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  • Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?

    « Le Président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage (article 56). (…) Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République (article 58). (…) Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (article 62). » (Extraits du Titre VII de la Constitution de la Cinquième République sur le Conseil Constitutionnel).



     

     
     


    Depuis le début de ce mois de février 2025, les parlementaires parlent beaucoup, entre eux, d'un sujet institutionnel : qui sera proposé Président du Conseil Constitutionnel le 10 février 2025 ? C'est en effet à cette date que les candidats aux trois postes qui vont être vacants en mars 2025 seront connus.

    Le Conseil Constitutionnel, basé au Palais-Royal, au 2 rue de Montpensier dans le premier arrondissement de Paris, est la première instance juridique en France. De Gaulle lui-même était très réticent et ne souhaitait pas une Cour Suprême comme aux États-Unis, en raison de sa fascination pour la légitimité populaire. Néanmoins, Michel Debré a obtenu la création de cette instance afin de faire un contre-pouvoir démocratique à des assemblées ou des gouvernements qui bousculeraient trop brusquement les droits fondamentaux ou la Constitution. C'est, en quelque sorte, le gardien du temple constitutionnel.

    Ce n'est qu'à partir du début des années 1970 que le Conseil Constitutionnel a pris lui-même du pouvoir en élargissant le bloc de constitutionnalité non seulement à tous les textes constitutionnels mais aussi à des chartes et autres textes proclamant des droits fondamentaux, y compris la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État.

    Si lui-même ne peut toujours pas s'auto-saisir, il a acquis deux pouvoirs importants par la suite grâce à des révisions constitutionnelles initiées d'une part par Valéry Giscard d'Estaing le 29 octobre 1974 (droit de saisine par au moins 60 députés ou 60 sénateurs, ce qui permet désormais à l'opposition de saisir le Conseil Constitutionnel), et d'autre part par Nicolas Sarkozy le 23 juillet 2008 (question prioritaire de constitutionnalité, saisine par un justiciable pouvant remettre en cause la validité d'une loi déjà promulguée qui ne serait pas conforme à la Constitution !).

    Le Conseil Constitutionnel a donc trois activités : il veille à la constitutionnalité des projets et propositions de loi définitivement adoptés avant leur promulgation, seulement s'il est saisi et seulement sur les sujets de la saisine ; il veille à la régularité de l'élection du Président de la République et des parlementaires nationaux ; enfin, il statue sur les QPC (questions prioritaires de constitutionnalité), cette dernière activité devenant l'activité principale (depuis 2010, le Conseil a traité plus de 1 100 QPC).

    Le Conseil est composé de neuf membres nommés pour neuf ans et non renouvelables (sauf sous certaines conditions). Le Président de la République, le Président de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat nomment chacun un membre tous les trois ans. Le Président de la République nomme par ailleurs le Président du Conseil Constitutionnel. Depuis 2008, les membres pressentis ne sont que proposés car il faut aussi qu'ils soient auditionnés par les commissions des lois des deux assemblées, et leur candidature peut être rejetée si une majorité des trois cinquièmes le décide. Les anciens Présidents de la République sont membres de droit du Conseil, mais ne siègent pas ni n'ont de rémunération lorsqu'ils sont restés dans la vie politique active ou qu'ils décident de ne pas siéger pour diverses raisons.

    Le mandat de l'actuel Président du Conseil Constitutionnel, l'ancien Premier Ministre Laurent Fabius, se termine dans quelques jours. Nommé par François Hollande en février 2016, il laisse une place cruciale vacante. C'est à Emmanuel Macron de désigner son successeur, ou du moins, de le proposer.

    Or, depuis la fin du mois de décembre 2024, Emmanuel Macron a choisi le successeur. Ce n'est pas encore officiel, mais il s'agirait de Richard Ferrand (62 ans). Cet ancien député socialiste a été le premier député à avoir rejoint Emmanuel Macron en 2015 et il fait partie des fidèles parmi les fidèles. Chef du parti macroniste, brièvement ministre, il a été élu Président de l'Assemblée Nationale du 12 septembre 2018 au 21 juin 2022. Il n'a pas été réélu dans sa circonscription du Finistère en juin 2022, si bien qu'il a été mis de côté des organes de la République depuis deux ans et demi.

    Au-delà de son hyperfidélité au Président de la République, Richard Ferrand peut avoir deux handicaps dans cette nomination : d'une part, il a eu une casserole politico-financière, mais la justice l'a totalement blanchi ; d'autre part, son échec électoral ne le place pas en position naturelle pour un poste d'une si grande responsabilité. Les plus perspicaces rappelleront que Richard Ferrand, alors au perchoir, avait désigné Véronique Malbec, ancienne procureure générale de Rennes, au Conseil Constitutionnel où elle siège encore (jusqu'en mars 2031), alors que celle-ci avait été la responsable hiérarchique du procureur qui a classé sans suite l'affaire des Mutuelles de Bretagne.

    Depuis quelques semaines, des députés EPR ont fait des sondes auprès de leurs collègues des autres groupes pour voir leurs réactions. Il semblerait que les députés Horizons et surtout du MoDem ne seraient pas défavorables à cette candidature. En revanche, les insoumis ne le rateraient pas, pas sur le plan judiciaire (la justice a tranché), mais sur le plan politique et institutionnel.

    Ainsi, le chef des insoumis Manuel Bompard aurait déjà réagi le 2 février 2025 ainsi : « Le Conseil Constitutionnel ne peut pas être l'endroit où on recase ses amis. ». Les insoumis n'hésiteraient pas à dénoncer une manœuvre de l'Élysée pour permettre une troisième mandat à Emmanuel Macron dans le cas où ce dernier démissionnerait et se représenterait immédiatement. Trente-cinq jours s'écouleraient entre la démission et le premier tour de l'élection présidentielle, ce qui serait très court pour la recherche des 500 parrainages, l'organisation de la campagne, la location des salles, la production du matériel de campagne, etc. Le Président démissionnaire aurait alors un avantage sur ses concurrents.

    Rapportés par le "Journal du dimanche" du 2 février 2025, les propos d'un responsable insoumis : « Le Président est d’ailleurs déjà reparti en campagne. Sa visite dans un bureau de tabac, son échange avec un influenceur sur une affaire de verbalisation abusive à un péage abondamment relayé sur les réseaux sociaux, le bain de foule à Colmar... ».

    Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, interrogé le 2 février 2025 dans "La Tribune Dimanche", nommer Richard Ferrand serait également une erreur : « Un Conseil Constitutionnel présidé par un sherpa du chef de l'État, qui regrettait encore il y a un an que la Constitution empêche ce dernier de se représenter et ajoutait "changeons tout cela", pourrait-il être perçu par les citoyens comme un organe jugeant en droit, au-dessus des partis ? Peut-être le ferait-il. Mais cela ne serait pas reçu comme tel par l'opinion. ».
     

     
     


    Emmanuel Macron a cependant de solides arguments à faire valoir pour promouvoir Richard Ferrand à la Présidence du Conseil Constitutionnel. Le premier, c'est qu'il vaudrait installer la tradition (« l'usage ») que le Président du Conseil Constitutionnel soit un ancien Président de l'Assemblée Nationale, ce qui conforterait le rôle de contrôle de la loi après l'avoir construite. Mais cet argument ne tient pas vraiment l'analyse historique : seuls, les deux derniers Présidents du Conseil Constitutionnel ont officié au perchoir, Jean-Louis Debré et Laurent Fabius. Le deuxième argument, c'est que ce n'est pas nouveau que le Président du Conseil Constitutionnel soit politisé, c'est-à-dire qu'il ait eu une action politique et militante dans sa carrière. C'était même le cas de tous les Présidents du Conseil Constitutionnel dont certains étaient des chefs de parti. Enfin, troisième argument, ce n'était pas rare non plus qu'il fût un ami personnel du Président de la République : Laurent Fabius pour François Hollande ; Jean-Louis Debré, Pierre Mazeaud et Yves Guéna pour Jacques Chirac ; Roland Dumas, Robert Badinter et Daniel Mayer pour François Mitterrand.

    Et il y a un quatrième argument moins avouable. En cas d'élection de Marine Le Pen en 2027, le Conseil Constitutionnel deviendrait la base de résistance pour l'empêcher de violer l'État de droit. Y mettre à sa tête un homme habile et expérimenté qui connaît bien la vie politique deviendrait alors une assurance-vie de la République.

    Quant aux deux autres membres à nommer, la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet a déjà fait savoir qu'elle comptait proposer l'ancienne juge d'instruction Laurence Vichnievsky, ancienne députée MoDem de 2017 à 2024 dans l'ancienne circonscription de Valéry Giscard d'Estaing et battue en 2024 par un candidat écologiste (elle vient d'avoir 70 ans ce mercredi 5 février 2025), tandis que, selon "Le Monde", le Président du Sénat Gérard Larcher hésiterait encore entre deux sénateurs et anciens présidents de la commission des lois, Philippe Bas (ancien ministre, connu pour avoir défié le Président de la République en présidant la commission d'enquête sur l'affaire Benalla) et François-Noël Buffet (actuel ministre depuis 2024).

    La publication du nom des trois candidats devrait intervenir le 10 février 2025 et les auditions se dérouleront le 19 février 2025. Le mandat de ces trois membres ira de mars 2025 à mars 2034. On doit s'attendre à ce que cette instance suprême soit plus politisée car parmi les trois sortants, deux n'étaient pas des politiques mais des juristes. Les trois proposés semblent faire partis tous les trois de la classe politique. Une odeur d'ancien monde.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?
    Grandeur et décadence.
    L'adjudant-chef promu maréchal.
    L'homme et son affaire.
    Yaël Braun-Pivet.
    Il faut une femme au perchoir !
    François de Rugy.
    Claude Bartolone.
    Patrick Ollier.
    Jean-Louis Debré.
    Raymond Forni.
    Laurent Fabius.
    Philippe Séguin.
    Henri Emmanuelli.
    Louis Mermaz.
    Jacques Chaban-Delmas.
    Edgar Faure.
    Édouard Herriot.
    Vincent Auriol.
    Paul Painlevé.
    Léon Gambetta.


     

     
     







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250205-richard-ferrand.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/richard-ferrand-bientot-propose-259163

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/06/article-sr-20250205-richard-ferrand.html








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  • François Bayrou, le début du commencement

    « Le budget que nous allons adopter aujourd'hui, je le crois, est une étape, c'est même le début du début du commencement du travail que nous allons faire. (…) Le gouvernement n'a qu'une ligne, restaurer une puissance publique digne de ce nom au service d'une nation qui doit retrouver sa solidité, sa solidarité et sa fierté. » (François Bayrou, le 5 février 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Les deux motions de censure déposées par le groupe insoumis le 3 février 2025 ont été examinées ce mercredi 5 février 2025 après-midi au cours de deux débats indépendants. Elles étaient la réaction au double engagement de responsabilité du gouvernement de François Bayrou pour l'adoption du projet de loi de finances pour 2025 (PLF) et pour la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS), autrement dit, à l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

    Au moment du débat parlementaire, il n'y avait plus de suspense. Dès le lundi 3 février 2025, le parti socialiste a fait savoir qu'il ne voterait pas la censure en raison de son esprit de responsabilité et de stabilité : la France a besoin d'un budget pour 2025 et ne peut pas se permettre une seconde censure sur le budget. Quant au groupe RN, après l'avoir implicitement annoncé le 4 février 2025, c'est quelques heures avant le vote qu'il a formellement confirmé qu'il ne voterait pas non plus la censure.


    C'est donc un succès pour François Bayrou mais il a voulu avoir le triomphe très modeste. Il n'était pas question de fanfaronner ni de parader avec sa non-censure. Certes, il a réussi la première mission de son gouvernement, à savoir doter le pays d'un budget pour cette année en cours, et le plus tôt possible, ce qui, entre autres, permettra aux collectivités locales (communes, départements, régions) de construire leur propre budget.

    En effet, comme le signalent la plupart des éditorialistes, cette non-censure est un sursis, un répit, pour le gouvernement Bayrou. Rien ne l'empêchera de tomber sur un autre sujet, par exemple, celui des retraites (Boris Vallaud a prévenu que les socialistes voteraient la censure si le retour à l'âge légal de 62 ans n'était pas proposé à l'issue de la grande conférence sociale).

     

     
     


    Avant le vote de la motion de censure contre le PLF, François Bayrou a pris la parole : « Nous avons un budget imparfait. Et je voudrais dire à ceux qui l'ont remarqué que notre but, notre intention, est que ce budget, l'année prochaine, si nous arrivons à remplir les objectifs que nous nous sommes fixés, ce budget ne soit pas le même. Et donc, ce budget est une étape d'urgence. Et pourquoi est-il une étape d'urgence ? Parce que notre pays ne peut pas vivre sans budget. (…) Nous ne pouvions pas, en aucune manière, faire autrement. C'est pourquoi nous avons fait un choix. Nous avons fait un choix d'agenda en choisissant de repartir du texte qui avait été présenté par le gouvernement de Michel Barnier et examiné par le Sénat. C'était plus difficile, naturellement, mais ça répondait à une exigence, c'est que nous ayons un budget au début du mois de février, alors qu'autrement, il aurait fallu attendre avril. Et qui peut soutenir l'idée que les investisseurs qui ont besoin de lisibilité, que les entreprises qui ont besoin de stabilité, et que les foyers qui ont besoin de retrouver un minimum de cohérence dans l'action publique, qui peut soutenir l'idée que ça aurait été mieux d'attendre quatre mois pour avoir à peu près les mêmes discussions, à peu près les mêmes condamnations, à peu près les mêmes invectives. ».

     

     
     


    Et le chef du gouvernement a terminé son intervention en prenant de la hauteur internationale : « Mais je voudrais dire un dernier mot. À l'heure même où nous avons ce débat, un peu, par moments, surréaliste, parfois décalé, l'Ukraine, avec plus de 100 000 morts, s'arc-boute sous les coups de l'armée russe sous les ordres de Poutine, qui, elle, a eu 200 000 morts. Le quarante-septième Président des États-Unis annonce qu'il va annexer le canal de Panama, l'immense Groenland, je rappelle que le Danemark est un État de l'Union Européenne et que la question, si cette menace se réalisait, se poserait à tous les États de l'Union Européenne la question de la réaction qui pourrait être la leur face à cette tentative de prise de contrôle. La Chine a passé le cap des 1 000 milliards d'excédent commercial. Et tout cela, ce sont des tsunamis qui s'avancent, irrésistibles, en tout cas, en face desquels nous demeurons paralysés. Et nous nous évertuons, nous nous ingénions, nous nous obsédons à rester, à nous enfoncer et à aggraver nos faiblesses et nos divisions. Le gouvernement n'a qu'une ligne, restaurer une puissance publique digne de ce nom au service d'une nation qui doit retrouver sa solidité, sa solidarité et sa fierté. ».

     

     
     


    Ce qui est notable, c'est qu'il y a eu moins de députés qui ont voté pour ces deux motions de censure que pour la première motion de censure du 16 janvier 2025. L'hémicycle était d'ailleurs clairsemé, ce qui était normal puisque seuls sont comptés les votes des députés voulant la censure. Les autres pouvaient vaquer à d'autres occupations.

    Pour qu'une motion de censure soit adoptée, il faut une majorité d'au moins 289 députés (sur le 576 actuellement en exercice, il manque le député de Boulogne-Billancourt qui est en train d'être élu les 2 et 9 février 2025).


    Les résultats de la première motion de censure (celle contre le PLF2025) ont été annoncés par la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet à 18 heures 09 : seulement 128 députés ont voté pour cette motion de censure, elle a donc été rejetée et le projet de loi de finances pour 2025 est donc réputé comme définitivement adopté.

     

     
     


    L'analyse de ce scrutin (n°693) a montré que les 128 censeurs étaient composés de 70 députés FI (sur 71), 37 députés EELV (sur 38), 15 députés PCF (sur 17)... et 6 députés socialistes (sur 66). Cela signifie que 10% des députés socialistes ont refusé de suivre la consigne de ne pas voter la censure, c'est moins que le 16 janvier 2025 (ils étaient 8 au scrutin n°526), mais parmi ces 6, 2 n'avaient pas voté la censure le 16 janvier 2025, cela veut dire qu'au moins 10 députés socialistes sont susceptibles de voter la censure malgré une consigne de non-censure.

    À cette annonce, si son voisin, le Ministre chargé des Relations avec le Parlement Patrick Mignola esquissait un franc sourire, François Bayrou lui-même restait impassible. Pas question d'être arrogant. Il a surtout encaissé cette nouvelle avec un peu d'émotion, comme le résultat de ses deux mois d'efforts et de concertations pour permettre l'adoption d'un budget (qui n'est parfait pour aucun groupe de l'Assemblée en raison des concessions). Il s'est juste dit qu'il avait trouvé un chemin.

    L'exercice s'est poursuivi avec un nouveau débat pour la motion de censure contre le PLFSS2025. C'était l'occasion pour François Bayrou, en concluant ce débat, de rappeler une nécessité : « Tout le monde voit bien, a souligné, à plusieurs reprises, majorité comme opposition, la certitude que nous ne pouvons plus nous contenter d'un examen annuel de notre budget [de la sécurité sociale] et qu'une pluriannualité, avec des orientations et avec des tendances dégagées qui seront autant d'engagements, que cette méthode pluriannuelle sera plus riche que la méthode habituelle dans laquelle nous sommes, d'une certaine manière, quelque peu enfermés. (…) C'est aussi un travail de refondation qui est nécessaire devant le projet de loi de financement de la sécurité sociale. ».
     

     
     


    Et de remercier les députés pour le travail accompli pour ce PLFSS : « Le choix de responsabilité est aussi un choix de solidarité à l'égard des plus fragiles de nos concitoyens car c'est eux qui auraient été évidemment victimes si nous n'avions pas eu d'adoption de ce budget. C'est pour le gouvernement une manière de remercier l'Assemblée Nationale de son engagement et de son travail. ».

    Là encore, les résultats, annoncés ce mercredi 5 février 2025 à 20 heures 16, ont abouti au rejet de cette motion de censure, car seulement 122 députés l'ont votée, soit encore moins que la censure contre le PLF2025.
     

     
     


    L'analyse du scrutin (n°694) a fait état du détail de ces 122 votes : 71 députés FI (sur 71), 36 députés EELV (sur 38) et 15 députes PCF (sur 17). Cette fois-ci, aucun député socialiste n'a voté la censure, la consigne du bureau national du PS a donc été respectée à 100% !

    Pour François Bayrou, c'est bien sûr un double succès (le PLFSS n'est pas encore terminé et il y aura encore des motions de censure dans les jours prochains), car sa méthode a fonctionné, celle de tenter un pont entre le gouvernement et le PS. Le plus gros succès politique, c'est d'avoir réussi à détacher le PS de la tyrannie parlementaire de Jean-Luc Mélenchon, gourou du chaos.

    Pour le parti socialiste aussi, c'est un succès. En effet, la décision douloureuse de ne pas censurer le gouvernement, pour être utile et efficace, devait être respectée par chaque député individuellement (je rappelle que le mandat d'un député n'est heureusement pas impératif, c'est la base même de la démocratie française, et donc, qu'il vote toujours en son âme et conscience quelles que soient les consignes éventuelles de son parti). À 10% près, la consigne a été respectée.

     

     
     


    François Bayrou paraissait assez sûr de lui sur cette non-censure, en ce sens que la démarche initiée dès décembre par le PS, c'est-à-dire de devenir responsable et de chercher à obtenir quelques avancées (selon le PS) tout en restant dans l'opposition, s'apparente à faire du saut en parachute (cette analogie vient de la journaliste Sylvie Pierre-Brossolette le 3 février 2025 sur LCI) : une fois qu'on a sauté, on ne peut plus revenir en arrière dans l'avion ! Le PS non plus ne peut revenir en arrière pour se remettre dans la nasse des insoumis car il perdrait tout : il est déjà qualifié de traître par les insoumis (mais c'est ordinaire, depuis plus d'un siècle, qu'un socialiste se fasse traiter de traître par un gauchiste) et s'il retournait en arrière, il serait critiqué par ses électeurs qui demandent un minimum d'esprit de responsabilité.

    Quant au RN, c'est aussi un semi-succès car sa consigne de non-censure a été suivie à 100%. Certes, le RN n'est plus au centre des enjeux dès lors que le PS l'a remplacé, mais en ne votant pas la censure, il s'est distingué des insoumis, d'autant plus qu'il ne pouvait pas reprocher à François Bayrou d'avoir franchi une ligne rouge budgétaire, et cela lui a permis de ne pas montrer l'inefficacité de son vote de censure. Il réserve cet acte grave à un autre moment dont il sera maître.

    Le Premier Ministre a pris la parole à l'issue de ce second vote pour engager la responsabilité du gouvernement, sur le fondement de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, sur la deuxième partie du PLFSS, la partie des recettes. Une motion de censure sera certainement déposée par les insoumis pour un examen à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine, sauf s'il commence à se lasser de déposer des motions de censures (le groupe insoumis en a déposé déjà cinq depuis les dernières élections !).
     

     
     


    La suite, c'est donc le véritable début du travail gouvernemental. En gros, François Bayrou est arrivé en deux mois à atteindre là où s'était arrêté le gouvernement Barnier en trois mois (ce qui est logique puisqu'il a repris ses travaux budgétaires). Il aura donc réussi à rattraper le retard budgétaire en seulement deux mois, ce qui est remarquable.

    Déjà la veille, 4 février 2025, François Bayrou avait répondu à l'ancien ministre Paul Christophe, président du groupe Horizons à l'Assemblée, à la séance des questions au gouvernement, en affirmant bien fort que l'achèvement des adoptions budgétaires ne constituait pas une fin mais un début ! Ainsi, il avait déclaré : « Vous avez raison de signaler que cette étape initiale qui s’achèvera, je l’espère, avec l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale, au terme d’une succession de motions de censure dont vous connaissez tous la mécanique, ne constitue que le début du travail que nous avons à accomplir. J’ai utilisé l’image peut-être exagérée de l’Himalaya, chaîne de montagnes de 2 000 kilomètres qui compte dix sommets de plus de 8 000 mètres. ».


    Et d'indiquer son action des prochaines semaines, en clair, préparer dès maintenant le budget 2026 : « Nous devons proposer une stratégie pour les très grands sujets qui vont de l’éducation nationale à la santé, je n’en dresserai pas la liste exhaustive, en passant par la réforme de l’État, par laquelle je commencerai. Dès le lendemain de l’adoption du budget, je demanderai à chacun des ministres et des départements ministériels de lancer l’analyse en profondeur qui partira non pas des moyens, comme on le fait habituellement, mais des missions de l’État. Ces missions sont-elles accomplies, bien accomplies ? La répartition des missions avec les collectivités locales est-elle bonne ? L’allocation des moyens est-elle juste et pertinente ? Ce travail en profondeur sur l’action de l’État est l’un des premiers que nous avons à conduire. Je vous rassure, ce ne sera pas le seul : tous les domaines que nous avons identifiés comme étant en difficulté dans notre pays seront examinés un par un dès le lendemain de l’adoption du budget. ».
     

     
     


    Lorsqu'il a pris la parole sur la motion de censure contre le PLF ce mercredi, François Bayrou a donné les mêmes indications : « Nous avons à reconstruire la conception même de notre action publique et de l'allocation des moyens qui sont dévolus à cette action publique. Mission par mission. (…) Si ce budget est adopté, alors nous allons, dès la semaine prochaine, repartir de chacun des départements ministériels, en analysant pour chacun d'entre eux si les missions qu'il doit conduire sont bien réalisés et si l'argent public qui leur est apporté est bien placé. C'est cela, l'action que nous allons entreprendre. C'est nécessaire, difficile, mais il n'y a pas de possibilité de continuer comme nous le faisons depuis des décennies avec une méthode extrêmement simple, comment faisons-nous le budget ? Nous prenons le budget de l'année précédente, nous y affectons plus ou moins un coefficient d'inflation... Tous ceux qui viennent à cette tribune disent : il faut baisser la dépense publique. Tous ceux qui viennent à cette tribune disent : vous mettez trop d'impôts, les foyers sont frappés, les entreprises sont frappées. Et en même temps, chacun exige qu'on dépense plus pour la préférence dans l'action qui est la sienne. Chacun se plaint de ce que l'augmentation du budget auquel il a été attaché est trop faible, et dans le même temps, qu'on n'ait pas fait le rééquilibrage que l'on attendait. L'un est contradictoire avec l'autre. (…) On ne peut pas reprendre la méthode éternelle qui consiste à repartir du budget précédent pour bâtir le budget suivant avec un coefficient d'augmentation des dépenses des impôts et des taxes. L'immense travail que nous avons à faire est un travail de reconstruction. (…) J'ai confiance que tout le monde peut participer à cet effort de reconstruction. (…) Le budget que nous allons adopter aujourd'hui, je le crois, est une étape, c'est même le début du début du commencement du travail que nous allons faire. Le gouvernement, naturellement, y participera. ».

    C'est clair que l'alpinisme du Pyrénéen n'est pas terminé : il y a d'autres sommets dans l'Himalaya, après les premiers pics budgétaires ! Et François Bayrou jouit de plus d'une quarantaine d'années d'entraînement. Le voici en pleine épreuve.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou, le début du commencement.
    La semaine de vérité et de responsabilité.
    Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou.
    François Bayrou et le sentiment de submersion.
    François Bayrou, la cohérence du pacificateur.
    Ce Bayrou, c'qu'il est Faure !
    François Bayrou sera-t-il censuré ?
    Les conclaves du cardinal Bayrou.
    Déclaration de politique générale du Premier Ministre François Bayrou le 14 janvier 2025 au Palais-Bourbon (vidéo et texte intégral).
    François Bayrou au jour J.
    Édouard Philippe et sa partition particulière contre l'indolence.
    François Bayrou et le Chemin.
    Vœux 2025 d'Emmanuel Macron : aux Français de trancher ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).
    François Bayrou au travail !
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    Composition du Gouvernement François Bayrou I nommé le 23 décembre 2024.
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    La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
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    Le tour de François Bayrou !
    La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
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    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
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    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250205-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-le-debut-du-259120

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/05/article-sr-20250205-bayrou.html


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  • La semaine de vérité et de responsabilité

    « Nous voici à l’heure de vérité. Nous voici même à la semaine de vérité et de responsabilité. Aucun pays ne peut vivre sans budget. La France le peut moins que tout autre. Pour la première fois depuis la fondation de la Ve République, depuis presque soixante-dix ans, notre pays est toujours sans budget au début du mois de février. L’image de la France, grande démocratie, pilier de l’Union Européenne, en est affectée, mais elle n’est pas la seule victime : l’action publique en pâtit également, puisqu’elle est incapable de faire face à ses obligations. » (François Bayrou, le 3 février 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Enfin les députés deviennent responsables et raisonnables ! Le Premier Ministre François Bayrou a utilisé ce lundi 3 février 2025 deux fois l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter le projet de loi de finances pour 2025 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

    Bien que cavalière, cette double utilisation était nécessaire dans la mesure où aucune majorité absolue n'existe à l'Assemblée Nationale. Ne pas utiliser ces outils constitutionnels auraient entraîné soit un nouveau rejet du budget par les députés, soit l'obligation, pour certains députés de l'opposition, de voter pour le budget ce qui, pour eux, aurait été difficile à justifier politiquement. L'idée de permettre une adoption sans vote sauf vote d'une motion de censure permet aux députés de l'opposition responsables de ne pas voter le budget tout en permettant à la France d'avoir un budget (et un gouvernement par la même occasion).

    Les mêmes causes font-elles les mêmes effets ? Le gouvernement de Michel Barnier avait chuté par l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, grâce à une collusion entre les députés de la nouvelle farce populaire (NFP) et du RN, une collusion RNFP !


     

     
     


    François Bayrou a expliqué pourquoi il fallait un budget : « La production est paralysée dans de nombreux domaines. Songez aux agriculteurs, au BTP, bâtiment et travaux publics, à l’investissement ! Songez aux presque 500 000 foyers auxquels des taux de fiscalité vont s’appliquer alors qu’ils étaient exonérés jusqu’à présent, et aux 18 millions de foyers fiscaux qui verront leur impôt augmenter ! Songez à tous ceux qui doivent construire ou acheter leur logement, qui verront les taux d’emprunt augmenter du fait de l’incertitude, sans même parler, nous y viendrons ensuite, du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Telle est la situation depuis la censure du gouvernement de Michel Barnier. C’est la réalité. ».

    Pourquoi François Bayrou a-t-il peu de chance de voir son gouvernement renversé à l'issue du débat des deux motions de censure déposées ce lundi 3 et discutées ce mercredi 5 février 2025 par Mathilde Panot, la présidente du groupe insoumis à l'Assemblée ? Les historiens se pencheront sur cet aspect de cet épisode politique et historique que nous vivons. Est-ce parce que certains députés de l'opposition ont enfin compris qu'une censure du gouvernement coûterait très cher à la France (celle du gouvernement Barnier au moins autour de 15 milliards d'euros) ? Est-ce que la méthode Bayrou est très différente de celle de Michel Barnier ? Un peu des deux.

    Malgré des débuts à Matignon un peu maladroits, François Bayrou a tout de suite su aller à l'essentiel : il n'y aurait pas de stabilité si les députés socialistes restaient arrimés au navire amiral mélenchoniste. Pour cela, il avait besoin d'une pièce maîtresse dont il s'est doté dès la formation de son gouvernement : Éric Lombard, le nouveau Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Éric Lombard, haut fonctionnaire réputé de gauche (il a été dans plusieurs cabinets ministériels à l'époque de la gauche au pouvoir) est un ami du premier secrétaire du PS Olivier Faure, cela aide un peu pour négocier le budget. On imagine ce qu'il en aurait été si Laurent Wauquiez avait eu sa place !


    La première grande différence avec Michel Barnier, c'était donc de chercher une non-censure plus du côté du PS que du RN. La seconde grande différence, c'était aussi d'avoir nommé des ministres qui sont des poids lourds politiques, et même si certains n'étaient pas connus (comme Éric Lombard), ils le sont devenus. En d'autres termes, le Premier Ministre laissent faire ses ministres dans tous les domaines, ce qui lui permet de se focaliser sur les points critiques.
     

     
     


    La méthode Bayrou, c'était de faire participer tous les groupes politiques à la discussion budgétaire, puis de trancher. Nous sommes à ce moment de décision : « Depuis l’entrée en fonction de ce gouvernement, le 23 décembre, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour sortir de cette impasse. Nous avons travaillé avec les ministres, que je remercie : Éric Lombard, Amélie de Montchalin et Catherine Vautrin, qui s’exprimera tout à l’heure. Nous avons travaillé avec toutes les forces politiques, toutes ont été invitées à Matignon et celles qui ont été reçues ont été entendues, avec tous ceux qui participent au gouvernement et le soutiennent, avec tous ceux qui ont accepté, bien que n’appartenant pas à la majorité, de s’inscrire dans le dialogue, c’est-à-dire dans une perspective positive, et qui ont pu proposer des améliorations. La bonne foi et la bonne volonté ont été au rendez-vous. Le texte qui vient de vous être présenté a trois auteurs, j’allais dire trois géniteurs : d’abord, le gouvernement de Michel Barnier, avant la censure du 4 décembre ; ensuite, le gouvernement que nous avons constitué depuis le 23 décembre ; enfin, les deux chambres du Parlement, lors de toutes les séances qui s’y sont tenues, en particulier celles de la commission mixte paritaire. Ce budget va libérer l’action de l’État et de ses opérateurs, jusqu’au montant de 662 milliards d’euros. Il va libérer l’action des collectivités locales jusqu’à 342 milliards. Quant au PLFSS que nous examinerons tout à l’heure, il prévoit un budget pouvant aller jusqu’à 800 milliards d’euros. Conformément aux orientations fixées par le gouvernement, le déficit a été limité à 5,4% du produit intérieur brut, en dépit de la correction apportée, transparence et loyauté obligent, au taux de croissance : l’hypothèse retenue pour cette dernière est de 0,9%, celle retenue pour le taux d’inflation de 1,4%. L’augmentation de la dépense publique a été contenue à 1,2%, soit un taux inférieur à l’inflation. Ce budget est-il parfait ? Non. Aucun d’entre nous ne le trouve parfait (…). J’ajouterai néanmoins, fort de mon antériorité, que je n’ai jamais connu de discussion budgétaire accouchant d’un budget reconnu comme parfait. Il s’agit de trouver un équilibre. Nous sommes désormais, tous ensemble, devant notre devoir. Si vous en décidez ainsi, puisque la décision est entre vos mains, à force de bonne volonté, de pas des uns vers les autres, d’efforts et de compréhension, la France disposera dans les dix jours d’un budget, de ses budgets, ce qui enverra un signal de responsabilité et de stabilité aux premiers concernés, à ceux qui s’inquiètent à juste titre, à nos concitoyens. C’est de cela que vous aurez à décider. C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur d’engager la responsabilité du gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2025, dans sa version résultant des travaux de la commission mixte paritaire, modifiée par des amendements techniques et de coordination. ».
     

     
     


    Le débat budgétaire a donc été interrompu par l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Est donc venu à l'ordre du jour le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS) qui avait fait chuter Michel Barnier en décembre. La Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin (à la tête d'un immense ministère) a pris la parole pour rappeler les priorités du gouvernement en matière de santé.

    Les voici : « Première priorité : l'hôpital. L'objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) connaîtra en 2025 une hausse de 3,4%, soit 9 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2024. (…) Deuxième priorité : développer les soins palliatifs. Lorsque j’avais défendu devant l’Assemblée Nationale, au premier semestre 2024, la stratégie nationale des soins palliatifs, j’avais pris l’engagement que leur budget soit abondé de 100 millions d’euros supplémentaires chaque année durant dix ans. Cet engagement sera tenu dès l’exercice 2025 et l’augmentation budgétaire correspondante servira au déploiement de la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Il s’agit de renforcer l’offre de soins palliatifs dans chaque territoire, au sein des établissements de santé et médico-sociaux comme à domicile, ainsi que de développer une filière de formation universitaire en soins palliatifs. Troisième priorité : repenser le système de santé depuis les territoires. C’est à l’échelle de leur bassin de vie que nos concitoyens attendent des réponses concrètes. Nous poursuivrons la stratégie consistant à aller vers les populations, en ciblant principalement les territoires ruraux à faible densité médicale, ou qui connaissent une forte proportion de patients touchés par une affection de longue durée (ALD) ou dépourvus de médecin traitant. Nous continuerons à lutter contre les déserts médicaux et à améliorer les soins non programmés, en consacrant davantage de moyens aux services d’accès aux soins. (…) Quatrième priorité : renforcer l’attractivité des métiers de la santé et améliorer les conditions de travail des professions médicales. Il s’agit notamment de financer la convention médicale qui a relevé, dès décembre 2024, le tarif de la consultation chez le médecin traitant à 30 euros. Certaines spécialités bénéficient également d’une revalorisation des consultations, comme la gynécologie. Nous devons investir davantage dans la prévention. Nous améliorerons le suivi médical de l’enfant grâce à l’évolution du calendrier des examens obligatoires et à la refonte du carnet de santé. (…) Le nouveau carnet de santé accordera une place centrale à la prévention. En outre, les examens bucco-dentaires seront désormais annuels entre 3 et 24 ans, dans le cadre de la politique "génération sans carie". Enfin, la santé mentale est érigée en grande cause nationale de l’année 2025 et près de 100 millions d’euros seront ainsi mobilisés cette année. (…) Le dispositif de prévention du suicide VigilanS sera étendu aux mineurs. (…) Les financements de la branche autonomie atteindront 43 milliards d’euros et permettront d’accélérer le déploiement des 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement pour les personnes en perte d’autonomie, tout en renforçant le soutien aux proches aidants et aux établissements médico-sociaux. Le soutien aux personnes en situation de handicap connaîtra en 2025, alors que nous célébrerons les vingt ans de la loi du 11 février 2005, des avancées concrètes, je pense en particulier à la prise en charge intégrale des fauteuils roulants.Les EHPAD bénéficieront d’un effort budgétaire significatif, incluant des investissements immobiliers supplémentaires pour moderniser les structures et améliorer les conditions d’accueil des résidents. Par ailleurs, 6 500 professionnels seront recrutés dès 2025 afin d’atteindre plus rapidement l’objectif de 50 000 postes supplémentaires d’ici à 2030. Il s’agit de garantir ainsi une meilleure prise en charge et un accompagnement renforcé. Le financement des EHPAD sera simplifié et sécurisé grâce à la fusion des sections "soins" et "dépendance", souvent réclamée sans jamais être réalisée. Le Sénat avait voté la création d’un fonds d’urgence doté de 100 millions d’euros. Face à la situation difficile des EHPAD, que le gouvernement et de nombreux députés reconnaissent, nous prévoyons de tripler la dotation de ce fonds, pour la porter à 300 millions d’euros. ».


    Un peu plus tard, François Bayrou a rappelé le caractère exceptionnel de notre modèle social : « Depuis la seconde Guerre mondiale et le Conseil national de la Résistance, il est fondé sur un pacte social unique au monde. Aucun pays n’a assuré les individus autant que le nôtre, depuis l’éducation des jeunes enfants jusqu’à la présence dans les dernières années de la vie, en passant par la santé, l’assurance contre le chômage, la retraite ou d’autres formes de solidarité. Aucun autre pays n’a choisi, comme le nôtre, le principe "Un pour tous, tous pour un". Tous ont fondé en grande partie ou en totalité leur pacte social sur la logique du "Chacun pour soi", que ce soit pour lui-même, pour sa famille, pour les siens : chacun assure l’éducation de ses enfants, son assurance sociale, sa retraite. La volonté de faire qu’aucun d’entre nous ne soit abandonné à un moment de sa vie se manifeste dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. ».

     

     
     


    Parmi les améliorations du PLFSS, François Bayrou en a énuméré quelques-unes : « Je ne retiendrai que deux ou trois d’entre elles. Premièrement, les budgets des hôpitaux ont bénéficié d’une augmentation de 3,8%, soit 4 milliards d’euros supplémentaires. Cela leur permettra, je l’espère, de retrouver un meilleur équilibre, d’engager des personnels, de mieux rémunérer les soignants et d’améliorer l’accueil aux urgences. Sur l’autonomie et la dépendance, nous prévoyons 6 500 personnels soignants en plus dans les EHPAD et 300 millions supplémentaires pour qu’ils puissent faire face à des difficultés financières parfois immenses. Avec l’ensemble du gouvernement, je reprends l’engagement de Michel Barnier de faire de la santé mentale la grande cause nationale pour l’année 2025. L’amélioration des retraites agricoles, attendue depuis si longtemps, mérite d’être mentionnée à cette tribune. Enfin, nous ouvrons une réflexion sur la nécessité de ne plus aborder des problèmes aussi lourds et aussi graves seulement de façon annuelle, lors de l’examen des textes budgétaires, mais aussi dans un cadre pluriannuel pour le faire de manière sérieuse et utile. ».

    Enfin, comme pour le PLF : « C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’engage la responsabilité du gouvernement sur l’article liminaire et la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 dans leur version adoptée par le Sénat et modifiée par les amendements déposés par le gouvernement et figurant en annexe du courrier que j’ai adressé à la Présidente de l’Assemblée Nationale. ».

    On sait bien qu'en politique, tout est posture, mais justement, pour un parti de gouvernement, la posture de responsabilité et de raison devrait l'emporter sur la posture du mauvais joueur. Les cérémonies des vœux sont passées aussi par là, où tous les députés ont entendu les doléances des citoyens qui en ont ras-le-bol que les responsables politiques prennent en otage le pays !
     

     
     


    Cela a été annoncé le lundi 3 février 2025, dans l'après-midi, après une réunion du bureau national du PS : les députés PS ne voteront pas la censure pour les deux textes budgétaires. Cette annonce a été confirmée et précisée à la suite d'une réunion du groupe socialiste à l'Assemblée : aucun député ne votera de censure. Cette précision était importante car la discipline des députés PS était assez laxiste : lors de la motion de censure du 16 janvier 2025, 8 députés PS sur les 66 du groupe avaient quand même voté la censure. Il suffirait de 21 députés socialistes pour renverser le gouvernement si le groupe RN la votait aussi.

    Pour permettre aux socialistes de garder la face, ils déposeront plus tard, après les débats budgétaires, une motion de censure pour s'indigner contre le mot "submersion", afin de râler comme il se doit (et de s'opposer). Rien n'empêcherait toutefois les députés RN de la voter, même si c'est pour des valeurs qu'ils rejetteraient.


     

     
     


    Mais parlons justement des députés RN : ils ont été incapables de se mettre d'accord ce lundi 3 février 2025, un déjeuner a même été organisé entre Marine Le Pen et Jordan Bardella. La décision a été reportée à la réunion du groupe RN mercredi 5 février 2025 à 15 heures, soit juste avant l'examen des deux motions de censure. Toutefois, Jordan Bardella a déclaré ce mardi 4 février 2025 dans la matinée que le RN souhaitait rester dans l'opposition mais qu'il fallait aussi de la stabilité et donc, a priori, le RN s'acheminerait lui aussi vers une non-censure.

     

     
     


    Ce serait alors assez cocasse que pour les textes budgétaires, seuls les insoumis, les communistes et les écologistes votent la censure. En refusant de négocier avec le RN pour privilégier le PS, François Bayrou obtiendrait mieux que Michel Barnier qui négociait pourtant avec le RN ! Je laisse au conditionnel car rien n'a été encore officiellement annoncé.

    Ce qui paraît probable, c'est que François Bayrou aura réussi sa première mission, doter la France d'un budget. Et c'est tout ce qu'on lui a demandé prioritairement. Emmanuel Macron lui en saura gré. Si, ensuite, François Bayrou pouvait commencer quelques grandes réformes de l'État, afin de réduire drastiquement les dépenses de l'État, alors, ce serait Byzance ! Mais nous n'y sommes pas encore.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La semaine de vérité et de responsabilité.
    Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou.
    François Bayrou et le sentiment de submersion.
    François Bayrou, la cohérence du pacificateur.
    Ce Bayrou, c'qu'il est Faure !
    François Bayrou sera-t-il censuré ?
    Les conclaves du cardinal Bayrou.
    Déclaration de politique générale du Premier Ministre François Bayrou le 14 janvier 2025 au Palais-Bourbon (vidéo et texte intégral).
    François Bayrou au jour J.
    Édouard Philippe et sa partition particulière contre l'indolence.
    François Bayrou et le Chemin.
    Vœux 2025 d'Emmanuel Macron : aux Français de trancher ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).
    François Bayrou au travail !
    Gouvernement Bayrou : un choc d'autorité ?
    Composition du Gouvernement François Bayrou I nommé le 23 décembre 2024.
    Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou.
    La méthode Bayrou réussira-t-elle ?
    Terre de désolation.
    La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
    François Bayrou, le papa Macron !
    Le tour de François Bayrou !
    La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
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    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
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    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250203-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-semaine-de-verite-et-de-259097

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  • Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou

    « J'appelle, pour ce qui me concerne, les socialistes et même l'ensemble des forces de gauche, à ne pas voter la censure. » (Lionel Jospin, le 1er février 2025 sur France 5).




     

     
     


    La première semaine de février 2025 va être cruciale tant pour le gouvernement de François Bayrou que pour la France, sa crédibilité internationale, sa solidité économique. La commission mixte paritaire des 30 et 31 janvier 2025 a abouti à un projet de loi de finances pour 2025 enfin finalisé, et la question reste son adoption par l'Assemblée Nationale.

    Depuis que le RN a perdu son influence en ayant provoqué le renversement du gouvernement Barnier, tous les projecteurs sont braqués sur les députés socialistes et leur position revêt une importance stratégique, tant pour la France que pour eux-mêmes. À cela s'est agrégé un caillou dans les rouages puisque le PS s'est faussement indigné, à l'instar d'une vierge effarouchée, de l'utilisation du mot "submersion" par le François Bayrou.

    Pourtant, ce qu'a dit le Premier Ministre n'était pas qu'il croyait à une submersion, mais que certains Français, de plus en plus nombreux, avaient le "sentiment d'une submersion", ce qui est très différent, et ce constat est factuel.

     

     
     


    Même Patrick Cohen l'a remarqué dans sa chronique politique du 29 janvier 2025 sur France Inter : « Bayrou refuse la loi immigration que lui réclame son ministre Retailleau. Il ferme à la porte à un référendum sur le sujet. Dit non à la remise en cause du droit du sol, sauf à Mayotte. Défend l’immigration de travail. Ne veut pas tailler dans l’Aide médicale d'État… C’est le paradoxe de la séquence : sur le fond, François Bayrou ne cède rien. Mais sur la forme, pour un mot, il reçoit les bravos des députés RN. Mais alors, pourquoi avoir évoqué ce "sentiment" ? Parce que c’est celui de nombreux Français. Et que Bayrou voulait montrer, maladroitement, qu’il les comprend, qu’il n’est pas déconnecté. ».

    La réaction surjouée des socialistes sur le mot "submersion" ne plaide pas leur faveur, d'autant plus qu'ils ont quand même continué à négocier avec le gouvernement sur le budget. Il faudrait que parmi eux, un homme d'État se lève et leur fasse une petite leçon de responsabilité et d'intérêt général.


    C'était le cas justement du peut-être dernier homme d'État de gauche, à savoir Lionel Jospin, ancien Premier Ministre de 1997 à 2002. Ce dernier était l'invité de l'émission "C l'hebdo" ce samedi 1er février 2025 sur France 5. C'était lui-même qui a pris l'initiative d'intervenir alors qu'il intervient généralement très rarement dans le débat politique.

     

     
     


    À 87 ans et demi, l'ancien double candidat à l'élection présidentielle a plaidé pour laisser vivre le gouvernement Bayrou, et même plus, il a considéré que le vote de la censure serait la preuve d'une grande irresponsabilité car la France a besoin de gouvernement et la censure ne se comprend que dans le cas où un autre gouvernement est possible, ce qui n'est pas le cas actuel puisqu'il n'est pas question d'un gouvernement RN-NFP.

    L'ancien Premier Ministre n'a d'ailleurs pas manqué de cynisme en expliquant qu'il fallait laisser réparer ceux qui avaient laissé filer le déficit : « La position la plus sage, au fond, c'est de laisser ce gouvernement, qui dispose d'une majorité étroite, issue du macronisme et qu'ont rejoint de nouveaux alliés du macronisme, si vous voulez, pour gouverner, y compris (…) pour faire face à la situation qu'ils ont créée. (…) Et je ne vois pas pourquoi la gauche se précipiterait pour faire face à une situation aussi difficile. ».


    Et Lionel Jospin a blâmé Boris Vallaud et ses amis choqués par la "submersion" de ne pas être vraiment responsables : « Je vais vous dire une chose, au-delà de toutes les arrière-pensées. On ne censure pas un gouvernement (…) pour un mot. ».
     

     
     


    Il a même rappelé la position anti-RN de François Bayrou : « Je n'y vois pas une main tendue au Rassemblement national parce que ce serait contradictoire avec la façon dont il a lui-même engagé son gouvernement, si vous voulez, de façon différente de celle de monsieur Barnier, qui a été lui aussi censuré. Le terme de sentiment de submersion est une façon pour lui de ne pas totalement le prendre à son compte, de considérer que ce sentiment existe dans le pays. Et donc, je dis qu'en tout état de cause, censurer, ne plus avoir de gouvernement demain, après la chute du gouvernement Barnier, engager la chute du gouvernement Bayrou, c'est courir le risque du désordre en France. C'est impossible d'avoir une France, en Europe, aujourd'hui, face au défi de Donald Trump, si vous voulez, qui n'a pas un gouvernement. Nous serions déconsidérés. ».

    On peut d'ailleurs rappeler que Lionel Jospin avait probalement échoué à l'élection présidentielle de 2002 en ne parlant que du « sentiment d'insécurité » sans croire un instant que l'insécurité était un problème pour les Français. Parler du sentiment de submersion est donc au contraire une manière de laisser croire qu'il n'y a pas submersion. Tout le contraire de l'interprétation des députés socialistes faussement indignés !


     

     
     


    Afin d'être entendu par ses anciens amis socialistes, Lionel Jospin a concédé que sur le fond, il était bien d'accord avec eux, mais qu'il fallait aussi prendre le principe de réalité. S'indigner pour s'indigner n'a aucun sens : « Je comprends la colère, je comprends l'indignation, et je partage le jugement porté sur l'utilisation de ce mot. Je dis simplement qu'on ne va pas corriger ça en n'ayant aucun gouvernement en France, dans les mois, voire dans les deux années qui viennent. ».

    Bref, il a conclu ce que tous les socialistes, du moins leurs électeurs potentiels, devraient conclure. À savoir, il faut qu'ils arrêtent ces enfantillages et qu'ils bossent enfin : « Que la gauche et les écologistes préparent l'alternance, qu'ils travaillent sur le fond, et on verra ensuite si les Français leur font confiance. ».

    Dans un sondage récent, 30% des sondés voudraient la censure du gouvernement actuel... alors que 44% seraient contre cette même censure (les autres sans opinion). Ce qui veut dire que les Français sont inquiets qu'il n'y ait plus de gouvernement ou pas de budget pour leur pays. Il y a un retournement de tendance ; la colère laisse place à l'inquiétude. Au cours des nombreuses cérémonies des vœux, les députés de toutes obédiences ont été pressés par les Français de ne plus censurer le gouvernement. Lionel Jospin fait ainsi partie de ces Français-là. Et parallèlement, peut-être en raison de cette polémique sur la "submersion", le Premier Ministre François Bayrou voit sa cote de popularité commencer à monter. Le vent tourne...


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    Sylvain Rakotoarison (01er février 2025)
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    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250201-jospin.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/lionel-jospin-appelle-le-ps-a-ne-259054

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/01/article-sr-20250201-jospin.html





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  • Didier Guillaume fauché par une "maladie fulgurante"

    « Ancien ministre, élu enraciné dans la Drôme, humaniste en République, son engagement pour les autres était comme lui, vibrant, chaleureux, entier. Je perds un ami. » (Emmanuel Macron, le 17 janvier 2025 sur Twitter).



     

     
     


    Une "maladie fulgurante survenue lors de son hospitalisation". Imaginez-vous hospitalisé un jour, gros pépin de santé, tout un programme de traitement, toute activité en cours ajournée... et sept jours plus tard, la disparition, sans crier gare. Le choc a donc été grand dans la classe politique (française et monégasque) d'apprendre avec stupeur la mort de l'ancien Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation Didier Guillaume le vendredi 17 janvier 2025 dans l'après-midi, au CHU de Nice à l'âge de 65 ans, donc d'une "maladie fulgurante" comme l'a communiqué la Principauté de Monaco.

    Pourquoi le prince s'en est-il mêlé ? Parce que depuis le 2 septembre 2024, Didier Guillaume était le Ministre d'État de la Principauté de Monaco, c'est-à-dire son chef du gouvernement. C'est un peu étrange d'imaginer un "étranger" à la tête du gouvernement princier, mais c'est assez fréquent qu'un haut fonctionnaire français ou un responsable politique français occupe cette fonction opérationnelle. En tant qu'ancien élu local, chef d'exécutif local (maire de Bourg-de-Péage puis président du conseil général de la Drôme), puis ancien ministre, Didier Guillaume avait toutes les qualités requises pour diriger administrativement le micro-État, d'autant plus que la fonction s'apparente plus à celle d'un chef d'entreprise qu'à un directeur d'administration centrale.

    La carrière politique française de Didier Guillaume était en effet celle d'un élu local qui avait réussi : maire de Bourg-de-Péage de juin 1995 à mars 2004, président du conseil général de la Drôme de mars 2004 à mars 2015, sénateur de la Drôme de 2008 à 2018, et il a réussi en ce sens qu'il s'est rendu indispensable à ses amis, d'abord du parti socialiste, ensuite de la formation macroniste (LREM), d'abord comme premier vice-président du Sénat de 2011 à 2014 et président du groupe socialiste au Sénat de 2014 à 2018 (pour remplacer François Rebsamen), puis comme directeur de campagne de Manuel Valls pendant la primaire socialiste de janvier 2017, enfin comme Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation du gouvernement dirigé par Édouard Philippe du 16 octobre 2018 au 6 juillet 2020. Après son éviction du gouvernement de Jean Castex, Didier Guillaume, qui aurait pu retourner au Palais du Luxembourg, a démissionné de son mandat de sénateur pour des raisons de santé (il était soigné pour un cancer).

    La nomination de Didier Guillaume comme Ministre d'État de Monaco, c'est-à-dire, chef du gouvernement monégasque, a été une surprise du chef annoncée en février 2024 pour une prise de fonction le 2 septembre 2024. C'est rare qu'un ancien membre du gouvernement français soit membre du gouvernement d'un autre pays. Manuel Valls aurait pu faire partie de ceux-là si son aventure politique à Barcelone n'avait pas tourné en eau de boudin (depuis un mois, il a retrouvé les palais ministériels parisiens).


     

     
     


    Didier Guillaume a été enterré ce jeudi 23 janvier 2025 à la cathédrale de Monaco en présence du prince Albert II de Monaco, mais aussi du Président de la République française Emmanuel Macron qui y a prononcé un court hommage : « Je ne sais dire à quoi tenait exactement cette impression d'authenticité, cette confiance que Didier Guillaume inspirait à ceux qui avaient la chance de le côtoyer. (…) Oui, il y avait en Didier Guillaume un alliage unique d'enracinement, de volonté, de générosité projetée vers des idéaux. (…) Quel que fût l'échelon, quelle que fût l'écharpe, c'était une même passion du service de ses concitoyens, un même parler franc, un même art de comprendre la réalité du terrain, de ceux qui y travaillent et de savoir les rejoindre. (…) Vous avez toujours vu vaste, Didier, toujours rêvé haut. Et le chagrin qui aujourd'hui étreint deux peuples est à la hauteur de ce que vous étiez : homme d'attachement, homme d'engagement, ami de fidélité, mari et père. ».
     

     
     


    C'est bien un choc qu'a ressenti la classe politique française. Son successeur à la tête de la présidence du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, « très ému », a fait partie des premiers choqués car il l'avait connu comme président du conseil général, lui du Nord et Didier Guillaume de la Drôme : « Nous avons défendu ensemble l’existence des départements, à une époque où le gouvernement de Manuel Valls envisageait leur fusion avec les régions. (…) Nos chemins politiques se sont séparés, mais pas nos chemins amicaux. ». Son collègue au gouvernement, comme lui, ancien socialiste devenu macroniste et voisin, en tant qu'ancien maire d'Annonay et ancien député de l'Ardèche, Olivier Dussopt, a été aussi sous le choc : « Je pleure un ami, un frère, qui m’a toujours accompagné et soutenu, (…) en politique comme dans la vie, dans les moments heureux comme difficiles. » (Instagram).

    Autre socialiste, l'idéologue Pierre Jouvet, l'actuel secrétaire général du PS, député européen et ancien maire de Saint-Vallier, dans la Drôme, a été très touché : « Je ressens une grande tristesse, les souvenirs remontent. Je l’ai tant aimé… C’était un ami de mon père. Il m’a tout appris, il m’a formé, il m’a fait confiance, il m’a accompagné, soutenu. J’ai grandi avec lui, il a été mon premier patron, j’ai travaillé avec lui huit ans. Il a compté pour moi au même titre qu’un membre de ma famille. C’était mon père politique, j’ai une très grande affection pour lui, beaucoup d’admiration. Il a été exceptionnel dans bien des domaines. Il croquait la vie à pleines dents. J’ai tellement de souvenirs… (…) C’était une force de travail incroyable. Charismatique. Il a été décisif sur tous mes choix, mes décisions. (…) Je l’avais au téléphone régulièrement. Il avait une profonde humanité, une vision politique. C’était un homme généreux et populaire. Il avait aussi son franc-parler. Il me faisait comprendre qu’on réussissait par la force du travail, l’exigence. Il ne laissait jamais rien au hasard. Il a eu la vie qu’il voulait avoir. Il aimait aussi faire la fête, retrouver ses amis. On a fait des fêtes mémorables. » ("Le Dauphiné libéré").

     

     
     


    Le Premier Ministre François Bayrou, qui a été président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, a salué Didier Guillaume : « Un homme solide et généreux. Un humaniste au plein sens du terme. ». Sa prédécesseure Élisabeth Borne également : « Il était, bien plus qu'un simple collègue, un ami avec de grandes qualités humaines. ». Actuellement ministre, François Rebsamen : « Didier Guillaume s'en est allé après une lutte courageuse contre un cancer. (…) Je garde en mémoire nos combats partagés au Sénat. ». Ancien Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer : « Il a été dans le gouvernement auquel j’appartenais un pilier d’une pensée républicaine et laïque sans faille. ».

    Dans d'autres rangées politiquement plus éloignées, Didier Guillaume avait su conquérir l'affection de ses collègues. Ainsi, l'actuel président du groupe LR au Sénat, Mathieu Darnaud, sénateur de l'Ardèche depuis septembre 2014, a appris la nouvelle « avec une profonde tristesse » : « Par-delà nos sensibilités, sa bienveillance et sa convivialité auront marqué chacune de nos rencontres, chacun de nos nombreux échanges, en Drôme, en Ardèche ou au Sénat. ». Ancien ministre et actuel maire LR de Valence, Nicolas Daragon était un jeune conseiller général d'opposition à l'époque de Didier Guillaume : « Nous ne partagions pas les mêmes opinions politiques, chacun défendant des idées parfois différentes, mais nous étions des amis suffisamment proches et nourris d’estime mutuelle pour prendre régulièrement de nos nouvelles et nous envoyer des messages pour les grands rendez-vous de la vie. Il nous arrivait souvent d’aller déjeuner chez Yves Jouanny, à Antraigues-sur-Volane en Ardèche, en amoureux du Rallye Monte Carlo que nous étions. Au milieu de nombreux souvenirs, je garderai de lui l’image d’un homme sincère, intelligent et chaleureux, dévoué à notre territoire et à ses habitants et aussi au service de la France. » ("Le Dauphiné libéré"). L'actuel présidente LR du conseil départemental de la Drôme, Marie-Pierre Mouton, s'est comptée parmi les « orphelins d’un homme de caractère, à la personnalité chaleureuse et attachante, dont le souvenir nous accompagnera longtemps ». Ancien ministre et ancien maire de Crest, Hervé Mariton a souligné « la grande courtoisie de Didier Guillaume » : « Il a été particulièrement aimable lors de mes soucis de santé en 2017 (…). Didier Guillaume avait cette capacité à converger avec des personnes aux sensibilités différentes. Ce qui n’est pas toujours facile. Il faut une ambiance et une manière de faire. Ce qui était le cas avec lui qui était humainement courtois et politiquement positif et utile. ».


    Albert II de Monaco aussi a exprimé son émotion : « Je suis profondément touché par la disparition d’un homme d’engagement et de cœur. ». Le gouvernement de Monaco : « Chacun gardera en mémoire le souvenir de son exceptionnelle capacité de travail, de sa passion pour la politique en faveur des femmes et des hommes, ainsi que de son esprit de rassemblement et de mobilisation. Au-delà de l’homme d’État au service du prince souverain, ses immenses qualités humaines lui ont permis de rapidement être apprécié à Monaco. [Il] a su apporter à la Principauté toute l’expérience qu’il avait acquise au long d’une prestigieuse carrière au sein de l’État français. ».

    Et même la Ligue nationale de rugby (LNR) : « Grand passionné de rugby, Didier Guillaume avait intégré le comité directeur et le bureau de la LNR en 2021 pour accompagner le rugby professionnel dans son développement, grâce à son expérience et à sa connaissance du rugby et des institutions. Il laisse un grand vide. ». Le Salon de l'agriculture que Didier Guillaume fréquentait assidûment (au point d'y faire figurer le département de la Drôme), le principal syndicat agricole, la FNSEA, et plein d'autres acteurs de la vie publique ont été sous le choc de cette disparition soudaine. Condoléances à la famille.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Didier Guillaume.
    L'homme du Prince.
    Anne-Marie Comparini.
    Thierry Beaudet.
    Gérald Darmanin.
    Yaël Braun-Pivet.
    Paul Midy.
    Manuel Valls.
    Jean-Pierre Chevènement.
    Valérie Hayer.
    Olivier Dussopt.
    Emmanuel Macron.

    Gabriel Attal.
    Rachida Dati.
    Amélie Oudéa-Castéra.
    Le gouvernement de Gabriel Attal.
    Élisabeth Borne.
    François Bayrou.
    Édouard Philippe.
    Éric Dupond-Moretti.
    Bruno Le Maire.
    Brigitte Macron.
    Gérard Collomb.
    François Léotard.
    Pap Ndiaye.
    Robert Badinter.
    Bruno Millienne.
    Jean-Louis Bourlanges.
    Claude Malhuret.
    Olivier Véran.
    Aurore Bergé.
    Pierre Moscovici.
    Rima Abdul-Malak.
    Vincent Lindon.
    Caroline Cayeux.
    Christophe Béchu.
    Agnès Pannier-Runacher.
    Sacha Houlié.
    François Braun.
    Jean-Yves Le Drian.




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250123-didier-guillaume.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/didier-guillaume-fauche-par-une-258732

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/25/article-sr-20250123-didier-guillaume.html
     


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  • Mort de Didier Guillaume ce vendredi 17 janvier 2025 à l'âge de 65 ans

    « Ancien ministre, élu enraciné dans la Drôme, humaniste en République, son engagement pour les autres était comme lui, vibrant, chaleureux, entier. Je perds un ami. » (Emmanuel Macron, le 17 janvier 2025 sur Twitter).


     

     
     


    Une "maladie fulgurante survenue lors de son hospitalisation". Imaginez-vous hospitalisé un jour, gros pépin de santé, tout un programme de traitement, toute activité en cours ajournée... et sept jours plus tard, la disparition, sans crier gare. Le choc a donc été grand dans la classe politique (française et monégasque) d'apprendre avec stupeur la mort de l'ancien Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation Didier Guillaume le vendredi 17 janvier 2025 dans l'après-midi, au CHU de Nice à l'âge de 65 ans, donc d'une "maladie fulgurante" comme l'a communiqué la Principauté de Monaco.

    Pourquoi le prince s'en est-il mêlé ? Parce que depuis le 2 septembre 2024, Didier Guillaume était le Ministre d'État de la Principauté de Monaco, c'est-à-dire son chef du gouvernement. C'est un peu étrange d'imaginer un "étranger" à la tête du gouvernement princier, mais c'est assez fréquent qu'un haut fonctionnaire français ou un responsable politique français occupe cette fonction opérationnelle. En tant qu'ancien élu local, chef d'exécutif local (maire de Bourg-de-Péage puis président du conseil général de la Drôme), puis ancien ministre, Didier Guillaume avait toutes les qualités requises pour diriger administrativement le micro-État, d'autant plus que la fonction s'apparente plus à celle d'un chef d'entreprise qu'à un directeur d'administration centrale.

    La carrière politique française de Didier Guillaume était en effet celle d'un élu local qui avait réussi : maire de Bourg-de-Péage de juin 1995 à mars 2004, président du conseil général de la Drôme de mars 2004 à mars 2015, sénateur de la Drôme de 2008 à 2018, et il a réussi en ce sens qu'il s'est rendu indispensable à ses amis, d'abord du parti socialiste, ensuite de la formation macroniste (LREM), d'abord comme premier vice-président du Sénat de 2011 à 2014 et président du groupe socialiste au Sénat de 2014 à 2018 (pour remplacer François Rebsamen), puis comme directeur de campagne de Manuel Valls pendant la primaire socialiste de janvier 2017, enfin comme Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation du gouvernement dirigé par Édouard Philippe du 16 octobre 2018 au 6 juillet 2020. Après son éviction du gouvernement de Jean Castex, Didier Guillaume, qui aurait pu retourner au Palais du Luxembourg, a démissionné de son mandat de sénateur pour des raisons de santé (il était soigné pour un cancer).

    La nomination de Didier Guillaume comme Ministre d'État de Monaco, c'est-à-dire, chef du gouvernement monégasque, a été une surprise du chef annoncée en février 2024 pour une prise de fonction le 2 septembre 2024. C'est rare qu'un ancien membre du gouvernement français soit membre du gouvernement d'un autre pays. Manuel Valls aurait pu faire partie de ceux-là si son aventure politique à Barcelone n'avait pas tourné en eau de boudin (depuis un mois, il a retrouvé les palais ministériels parisiens).

     

     
     


    Didier Guillaume a été enterré ce jeudi 23 janvier 2025 à la cathédrale de Monaco en présence du prince Albert II de Monaco, mais aussi du Président de la République française Emmanuel Macron qui y a prononcé un court hommage : « Je ne sais dire à quoi tenait exactement cette impression d'authenticité, cette confiance que Didier Guillaume inspirait à ceux qui avaient la chance de le côtoyer. (…) Oui, il y avait en Didier Guillaume un alliage unique d'enracinement, de volonté, de générosité projetée vers des idéaux. (…) Quel que fût l'échelon, quelle que fût l'écharpe, c'était une même passion du service de ses concitoyens, un même parler franc, un même art de comprendre la réalité du terrain, de ceux qui y travaillent et de savoir les rejoindre. (…) Vous avez toujours vu vaste, Didier, toujours rêvé haut. Et le chagrin qui aujourd'hui étreint deux peuples est à la hauteur de ce que vous étiez : homme d'attachement, homme d'engagement, ami de fidélité, mari et père. ».
     

     
     


    C'est bien un choc qu'a ressenti la classe politique française. Son successeur à la tête de la présidence du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, « très ému », a fait partie des premiers choqués car il l'avait connu comme président du conseil général, lui du Nord et Didier Guillaume de la Drôme : « Nous avons défendu ensemble l’existence des départements, à une époque où le gouvernement de Manuel Valls envisageait leur fusion avec les régions. (…) Nos chemins politiques se sont séparés, mais pas nos chemins amicaux. ». Son collègue au gouvernement, comme lui, ancien socialiste devenu macroniste et voisin, en tant qu'ancien maire d'Annonay et ancien député de l'Ardèche, Olivier Dussopt, a été aussi sous le choc : « Je pleure un ami, un frère, qui m’a toujours accompagné et soutenu, (…) en politique comme dans la vie, dans les moments heureux comme difficiles. » (Instagram).

    Autre socialiste, l'idéologue Pierre Jouvet, l'actuel secrétaire général du PS, député européen et ancien maire de Saint-Vallier, dans la Drôme, a été très touché : « Je ressens une grande tristesse, les souvenirs remontent. Je l’ai tant aimé… C’était un ami de mon père. Il m’a tout appris, il m’a formé, il m’a fait confiance, il m’a accompagné, soutenu. J’ai grandi avec lui, il a été mon premier patron, j’ai travaillé avec lui huit ans. Il a compté pour moi au même titre qu’un membre de ma famille. C’était mon père politique, j’ai une très grande affection pour lui, beaucoup d’admiration. Il a été exceptionnel dans bien des domaines. Il croquait la vie à pleines dents. J’ai tellement de souvenirs… (…) C’était une force de travail incroyable. Charismatique. Il a été décisif sur tous mes choix, mes décisions. (…) Je l’avais au téléphone régulièrement. Il avait une profonde humanité, une vision politique. C’était un homme généreux et populaire. Il avait aussi son franc-parler. Il me faisait comprendre qu’on réussissait par la force du travail, l’exigence. Il ne laissait jamais rien au hasard. Il a eu la vie qu’il voulait avoir. Il aimait aussi faire la fête, retrouver ses amis. On a fait des fêtes mémorables. » ("Le Dauphiné libéré").

     

     
     


    Le Premier Ministre François Bayrou, qui a été président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, a salué Didier Guillaume : « Un homme solide et généreux. Un humaniste au plein sens du terme. ». Sa prédécesseure Élisabeth Borne également : « Il était, bien plus qu'un simple collègue, un ami avec de grandes qualités humaines. ». Actuellement ministre, François Rebsamen : « Didier Guillaume s'en est allé après une lutte courageuse contre un cancer. (…) Je garde en mémoire nos combats partagés au Sénat. ». Ancien Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer : « Il a été dans le gouvernement auquel j’appartenais un pilier d’une pensée républicaine et laïque sans faille. ».

    Dans d'autres rangées politiquement plus éloignées, Didier Guillaume avait su conquérir l'affection de ses collègues. Ainsi, l'actuel président du groupe LR au Sénat, Mathieu Darnaud, sénateur de l'Ardèche depuis septembre 2014, a appris la nouvelle « avec une profonde tristesse » : « Par-delà nos sensibilités, sa bienveillance et sa convivialité auront marqué chacune de nos rencontres, chacun de nos nombreux échanges, en Drôme, en Ardèche ou au Sénat. ». Ancien ministre et actuel maire LR de Valence, Nicolas Daragon était un jeune conseiller général d'opposition à l'époque de Didier Guillaume : « Nous ne partagions pas les mêmes opinions politiques, chacun défendant des idées parfois différentes, mais nous étions des amis suffisamment proches et nourris d’estime mutuelle pour prendre régulièrement de nos nouvelles et nous envoyer des messages pour les grands rendez-vous de la vie. Il nous arrivait souvent d’aller déjeuner chez Yves Jouanny, à Antraigues-sur-Volane en Ardèche, en amoureux du Rallye Monte Carlo que nous étions. Au milieu de nombreux souvenirs, je garderai de lui l’image d’un homme sincère, intelligent et chaleureux, dévoué à notre territoire et à ses habitants et aussi au service de la France. » ("Le Dauphiné libéré"). L'actuel présidente LR du conseil départemental de la Drôme, Marie-Pierre Mouton, s'est comptée parmi les « orphelins d’un homme de caractère, à la personnalité chaleureuse et attachante, dont le souvenir nous accompagnera longtemps ». Ancien ministre et ancien maire de Crest, Hervé Mariton a souligné « la grande courtoisie de Didier Guillaume » : « Il a été particulièrement aimable lors de mes soucis de santé en 2017 (…). Didier Guillaume avait cette capacité à converger avec des personnes aux sensibilités différentes. Ce qui n’est pas toujours facile. Il faut une ambiance et une manière de faire. Ce qui était le cas avec lui qui était humainement courtois et politiquement positif et utile. ».


    Albert II de Monaco aussi a exprimé son émotion : « Je suis profondément touché par la disparition d’un homme d’engagement et de cœur. ». Le gouvernement de Monaco : « Chacun gardera en mémoire le souvenir de son exceptionnelle capacité de travail, de sa passion pour la politique en faveur des femmes et des hommes, ainsi que de son esprit de rassemblement et de mobilisation. Au-delà de l’homme d’État au service du prince souverain, ses immenses qualités humaines lui ont permis de rapidement être apprécié à Monaco. [Il] a su apporter à la Principauté toute l’expérience qu’il avait acquise au long d’une prestigieuse carrière au sein de l’État français. ».

    Et même la Ligue nationale de rugby (LNR) : « Grand passionné de rugby, Didier Guillaume avait intégré le comité directeur et le bureau de la LNR en 2021 pour accompagner le rugby professionnel dans son développement, grâce à son expérience et à sa connaissance du rugby et des institutions. Il laisse un grand vide. ». Le Salon de l'agriculture que Didier Guillaume fréquentait assidûment (au point d'y faire figurer le département de la Drôme), le principal syndicat agricole, la FNSEA, et plein d'autres acteurs de la vie publique ont été sous le choc de cette disparition soudaine. Condoléances à la famille.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Didier Guillaume.
    L'homme du Prince.
    Anne-Marie Comparini.
    Thierry Beaudet.
    Gérald Darmanin.
    Yaël Braun-Pivet.
    Paul Midy.
    Manuel Valls.
    Jean-Pierre Chevènement.
    Valérie Hayer.
    Olivier Dussopt.
    Emmanuel Macron.

    Gabriel Attal.
    Rachida Dati.
    Amélie Oudéa-Castéra.
    Le gouvernement de Gabriel Attal.
    Élisabeth Borne.
    François Bayrou.
    Édouard Philippe.
    Éric Dupond-Moretti.
    Bruno Le Maire.
    Brigitte Macron.
    Gérard Collomb.
    François Léotard.
    Pap Ndiaye.
    Robert Badinter.
    Bruno Millienne.
    Jean-Louis Bourlanges.
    Claude Malhuret.
    Olivier Véran.
    Aurore Bergé.
    Pierre Moscovici.
    Rima Abdul-Malak.
    Vincent Lindon.
    Caroline Cayeux.
    Christophe Béchu.
    Agnès Pannier-Runacher.
    Sacha Houlié.
    François Braun.
    Jean-Yves Le Drian.


     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250117-didier-guillaume.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/19/article-sr-20250117-didier-guillaume.html


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  • Claude Allègre, un mammouth dans un magasin de porcelaine

    « Étonnant et détonant personnage. Broussailleux et inventif, péremptoire et rigolard, aussi agaçant qu’attachant, réformateur que gaffeur, volontaire que volcanique. Assénant ses vérités jusqu’à la mauvaise foi, iconoclaste par principe, brutal par conviction. Rebelle, mais doté d’un solide appétit de pouvoir, toujours fonçant, fustigeant et ferraillant, toujours à l’étroit, dans les conventions comme dans son costume. » (Hervé Morin et Gérard Courtois, le 4 janvier 2025 dans "Le Monde").




     

     
     


    Le géochimiste Claude Allègre est mort à Paris ce samedi 4 janvier 2025 quelques semaines avant ses 88 ans (il est né le 31 mars 1937). Compagnon de route politique de Lionel Jospin, il est connu pour avoir été le Ministre de l'Éducation nationale de ce dernier et pour son franc-parler provoquant de multiples polémiques. Mais il ne faut pas négliger d'abord le chercheur, à la forte personnalité, qui a été élu membre de l'Académie des sciences en 1995, après avoir reçu (entre autres récompenses scientifiques) la Médaille d'or du CNRS en 1994, la plus haute distinction scientifique en France et sorte de pré-Nobel. En outre, il est l'auteur de trente-quatre livres sortis de 1973 à 2014, principalement des essais de vulgarisation scientifiques mais aussi de réflexions politiques voire des essais polémiques et idéologiques dont le principal est "L'Imposture climatique ou la fausse écologie" sorti en 2010 (chez Plon).

    Son allure faisait le bonheur des caricaturistes : silhouette ronde sur visage carré, les cheveux en brosse, petites lunettes surmontées d'épais sourcils et une bouche carnassière souriante assortie aux yeux riants, rendant vivant son propre patronyme. Son esprit polémique qui ne s'embarrassait pas de diplomatie ni de points de suspension faisait que tout le monde a, un jour ou l'autre, détesté celui qui a été pourtant une brillante lumière des sciences dures... dans son domaine ! Je l'ai croisé plusieurs fois au Salon du Livre de Paris dans les années 2010, il dédicaçait ses nombreux livres, une année avec une très nombreuse foule l'attendant comme le messie des climatosceptiques, l'année suivante il s'ennuyait seul derrière sa table désertée, le rush médiatique était passé et il retombait humblement dans l'anonymat.


    À l'instar du navigateur Alain Bombard, Claude Allègre a toujours navigué en parallèle dans cette double-vie du chercheur atypique et de l'engagé politique. Après avoir milité contre la guerre en Algérie au sein du PSA, il a adhéré au PS en 1973 et proche de Lionel Jospin qu'il a rencontré à la résidence universitaire d'Antony à la fin des années 1950 (les deux sont nés en 1937), il a présidé le groupe des experts du PS quand son ami (de tennis notamment) était premier secrétaire du PS. Par son amitié fidèle, il est devenu le conseiller spécial de Lionel Jospin lorsque ce dernier était Ministre de l'Éducation nationale entre mai 1988 et mars 1992, considéré comme le vice-ministre (il a lancé le plan Université 2000, voulait bouleverser le système des classes préparatoires, a initié les IUFM, a encouragé le revalorisation des carrières des enseignants, etc.). Élu député européen en juin 1989 sur la liste socialiste de Laurent Fabius (il a démissionné immédiatement), Claude Allègre s'est présenté aux élections régionales de mars 1992 pour conquérir la présidence du conseil régionale du Languedoc-Roussillon (sa famille est originaire de l'Hérault). Il a échoué et est resté conseiller régional jusqu'à son entrée au gouvernement.

     

     
     


    Car les circonstances furent favorables à son grand ami Lionel Jospin qui a gagné les élections législatives provoquées par une dissolution intempestive décidée par Jacques Chirac. Résultat, Lionel Jospin s'est installé à Matignon et n'a pas oublié Claude Allègre bombardé Ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie du 2 juin 1997 au 27 mars 2000. Pour ce fils d'institutrice et de prof de sciences naturelles, c'était une consécration qui allait bien au-delà de la simple reconnaissance scientifique.

    Mais il était certain que Claude Allègre n'était pas fait pour faire de la politique. Il était un scientifique dans la grande tradition de nombreux que j'ai eu l'occasion de rencontrer, électrons libres, opportunément anarchistes mais modérés en réalité, forts en gueule, fortes personnalités, brillants chercheurs par une passion désintéressée inlassablement renouvelée. Je reviens plus loin sur son action politique, mais il faut saluer le chercheur, et j'ai eu pour lui une certaine fascination tant l'homme est complexe et simpliste... en même temps !


    Docteur en sciences physiques en 1967 (sa thèse portait sur la "géochronologie des systèmes ouverts", base d'un travail au California Institute of Technology, aux États-Unis), Claude Allègre était d'une génération qui avait la facilité d'intégrer rapidement des organismes de recherche car on manquait de personnel (c'était l'âge d'or de la recherche française). Ainsi, rapidement, il a acquis des titres universitaires à un jeune âge : professeur des universités à Paris-Diderot (Université Paris-VII) à l'âge de 33 ans (chaire des sciences de la terre : il a dirigé 55 thèses de doctorat), il avait auparavant fondé le laboratoire de géochimie et cosmochimie. Son QG, c'était la tour 14 du campus de Jussieu.

    Avant l'âge de 40 ans, il est devenu le directeur de l'important Institut de physique du globe de Paris qu'il a dirigé d'une main de fer de 1976 à 1986, un directeur qui restera encore longtemps dans les mémoires. Pour exemple, à peine a-t-il pris ses fonctions qu'il était en conflit avec Haroun Tazieff sur un volcan en Guadeloupe, celui de la Soufrière. Claude Allègre ne connaissait rien à la volcanologie, mais Michel Feuillard qui était son collaborateur comme directeur de l'observatoire volcanologique de la Guadeloupe avait des raisons de craindre une éruption avec nuées ardentes du volcan, considérant que la présence de verre dans les rejets montraient l'arrivée prochaine du magma. Au contraire, se fiant à sa propre expérience sur le terrain, Haroun Tazieff considérait qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter car le risque était minime.

    Par précaution, le préfet de Guadeloupe a fait évacuer les 70 000 habitants de la région... et l'avenir a donné raison à Haroun Tazieff, la Guadeloupe fut sinistrée... économiquement par cette évacuation de la population. Claude Allègre, pour autant, a renvoyé Haroun Tazieff en tant que chef du service de volcanologie de l'Institut de physique du globe de Paris, décision qui a été annulée par la justice administrative. Cette polémique a montré toute la dimension polémique de Claude Allègre : prêt à s'enflammer pour la science, mais aussi prêt à s'enfoncer lorsqu'il avait tort. Du reste, les pouvoirs publics ont eu raison d'évacuer la population dès lors que des scientifiques n'étaient pas d'accord entre eux sur les risques encourus. Bien plus tard, paradoxalement, Claude Allègre critiqua l'intégration du principe de précaution dans la Constitution : « Le principe de précaution, c'est l'arme contre le progrès. », affirma-t-il dans un livre sorti en 2007.

    Mais là, c'était le directeur qui s'était exprimé. Le chercheur, lui, a eu beaucoup de résultats intéressants avec son équipe. Il était à proprement parler un géochimiste, étudiant les éléments sur les couches terrestres, innovant en proposant des méthodes de datation isotopique. Cela l'a conduit à être récompensé à de nombreuses reprises avec des prix prestigieux, en particulier le Prix Crafoord pour la géologie en 1986 (l'équivalent du Nobel pour la géologie) et, comme dit au début, la Médaille d'or du CNRS en 1994. Il a été élu membre de l'Académie des sciences en France (le 6 novembre 1995), mais aussi, dès 1985, de la US National Academy of Sciences (l'Académie des sciences aux États-Unis), également prestigieuse, d'autres académies étrangères, et aussi membre en 1992 (chaire de géologie physique et chimique) de l'Institut universitaire de France, sorte d'antichambre du Collège de France, réservé aux chercheurs prometteurs, qu'il avait lui-même contribué à créer en 1991 quand il était conseiller du ministre.
     

     
     


    Après sa première mission au Ministère de l'Éducation nationale (comme conseiller), Claude Allègre a hérité de la présidence du stratégique BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) de 1992 à 1997, qu'il a quittée pour devenir le Ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie pendant un peu moins de trois ans. Il supervisait une ministre déléguée chargée de l'Enseignement scolaire, une certaine... Ségolène Royal, qui tentait de récupérer politiquement les effets d'annonce de son ministère.

    Être ministre, c'est faire de la politique, et faire de la politique, c'est laisser ses idéaux et regarder comment faire le souhaitable le mieux possible. Indépendamment de l'erreur de casting en raison de la personnalité de Claude Allègre, c'était aussi une erreur de mettre un mandarin (un grand universitaire) pour s'occuper de la scolarité du primaire et du secondaire, ce ne sont pas du tout les mêmes enjeux, les savoirs s'effacent devant la pédagogie.


    C'est d'ailleurs un désaccord que je peux avoir avec François Bayrou (le prédécesseur direct de Claude Allègre) qui, lui, a toujours été partisan de ce grand ministère qui rassemble l'Éducation nationale (c'est-à-dire le monde scolaire et le monde enseignant) avec le monde de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, qui est pourtant très différent et qui devrait être plutôt collé, sinon associé, à l'économie (comme cela avait été le cas entre 2017 et 2024).

    Cela n'a pas manqué, dès le 24 juin 1997, trois semaines après sa nomination alors que celle-ci était perçue plutôt positivement par le monde enseignant, Claude Allègre a prononcé la phrase qui l'a définitivement déchu de toute crédibilité auprès des enseignants : « Il faut dégraisser le mammouth ! ». C'était la phrase qu'a rapportée "Le Monde" d'un dîner privé de la veille. Claude Allègre, qui n'a pas pu rétropédaler, évoquait l'administration centrale de son ministère qu'il fallait réformer, mais de toute façon, en pointant du doigt en septembre 1997 le supposé trop grand absentéisme des profs, il n'avait en face de lui que des opposants. Il aurait démissionné au bout de ces quelques jours s'il n'avait pas été un grand ami du Premier Ministre. Au lieu de quoi, après des grèves très longues des enseignants, il a fini par partir le 27 mars 2000, sur demande express de son ami, remplacé par l'indéboulonnable Jack Lang (encore, actuellement, malgré ses 85 ans, président de l'Institut du monde arabe !) pour l'Éducation nationale, et Roger-Gérard Schwartzenberg pour la Recherche.

     

     
     


    Entre-temps, Claude Allègre avait multiplié les déclarations polémiques. Le 30 août 1997 à La Rochelle : « Les Français doivent cesser de considérer l'anglais comme une langue étrangère. ». Le 21 février 1999 sur TF1 : « Vous prenez un élève, vous lui demandez une chose simple en physique : vous prenez une boule de pétanque et une balle de tennis, vous les lâchez, laquelle arrive la première ? L'élève, il va vous dire la boule de pétanque. Eh bien non, elles arrivent ensemble, et c'est un problème fondamental, on a mis 2 000 ans pour le comprendre. Ça, c'est des bases, tout le monde doit savoir ça. ». En fait, ce n'est exact que si c'est dans le vide, sans tenir compte de la résistance de l'air. Le 29 novembre 1999 dans "France-Soir" : « Les maths sont en train de se dévaluer de manière quasi inéluctable. Désormais, il y a des machines pour faire les calculs. ». Pas étonnant que peu d'enseignants aient voté pour Lionel Jospin en 2002 !

    Pour les universités et la recherche, en revanche, Claude Allègre a fait beaucoup, en particulier en amorçant la réforme de la restructuration des cycles universitaires pour harmoniser le système français avec l'Europe et permettre des équivalences (processus de Bologne initié le 25 mai 1998 à la Sorbonne à l'occasion de son 800e anniversaire, à la suite de la Convention de Lisbonne du 11 avril 1997) : licence, master, doctorat, alors qu'auparavant, le premier cycle était de deux ans (DEUG, DUT, classes préparatoires, etc.). Par ailleurs, il a fait adopter par le Parlement une importante loi, dite loi Allègre, la loi n°99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, permettant la coopération entre la recherche publique et les entreprises privées, la possibilité donnée aux chercheurs de créer des start-up et de déposer des brevets.

    Ses idées de rendre l'école plus accessible au monde réel des entreprises étaient excellentes, en décloisonnant la société, mais c'était une véritable révolution culturelle qui ne pouvait pas se faire avec un ministre aussi maladroit et polémique. C'était un projet politique de grande envergure, qui devait être porté par le Premier Ministre et toute une majorité parlementaire, et pas par la lubie d'un seul homme détesté de tous, et finalement, on y vient petit à petit, comme le stage de Troisième pour avoir au moins une expérience de quelques semaines dans une entreprise.


    En 2007, après avoir échoué à pousser vers une nouvelle candidature de Lionel Jospin, Claude Allègre s'est opposé à celle de Ségolène Royal qualifiée de « Madame Michu, égotique et incompétente ». Mais les concurrents socialistes de la candidate socialiste avaient aussi des tares pour l'ancien ministre qui a répandu son venin dans un autre livre sorti aussi en 2007. François Hollande était un « mou », Laurent Fabius un « grand bourgeois médiocre ».

     

     
     


    Il n'a franchi le pas qu'en 2008, après trente-cinq ans d'adhésion au PS, en affichant sa sympathie envers le Président Nicolas Sarkozy qu'il a soutenu en 2012. En 2009 et 2010, il était même question d'un retour de Claude Allègre au gouvernement, mais il n'a pas eu lieu. En mai 2009, Claude Allègre annonçait son soutien à Michel Barnier, tête de liste aux européennes à Paris pour l'UMP : « Je vais voter pour Michel Barnier, sans aucune hésitation, je n’ai pas d’état d’âme. D’abord j’aime bien Barnier, ensuite je pense que Sarkozy est la seule personne qui a fait bouger la Commission Européenne et la Présidence française de l’UE a été formidable. J’espère qu’il va continuer à la faire bouger (…). J’ai refusé d’entrer au gouvernement au début, mais j’ai beaucoup admiré la Présidence française de Nicolas Sarkozy. Je suis très admiratif : le fait qu’on a fait un plan de relance commun, le fait qu’on a secoué la Commission, c’est une performance. ».

    Un infarctus le 17 janvier 2013 à Santiago du Chili l'a fragilisé, mais ne l'a pas empêché de poursuivre son activité éditoriale et intellectuelle, au ralenti, notamment pour fustiger ceux qui évoquaient l'origine anthropique du prétendu réchauffement climatique.


    Beaucoup de scientifiques ont, depuis plusieurs décennies, rejeté catégoriquement les déclarations à l'emporte-pièce de Claude Allègre qui utilisait son statut de chercheur réputé pour parfois dire n'importe quoi sur le plan scientifique dans des disciplines qui lui étaient étrangères. Parmi ses opposants, un très honorable scientifique, le polytechnicien Édouard Brézin, président du CNRS de 1992 à 2000 et président de l'Académie des sciences de 2005 à 2007.

    À l'occasion d'une soirée au Théâtre de l'Est parisien le 15 juin 2010 de soutien à "Politis" attaqué en justice par Claude Allègre pour diffamation, le message suivant d'Édouard Brézin a été lu : « La science est engagée dans un processus collectif où, si la confrontation des idées est indispensable, seule l'honnêteté intellectuelle permet en définitive de corriger les erreurs temporaires inévitables. Le choix des données, leur analyse, les modes de publication, appartiennent à l'exigence d'intégrité des professions scientifiques. Lorsque des scientifiques reconnus pour leurs contributions à un domaine où ils ont fait preuve de leurs capacités, se servent de leur prestige pour asseoir sur leur autorité des assertions non justifiées dans des domaines qui leur sont étrangers, lorsque l'insulte, le mépris, l'intimidation, viennent au secours des erreurs d'analyse, les scientifiques ne sont pas dupes, la science n'est en rien affectée. En revanche la perception par la société de la science et de ce que l'on peut en attendre, est complètement piétinée par cette attitude. Les déclarations de C. Allègre sur les mathématiques ou la relativité générale ont eu pour simple effet de ridiculiser leur auteur aux yeux de la communauté scientifique. Mais lorsque le pouvoir politique, hélas de tous les bords, lui donne les moyens d'agir ; lorsque la négation a priori de l'effet anthropique sur le climat renforce le pouvoir de nuisance de ceux qui protègent leurs intérêts et ne souhaitent que prolonger leur "business as usual", ce n'est pas la science qui est en danger, mais tout notre avenir. ».

    J'ai reproduit la totalité de son message, dirigé contre les propos de Claude Allègre (sur la polémique ancienne du volcan de la Soufrière), mais qui pourrait aussi s'appliquer au réchauffement climatique et bien sûr à l'encontre de tous ces médecins autoproclamés depuis 2020 avec la pandémie de covid-19. Les imposteurs ont toujours existé, et de grands scientifiques se sont parfois fourvoyés, par idéologie, militantisme ou simplement excès d'ego, dans des propos qui n'ont jamais été validés par les scientifiques. Comme l'écrivait Édouard Brézin, ces gens-là ne trompent jamais les scientifiques (capables de relever les fausses affirmations) mais trompent la société, les médias, le peuple.

    Dans un article publié le 8 juin 2021 dans "Charlie Hebdo", Fabrice Nicolino a dénoncé la figure tutélaire de Claude Allègre : « Imaginez un peu. Toutes les radios, toutes les télés, la plupart des journaux ont donné la parole à Allègre et ses affidés, feignant de croire que cela équivalait au point de vue documenté des milliers de chercheurs rassemblés dans le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Allègre n’était nullement spécialiste des complexes questions climatiques, mais qu’importait aux marchands de soupe  ! ».

    Le combat politique de Claude Allègre a évolué plus ou moins franchement en combat total contre les écologistes de toute obédience, n'épargnant ni Nicolas Hulot ni José Bové. Le 27 décembre 2012, il disait clairement, définitif : « Les écologistes (…) sont des cons ! Voilà, vous pouvez le dire et l’écrire. Ce sont des obscurantistes, des réactionnaires. Ils sont opposés à notre société et sont la cause du chômage en France ! ».

    En juin 2010, Claude Allègre a créé sa fondation Écologie d'avenir, qui n'a pas vraiment fonctionné. Son objectif était de mettre en relation monde de la recherche et monde des entreprises : « Je veux montrer qu’il est possible de trouver des solutions aux problèmes écologiques grâce à la technologie. Contrairement aux autres fondations écologistes, je ne me sens pas du tout en opposition avec le monde de l’entreprise. J’aimerais que ma fondation soit une force de proposition pour les entreprises partenaires. Je ne veux pas opposer l’écologie et l’économie. Je souhaite, au contraire, faire rentrer l’écologie dans l’économie parce que les entreprises sont créatrices de richesse et, à ce titre, elles sont des actrices de la "croissance verte". Mais il ne suffit pas de soutenir cette idée pour créer des emplois et de la croissance ! ».


    L'explication officielle de la création de cette fondation étaient en effet : « À une époque où l’écologie est trop souvent synonyme de vision catastrophiste et perçue comme un frein à la croissance économique, voire une incitation à la décroissance, il nous a semblé important de créer un lieu de réflexion, de débat et d’innovation fondé sur la science, le savoir et la confiance dans le progrès, ouvert aux acteurs de la recherche académique et du monde de l’entreprise. Tout en développant une écologie de progrès et de croissance, notre démarche vise à éclairer les citoyens sur les enjeux et les perspectives qui se profilent pour l’homme et la société. Parce que je crois en la capacité de l’homme à s’adapter, à innover en s’appuyant sur la science et le développement technologique. ».

    Comme je l'ai expliqué plus haut, son livre le plus polémique, sorti le 3 avril 2010, a été "L'Imposture climatique ou la fausse écologie" (éd. Plon), qui a eu un grand succès commercial (150 000 exemplaires vendus). Des personnalités comme le géophysicien Vincent Courtillot, président de l'Institut de physique du globe de Paris de 1996 à 1999 et de 20024 à 2011, et le sociologue Luc Ferry (dont la science dure n'est pas son domaine) ont soutenu les thèses de Claude Allègre qui pêchaient par beaucoup d'inexactitudes et de biais, plus certains éléments visant à tromper ses lecteurs, comme l'a confié (par exemple) le paléoclimatologue suédois Hakan Grudd qui a retrouvé, ulcéré, dans le livre de Claude Allègre, une de ses courbes de température publiée... mais falsifiée, sans précision du lieu, ce qui signifie une température globale, or il s'agissait de la température locale d'un lieu donné non représentatif de la planète.

    Un article de la journaliste Vanessa Schneider, joliment intitulé "Retour sur un flagrant déni" et publié le 21 décembre 2018 dans "Le Monde", est revenu sur ce livre polémique de 2010 : « Et le scientifique de s’interroger avec la subtilité d’un pachyderme dans un champ de pivoines : "Est-il plus urgent de se préoccuper de la faim dans le monde (…) ou du chômage (…) ou faut-il se réunir à Copenhague avec 120 chefs d’État pour se préoccuper du climat dans un siècle et dépenser pour cela un demi-milliard d’euros ?". Énoncée ainsi, la messe semble dite et peu importe que Claude Allègre ne soit pas climatologue, il est géologue, et que la quasi-totalité des spécialistes du sujet contestent ses thèses. (…) Pendant plus de dix ans, l’impétueux a régné presque seul sur le débat. Une incroyable croisade climatosceptique, relayée à coups de tribunes tonitruantes dans la presse, qui ne fut pas sans conséquences sur la prise de conscience tardive de l’opinion publique et des politiques. ».


    La journaliste a cité notamment deux chercheurs. Valérie Masson-Delmotte, chercheuse au CEA, a qualifié les thèses de Claude Allègre sur le climat : « Des propos de café du commerce sous un vernis scientifique (…). [Il] vient des sciences de la terre, et il y avait de sa part une méconnaissance totale des sciences du climat. Il n’a pas fait l’effort de s’y ouvrir, au contraire, il nous a méprisés. Et ça a nourri des rivalités entre scientifiques. (…) C’était un homme de pouvoir qui avait la possibilité d’appeler directement les directeurs de journaux, aucun autre scientifique ne peut faire ça. (…) Avec les politiques, il se présentait comme scientifique. Avec les scientifiques, il se posait en politique. (…) Un bonimenteur à la Bernard Tapie. Il avait cette capacité à parler à tout le monde et pas seulement à une élite avec une grande liberté de ton. C’est tragique qu’il ait utilisé ce don contre la science en parlant de sujets qu’il ne connaissait pas. ». Éric Guilyardi, directeur de recherches au CNRS, a parlé de la confusion entretenue par Claude Allègre : « Pour les gens, le globe, c’est le climat, il était donc considéré comme un expert, il a joué sur la confusion pour paraître légitime sur cette question. ». Par ailleurs, Claude Allègre, ancien ministre, restait encore un moment ministrable, ce qui faisaient réfléchir et hésiter beaucoup de ses contradicteurs scientifiques dans leur riposte intellectuelle, s'ils ne voulaient pas, plus tard, perdre certains budgets.

    En fait, c'était dès septembre 2006 que Claude Allègre, dans ses chroniques hebdomadaires publiées dans "L'Express", a estimé qu'il n'y avait pas de réchauffement climatique et que les changements climatiques n'étaient pas issus de l'activité humaine, ce qui a ouvert une controverse de près d'une vingtaine d'années qui ne s'est véritablement refermée qu'à ce jour de deuil. Christophe Barbier, alors numéro deux de l'hebdomadaire, en était très gêné : « Il était à l’opposé de la ligne du journal édictée par Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui était environnementaliste. Les journalistes ne supportaient plus ses chroniques, les abonnés s’arrachaient les cheveux, il nous posait problème. (…) Ses conférences faisaient salle comble, ses livres se vendaient très bien. Il aimait être applaudi, surtout par les femmes, il a été pris au piège de son narcissisme. (…) Le succès d’Allègre est né d’une rencontre avec une sociologie qui ne voulait pas changer ses habitudes et prenait les écolos pour des emmerdeurs. ». Pour simplifier, on pourrait résumer ainsi : Claude Allègre était au réchauffement climatique ce que Didier Raoult est au covid-19 et Éric Zemmour à l'histoire de France, d'érudits imposteurs !

    Hervé Morin et Gérard Courtois, pour "Le Monde", ont commencé ainsi, samedi, leur nécrologie : « Combien de fois a-t-on décroché le téléphone pour l’entendre grogner, sans préambule, de cette voix qui boxait les mots et précipitait la syntaxe : "Vous n’avez rien compris ! ". Suivaient une engueulade, un plaidoyer, un cours magistral, ou les trois à la fois. Claude Allègre n’appellera plus. Il est mort samedi 4 janvier, a annoncé son fils à l’Agence France-Presse. ». C'est peu dire que Claude Allègre n'a pas laissé les journalistes indifférents. Ni les scientifiques, ni les responsables politiques.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Claude Allègre.
    Benoît Mandelbrot.
    Publication : Tan, Lei. "Similarity between the Mandelbrot set and Julia sets". Comm. Math. Phys. 134 (1990), no 3, 587-617.
    Fractales explosives.
    Hubert Curien.
    Alain Bombard.
    Hubert Reeves.
    L'intelligence artificielle récompensée par les Nobel 2024 de Physique et de Chimie.
    Didier Raoult interdit d'exercer !
    2e rentrée scolaire contre les papillomavirus humains.
    Variole du singe (mpox) : "ils" nous refont le coup ?
    Covid : attention au flirt !
    Papillomavirus humains, cancers et prévention.
    Publications sur le papillomavirus, le cancer du col de l'utérus et l'effet de la vaccination anti-HPV (à télécharger).
    Émission "Le Téléphone Sonne" sur la vaccination contre les papillomavirus, sur France Inter le 3 mars 2023 (à télécharger).
    Le cancer sans tabou.
    Qu'est-ce qu'un AVC ?
    Lulu la Pilule.
    La victoire des impressionnistes.
    Science et beauté : des aurores boréales en France !
    Le Tunnel sous la Manche.
    Peter Higgs.
    Georges Charpak.
    Gustave Eiffel.
    Prix Nobel de Chimie 2023 : la boîte quantique ...et encore la France !
    Katalin Kariko et Drew Weissman Prix Nobel de Médecine 2023 : le vaccin à ARN messager récompensé !
    Covid : la contre-offensive du variant Eris.
    Poussières sur l'autre Reeves.
    Prix Nobel de Physique 2023 : les lasers ultrarapides, la physique attoseconde... et la France récompensée !
    John Wheeler.
    La Science, la Recherche et le Doute.
    L'espoir nouveau de guérir du sida...
    Louis Pasteur.
    Howard Carter.
    Alain Aspect.
    Svante Pääbo.
    Frank Drake.
    Roland Omnès.
    Marie Curie.



     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250104-claude-allegre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/claude-allegre-un-mammouth-dans-un-258493

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/04/article-sr-20250104-claude-allegre.html



     

  • Pierre Joxe, l'austère militant

    « Comme soldat, comme militant, comme parlementaire, comme ministre, comme juge constitutionnel, Pierre Joxe, que les observateurs de la politique connaissent pour sa raideur, sa droiture, sa dureté, son autorité un peu froide exprimée par un regard bleu sous une épaisse barre de sourcils touffus, avoue à la fin de sa vie politique un affreux doute. Ai-je bien agi, ai-je trop tordu mes convictions ? » (Patrick Cohen, le 5 février 2010 sur France Inter).




     

     
     


    L'ancien ministre socialiste Pierre Joxe fête ses 90 ans ce jeudi 28 novembre 2024. La réputation de Pierre Joxe est la même que celle qu'avait aussi Louis Mermaz, un homme de conviction, raide, brut (pas brute), un mitterrandiste parmi les plus fidèles, tellement doctrinaire qu'il a écrit un livre intitulé "Cas de conscience" où il s'est interrogé sur les couleuvres qu'il a dû avaler tout au cours de sa vie politique.

    Son physique a même aidé à le rendre raide, avec des sourcils épais propres à intimider, une silhouette plutôt grande à l'allure martiale. C'était un jeune combattant qui n'hésitait pas à hacher les adversaires. D'abord un technocrate, passé par l'ENA et dans la botte, à la Cour des Comptes, l'institution par excellence pour faire de la politique avec un salaire assuré même sans mandat électif (comme Jacques Chirac et François Hollande). Le monde politique, Pierre Joxe le connaissait bien sûr comme fils de son père, le ministre gaulliste Louis Joxe. C'est déjà un point d'ancrage : au contraire de la dynastie des Debré, Pierre Joxe n'a pas suivi son père, il était du côté des adversaires, de François Mitterrand qu'il a rencontré dès 1965 à sa première candidature présidentielle et l'engagement total au sein de la Convention des institutions républicaines, la CIR, petit club politique bien pratique pour faire de l'entrisme à gauche, puis au sein du PS avec la prise du congrès d'Épinay.

    Il n'était pas commode, Pierre Joxe, et si on avait dit qu'il aimait la musique, qu'il jouait du piano, et même, plus tard, du violoncelle, on aurait peut-être compris qu'il n'était pas qu'un homme de lutte mais aussi un homme de goût.


    Scout et protestant, comme Michel Rocard, professeur à l'IEP de Paris entre 1963 et 1973 (il a participé comme prof à mai 68), il était dirigeant du parti socialiste dès 1971 et chargé de recruter de nouveaux cadres. C'est lui qui a introduit Lionel Jospin, par exemple, et plus tard Jean-Marie Le Guen et Jean-Christophe Cambadélis. Pierre Joxe s'est fait élire député en mars 1973, à l'âge de 38 ans, début d'une carrière d'élu de Saône-et-Loire très intéressante : député de 1973 à 1993 (sauf lorsqu'il était au gouvernement), conseiller général de Saône-et-Loire en septembre 1973, adjoint au maire de Chalon-sur-Saône en mars 1977, député européen en novembre 1977, président du conseil régional de Bourgogne de 1979 à 1982, il s'est délocalisé à Paris, dans le douzième arrondissement, pour la conquête de Paris aux élections municipales de mars 1989 (contre Jacques Chirac), et a été élu conseiller régional d'Île-de-France en mars 1992 (jusqu'en mars 1993).

    Pierre Joxe fait ainsi partie des militants historiques du socialisme mitterrandien, à l'instar de Louis Mermaz, Pierre Mauroy, Jean-Pierre Chevènement, Gaston Defferre, Charles Hernu, Roland Dumas, et quelques autres, qui ont bataillé à chaque congrès, qui ont passé des nuits blanches à rédiger d'insipides synthèses que personne ne lisait... mais pour un objectif tout de même : le pouvoir !

     

     
     


    Après la victoire de François Mitterrand, Pierre Joxe a été bombardé Ministre de l'Industrie dans le bref premier gouvernement Mauroy, du 22 mai 1981 au 22 juin 1981. Il n'est pas resté au gouvernement afin de prendre la lourde responsabilité de la présidence du groupe PS à l'Assemblée Nationale, un groupe pléthorique, du 30 juin 1981 au 19 juillet 1984 (il a succédé à Gaston Defferre nommé au gouvernement). Ce poste était essentiel pour appliquer le programme socialiste et faire changer la vie, selon les prétentions de l'époque.

    Dans son livre "Cas de conscience", Pierre Joxe a expliqué que François Mitterrand voulait faire adopter en 1982 une loi réhabilitant les généraux putschistes d'Alger. Pierre Joxe était absolument opposé à cette mesure qui donnait un cadeau à l'extrême droite. Mais le Président ne lui a pas donné la possibilité de s'y opposer en utilisant l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Il ne pouvait pas déposer ni voter une motion de censure contre son camp. Cette loi a d'ailleurs fait une grosse polémique politique et rappelait les origines très "Algérie française" de François Mitterrand.

    Pierre Joxe a aussi été un combattant très actif lors de la bataille de l'école libre en 1984. Bataille qui a tourné au désastre à la fois électoral (aux élections européennes de juin 1984) et politique quelques jours plus tard, provoquant la démission du troisième gouvernement Mauroy.

    Une nouvelle étape est alors arrivée pour le premier septennat socialiste, après le départ des ministres communistes. François Mitterrand a nommé Pierre Joxe Ministre de l'Intérieur, succédant encore à Gaston Defferre, du 19 juillet 1984 au 20 mars 1986 dans le gouvernement de Laurent Fabius, puis, après une période d'opposition sous la cohabitation (où il a retrouvé la présidence du groupe PS à l'Assemblée du 27 mars 1986 au 14 mai 1988), il est revenu Place Beauvau du 12 mai 1988 au 29 janvier 1991 dans le gouvernement Rocard.

    Pierre Joxe a préempté le dossier corse alors que Michel Rocard voulait s'en charger à Matignon au même titre que la Nouvelle-Calédonie. Pierre Joxe a ainsi fait adopter le statut de collectivité territoriale de Corse en 1991. En 1985, il aurait été à l'origine des fuites qui ont nourri l'affaire du Rainbow Warrior pour mettre en difficulté un rival mitterrandien, son collègue de la Défense Charles Hernu, obligé de démissionner le 20 septembre 1985.

     

     
     


    Lors d'un des congrès les plus difficiles du PS, le congrès de Rennes en 1990, Pierre Joxe a soutenu la motion défendue par Louis Mermaz avec Jacques Delors et Charles Hernu pour éviter la guérilla urbaine entre les deux mitterrandistes Lionel Jospin et Laurent Fabius.

    Après la démission de Jean-Pierre Chevènement opposé à la guerre du Golfe, Pierre Joxe lui a succédé au Ministère de la Défense du 29 janvier 1991 au 9 mars 1993, dans les gouvernements de Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy qui l'a remplacé quelques jours car il a quitté le gouvernement avant sa démission effective.

    En effet, prévoyant un échec historique du PS aux élections législatives de mars 1993, Pierre Joxe a réussi à se trouver un plan de sauvetage des plus prestigieux, en devenant le Premier Président de la Cour des Comptes du 13 mars 1993 au 12 mars 2001. À l'instar d'autres politiques, sa présence à la tête de l'institution avait toutefois une justification professionnelle puisqu'il faisait déjà partie de la maison en tant que conseiller référendaire.


    Le voilà donc à l'abri des intempéries électorales. Pas tout à fait : après l'abandon de Jacques Delors, qu'il soutenait, pour l'élection présidentielle de 1995, Pierre Joxe a fait partie des possibles autres candidats socialistes, pour l'honneur, à cette élection perdue d'avance, au même titre que Robert Badinter, etc.

    Les honneurs de la République se sont poursuivis avec sa nomination au Conseil Constitutionnel, poste pourvu par le Président de l'Assemblée Raymond Forni. Pierre Joxe y a siégé de mars 2001 à mars 2010, et a tenté de faire évoluer les procédures du Conseil Constitutionnel, notamment pour inscrire, quand un avis n'est pas consensuel, une justification pour l'option minoritaire qui n'a pas été retenue, comme cela se passe dans les cours suprêmes de certains pays. Son père aussi avait siégé au Conseil Constitutionnel de novembre 1977 à mars 1989.

    Ayant retrouvé sa "liberté" en 2010, avec la possibilité de reprendre l'expression politique, Pierre Joxe a préféré s'inscrire comme avocat au barreau de Paris puis de Seine-Saint-Denis pour assister des mineurs impliqués dans des procédures judiciaires.

     

     
     


    Au-delà de la rédaction de quelques ouvrages (une quinzaine au total), Pierre Joxe a pris quelques positions politiques, notamment en soutenant le parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon en 2008 et en parrainant Arnaud Montebourg en 1997 dans son département de Saône-et-Loire. On a même dit qu'Arnaud Montebourg était un enfant caché de Pierre Joxe, ce qui a fait rigoler l'ancien ministre de l'économie : « Un jour, Pierre Joxe, qui n'est pas un rigolo, m'a convoqué dans son antre pour me dire avec cérémonial : je ne connais pas madame votre mère. ».

    Pierre Joxe a soutenu le non au référendum sur le TCE du 29 mai 2005. Il s'est opposé fermement au projet de déchéance de nationalité de François Hollande en décembre 2015 et a soutenu Jean-Luc Mélenchon en 2019 dans ses mésaventures judiciaires. Dans les années 2010, on le retrouvait cependant plus souvent dans des salons du livre que dans des meetings politiques.


    Le 18 décembre 2014 sur Mediapart, il s'est aussi opposé vivement à la loi Macron : « La gauche dans son programme n’a jamais envisagé des réformes du droit du travail du genre de celles qui sont aujourd’hui à l’ordre du jour (…). Aujourd’hui, on est à contre-emploi de notre histoire. Cette phase éberlue n’importe qui.». Il s'en était expliqué : « Aujourd’hui, on assiste à une déconstruction. Ce n’est pas une démolition, c’est un effritement. Il y a une accélération récente et je pense qu’on va en parler avec cette loi. Elle concerne souvent le droit du travail mais n’associe même pas le ministre du travail ! C’est une situation juridique étrange. Le droit du travail est un droit qui ne donne pas la priorité au contrat mais qui dit que la loi s’impose au contrat : c’est la loi qui protège car le contrat peut asservir, sauf justement s’il respecte la loi. Or nous assistons à un autre mouvement, un mouvement inverse qui veut rendre au contrat la place qui a justement été conquise par le droit du travail et les mobilisations sociales. ».

    Il a fait aussi l'analogie avec 1956 : «En 1956, on a voté Mendès France, on a eu Guy Mollet. ». Il aurait pu dire ainsi : "en 2012, on a voté Hollande et on a eu Valls" ! C'est ainsi qu'il faut comprendre son incompréhension en évoquant la primaire socialiste d'octobre 2011 : « Les conditions dans lesquelles fonctionne le gouvernement actuel sont surprenantes, puisque le PS avait choisi un candidat parmi trois. Il y en avait un seul qui avait eu un résultat très faible dans l’investiture primaire, c’était Manuel Valls avec 5%. Évidemment, deux ans après, quand il gouverne la France, beaucoup de gens sont surpris… ».

    Dans le contexte de MeToo, une écrivaine, Ariane Fornia, fille de l'ancien ministre Éric Besson, a accusé le 19 octobre 2017 Pierre Joxe de l'avoir agressée sexuellement en 2010. Non seulement ce dernier a vivement démenti les accusations mais a assigné son accusatrice en diffamation. Les deux affaires ont été jugées en 2022 sans vraiment départager qui avait tort ou raison puisque la diffamation n'a pas été retenue par la Cour de Cassation mais l'enquête sur les faits d'agression a été classée sans suite.

     

     
     


    En tant que mitterrandiste historique, Pierre Joxe a toujours défendu la mémoire de François Mitterrand et sa place (grande selon lui) dans l'histoire politique de la France. Il a rappelé d'ailleurs, le 11 juillet 2002 dans une Lettre de l'Institut François-Mitterrand, ses déconvenues sous la Quatrième République : « François Mitterrand, qui fut l'un des plus brillants parlementaires de la IVe République, ne fut jamais Président du Conseil mais, sans doute pour avoir été alors un parlementaire frustré, devint, sous la Ve, un Président comblé. Quatorze ans à l'Élysée ! Une demi-douzaine de Premiers Ministres ! Quelle revanche... Je ne chercherai pas ici à expliquer l'inexplicable. Pourquoi Mitterrand ne fut jamais appelé à Matignon où se succédèrent, entre 1946 et 1958, certes bien des médiocres, mais aussi presque tous les députés de valeur : Bidault, Ramadier, Mollet, Faure, Gaillard, Pflimlin, même Mendès France, si jalousé, d'autres encore, sauf Mitterrand. Beaucoup de ceux qui s'expriment aujourd'hui à son propos oublient ce paradoxe, dont je me suis souvent entretenu avec lui. Lorsque la IVe mourut, il entra dans une opposition absolue et presque hautaine envers le nouveau régime, issu d'un putsch. Peu d'opposants le furent autant que lui. Peu reçurent comme lui des offres d'accommodements, séduisantes pour certains, qui y cédèrent, mais dédaignées par lui, comme par Pierre Mendès France. Son intransigeance sembla le marginaliser, mais elle finit par faire de lui un symbole et le transforma soudainement en recours, en septembre 1965, quand Defferre eut renoncé à affronter De Gaulle pour la première élection présidentielle au suffrage direct. Alors que l'opposition de Mendès aux institutions lui faisait écarter l'idée même de cette élection, Mitterrand découvrit soudain que sa pugnacité de parlementaire, sous-employée dans le Parlement désarmé, pouvait faire merveille devant cette nouvelle opinion publique dilatée par les référendums gaullistes et transposée par l'élection présidentielle. ».

    Je trouve cependant que Pierre Joxe a refait l'histoire car la Cinquième République n'est pas venue d'un putsch. Au contraire, De Gaulle avait voulu reprendre le pouvoir selon les règles parlementaires et constitutionnelles et tout s'est passé selon ces règles. De plus, l'injustice d'un François Mitterrand jamais appelé à Matignon n'était pas mystérieuse ni anti-personnelle : il représentait un très petit groupe de députés, ceux de l'UDSR, indispensable pour constituer une majorité mais qui n'avait pas vocation à diriger le gouvernement. Si François Mitterrand avait fait la politique au sein du parti radical, au sein de la SFIO ou même au sein du MRP, il aurait probablement été Président du Conseil avant 1958.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Louis Joxe.
    Pierre Joxe.
    André Chandernagor.
    Philippe Séguin.
    Didier Migaud.
    Pierre Moscovici.

    La bataille de l'école libre en 1984.
    Bernard Kouchner.
    Hubert Curien.
    Alain Bombard.
    Danielle Mitterrand.
    Olivier Faure.
    Lucie Castets.

    Didier Guillaume.
    Bernard Cazeneuve
    Gabriel Attal.
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    Agnès Pannier-Runacher.
    Sacha Houlié.
    Louis Mermaz.
    L'élection du croque-mort.
    La mort du parti socialiste ?
    Le fiasco de la candidate socialiste.
    Le socialisme à Dunkerque.
    Le PS à la Cour des Comptes.
















    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241128-pierre-joxe.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/pierre-joxe-l-austere-militant-256861

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/27/article-sr-20241128-pierre-joxe.html




     

  • Bernard Kouchner, un tiers-mondiste, deux tiers mondain

    « Je suis communiste et Rastignac. Paradoxe ? Détrompez-vous ; le mélange n'est pas détonnant. Il est même étonnamment efficace. Vous riez ? Je vous attends... » (Bernard Kouchner, en 1963).


     

     
     


    Le médiatique médecin Bernard Kouchner fête son 85e anniversaire ce vendredi 1er novembre 2024. Plus médiatique que médecin (gastro-entérologue). Il est aussi une personnalité politique qui a toujours ses entrées dans les médias et qui continue à exprimer ses positions politiques. L'une d'entre elles était le soutien aux États-Unis pour leur intervention militaire en Irak en 2003, une initiative inutile et surtout particulièrement meurtrière (entre 100 000 et 1 million de morts) à laquelle la France, heureusement, s'était vivement opposée.

    Mais comment le qualifier ? Il est un médecin d'abord, et il a fait partie des cofondateurs de Médecins sans frontières (MSF) en décembre 1971 et lorsque sa présence n'y était plus souhaitable en 1979, il a cocréé Médecins du monde en mars 1980. Le désaccord entre MSF et Bernard Kouchner portait sur sa volonté de faire une opération Un bateau pour le Vietnam, l'idée était d'envoyer des médecins et des journalistes pour alerter sur les droits de l'homme au Vietnam. Déjà, l'écho médiatique prenait le pas sur les soins.

    Parmi les présidents de MSF, on peut citer Bernard Kouchner de 1976 à 1977,
    Claude Malhuret de 1978 à 1980, Xavier Emmanuelli en 1982 et Rony Brauman de 1982 à 1994 (les trois premiers ont été par la suite ministres). On pourrait dire que Bernard Kouchner était un agitateur politique, un médecin et un agitateur politique. Déjà étudiant, il militait au sein de l'UEC, le syndicat étudiant communiste (il y a écrit dans un périodique qui lui a fait rencontrer des auteurs comme Claude Roy, Jacques Monod et Louis Aragon), puis a été par la suite alternativement socialiste ou radical de gauche selon l'opportunité du moment. Car agitateur, oui, mais avant tout opportuniste.

    Il faut aussi regarder sa famille, et sa jeunesse, pour tenter de mieux le cerner. Du côté paternel, une origine lettone juive ; du côté maternel, une origine protestante. Les grand-parents paternels de Bernard Kouchner sont morts assassinés dans le
    camp d'Auschwitz après avoir été arrêtés et déportés (convoi n°76 du 30 juin 1944). Quand on a 5 ans, ça marque, évidemment.

    Dans le cadre de ses activités militantes communistes, Bernard Kouchner est parti visiter Cuba en 1964 (il avait alors 24 ans). Il y a rencontré sa future femme Évelyne Pisier (la grande sœur de Marie-France Pisier) qui était alors en cours d'une relation avec...
    Fidel Castro lui-même ! Bernard Kouchner et Évelyne Pisier se sont mariés en 1970 et ont divorcé en 1984, après avoir fait trois enfants. Évelyne Pisier, qui n'en pouvait plus des missions humanitaires lointaines et dangereuses de son mari, a refait sa vie avec le politologue Olivier Duhamel alors que Bernard Kouchner l'a refaite avec la journaliste Christine Ockrent. Ces derniers étaient encore jeunes, très ambitieux, et prêts à beaucoup de sacrifices.

    On peut être foudroyé par la différence de personnalité entre
    Hubert Curien et Bernard Kouchner (mais pourquoi donc ai-je la sottise de faire une telle comparaison ?!) : le premier voulait agir, construire, bâtir, et il se moquait bien du service après-vente médiatique, tant que ça agissait, construisait et bâtissait. Bernard Kouchner, c'est le contraire, à l'école de BHL. Hubert Curien laissait volontiers la paternité de projets réussis à d'autres alors qu'il en était le vrai père, tandis que d'autres préfèrent au contraire s'attribuer les mérites de leur inaction et de l'action des autres. Refaire l'histoire.

    Soyons honnêtes : agiter les médias a des avantages pour sensibiliser les gens, au risque de les émouvoir, et surtout, influencer les décideurs politiques. Cela a donc son utilité mais un peu comme celle de l'ARC de Jacques Crozemarie : une bonne cause, une mauvaise conséquence.

    Bernard Kouchner a fait un grand nombre de voyages plus ou moins utiles, entre voyages humanitaires et voyages politiques, il a même défendu le principe du devoir d'ingérence, un principe qui pourrait être déconstructeur du droit international et qu'il faut manier avec précaution. Intervenir militairement conduit toujours à des drames.

    Et tout pour sa bobine : il a souvent été ministre, ou sous-ministre, et pas le moins voyant des gouvernements qu'il a honorés de sa présence, ceux de
    Michel Rocard, Édith Cresson, Pierre Bérégovoy, Lionel Jospin ! C'était une sorte de carte inoxydable de la gauche au pouvoir, celle de François Mitterrand et celle de Lionel Jospin. Bernard Kouchner a été nommé Secrétaire d'État chargé de l'Insertion sociale du 13 mai 1988 au 28 juin 1988, puis chargé de l'Action humanitaire du 28 juin 1988 au 4 avril 1992, Ministre de la Santé et de l'Action humanitaire du 4 avril 1992 au 30 mars 1993, Secrétaire d'État chargé de la Santé du 4 juin 1997 au 28 juillet 1999, puis Ministre de la Santé du 6 février 2001 au 7 mai 2002.

    Enfin, le bâton de maréchal, la meilleure pioche de l'ouverture selon le nouveau Président
    Nicolas Sarkozy : Bernard Kouchner est devenu Ministre des Affaires étrangères et de l'Europe du 18 mai 2007 au 13 novembre 2010, dans les deux premiers gouvernements de François Fillon ! Une surprise qui a fait dire à Patrick Devedjian que ce serait bien d'élargir l'ouverture sarkozyenne... aux sarkozystes ! Il était en concurrence avec Hubert Védrine. Sa nomination au Quai d'Orsay l'a définitivement banni des cercles socialistes. Et pourtant, à part sa communication, il ne maîtrisait rien, c'était l'Élysée qui tirait toutes les ficelles. Par orgueil, il n'a jamais claqué la porte.

     
     


    Il comptait convaincre ses anciens amis de gauche dans un tribune publiée le 20 mai 2007 dans "Le Monde" : « En près de quarante ans d'action humanitaire et de batailles politiques pour les Droits de l'Homme, nous avons fait bouger le monde dans les domaines de la diplomatie, de la santé ou de la protection des minorités. (…) La politique extérieure de notre pays n'est ni de droite ni de gauche. Elle défend les intérêts de la France dans un monde qui se réinvente chaque jour. Elle doit être déterminée et novatrice. (…) Je sais que certains de mes amis me reprochent ce nouvel engagement. À ceux-là, je réclame crédit : mes idées et ma volonté restent les mêmes. S'ils me prennent un jour en flagrant délit de renoncement, je leur demande de me réveiller. Je garantis que ce temps n'est pas venu. N'ayons pas peur de l'avenir ; regardons au-delà des cloisons partisanes. ». À ma connaissance, personne n'a tenté de réveiller le ministre parce que personne ne s'y intéressait.

    Nicolas Sarkozy était heureux de ce débauchage, et pourtant, il n'y avait aucun mérite, le ministre était arriviste et opportuniste, c'était facile de le débaucher. C'est comme si
    Michel Barnier avait demandé à Ségolène Royal ou à Manuel Valls de faire partie de son gouvernement il y a quelques semaines, il aurait été sûr de leur réponse positive. Mais dans quel but ? Ils ne représentent politiquement plus rien. C'était le cas aussi de Bernard Kouchner qui n'a jamais été élu sur son nom ; à de nombreux moments, aux élections législatives voire municipales, on évoquait son parachutage, dans le Nord, en Lorraine, dans le Dauphiné, dans les Bouches-du-Rhône, un peu partout en France pour conquérir une circonscription ou une mairie (mais ce fut chaque fois soit un acte manqué soit un échec cinglant). Le seul mandat qu'il a eu, c'est quand il est devenu socialiste pour être sur la liste du PS aux élections européennes de 1994, ainsi bombardé au Parlement Européen de juin 1994 à juin 1997, date de sa renomination au gouvernement. En tout, il a été plus de onze ans au gouvernement, et faites le compte, peu de personnalités politiques chevronnées peuvent s'enorgueillir d'une telle longévité ministérielle !

    Il faut se rappeler l'année 2007 : Bernard Kouchner, après avoir espéré devenir le candidat de la gauche, puis soutenu Ségolène Royal, a appelé à faire une alliance avec
    François Bayrou dans le "Journal du dimanche" du 15 avril 2007, peu avant le premier tour de l'élection présidentielle, et après l'élection présidentielle, il se retrouvait ministre important... du troisième larron, le rival et vainqueur des deux premiers ! C'est même plus que cela puisque, dans la foulée, a été nommé aussi au gouvernement son ancien directeur de cabinet de l'époque où il était Ministre de la Santé, Emmanuel Hirsch, Haut commissaire aux Solidarités actives et à la Jeunesse jusqu'au 22 mars 2010.

    Le ministre multirécidiviste a eu aussi beaucoup de responsabilités internationales, celle de Représentant spécial du Secrétaire Général de l'ONU au Kosovo de juillet 1999 à janvier 2001 (entre deux missions gouvernementales), celle de Représentant de l'Union Européenne sur le Sri Lanka en août 2005, etc. On parlait aussi de lui pour remplacer le Haut représentant de l'ONU pour la reconstruction de Haïti en janvier 2011. Il s'ennuyait et a flanché en créant son propre cabinet de conseil, apparemment très juteux selon certaines investigations journalistiques.

    Bernard Kouchner est un touche-à-tout : il est capable d'inspirer des séries télévisées comme "Médecins de nuit" (diffusée en 1978 sur Antenne 2), de publier des dizaines de livres plus ou moins fouillés, d'intervenir partout dans le monde sur de nombreuses causes plus ou moins bien comprises. On lui a reproché de s'être fait beaucoup d'argent avec des activités de conseil auprès de chefs d'État africains, ou de grands groupes, etc. Il a soutenu
    Roman Polanski lorsqu'il était décrié, il a probablement été accusé de mille et unes choses car il énerve autant qu'il laisse croire qu'il agit... Si on regarde d'un œil discret sa notice sur Wikipédia, on s'étonne de tant d'affaires, tant de choses dans lesquelles il s'est impliqué, et chaque initiative pourrait faire l'objet d'un chapitre détaillé.

    Capable même de lucidité tout en se mettant lui-même en scène, comme en 1987 lorsqu'il racontait ses voyages humanitaires (entre autres pour les
    enfants du Biafra) : « Bien des fois, au Kurdistan, au Liban, j'ai éprouvé cet étrange sentiment qui pousse à aller jusqu'au bout de l'aventure, à courir les plus grands risques, à goûter le délicieux frisson du danger, à frôler le grand saut. Des années après, j'ai saisi que l'aide humanitaire, j'en faisais d'abord pour moi-même... ».
     

     
     


    Il devrait savoir qu'affichage médiatique et prospérité pourraient faire mauvais ménage car cela suscite de la jalousie. Cet affichage médiatique était pourtant indispensable pour cultiver une belle cote de popularité dans les sondages, ce qui aguichait les dirigeants politiques de gauche et, aussi, de droite. Mais il y a beaucoup de choses étranges dans sa carrière, ou gênante, entre autres la nomination de Christine Ockrent, dont la compétence journalistique n'a jamais été remise en cause, comme directrice générale de RFI alors que son compagnon était Ministre des Affaires étrangères, le ministère de tutelle de la station de radio. On a connu des couples moins imbriqués.

    Je me restreindrai à trois faits, un positif et deux très négatifs pour lui.

    Parlons d'abord du positif qui montre que malgré l'agitation égotique, il y a aussi des convictions. À la Santé sous Lionel Jospin, il a fait adopter une loi importante, la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. C'est à mon sens ce qu'il a fait de mieux de sa carrière politique. Cette loi introduit le concept juridique de droit des malades avec notamment le droit des malades à accéder à leur dossier médical. Elle impose que l'acte médical ou le traitement soient faits avec un consentement libre et éclairé du patient, ce qui signifie la fin de l'acharnement thérapeutique. Elle oblige aussi les médecins à déclarer tous les liens d'intérêt avec des groupes pharmaceutiques ou autre. C'est dans la lancée de cette loi qu'ont été par la suite adoptées la
    loi Leonetti (loi n°2005-370 du 22 avril 2005) et la loi Claeys-Leonetti (loi n°2016-87 du 2 février 2016) sur la fin de vie. Auparavant, Bernard Kouchner avait fait adopter une première loi, la loi n°99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d'accès aux soins palliatifs qui était aussi une forte avancée dans l'accompagnement de la fin de vie (même si l'essentiel est d'abord d'ordre budgétaire afin de permettre à tous les patients qui en ont besoin d'en bénéficier).

    Passons maintenant à deux sujets qui ont de quoi écœurer. Deux dates.

     

     
     


    J'aurais pu donner comme titre ici : Le docteur sac de riz ! En effet, la première date est le 5 décembre 1992, sur une plage, à côté du port de Mogadiscio, la capitale de la Somalie. Bernard Kouchner s'est fait photographier en train de porter des sacs de riz pour les enfants affamés de Somalie, victimes de la guerre civile (qui faisait rage depuis la chute du dictateur communiste Mohamed Siad Barre au pouvoir du 21 octobre 1969 au 26 janvier 1991). Ce qui était gênant, c'est que le gentil ministre médecin a refait plusieurs fois le trajet avec le même sac de riz, pour faire la meilleure prise devant les caméras. Il se moquait des enfants et c'était sa trombine qui importait. Il aurait beau dire qu'il faut de la promotion médiatique pour émouvoir le chaland, l'opération était là beaucoup trop visible pour être sincère.

    À l'origine, il avait fait une campagne de publicité assez formidable avec son collègue de l'Éducation nationale,
    Jack Lang, pour proposer aux écoliers d'apporter chacun un paquet de riz (un kilogramme) à sa classe le 20 octobre 1992. Formidable car très efficace. En tout, 9 300 tonnes de riz ont été collectées, et acheminées gratuitement par La Poste et la SNCF au port de Marseille où deux gros cargos les attendaient. Où est passé le riz ? Dans les pellicules photos ? Ce qui est sûr, c'est qu'apporter du riz n'apporte pas grand-chose aux enfants (surtout quand c'est du riz très hétérogène avec des durées de cuisson différentes) car c'est leur enlever la cause de la famine qui est le plus nécessaire. Cela n'empêche qu'aider à nourrir des populations affamées a pu les aider à très court terme. Mais c'est aussi l'idée d'avoir bonne conscience à bon compte qui est assez gênante et malsaine. Mais c'est la mécanique de tous les dons caritatifs, de ceux qui n'ont fait que signer un chèque, sans s'investir eux-mêmes sur le terrain. La motivation de Bernard Kouchner était peut-être sincère, sans doute sincère. Mais ce qu'il en a fait était franchement limite. Les humoristes ont rapidement utilisé cette image à fin comique. Les Inconnus, par exemple, au détour d'un sketch (à 3:53 dans la vidéo) et aussi Les Guignols de l'Info.





    Bernard Kouchner avait senti la gravité de la situation avec les effets cumulés de la guerre civile, de la sécheresse, de la destruction de grandes infrastructures rendant impossibles les secours, etc. Il voulait l'intervention militaire de la France dans le cadre de l'ONU pour répondre aux urgences humanitaires, mais son collègue de la Défense
    Pierre Joxe ne voulait absolument pas engager la France dans ce conflit. Finalement, après l'échec de cette opération sac de riz, l'armée américaine est intervenue, sous l'égide de l'ONU : 1 800 marines US ont débarqué sur les côtes somaliennes le 10 décembre 1992 sous les yeux de nombreux journalistes venus par anticipation, car prévenus. C'est la première application du droit d'ingérence humanitaire que prônait Bernard Kouchner. Au début de 1993, cette opération appelée Restore Hope a fait participer 28 870 soldats de l'ONU dont 20 515 soldats américains et 2 454 soldats français. Les casques bleus sont repartis complètement le 2 mars 1995 (les soldats américains ont quitté la Somalie le mars 1994). Sans avoir vraiment stabilisé politiquement la région.
     

     
     


    L'autre date est encore plus grave, car cela a impacté sur la vie de ses enfants. C'est le 7 janvier 2021 qu'est sorti le livre de Camille Kouchner, "La Familia grande". Ce fut un coup de tonnerre. Camille est née en 1975, elle est jumelle avec Antoine, et ce sont les deux derniers des trois enfants que Bernard a eus avec Évelyne qui s'en est totalement occupée. Camille a attendu la mort de leur mère, le 9 février 2017 (des suites d'un cancer) pour rendre public ce qui l'a traumatisé pendant trente ans : lors des étés festoyant dans la propriété familiale du Var, où le tout Paris socialiste et bobo se montrait, Camille a été témoin du viol par inceste de son frère avec le beau-père Olivier Duhamel (qui n'a jamais démenti les faits). Ce dernier imposait à la fratrie le silence par le chantage affectif : leur mère aurait des tendances suicidaires (dont les parents venaient de se suicider) et il fallait la ménager.

    Je ne veux ici pas trop insister sur cette histoire glauque (je pourrai éventuellement revenir sur le livre de Camille très bien écrit), sinon pour faire un parallèle. Bien entendu, enfin, sauf autres révélations, Bernard Kouchner n'a commis rien de grave et ce qu'on pourrait lui reprocher, du moins, pas le "on" mais ses enfants, c'est de ne pas s'en être occupé, de les avoir laissés dans leur adolescence seuls avec leur mère et surtout, le beau-père, le prédateur, et cela surtout pour des considérations de carriérisme. Mais ce qu'on pourrait lui reprocher, justement, de ne rien avoir vu, de ne pas avoir su écouter les traumatismes, les drames qui se nouaient, c'est en fin de compte un peu ce qu'on a reproché à certains évêques français qui ont passé sous silence les agressions sexuelles voire les viols commis par certains prêtres de leur diocèse. Cette passivité, cette indifférence, cette inaction, ce silence sont, en eux-mêmes, une source de scandale. Bernard Kouchner n'était pas le seul au courant, tout le petit monde autour d'eux, au fil du temps, l'a été, et rien n'a filtré. Mais quand même, lui, c'était le père de la victime, pas une simple connaissance vaguement concernée ! Qu'est-ce que vous, lecteurs, vous feriez si votre enfant de 13 ans était violé par le nouveau mari de votre ancienne femme ?

    Maintenant, à 85 ans, le French doctor reste toujours présent dans les médias, , même si ses idées sont parfois un peu confuses. Exemple sur Radio J le 20 octobre 2024 ; il s'est aussi exprimé plus récemment sur d'autres chaînes de télévision. Il ne peut pas s'en empêcher. Alors que son petit intérêt serait aujourd'hui de se faire plus discret, de se faire oublier. Ce carriérisme, pourquoi faire, on aurait tendance à dire ? Ou plutôt, tant d'énergie dissipée pour si peu ? Si peu de résultats. Durant la semaine du 5 novembre 2018, Bernard Kouchner était l'invité de l'émission "À voix nue" produite par Annelise Signoret et Martin Quenehen sur France Culture. L'émission commence ainsi : « "Tout bien considéré, il y a deux sortes d’hommes dans le monde : ceux qui restent chez eux et les autres", écrivait Kipling. Et Bernard Kouchner a (tôt) choisi à quelle catégorie il appartenait, pour devenir aventurier de l'humanitaire, du droit d'ingérence et de la politique… ». Il a toujours choisi d'être en dehors. Tant pis pour les enfants...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Christine Ockrent.
    Bernard Kouchner.
    Quai d'Orsay.
    Jean-Yves Le Drian.
    Jean-Marc Ayrault.
    Laurent Fabius.
    Alain Juppé.
    Michèle Alliot-Marie.
    Philippe Douste-Blazy.
    Michel Barnier.
    Dominique de Villepin.
    Hubert Védrine.
    Roland Dumas.
    Claude Cheysson.
    Jean François-Poncet.
    Michel Jobert.
    Maurice Schumann.
    Michel Debré.
    Maurice Couve de Murville.
    René Pleven.
    Antoine Pinay.
    Edgar Faure.
    Pierre Mendès France.
    Georges Bidault.
    Robert Schuman.
    Léon Blum.
    Édouard Daladier.
    Joseph Paul-Boncour.
    Pierre Laval.
    Édouard Herriot.
    André Tardieu.
    Aristide Briand.
    Raymond Poincaré.
    Alexandre Millerand.
    Jules Ferry.
    Léon Gambetta.
    François Guizot.
    Adolphe Thiers.
     

     
     










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241101-bernard-kouchner.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/bernard-kouchner-un-tiers-mondiste-256543

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/26/article-sr-20241101-bernard-kouchner.html



     

  • Alain Bombard : l'aventure, c'est l'aventure !

    « Naufragés des légendes, victimes raides et hâtives, je sais que vous n'êtes pas morts de la mer, que vous n'êtes pas morts de la faim, que vous n'êtes pas morts de la soif, car, ballottés sous le cri des mouettes, vous êtes morts d'épouvante. Ainsi ce fut bientôt pour moi une certitude : beaucoup de naufragés meurent bien avant que les conditions physiques ou physiologiques ne soient devenues, par elles-mêmes, mortelles. Comment combattre le désespoir, meurtrier plus efficace et plus rapide que n'importe quel facteur physique ? » (Alain Bombard, 1953).


     

     
     


    Le médecin et biologiste français Alain Bombard est né il y a 100 ans, le 27 octobre 1924, à Paris. Il est difficile de présenter Alain Bombard qui a aussi goûté à la vie politique avec l'arrivée au pouvoir de la gauche, parce qu'il fait partie des héros des temps modernes, de ces explorateurs de la mer qui ont apporté quelque chose au monde, notamment sur la capacité de survivre en pleine mer. Son intuition de départ, c'est que c'est d'abord l'esprit qui flanche quand le naufrage s'effondre. Avant le corps. Et il a tenté de le prouver.


    On pourrait dire comme La Palice qu'avant d'être vieux et de ressembler, avec sa barbichette, aux savants comme les représentaient Hergé dans Tintin voire Franquin dans Spirou ou Morris dans Lucky Luke, un look très représentatif avant même de voir ses cheveux blanchir, il était jeune. Et c'est bien le jeune, très jeune, avant les 30 ans, qui a fait l'exploit qui a marqué son époque et son destin.

    Et d'abord, un contexte, ses années d'études au lycée Henri-IV et à l'École alsacienne, puis à Saint-Brieuc. Pendant ses vacances en Bretagne, il a découvert sa passion de la voile, sur une plage fréquentée depuis des décennies par de grandes familles de scientifiques, Jean Perrin,
    Marie Curie, et il a connu Frédéric Joliot-Curie qui a été son moniteur de voile. Pour terminer ses études de médecine, il s'est installé à Boulogne-sur-Mer.

    Dans un livre autobiographique, il a raconté un événement déclencheur qui n'a pas été exactement ce qu'il a raconté, à savoir qu'au printemps 1951, il a dû s'occuper des corps de 43 marins morts dans le naufrage de leur chalutier. En fait, le naufrage aurait fait plutôt une dizaine de morts, mais qu'importe, les statistiques étaient monstrueuses : il y a 200 000 morts en mer chaque année, dont 50 000 dans des bateaux de sauvetage. Son objectif, c'était de trouver des moyens de survivre à un naufrage en pleine mer : résistance à la soif, à la faim, à la fatigue, à l'hypothermie, etc.. et surtout, au moral et à la dépression.


    Alain Bombard a traversé la Manche à la nage, ce qui relevait déjà d'un exploit sportif exceptionnel : il fallait beaucoup de préparation, s'enduire le corps de graisse pour résister au froid de la mer, etc. Cet événement a notamment permis à la romancière Marie Vareille d'écrire son excellent roman "Désenchantées" sorti en 2022 (éd. Charleston). À l'époque, cet exploit a été déterminant pour Alain Bombard qui a pu ainsi trouver des sponsors et financer son propre laboratoire intégré à l'Institut océanographique de Monaco. Il voulait montrer qu'on pouvait éviter la déshydratation en buvant de l'eau de mer et de l'eau de pluie, ainsi que se prémunir de la faim en mangeant des planctons.

    Petit rappel : les naufragés qui n'ont pas d'eau potable refusent généralement de boire l'eau de mer car elle est beaucoup trop salée ce qui flingue les reins et accélère la déshydratation du corps. Alain Bombard voulait montrer qu'en prenant une quantité raisonnable d'eau de mer (un demi-litre par jour), on pouvait survivre à un absence d'eau potable, mais cette ration était insuffisante et on devait quand même trouver de l'eau ailleurs, en pressant les poissons pêchés (sauf la raie) ou en récupérant l'eau de pluie (cet aspect essentiel de survie reste encore en débat, notamment sur l'eau présente dans les poissons).
     

     
     


    Après quelques traversées seul ou accompagné, Alain Bombard a effectué en solitaire la traversée de l'Atlantique. Son périple est allé de Tanger le 13 août 1952 à La Barbade le 23 décembre 1952 (avec une étape à Las Palmas le 19 octobre 1952), à bord de L'Hérétique, son petit Zodiac, se laissant dériver volontairement sans nourriture ni eau (avec seulement une voile, deux avirons, quelques instruments de navigation, un couteau et quelques livres) pendant cent treize jours pour montrer qu'on pouvait en survivre, mais il a bien cru qu'il allait en mourir. Il a perdu vingt-cinq kilogrammes et a été hospitalisé à son arrivée (il a fêté son 28e anniversaire seul en pleine mer). Il a survécu grâce au croisement avec un cargo qui lui a permis de prendre un repas et de corriger son orientation. Il a survécu aussi en pêchant des poissons, en attrapant des oiseaux, qu'il mangeait crûs faute de pouvoir les cuire, etc. Il relevait quotidiennement sa tension artérielle (les faibles tensions étant une alerte des moments de désespoir).
     

     
     


    Cette traversée a montré par l'exemple qu'on pouvait survivre en pleine mer sans rien avec de soi. Sa thèse, c'était que les naufragés mouraient plus de désespoir que de faim et de soif, ou, plus exactement, qu'ils mouraient d'abord de désespoir avant de mourir de faim et de soif. Il a raconté sa terrible traversée dans "Naufragé volontaire" sorti en 1953 (Éditions de Paris), premier des onze essais ou récits qu'il allait publier jusqu'à la fin de sa vie. Cela a inspiré, entre autres, le film "All Is Lost" de J. C. Chandor (sorti le 18 octobre 2013) avec pour seul acteur Robert Redford au dialogue très léger (inexistant : il est naufragé tout seul). Considéré comme un chef-d'œuvre, j'ai quand même trouvé ce film un peu ennuyeux !

    En tout cas, la notoriété d'Alain Bombard était faite, et il l'utilisa tant pour la construction d'équipements de navigation que pour des combats pour l'environnement et la protection de la mer, en particulier en 1963 contre le déversement des boues rouges dans la Méditerranée par une usine de Péchiney à Gardanne. Il a donc été parmi les premiers lanceurs d'alerte écologique à une époque où on ne s'en préoccupait pas vraiment.


    Alain Bombard a participé à la conception de radeaux de sauvetage dont la présence sur les embarcations était devenue obligatoire par la réglementation à partir des années 1950. Notamment, on l'appelle désormais par son nom, un Bombard, un radeau de sauvetage pneumatique à gonflage rapide conçu en 1972. Il a milité pour le caoutchouc au détriment du bois dont étaient constituées traditionnellement les chaloupes de sauvetage. Les travaux d'Alain Bombard ont toutefois provoqué un tragique drame accidentel le 3 octobre 1958 dans la baie d'Étel où le navigateur a profité d'une alerte météorologique de forte tempête pour justement tester son canot de sauvetage. Très rapidement, les sept occupants du canot ont été éjectés dans la mer, et le bateau chargé de les secourir a lui-même eu un accident et a chaviré, ce qui a fini par un bilan très lourd, neuf morts, dont quatre occupants du canots et cinq marins sauveteurs.

    L'enquête a mis hors de cause Alain Bombard dans la responsabilité de cet accident mais il en est toutefois ressorti un amer goût de faute. Cela l'a entraîné dans une dépression dans les années 1960 dont il est sorti grâce à sa rencontre avec l'entrepreneur Paul Ricard, fondateur du célèbre pastis et maire d'une commune du Var dans les années 1970, Signes, près du circuit de Castellet qu'il a contribué à financer et qui a pris son nom, et mécène d'Alain Bombard, Alain Colas et Éric Tabarly.

    Remis en état de travailler avec ce nouveau laboratoire financé par Paul Ricard, Alain Bombard a adhéré au PS dans sa lancée, en 1974, s'est fait élire conseiller général de Six-Fours-les-Plages (dans le Var) de 1979 à 1985 (pour un mandat de six ans), et, présent sur la liste du PS aux élections européennes de 1979, 1984 et 1989, il a été député européen de septembre 1981 à juillet 1994. Entre-temps, François Mitterrand l'a nommé Secrétaire d'État auprès du Ministre de l'Environnement dans le premier gouvernement de Pierre Mauroy du 22 mai 1981 au 23 juin 1981, mas il n'a pas été reconduit après les élections législatives de juin 1981 en raison de ses déclarations souhaitant l'interdiction de la chasse à courre. Il a donc fait partie de ces ministres météores, à l'instar de Jean-Jacques Servan-Schreiber en 1974 et de Léon Schwartzenberg en 1988, qui n'ont pas beaucoup duré pour la raison que fondamentalement, leur personnalité n'était pas compatible avec les responsabilités politiques qui imposent nécessairement d'avaler quelques couleuvres (Nicolas Hulot, c'est différent car il a avalé quelques couleuvres avant de démissionner).
     

     
     


    La vie d'Alain Bombard est très riche et déconcertante car son esprit a toujours été hors des sentiers battus. Médecin, il a pris la mer pour passion : « Nous devons quitter la Méditerranée pour rentrer dans quelque chose de beaucoup plus grand, qui me semble démesuré. L'Atlantique, cet océan qui a englouti un continent pour lui prendre son nom, que serait-ce pour lui de submerger notre frêle esquif ! » (1953).

    Dans "Au-delà de l'horizon" sorti en 1978 aux Presses de la Cité, le célèbre naufragé volontaire a expliqué en particulier ceci : « On me pose souvent la question : comment avez-vous fait pour traverser l'Atlantique, sur un bateau qui faisait quatre mètres cinquante de long ? C'est relativement simple. Sur un grand océan, deux vagues sont séparées par deux cents mètres, il y a deux cents mètres de longueur d'onde ; avec un petit bateau de quatre mètres cinquante, on épouse sans difficulté les différents reliefs de la mer. Tandis qu'un navire de cent mètres de long aura l'avant dans le creux, le cul sur le sommet de la vague, et c'est ce qui provoque roulis et tangage qui mettent à mal les gros bateaux. D'où l'idée orgueilleuse des hommes née au XVIe et XVIIe siècles : "construisons des navires incoulables, des navires qui ne feront jamais naufrage". Tous, sauf un, seront vaincus par ma mer... ».

    Alain Bombard était également passionné par la musique au point d'envisager de devenir compositeur ou chef d'orchestre : « J’ai un grand besoin de ressentir la filiation des œuvres les unes avec les autres. Pour moi, il n’y a pas de rupture entre cette petite phrase pensive dans L’Estro Armonico de Vivaldi, et cette grande pensée triste de Beethoven dans son quatuor à cordes n°10. Il y a une continuité… » avait-il confié sur France Musique en 1980. Il était l'ami d'Igor Stravinsky, de Fernandel, de physiciens, de vendeurs d'alcool, de François Mitterrand, etc., bref, de personnalités de domaines et d'univers très différents. Volontiers cabotin, il était conteur ; il adorait depuis toujours raconter de belles histoires, au risque de les embellir. En somme, Bombard et Bobard, il n'y a qu'un m qui sépare ces mots, celui d'aimer l'aventure, les aventures.

    Homme de médias depuis les années 1950, Alain Bombard a participé à de nombreuses émissions de radio et de télévision, en particulier l'émission "Radioscopie" produite par Jacques Chancel le 5 mai 1980 sur France Inter. Alain Bombard est mort à Toulon il y a un peu moins de vingt ans, le 19 juillet 2005 à l'âge de 80 ans, inscrit depuis longtemps dans tous les livres d'histoire comme une légende de la navigation en mer.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 octobre 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Alain Bombard.
    Jeux paralympiques de Paris 2024 : sport, spectacle et handicap.
    Le génie olympique français !
    Festivité !
    Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
    Amélie Oudéa-Castéra se baigne dans la Seine : Paris tenu !
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Adèle Milloz.
    Éric Tabarly.

    Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
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    France-Maroc : mince, on a gagné !?
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    Thomas Pesquet.
    Youri Gagarine.
    Le burkini dans les piscines.
    Les seins nus dans les piscines.
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    Usain Bolt.

     

     
     




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