un pari sur l'acteur. Réussi.

    Ses trois derniers films sont sortis l'année dernière : "Les Cadors" de Julien Guetta (sorti le 11 janvier 2023), avec Jean-Paul Rouve, Grégoire Ludig et Marie Gillain ; "Les Petites Victoires" de Mélanie Auffret (sorti le 1er mars 2023), avec Julia Piaton, où il est un illettré qui veut retourner à l'école, et "Marie-Line et son juge" de Jean-Pierre Améris (sorti le 11 octobre 2023), avec Louane Emera et Victor Belmondo, où il est le juge.


    Quitter ainsi une bande de copains. En solitaire. Michel Blanc manquera beaucoup aux cinéphiles parce qu'il était toujours à la recherche d'une permanent renouvellement. Mais son dernier rôle n'est pas terrible du tout... RIP.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (04 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Authentique névrosé ?
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.

     

     
     







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241004-michel-blanc.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/michel-blanc-marche-a-l-ombre-257065

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/04/article-sr-20241004-michel-blanc.html

     

  • Jean-Louis Debré, enfant de la République (la Cinquième)

    « Aujourd'hui, à mon âge, être un jeune comédien, c'est fantastique. Apprendre un nouveau métier, voir des nouveaux gens, avoir une nouvelle ambition. C'est ça qui est fantastique dans la vie ! » (Jean-Louis Debré, le 28 janvier 2023 sur France Culture).



     

     
     


    Enfant de la République. La Cinquième. Pas de Beethoven, mais de De Gaulle, bien sûr. Jean-Louis Debré fête ses 80 ans ce lundi 30 septembre 2024. Il les fête seul, je veux dire, il les fête sans son frère jumeau Bernard Debré qui est parti il y a quatre ans. Cela doit faire quelque chose d'être amputé d'un frère si proche (et en même temps qui était si différent).

    Au regard de sa carrière politique, on peut dire que Jean-Louis Debré a eu une belle trajectoire, il est un baron de la République, il a eu des postes prestigieux, dont trois qui ont dû faire honneur à son père premier Premier Ministre de De Gaulle (qui n'en a vu qu'un de son vivant) : Ministre de l'Intérieur de 1995 à 1997 (prime au fidèle et loyal, mais un ministre peu convaincant), Président de l'Assemblée Nationale de 2002 à 2007 (beaucoup plus convaincant), enfin Président du Conseil Constitutionnel de 2007 à 2016 (très convaincant).

    Il ne faut pas croire que c'était parce qu'il est issu d'une très grande famille républicaine, de médecins et de responsables politiques, qu'il a eu tout tout cuit sur un plateau d'argent. J'ai déjà évoqué longuement sa carrière ici. Né à Toulouse, diplômé de l'IEP Paris, il a fait un doctorat spécialisé en droit constitutionnel (son directeur de thèse était Roger-Gérard Schwartzenberg, à peine plus âgé que lui). Sa future fonction à la tête du Conseil Constitutionnel est donc non seulement la consécration de son engagement politique mais aussi celle de sa carrière de juriste. Après ses études, il fut membre de cabinets ministériels, juge d'instruction, député, maire d'Évreux, etc.

    Sans doute que, plus que son lien de filiation avec Michel Debré, sa relation faite d'amitié et de loyauté absolue envers Jacques Chirac dans une époque de trahisons (balladuriennes) a quelque peu encouragé sa carrière. Amitié avec Jacques Chirac dont il est devenu un confident jusqu'au bout de la nuit, quand tout s'effaçait, tout s'oubliait. Amitié aussi avec Pierre Mazeaud, son prédécesseur immédiat au Conseil Constitutionnel, qui date des années 1960, une amitié familiale surtout.


    Il a commencé à se présenter aux élections en mars 1973, à l'époque, il avait 28 ans. Dans un reportage dans le journal d'Antenne 2 le 11 février 1973, on le voit ainsi faire campagne assez timidement pour les élections législatives, sans succès. L'une de ses paroles, c'était de dire que s'il s'était servi de sa famille, il aurait choisi une circonscription plus facile.





    C'est un peu cela, Jean-Louis Debré, un homme qui, faute de s'être fait un nom (l'ascendance familiale était trop lourde), a su se faire un prénom. Ayant travaillé pour Jacques Chirac dans les années 1970, il lui était resté fidèle malgré les relations parfois orageuses entre le futur Président de la République et son propre père (ils étaient concurrents à l'élection présidentielle de 1981). Cette fidélité s'est renforcée au moment de la grande rivalité avec Édouard Balladur, et il s'est retrouvé dans le camp des vainqueurs en 1995 : peu de leaders du RPR avaient su soutenir Jacques Chirac, les plus ambitieux préféraient le trahir sur l'autel de leur carriérisme.

    À cette époque, j'appréciais peu Jean-Louis Debré : il n'était qu'un second couteau et montrait un aspect très militant et politicien, avec ses éléments de langage, sa langue de bois, sa mauvaise foi. C'est assez commun et on a pu l'observer chez de nombreux dirigeants politiques, au RPR notamment, de Nicolas Sarkozy à Alain Juppé en passant par Jean-François Copé. L'exercice de son ministère Place Beauvau a été un désastre pour la lutte antiterroriste. Il n'était visiblement pas à sa place.

    Heureusement, il a eu une seconde chance ! Il a donné sa mesure personnelle quand il a été élu au perchoir. D'abord, il l'a été sur son propre mérite et avait un adversaire de taille en 2002 : Édouard Balladur, ancien Premier Ministre, et ancien favori d'une élection présidentielle sept ans auparavant. C'est la victoire du passionné sur le plus médaillé, un peu comme la victoire de Gérard Larcher sur Jean-Pierre Raffarin en 2008, au Plateau (Présidence du Sénat).

    Jean-Louis Debré a été effectivement un excellent Président de l'Assemblée Nationale, ouvrant l'institution sur le monde extérieur, modernisant les procédures, etc. Et sa Présidence n'était pas partisane, il défendait désormais les institutions, l'Assemblée Nationale, avant de défendre son camp politique, son parti, surtout lorsque celui-ci est tombé sous la tutelle de Nicolas Sarkozy qu'il n'a jamais apprécié (au point de voter pour François Hollande en 2012 !).

    Au fur et à mesure qu'il est devenu une autorité de référence dans une République en perte de référence, Jean-Louis Debré se permettait de prendre plus de distance. Tant de ses anciens amis gaullistes que des autres. Sa prise de distance n'était pas nouvelle et pas seulement sous Nicolas Sarkozy. Il s'était émancipé de Jacques Chirac dès 1997 lorsqu'il a pris à l'arraché la présidence du groupe RPR à l'Assemblée Nationale, en opposition au gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin, malgré les réticences de Jacques Chirac lui-même, puis le perchoir en 2002 malgré les appétits de deux Premiers Ministres, Alain Juppé et Édouard Balladur (et les mêmes réticences de Jacques Chirac).

     

     
     


    En 2017, il n'hésitait pas à annoncer qu'il voterait Emmanuel Macron aux deux tours de l'élection présidentielle (s'opposant à François Fillon), mais plusieurs années plus tard, il ne s'interdisait pas de critiquer ouvertement le jeune Président de la République, proposant, dans "Le Parisien" du 15 juillet 2023, une dissolution ou un référendum pour rompre avec la crise politique (considérant que les Français se moqueraient d'un changement de gouvernement ou d'un remaniement) : « Vous ne pouvez pas passer des textes aussi importants que la réforme des retraites sans avoir une consultation populaire. (…) Les Français n’ont rien à fiche des changements de ministres. D’ailleurs, on n’en connaît que quatre ou cinq. ».

    Sa Présidence du Conseil Constitutionnel (2007-2016) a été également cruciale pour cette instance suprême car Jean-Louis Debré a dû adapter l'institution à la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui comporte une innovation majeure : le contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori (après leur promulgation et leur application) sur saisine des citoyens eux-mêmes (s'ils sont justiciables). Ce sont les fameuses QPC (questions prioritaires de constitutionnalité) qui ont bouleversé les missions du Conseil Constitutionnel en lui donnant beaucoup plus de travail qu'auparavant (ses missions d'origine étant la constitutionnalité des projets de loi avant promulgation seulement sur saisine des parlementaires et la validation des élections nationales).

    Le 13 novembre 2015, il confiait d'ailleurs à Capucine Coquand pour le journal "Décideurs Magazine" que sans ce défi de la QPC, il aurait quitté ses fonctions car cela l'aurait ennuyé : « Sans cela, je ne serais probablement pas resté Président du Conseil Constitutionnel. C’est une avancée significative pour la Ve République et les justiciables, pour notre État de droit. (…) L’institution n’est plus la même que celle que j’ai trouvée en arrivant avec plus de décisions en cinq ans qu’en quarante-neuf ans, le nombre inchangé de fonctionnaires mais de très grand professionnalisme ou la construction d’une nouvelle salle d’audience qui marque la juridictionnalisation de cette institution, un greffe performant, des audiences publiques, des avocats qui plaident... Jamais la maison n’a été aussi ouverte sur l’extérieur notamment vers les étudiants en droit, concours de plaidoiries, salon du livre juridique… (…) [Les dépenses] ont été réduites de 23% alors que nous travaillons beaucoup plus. ».


    Sa plus grande fierté demeure l'indépendance du Conseil Constitutionnel : « Car nous n’avons pas hésité à annuler les comptes de campagne d’un candidat à la Présidence, là où l’un de mes prédécesseurs avait préféré faire la sourde oreille. Nous ne craignons pas un instant de retoquer une surtaxe de 75%, figurant pourtant parmi les promesses d’un candidat à la présidentielle. C’est ça l’indépendance ! Et elle s’illustre symboliquement. Aujourd’hui, il n’y a plus un seul portrait des anciens Présidents de la République : ils ont tous été remplacés par des Marianne. (…) Mon plus grand souvenir, c’est lorsque nous avons annulé la loi de 1838 sur l’hospitalisation sans consentement. Ce jour-là, j’ai pensé à Camille Claudel hospitalisée contre son gré pendant trente ans. On l’a laissée mourir dans un hospice. C’est aussi ça la QPC : rétablir la justice. ».
     

     
     


    Le 5 juin 2023, répondant à l'invitation de l'Association pour l'histoire des Caisses d'Épargne, Jean-Louis Debré donnait sa définition du vivre ensemble dans la République : « "Un rêve d’un avenir partagé" comme le formulait Ernest Renan. La République n’est pas un modèle figé ; c’est une volonté de vivre ensemble. Aspirer à un destin commun suppose des mutations et des ruptures, des compromis et des anticipations. La société est en perpétuelle évolution, des attentes nouvelles apparaissent. Plus que jamais nous avons besoin d’une République audacieuse. ».

    C'est sans doute cette audace et ce besoin de se renouveler qui l'ont fait changer de vie. Jean-Louis Debré a définitivement quitté la vie politique, il n'est plus acteur mais observateur politique, publiant des livres de souvenirs, de témoignages, d'anecdotes... qui pourraient presque s'apparenter à de l'antiparlementarisme primaire si on ne connaissait pas son auteur ! De la taquinerie faite de tendresse et de passion plus que de la haine du système politique dont il défend les principes essentiels. Et certainement aucune rancœur nostalgique.

    Jugeons-en avec ses paroles du 28 janvier 2023 sur France Culture : « Aujourd'hui, le système politique ne génère plus de grands personnages comme jadis. Et la politique est devenue un métier du spectacle. Et peu importe ce que l'on dit, c'est la manière de le dire. Je suis sidéré de voir comment, comme les concitoyens, nous vivons tous dans l'immédiateté. Comment on peut dire tout et son contraire en quelques jours. (…) Le monde politique d'aujourd'hui n’est plus mon monde. Je ne le comprends pas. Je regarde ça avec un très grand détachement. (…) Quand je regarde les discours aujourd'hui des responsables politiques, il n'y a rien, il n'y a aucune ambition, il n'y a aucune foi et aucune passion. Ce sont des mots que l'on a alignés. On lit une note faite par ses collaborateurs. ». Et de conclure : « Je pense qu'il doit y avoir un Président qui assure l'unité nationale et qui est une personnalité importante. Et face à cela, un Parlement qui discute et qui modifie. ».

    Après les élections législatives anticipées, Jean-Louis Debré n'était guère plus tendre avec la classe politique, disant à Francis Brochet le 24 juillet 2024 pour "Le Dauphiné libéré" : « [Les Français] ressentent de l’angoisse pour l’avenir, de la tristesse pour le présent. Ils ont eu une mobilisation extraordinaire pour les législatives, ils voulaient de la sérénité, qu’on se remette au travail pour régler les problèmes économiques et sociaux et le problème de l’insécurité. Les politiques n’ont rien compris, ils chipotent et se font des croche-pieds. (…) La responsabilité incombe à l'ensemble du personnel politique. ».
     

     
     


    Il n'est plus acteur politique, je dois préciser, mais il est devenu acteur tout court, jeune acteur, jeune comédien. En 2022, il a donc radicalement changé de vie car le voici sur les planches avec sa compagne Valérie Bochenek pour honorer les femmes qui ont fait la France (il s'est même produit au Liban), avec ce titre : "Ces femmes qui ont réveillé la France", titre du livre qu'il avait coécrit avec sa compagne dix ans auparavant. Cela fait deux ans qu'il parcourt la France pour évoquer ces femmes françaises : le voici maintenant octogénaire. Amoureux de la France et des femmes.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Bernard Debré.
    Haut perché.
    Michel Debré.
    Jean-Louis Debré.
    Yaël Braun-Pivet.
    Richard Ferrand.
    Il faut une femme au perchoir !
    François de Rugy.
    Claude Bartolone.
    Patrick Ollier.
    Raymond Forni.
    Laurent Fabius.
    Philippe Séguin.
    Henri Emmanuelli.
    Louis Mermaz.
    Jacques Chaban-Delmas.
    Edgar Faure.
    Édouard Herriot.
    Vincent Auriol.
    Paul Painlevé.
    Léon Gambetta.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240930-jean-louis-debre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-enfant-de-la-256647

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/28/article-sr-20240930-jean-louis-debre.html




     

  • Marcello Mastroianni célébré par la Cinémathèque française

    « Tu sais, tu es tout, Sylvia, tout ce qu'un homme peut désirer. Tu es la première femme du premier jour de la Création du monde. Tu es la mère, la sœur, l'amante, tu es le diable et tu es l'ange. Tu es la terre, le foyer... Ah, voilà : tu es le foyer ! » (Marcello Mastroianni, dans "La Dolce Vita" sorti le 5 février 1960).



     

     
     


    L'acteur Marcello Mastroianni est né il y a 100 ans, le 28 septembre 1924. Il est probablement le plus grand acteur italien de tous les temps et aussi l'un des plus grands acteurs au monde. Avec près de cent cinquante films à son actif, beaucoup d'italiens mais aussi des films français, des américains, des grecs, etc., pour une carrière qui s'est étendue pendant cinquante-sept ans (de 1939 à 1996), Mastroianni a tourné dans des dizaines de films "culte" du cinéma mondial et réussissait autant dans les comédies que dans les drames. Il a donc joué dans de nombreux chefs-d'œuvre du cinéma et lui-même était un chef-d'œuvre !

    Au début, il était figurant et travaillait comme géomètre du bâtiment, et c'est Luchino Visconti qui l'a véritablement "lancé" au théâtre dans deux pièces "Comme il vous plaira" (Shakespeare) créée le 26 novembre 1948 à Rome, puis "Un tramway nommé désir" (Tennessee Williams) créée le 23 janvier 1949 à Rome. C'est par le théâtre qu'il a connu Federico Fellini, mari d'une comédienne. Parallèlement, il a repris le cinéma (plus comme figurant) et ce fut rapidement la reconnaissance (avec "Jours d'amour"). Visconti lui confia un grand rôle dans "Nuits blanches", puis Mario Monicelli dans "Le Pigeon" qui lui donna une reconnaissance internationale.

    Le partenaire douze fois de Sophia Loren au cinéma a reçu un très grand nombre de récompenses nationales et internationales, dont sept David di Donatello du meilleur acteur (dont deux d'honneur), sept Rubans d'argent du meilleur acteur (dont un pour un second rôle), trois prix à la Mostra de Venise (un Lion d'or, un prix de la meilleure interprétation masculine, un autre pour un second rôle) et deux prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes, deux BAFTA, un Golden Globes, une Coquille d'argent du Festival de Saint-Sébastien, etc. À cela se sont ajoutées deux nominations aux Oscars.

     
     


    Atteint d'un cancer au pancréas, Marcello Mastroianni est mort le 19 décembre 1996 à Paris, à l'âge de 72 ans, entouré de son ancienne compagne Catherine Deneuve, de sa fille Chiara et de son ami Michel Piccoli. Les eaux de la fontaine de Trevi à Rome furent arrêtées à cette occasion en signe d'hommage au grand acteur et de clin d'œil à "La Dolce Vita".

    À l'occasion de son centenaire, la Cinémathèque française (51 rue de Bercy, dans le douzième arrondissement de Paris), traduisant ainsi le lien très fort qu'unissait Mastroianni à la France, a organisé du 11 au 29 septembre 2024 une grande rétrospective Mastroianni, un cycle de vingt-cinq grands films de Mastroianni avec une séance d'ouverture le 11 septembre 2024 à 20 heures présentée par Chiara Mastroianni, la fille du grand acteur, pour "La Dolce Vita".
     

     
     


    Voici donc la sélection du cinéma mastroiannien rediffusée par la Cinémathèque française, dans l'ordre des sorties historiques : "Nuits blanches" de Luchino Visconti (sorti le 15 septembre 1957), avec Maria Schell et Jean Marais ; "Le Pigeon" de Mario Monicelli (sorti le 24 septembre 1958), avec Claudia Cardinale, Vittorio Gassman et Renato Salvatori ; "La Dolce Vita" de Federico Fellini (sorti le 5 février 1960), avec Anita Ekberg et Anouk Aimée ; "Le Bel Antonio" de Mauro Bolognini (sorti le 4 mars 1960), avec Claudia Cardinale, Pierre Brasseur et Rina Morelli ; "La Nuit" de Michelangelo Antonioni (sorti le 1961) ; "Divorce à l'italienne" de Pietro Germi (sorti le 24 janvier 1961), avec Jeanne Moreau et Monica Vitti ; "Journal intime" de Valerio Zurlini (sorti le 6 septembre 1962), avec Jacques Perrin et Louise Sylvie ; "Huit et demi" de Federico Fellini (sorti le 14 février 1963), avec Claudia Cardinale, Anouk Aimée, Sandra Milo, Rossella Falk et Barbara Steele ; "Les Camarades" de Mario Monicelli (sorti le 25 octobre1963), avec Renato Salvatori, Annie Girardot, François Périer et Bernard Blier ; "Mariage à l'italienne" de Vittorio De Sica (sorti le 20 décembre 1964), avec Sophia Loren ;
     

     
     


    "Drame de la jalousie" d'Ettore Scola (sorti le 18 janvier 1970), avec Monica Vitti et Giancarlo Giannini ; "La Femme du prêtre" de Don Mario Carlesi (sorti le 22 décembre 1970), avec Sophia Loren et Venantino Venantini ; "Liza" de Marco Ferreri (sorti le 3 mai 1972), avec Catherine Deneuve, Michel Piccoli et Corinne Marchand ; "Rapt à l'italienne" de Dino Risi (sorti le 8 mars 1973), avec Oliver Reed, Carole André, Nicoletta Machiavelli et Lionel Stander ; "La Grande Bouffe" de Marco Ferreri (sorti le 17 mai 1973), avec Philippe Noiret, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Andréa Ferréol, Monique Chaumette et Bernard Ménez ; "Allonsanfàn" de Paolo et Vittorio Taviani (sorti le 6 septembre 1973), avec Lea Massari, Mimsy Farmer et Laura Betti ; "Vertiges" de Mauro Bolognini (sorti le 9 août 1975), avec Françoise Fabian, Marthe Keller, Barbara Bouchet et Lucia Bosé ; "La Femme du dimanche" de Luigi Comencini (sorti le 23 décembre 1975), avec Jean-Louis Trintignant, Jacqueline Bisset et Claudio Gora ; "Todo modo" d'Elio Petri (sorti le 30 avril 1976), avec Gian Maria Volonté, Mariangela Melato, Renato Salvatori et Michel Piccoli ; "Une Journée particulière" d'Ettore Scola (sorti le 12 août 1977), avec Sophia Loren et Alessandra Mussolini ;"La Terrasse" d'Ettore Scola (sorti le 8 février 1980), avec Jean-Louis Trintignant, Serge Reggiani, Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi ; "Fantôme d'amour" de Dino Risi (sorti le 3 avril 1981), avec Romy Schneider ; "Ginger et Fred" de Federico Fellini (sorti le 22 janvier 1986), avec Giuletta Masina et Jacques Henri Lartigue ; "Les Yeux noirs" de Nikita Mikhalkov (sorti le 9 septembre 1987), avec Marthe Keller, Elena Safonova, Vsevolod Larionov, Silvana Mangano et Pina Cei ; "Splendor" d'Ettore Scola (sorti le 9 mars 1989), avec Marina Vlady et Massimo Troisi.
     

     
     


    Pour ces derniers jours, ce week-end, sont programmés le samedi 28 septembre : "La Femme du prêtre" (à 18 heures 30) et "La Femme du dimanche" (à 20 heures 45) ; et le dimanche 29 septembre : "Vertiges" (à 14 heures 30) et "Liza" (à 20 heures 00). Chapeau, maestro Mastroianni !


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    Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.

     

  • Et Dieu créa les animaux... et Brigitte Bardot !

    « Il reste encore de grandes batailles à gagner car les êtres humains se sont déshumanisés, particulièrement dans la politique et aussi dans nos gouvernements successifs. » (Brigitte Bardot, 2014).


     

     
     


    Les années passent et heureusement, les stars ne passent pas, ou pas toutes, du moins. Elle est née exactement dix ans après Marcello Mastroianni, huit jours après Sophia Loren : Brigitte Bardot fête ses 90 ans ce samedi 28 septembre 2024. Pour cette ancienne actrice au cœur du culte de la beauté et de la jeunesse, de la modernité et de l'audace, le fait de devenir une vieille dame n'est pas nouveau. Cela fait cinquante ans qu'elle est devenue une vieille dame, depuis qu'elle a arrêté sa courte et dense carrière au cinéma, une vingtaine d'années en tout.

    C'était un choix, conscient, mûri, et sans doute a-t-elle dû décevoir des armées de réalisateurs qui auraient souhaité continuer à exploiter ce filon (et des bataillons de cinéphiles), d'autant plus que les années 1970 furent les plus osées et les plus chaudes du cinéma français. Brigitte Bardot devait en avoir ras-le-bol de la virilité, du machisme, et elle voyait bien ce qui l'attendait, avec l'âge et les rides, une sorte de reclassement dans des rôles de grand-mère que certaines de ses collègues ont su merveilleusement s'approprier (par exemple, la pimpante Catherine Deneuve) mais qu'elle-même ne voulait pas. Pas pour laisser une image éternelle de la jeunesse, mais parce qu'elle a saisi des choses plus importantes pour sa vie.

    Changer de vie. Le destin des bébés phoques, alertée par Marguerite Yourcenar, puis, plus généralement, les animaux, la souffrance des animaux, ont eu largement gain de cause par rapport à une carrière cinématographique qu'elle ne souhaitait plus.

    Malgré son enthousiasme pour Jordan Bardella et le RN aux dernières élections, on ne l'a pas entendue parmi les protestataires du nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier, mais elle aurait pu en être. Pas forcément parce qu'il n'a pas la couleur politique qu'elle aurait souhaitée, mais parce qu'il n'y a pas de ministère des animaux (d'autres protestent parce qu'il n'y a pas de ministère des personnes en situation de handicap, ni de ministère de la ville). Il faut bien dire qu'il n'y en a jamais eu mais les défenseurs des animaux militent pour qu'il y en ait un, à l'égal d'un ministère de la bouffe (euh, de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire) et d'un ministère de l'environnement.

    C'est étonnant qu'un gouvernement s'occupe des humains, de la planète, de l'environnement et des plantes, mais pas spécifiquement des animaux. Certes, il y a eu déjà des sous-ministères de la biodiversité, mais rester déjà dans le basique, dans l'élémentaire : lutter contre la souffrance animale, ce qui, aujourd'hui, depuis une dizaine d'années, est reconnu juridiquement, les animaux sont des êtres sensibles. Difficile de rendre compatible cet aspect des choses avec les abattoirs, avec la viande à produire et à manger, surtout lorsqu'on doit, par compétitivité, être le moins cher, produire au moindre coût. Toujours est-il que dans la nouvelle Commission Européenne qui prendra ses fonctions le 1er décembre 2024, un commissaire européen chargé des animaux a été institué.


    Tout naturellement, ce combat de Brigitte Bardot a abouti à un combat contre une certaine religion (tout le monde la connaît) qui abat rituellement les animaux sans leur empêcher la souffrance. Son combat est devenu une guerre de religion et elle a déjà été blâmée par la justice pour des propos publics qui mettaient en cause cette religion. Le droit des animaux en contradiction avec le droit de manger de la viande, mais aussi la liberté du culte. Cette société compliquée n'est faite que de contradictions, d'injonctions paradoxales multiples, et finalement, la représentation démocratique de l'Assemblée Nationale de l'été 2024 en apporte une certaine illustration.
     

     
     


    En 2014, dans un bouquin sur ses "as de cœur", elle a présenté en quelque sorte son Panthéon des défenseurs des animaux. Citons quelques-unes des personnalités qui l'ont éblouies (peut-être celles-ci en seraient étonnées, sans doute elles-mêmes éblouies par l'ancien star ?).

    Par exemple, Théodore Monod : « En près d'un siècle de sa riche existence, Théodore Monod rédigea près de 2 000 volumes d'œuvres scientifiques, regroupa 20 000 échantillons et enrichit notre connaissance de la flore et de la faune de respectivement 35 et 130 espèces nouvelles. Il était l'un des derniers grands voyageurs naturalistes. Son humilité ne se démentit jamais. (…) Il faisait partie de ces qui donnent une légitimité scientifique à toutes les actions en faveur des animaux et de la nature. ».

    Dian Fossey : « Si elle était aussi réfractaire aux visites, c'était surtout à cause du risque de contagion des maladies humaines aux gorilles, animaux fragiles entre tous. Dans sa guerre contre les zoos occidentaux, toujours avides de les exposer ignoblement, Dian obtint quelques victoires, mais subit aussi de nombreuses défaites. (…) Le matin du 27 décembre 1985, l'étudiant américain Wayne McGuire, qui l'avait rejointe depuis peu, la découvrit morte à côté de son lit, le crâne fendu d'un coup de machette. Aujourd'hui encore, on ne sait pas qui a tué Dian Fossey ; l'hypothèse la plus probable étant bien évidemment qu'elle a été assassinée par un braconnier. ».

    Saint François d'Assise : « Une histoire "écologique" avant l'heure. François reconnaît à l'animal une dignité similaire à celle de l'homme. Il attend de ses semblables qu'ils remplissent leur devoir d'assistance face aux animaux lorsqu'ils souffrent. (…) Personne mieux que saint François n'a exprimé une telle volonté de retrouver une humanité débarrassée de tout ce qui la pollue. Il refusa tout idée de pouvoir, de domination. La pauvreté pour lui n'était pas seulement une privation corporelle, mais un état d'un homme humble, dépouillé de tout désir qui empêcherait la communion parfaite avec son Créateur et avec l'univers. ».


    Mylène Demongeot : « Une actrice qui a du chien ! Mylène ne s'est pas entourée d'animaux pour combler un quelconque manque affectif, argument idiot qu'on entend bien trop souvent. Non, cet engouement vient plutôt d'une vision jubilatoire de l'existence, à laquelle l'actrice a décidé de tout subordonner, bien inconsciemment sans doute, car elle a eu dans sa vie, comme tout un chacun, de quoi alimenter ses douleurs... ».

    Le dalaï-lama : « Ses paroles sont douces, ses yeux extrêmement vifs savent capter au-delà des mots les ressentis de ses interlocuteurs. Il est pacifiste dans le plus profond de son cœur, vénère et respecte toute vie, humaine ou animale. Il fait du bien. ».

    Paul Watson : « Watson est un homme d'action. La bureaucratie lui déplaît, comme les discours inutiles. Il ne veut pas de "campagne de sensibilisation", il ne vaut pas faire de compromis, il veut agir concrètement. (…) Les baleines... Paul les a vues mourir par centaines sous le coup des harpons et des flèches explosives. Il a entendu leur cri pareil à celui d'un être humain. Il les a vues agoniser en gémissant. Il se souvient de ce jour où un cachalot frappé à mort, au lieu de chavirer son Zodiac venu s'interposer, l'a épargné, après avoir fixé son œil sur lui, un regard qu'il n'oubliera jamais de sa vie et qui scellera sa vocation de "justicier des océans". (…) Il tire la certitude que notre monde obéit à des lois de symbiose et d'équilibre. À ses détracteurs qui l'accusent volontiers d'être un misanthrope, il répond : "Si l'on détruit les mers, on détruit l'homme". ».

    Ce sera sans doute la réponse de BB à ses propres détracteurs qui la traitent de misanthropes. On ne peut pas aimer les humains sans aimer les animaux. Elle pourrait aussi citer Gandhi : « On reconnaît le niveau d’évolution d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. ». Depuis la loi n°2015-177 du 16 février 2016 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, le nouvel article 515-14 du code civil précise que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité, soumis, sous réserve des lois qui les protègent, au régime des biens ». C'est une grande avancée juridique pour consacrer le statut de l'animal, même s'il y a encore beaucoup de progression à venir dans des lois à prévoir.

    Le 28 septembre 2014 (il y a juste dix ans), Brigitte Bardot disait que tout restait encore à faire malgré cette loi (dont l'amendement crucial pour reconnaître l'être vivant doué de sensibilité chez l'animal a été voté le 15 avril 2014) : « Il reste encore tant à faire, tant d’horreurs. La vie des animaux n’est pas prise en considération ni leurs souffrances. Ils sont toujours considérés comme des objets de rapports et sont massacrés quotidiennement pour du fric dans la plus grande indifférence. ».

     
     


    On le voit : pour Brigitte Bardot, les animaux, c'est son dada ! « Ma Fondation est le but essentiel de ma vie. J'ai tout donné pour la construire. (…) Depuis, je vis chez mes animaux. ». Eh oui, quand on a des bestioles chez soi, qui ont un nom, on sait bien qu'on n'est plus chez soi mais chez elles. J'ai connu des chats qui se choisissaient leur maison dans un quartier, ils changeaient de "propriétaires" (ou plutôt d'esclaves) au gré des déménagements des lieux !

    Parce qu'elle est déjà très âgée, Brigitte Bardot a pensé à sa mort. Sa fortune irait pour sa fondation et elle serait enterrée dans sa propriété de La Madrague, dans le Var, transformée en musée : « J'ai choisi un petit coin, proche de la mer, qui a été entériné par les autorités. ». Il faut l'accord de l'État pour être enterré hors des cimetières. Elle préfère éviter le cimetière de Saint-Tropez pour laisser en paix ses parents et grands-parents. Elle enverrait ses visiteurs chez elle, dans un musée, pour alimenter financièrement sa fondation.

    Dans une interview au journal "Le Parisien" le 20 septembre 2024, elle confiait qu'elle marchait maintenant très difficilement (« Je me déplace avec mes cannes anglaises. ») et qu'elle a été très affectée par la disparition de son ami Alain Delon. À 90 ans, Brigitte Bardot a consacré 50 ans aux animaux et 20 ans au cinéma. Rappelons-nous... Et BB créa Saint-Tropez ! Vidéo.


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    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
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    Charlie Chaplin.







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  • L'acteur Jean Piat est né il y a 100 ans, le 23 septembre 1924

    « Nous, acteurs, avons la chance de nous amuser avec la mort avant de la connaître. » (Jean Piat, interrogé par Barbara Théate, "Journal du dimanche", le 31 janvier 2016).


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    S’amuser avec la mort avant de la connaître… Hélas, maintenant, Jean Piat la connaît. Depuis ce mardi 18 septembre 2018 à Paris. À cinq jours seulement de son 94e anniversaire. Jean Piat était un comédien immense. Une diction parfaite, un regard perçant, une présence captivante. Il était sociétaire de la Comédie-française du 1er septembre 1947 au 31 décembre 1972. Il est parti tôt de lui-même de la Comédie-française (à l’âge de 48 ans) parce qu’il considérait que la troupe devait se renouveler régulièrement et faire la place aux jeunes… et aussi, choisir lui-même la date de son départ avant d’être remercié par le conseil d’administration.

    Il a commencé le 7 mai 1945 à l’âge de 20 ans dans un petit rôle dans la pièce "Ruy Blas" de Victor Hugo mise en scène par Pierre Dux. Pendant ses premières années de théâtre, il a joué dans de nombreuses pièces mises en scène par Pierre Dux. Pas étonnant que Pierre Dux fût pour lui un mentor, un maître. Si je voulais faire un mauvais jeu de mot, je dirais que ce n’est plus "Fiat lux" mais "Piat Dux" !

    Au théâtre, Jean Piat a joué au moins 900 fois, il a joué de très nombreux rôles comme Alceste, Cyrano de Bergerac (rôle dont il était le plus fier), Don Quichotte, etc., avec de grands auteurs comme Victor Hugo, Edmond Rostand, Marivaux, Beaumarchais, Musset, Labiche, Mérimée, Tristan Bernard, Molière, Paul Claudel, Fernand Ledoux, Montherlant (dans le rôle d’un personnage très misogyne), Feydeau, Giraudoux, Shakespeare, Courteline, Jules Romains, Guitry, Cocteau, etc. Il a beaucoup travaillé avec certains metteurs en scène comme Pierre Dux, Jean Meyer, etc. Il a aussi fait un peu de mise en scène (une vingtaine de pièces). Sa dernière prestation était très récente puisque c’était l’année dernière, en 2017, à la Comédie des Champs-Élysées.

    Pour Jean Piat, il ne s’agissait pas de se mettre dans la peau d’un personnage, mais que ce personnage se mît dans sa peau : « Un personnage est un être vivant, qui est inclus dans les feuilles d’une brochure, mais c’est quand même un être vivant. (…) Donc, le personnage vivant vient à travers vous. La rencontre entre le personnage et vous, ça donne le personnage et ça donne l’être vivant sur scène qui intéresse plus ou moins le spectateur. On se rend service l’un l’autre, si je puis dire. En tant qu’acteur, on profite de la qualité d’un personnage. Vous ne me ferez pas jouer un personnage que je n’aime pas. Ce n’est pas possible. » ("Télérama", octobre 2016). Le personnage qui est fait pour lui, c’est quand il y a : « Une certaine vérité, une certaine bonne humeur. ».

    Il s’est toujours interrogé sur l’intérêt du public pour les drames alors que les comédies sont relayées hors du champ culturel, dans les "théâtres de boulevard" à l’appellation péjorative : « C’est respecté, beaucoup plus qu’une scène de rire. Le rire n’est pas respecté au théâtre, alors que le drame est respecté. (…) C’est plus difficile de faire rire que d’attirer l’attention sur un drame quelconque. (…) Pourquoi on respecte moins le vaudeville que la tragédie ? On ne sait pas. Il n’y a de réponse, pas de réponse logique, pas de réponse rationnelle. » ("Télérama", octobre 2016).

    Jouer, toujours jouer. Le 25 janvier 2016, Jean Piat l’avouait comme un fin gourmet : « Je joue, parce que quand je ne joue pas, j’ai l’impression d’être privé de dessert ! » (AFP). Il a joué dans une vingtaine de films au cinéma, mais son rendez-vous avec le cinéma fut raté, au contraire d’un comédien comme Claude Rich. Jean Piat a fait du cinéma alimentaire au début de sa carrière pour augmenter ses fins de mois. Mais quand il est sorti de la Comédie-française, il avait déjà presque 49 ans, c’était déjà âgé pour commencer à faire du cinéma au milieu des années 1970. Il avait laissé passer un grand moment de cinéma dans les années 1960. On ne lui avait alors proposé aucun grand rôle et le terrain était déjà occupé par de grands acteurs comme Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Jean Marais, etc.

    Jean Piat a aussi pas mal joué pour la télévision française. D’ailleurs, sa notoriété auprès du grand public, il l’a acquise principalement dans deux rôles qu’il a joués pour des séries télévisées : Lagardère (pas Arnaud mais Henri de Lagardère !), une série de six épisodes créée par Marcel Jullian reprenant le roman de Paul Féval ("Le Bossu") et sa suite, diffusée sur la première chaîne de l’ORTF du 20 septembre 1967 au 25 octobre 1967, et Robert III d’Artois, le personnage éclatant de l’adaptation télévisée du fameux roman de Maurice Druon, "Les Rois maudits", série de six épisodes aussi, réalisée par Claude Barma dans une adaptation de Marcel Jullian, diffusée du 21 septembre 1972 au 24 janvier 1973 sur la deuxième chaîne de l’ORTF. Lorsque cette série a été rediffusée un peu plus tard, je l’avais adorée, comme tous les passionnés d’histoire de France.

    La sortie des "Rois maudits" fut très importante pour Jean Piat : « Cela a été énorme. J’ai reçu ça comme la vague de l’océan qui vous balance quand vous êtes en train de mettre les pieds dans l’eau pour voir si elle est fraîche ou chaude. Plouf ! Je suis devenu un acteur vedette sans le vouloir, sans le savoir, sans m’en rendre compte (…). J’ai été le premier surpris de l’énorme succès. Dès le premier soir où il y a eu une projection à la Maison de la Radio, Chancel est arrivé vers moi : "C’est formidable !". (…) Je ne me rendais pas compte à quel point cela a eu un impact sur le public. » ("Télérama", octobre 2016). Mais il n’a pas eu d’autres rôles importants à la télévision après ce succès.

    Je reviens sur ce rendez-vous raté avec le cinéma. Jean Piat a eu ce regret, mais pas très grave selon lui : « J’ai vécu de cela et j’ai pensé que cette réussite à la télévision allait m’amener au cinéma. Pas du tout. C’était le contraire, car le raisonnement était simple. Si l’on vous voit à la télévision gratuitement, il sera plus difficile après d’imposer votre présence dans un film au cinéma payant. Les gens vont payer leur place alors qu’ils vous voient à la télévision gratuitement. (…) Le cinéma n’est pas venu à moi parce que je ne suis pas allé à lui. En réalité, aux tréfonds de moi, maintenant, cela ne m’ennuie pas gravement, sinon que j’aurais voulu trouver un rôle, une fois. » ("Télérama", octobre 2016).

    Sa notoriété, c’était aussi sa voix, au-delà de sa présence scénique. La voix, il l’a utilisée en particulier pour le personnage principal (Peter O’Toole) du film "Lawrence d’Arabie" (sorti le 10 décembre 1962), et pour la double série de films "Le Seigneur des Anneaux" et "Le Hobbit" (entre 2001 et 2014), pour le personnage de Gandalf (Ian MacKellen).

    Au-delà de la scène, Jean Piat s’est mis à écrire, une quinzaine d’ouvrages, dont trois récompensés par l’Académie française, et cette passion de l’écriture lui a beaucoup plu : « C’est la solitude. La solitude me plaît avec des personnages que vous réinventez, que vous faites revenir à la surface. (…) C’étaient mes espaces entre deux pièces. » ("Télérama", octobre 2016).

    Il a eu cette passion de l’écriture quand il a rencontré Françoise Dorin, auteur dramatique, qui est devenue sa compagne dans la vie à partir de 1975, et jusqu’à sa mort, le 12 janvier 2018, là aussi à quelques jours de son anniversaire (le 23 janvier 2018, elle aurait eu 90 ans). Les deux sont partis la même année, à quelques mois d’intervalle…

    Jouer la mort : « Jouer une scène de mort, c’est merveilleux. Tout le monde vous écoute comme si c’était la leur qu’il voyait déjà ou qu’il prévoyait déjà. (…) Brusquement, il y a un silence, une épaisseur extraordinaire et on vit aussi bien de l’effet comique que du silence. Et un silence épais, pourquoi ? (…) parce qu’il y a un respect de la mort, d’une part, et qu’on a l’impression, quand on a joué, qu’ils pensaient à la leur sans le vouloir en voyant celle jouée par un autre, et après on se relève, le rideau tombe, et hop, on est vivant ! C’est bien, c’est une résurrection. C’est pourquoi les scènes de mort, c’est un régal ! » ("Télérama", octobre 2016).

    Pour rendre hommage à Jean Piat, je propose ici les deux célèbres séries citées, une fable ("Les Animaux malade de la peste"), récitée le 5 avril 1980 à la télévision suisse (RTS), et surtout, un entretien inédit, savoureux, au Théâtre des Bouffes Parisiens avec la journaliste Fabienne Pascaud en octobre 2016 que "Télérama" vient de mettre en ligne pour rendre hommage au comédien disparu.


    1. Entretien avec Fabienne Pascaud en octobre 2016






    2. Une fable de La Fontaine sur la RTS le 5 avril 1980






    3. "Les Rois maudits" (1972), premier épisode, mis en ligne par l’INA






    4. "Lagardère" (1967)





















    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 septembre 2018)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean Piat.
    Maurice Chevalier.
    Vanessa Marquez.
    Micheline Presle.
    Pauline Lafont.
    Marie Trintignant.
    Philippe Magnan.
    Louis Lumière.
    Georges Méliès.
    Jeanne Moreau.
    Louis de Funès.
    Le cinéma parlant.
    Charlie Chaplin.
    Annie Cordy.
    Johnny Hallyday.
    Pierre Bellemare.
    Meghan Markle.

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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240923-jean-piat.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/23/article-sr-20240923-jean-piat.html