« Personne ne peut appliquer son programme (…) : ni le nouveau front populaire, ni la majorité sortante, ni la droite républicaine ! » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).
Le Président de la République Emmanuel Macron s'est invité au journal de 20 heures de ce mardi 23 juillet 2024 sur France 2. Le fait que ce fût sur une chaîne du service public n'était pas anodin, après les propositions de privatisation de France Télévisions formulées par le RN avant les élections législatives. France 2 et France 3 seront aussi les chaînes des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) qui commenceront en fin de semaine, le vendredi 26 juillet 2024 à Paris.
Il était donc normal que le chef de l'État honorât de sa présence tout le dispositif tant de la cérémonie d'ouverture que celui des plateaux de télévision. Il était à un studio placé, il me semble, sur le toit du Trocadéro qui sera utilisé par les présentateurs des émissions sur les JOP.
Le chef de l'État a précisé deux ou trois choses sur les JOP. Par exemple, la décision de refuser la Russie aux Jeux olympiques n'est pas celle de la France mais celle du CIO (Comité international olympique), tout comme la décision d'accepter Israël : « Les athlètes israéliens sont les bienvenus ! ».
Emmanuel Macron est un passionné des sports et cela se voyait peut-être un peu trop à son visage réjoui et à la mine excitée qui semble en déphasage avec l'issue des élections législatives. Pour les Jeux olympiques (je me permets de ne pas rajouter systématiquement "et paralympiques" pour faire un peu plus court), c'est un projet qu'Emmanuel Macron n'a pas demandé (la demande datait de 2012), mais qu'il a mené jusqu'au bout avec beaucoup de rigueur entre 2017 et 2024. Il est aussi passionné par cette France qui gagne, et quoi de plus gagnant que cette France des champions sportifs, des médailles d'or (apparemment, on attend de la France qu'elle soit au Top 5 voire Top 3 des nations les plus médaillées, ce qui est très ambitieux). Enfin, il est passionné aussi par l'optimisme et la pensée positive et il est persuadé que ces quelques semaines estivales olympiques sera un moment très particulier de concorde nationale, comme on l'a vécue pendant les coupes du monde de football lorsque l'équipe de France allait jusqu'en finale voire la gagnait (1998, 2006, 2018, 2022).
Ainsi, Emmanuel Macron serait un excellent Monsieur Loyal de la cérémonie d'ouverture, dans le secret des dieux pour ce qui est l'organisation, les surprises, les artistes qui se produiront voire les sportifs qui tiendront en dernier la flamme olympique. On apprenait juste avant l'interview présidentielle que l'avion de Céline Dion venait d'atterrir en France, laissant entendre, comme cela se murmurait depuis quelques semaines, que la chanteuse à la santé défaillante pourrait faire partie du spectacle : « Je serai immensément heureux si elle pouvait être de cette cérémonie d'ouverture, comme tous nos compatriotes. ». Le spectacle de vendredi, conçu et supervisé par Thomas Jolly, promet d'être grandiose et exceptionnel, sur la Seine : « On verra tous à partir de vendredi soir pourquoi ça valait la peine. ».
C'est pour cette raison qu'il entend bien appliquer la trêve politique qu'il prône depuis quelques jours, une trêve olympique, jusqu'à au moins au milieu du mois d'août 2024, en reconnaissant que peut-être qu'elle n'irait pas jusqu'aux Jeux paralympiques qui arrivent très tardivement à la fin de l'été : « De manière évidente, jusqu'à la mi-août, on doit être concentré sur les Jeux. Et puis à partir de là, en fonction de l'avancée de ces discussions, ce sera ma responsabilité de nommer un Premier Ministre ou une Première Ministre et lui confier la tâche de constituer un gouvernement et d'avoir le rassemblement le plus large qui lui permette d'agir et d'avoir la stabilité. ».
Car Emmanuel Macron devra être aussi un nouveau Monsieur Loyal, celui de vie politique qui promet d'être difficile pour les prochains mois. Le Président de la République a réexpliqué les raisons de la dissolution, sans forcément plus convaincre, certain, sans cela, qu'une motion de censure aurait été votée pendant la discussion budgétaire et donc, préférant dissoudre dès l'été pour pouvoir préserver la période de discussion budgétaire.
Sans plus convaincre parce que la motion de censure n'était pas assurée, son adoption aurait été provoquée par le groupe LR et aujourd'hui, il y a des discussions entre les macronistes et LR, mais sans être capable d'assurer une majorité absolue au contraire de la précédente législature. En cas de réussite des discussions, pour constituer un gouvernement viable, Emmanuel Macron n'entend pas dissoudre jusqu'en 2027.
Emmanuel Macron a regretté que les députés RN n'aient eu pas leur juste répartition de postes au sein du bureau de l'Assemblée (alors que le groupe EPR avait réservé des places au groupe LR sur le quota RN), expliquant qu'il n'y a pas de « sous-député », et il a été choqué par le refus de serrer la main au jeune scrutateur RN de la part des députés insoumis, « mais pas seulement » (en effet, Agnès Pannier-Runacher avait également refusé de serrer la main).
Il a rappelé ainsi ce qu'il avait affirmé dans sa lettre aux Français : son parti avait perdu ces élections législatives, mais personne ne les avait gagnées, ni le RN, ni le NFP. Par conséquent, le seul moyen qu'un gouvernement puisse exister, c'est qu'il repose sur une base solide proche de la majorité absolue, soit tout l'arc républicain. Comme le rappelait le sénateur Claude Malhuret le 18 juillet 2024 : « Pas de front national, pas de front populaire : la seule hypothèse possible est celle du front républicain. Elle suppose, comme chez nos voisins, mais à rebours des traditions françaises, l’alliance de tous les démocrates, depuis la droite républicaine jusqu’à la gauche de gouvernement. ».
Les accords entre le premier et le second tours pour faire barrage au RN doivent être assumer après le second tour : ce que les Français ont demandé, c'est de s'entendre entre républicains. C'est ce que n'a absolument pas compris la gauche qui reste dans une sorte de déni de défaite, croyant fermement le bluff originel de Jean-Luc Mélenchon alors qu'un gouvernement exclusivement NFP et donc insoumis se ferait immédiatement censuré par les autres groupes de l'Assemblée.
La question lui a bien sûr été posée : les apparatchiks du NFP étaient arrivés à un accord à 19 heures, juste avant l'interview présidentielle, pour mettre mal à l'aise le Président de la République. C'est bien l'inverse qui s'est produit. L'accord, c'était sur le nom du Premier Ministre supposé du NFP : une femme de 37 ans inconnue de tous (sans même de page de Wikipédia !), une technocrate obscure directrice des finances et des achats de la Ville de Paris surendettée, une personne certainement très estimable, proche d'Anne Hidalgo, mais qui n'a ni une expérience politique ou parlementaire capable de naviguer dans une Assemblée difficile sans majorité, ni une expérience professionnelle qui garantirait qu'elle puisse diriger le gouvernement de la sixième puissance mondiale. J'y reviendrai certainement, mais disons tout net qu'à ce petit de jeu-là de téléréalité stupide, Jordan Bardella aurait plus de légitimité car il est un politique, au moins.
En fait, le NFP a eu le tort d'annoncer leur décision juste avant cette interview : il croyait mettre en difficulté Emmanuel Macron mais la réalité médiatique, c'est que l'écho de l'annonce s'est noyé dans l'écho médiatique de cette interview. La proposition de Lucie Castets (on parie sur les jeux de mots), c'est encore une fois se moquer des Français qui n'avaient pas voté pour cela. Un internaute sans pitié a réagi à son tweet d'acceptation (acceptation de quoi ? Jusqu'à nouvel ordre, la Constitution dit que c'est le Président de la République qui nomme le Premier Ministre et pas les apparatchik du NFP) ainsi : « Manu t’a dit non. C’est dommage, parce qu’elle avait l’air d’avoir bien géré le budget à la ville de Paris. ». Un autre, pas plus charitable : « Sur ton CV. Première Ministre : 48 heures ». Un troisième plus réaliste : « Bravo, vous êtes dans le Guinness Book du Record du plus éphémère Premier Ministre de la Ve République avec 1 seconde et 10 centièmes ! ». Un autre dans l'anti-élitisme primaire : « Énarque et incapable de calculer des %. Le mal de notre pays. ». Un cinquième qui a tout compris : « Ce #NouveauFrontPoplulaire est un spectacle trop cher dont le casting ne comporte que des figurants et des seconds rôles. ».
Emmanuel Macron n'a donc pas l'intention de la nommer à Matignon, du moins actuellement, tant qu'elle ne démontre pas qu'elle est soutenue par des forces parlementaires suffisantes. Il a répété pour ceux qui étaient dur à la comprenotte : « La question n'est pas un nom. La question, c'est quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays. ».
Le Président de la République n'a pas eu de mal à démontrer que le NFP n'avait pas de majorité à l'Assemblée : la preuve, c'est qu'il n'a même pas été capable de faire élire André Chassaigne au perchoir. Yaël Braun-Pivet a su rassembler plus de députés que le NFP.
Ce qui est terrible, c'est que la gauche n'arrive pas à admettre qu'elle n'a pas de majorité à l'Assemblée. Que les insoumis poursuivent le gros bluff de leur gourou, c'est de bonne guerre, mais ceux des partis qui se croient encore de gouvernement, réveillez-vous ! Les Français ne veulent pas du programme du NFP ! Au contraire, ils ont voté très à droite, et c'est la raison pour laquelle le pacte législatif présenté lundi par Laurent Wauquiez « va dans le bon sens » selon Emmanuel Macron.
Finalement, la défaite du RN le 7 juillet 2024 est du même ordre que la défaite de Jean-Marie Le Pen le 5 mai 2002 : un front républicain qui a fait que beaucoup de voix de gauche ont voté Jacques Chirac en 2002 comme beaucoup de voix de droite ou du centre ont voté pour le candidat du NFP en 2024 (et réciproquement). L'erreur de Jacques Chirac a été de nommer un gouvernement uniquement UMP sur une assise beaucoup trop restreinte qui ne correspondait pas à son électorat du second tour. Ce qui n'était pas le cas d'Emmanuel Macron en 2017 et 2022 car jamais Jean-Luc Mélenchon n'a appelé à voter Emmanuel Macron au second tour (au contraire de François Fillon en 2017).
La répartition des groupes parlementaires montre qu'il n'y a pas besoin de réflexion politique très approfondie pour le comprendre : l'arithmétique suffit. Pour avoir une majorité, il faut un compromis entre plusieurs alliances au sein de l'Assemblée, entre le bloc central et le bloc de gauche. Tant que ce dernier refuse cette réalité, aucun gouvernement ne pourra durablement exister. Il y a urgence : le 1er octobre 2024, une premier projet de loi de finance doit être déposé à l'Assemblée. La balle n'est pas à l'Élysée, mais dans les différents groupes. Ils doivent négocier un compromis (quel gros mot !) pour un programme minimum (un... PGCD : plus grand dénominateur commun, et pas plus petit, je m'adresse aux journalistes qui estropient les maths). C'est d'ailleurs ce que les Français demandent quand on les sonde.
En attendant, joyeux JO !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (23 juillet 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
Appel aux sociaux-démocrates.
Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle.
Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240723-macron.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-31-emmanuel-256000
http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/23/article-sr-20240723-macron.html