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Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?

« [Le Conseil Constitutionnel] est le garant des droits et libertés que la Constitution garantit, et c'est donc un rôle fondamental qu'il a reçu, pas à l'origine. » (Alain Juppé, le 11 février 2025 sur RTL).




 

 
 


Dans la soirée du lundi 10 février 2025 ont été rendues publiques les propositions de nominations pour le Conseil Constitutionnel. Trois membres sont à renouveler pour dans quelques jours (8 mars 2025), pour un mandat de neuf ans. Signe important cette année, le Président du Conseil Constitutionnel est renouvelable, c'est-à-dire que le Président de la République doit nommer le successeur pour neuf ans, soit jusqu'en mars 2034, c'est-à-dire au-delà de la fin de prochain mandat présidentiel. Le prochain Président de la République n'aura donc pas à nommer de Président du Conseil Constitutionnel... sauf s'il fait deux mandats (c'était la position d'ailleurs du Président Emmanuel Macron).

Depuis 2008, les nominations doivent être "vaguement ratifiées" par le Parlement. J'écris "vaguement ratifiées" car il faut qu'il n'y ait pas trois cinquièmes des commissions des lois de chaque assemblée qui s'y opposent. Gérard Larcher a choisi Philippe Bas, influent sénateur LR. Yaël Braun-Pivet a choisi Laurence Vichnievsky, ancienne députée MoDem (et surtout ancienne magistrate). Pour ces deux personnalités, aucune opposition ne semble s'exprimer au Parlement.

En revanche, la choix d'Emmanuel Macron de nommer Richard Ferrand pour succéder à Laurent Fabius a créé la polémique. Plusieurs critiques sont formulées à cette occasion : grande proximité avec le Président de la République (copinage), absence de compétence juridique et (on n'en parle pas ouvertement), casserole judiciaire (en fait, ancienne casserole judiciaire puisque l'affaire a été classée) (coquinage).

L'ancien Premier Ministre Alain Juppé n'a pas tenu à soutenir ouvertement Richard Ferrand, qui, lui-même, l'avait nommé au Conseil Constitutionnel en février 2019, en particulier parce qu'il a un devoir de réserve, mais il a voulu rappeler quelques points importants sur ces nominations hautement sensibles.


Pour cela, il était l'invité de Thomas Sotto à la matinale de RTL le mardi 11 février 2025.

Déjà, Alain Juppé a balayé le procès en incompétence juridique : « Je sais que les nominations au Conseil Constitutionnel sont toujours critiquées. Toujours, j'ai fait moi-même l'objet de critiques. Pourquoi ? D'abord, on dit : il ne faudrait que des juristes au Conseil Constitutionnel. Qu'est-ce que c'est un juriste ? Est-ce seulement un professeur de droit constitutionnel ? Je ne le pense pas. Dans sa composition actuelle, aujourd'hui, avant le renouvellement, sur les neufs membres du Conseil Constitutionnel, trois viennent du Conseil d'État, deux ont été avocats pendant de très longues années, et une est magistrate. Cela fait six sur neuf. (…) J'ai fait l'ENA, donc j'ai fait un peu de droit public. J'ai été inspecteur des finances, j'ai fait un peu de droit fiscal. Voilà. ».

Les critiques de nominations au Conseil Constitutionnel ont toujours été présentes depuis toujours. Alain Juppé a rappelé que sa propre nomination a été critiquée. Mais on peut aussi rappeler que la nomination du très chiraquien Jean-Louis Debré a été très critiquée ...par son prédécesseur direct, également gaulliste, Pierre Mazeaud.

Plus généralement, le Conseil Constitutionnel a été principalement composé de personnalités pleinement politiques, souvent en fin de carrière et très peu de juristes ou constitutionnalistes. On peut ainsi citer (sans être exhaustif) la nomination, depuis février 1959, de ces personnalités politiques suivantes : Léon Noël, Victoir Chatenay, Georges Pompidou (qui n'avait pas encore entamé de carrière politique), Bernard Chenot, Edmond Michelet, Gaston Palewski, Jean Sainteny, Pierre Chatenet, Paul Coste-Floret, Henri Rey, Louis Joxe, Robert Lecourt, Gaston Monnerville, Roger Frey, Léon Jozeau-Marigné, Maurice-René Simonnet, Louis Gros, Pierre Marcilhacy, Robert Fabre, Daniel Mayer, Robert Badinter, Maurice Faure, Étienne Dailly, Noëlle Lenoir, Marcel Rudloff, Roland Dumas, Monique Pelletier, Pierre Mazeaud, Yves Guéna, Simone Veil, Pierre Joxe, Jean-Louis Debré, Hubert Haenel, Jean-Jacques Hyest, Jacques Barrot, Lionel Jospin, Nicole Belloubet, Michel Charasse, Laurent Fabius, Jacques Mézard, Jacqueline Gourault, François Pillet et Alain Juppé.
 

 
 


On y compte trois anciens Premiers Ministres (Édouard Balladur avait refusé d'y être nommé) et un futur Premier Ministre, quatre anciens Présidents d'une assemblée, beaucoup d'anciens ministres et de parlementaires, dont au moins vingt personnalités politiques de premier plan à une certaine époque. Les grands constitutionnalistes y sont rares (et l'absence de Maurice Duverger symptomatique) : Georges Vedel, Alain Lancelot, Dominique Schnapper. Il y a eu aussi, pas en même temps, un père et son fils dans cette instance (les Joxe). On regrettera cependant le très faible nombre de femmes dans cette instance suprême (actuellement ne siègent que trois femmes sur neuf, dont une qui partira en mars 2025, et une autre femme rentrera également ; le déséquilibre restera donc le même).

Ensuite, Alain Juppé a insisté sur le principe d'indépendance que chaque membre du Conseil Constitutionnel applique : « Nous prêtons serment d'impartialité et de neutralité. Il faut un peu faire confiance à la déontologie des personnes. Et il y a un principe que nous respectons, qui est le devoir d'ingratitude. Donc, nous ne devons rien à la personne qui nous a nommés. (…) Si nous sommes nommés neuf ans, c'est que nous n'attendons plus rien à la sortie. C'est la garantie de notre indépendance. ».

Il a aussi tenu à préciser que cette instance ne fait et ne ferait jamais de politique, elle fait seulement du droit, c'est une sorte de bride pour garantir les droits des citoyens, en particulier des minorités : « Le Conseil Constitutionnel fait du droit. Cela dit, le droit n'est pas hors sol. ».

Inversement, l'ancien Premier Ministre a souligné que les cours suprêmes ne faisaient jamais bon ménage avec les autocrates : « Vous observerez que tous les régimes autoritaires qui veulent asseoir leur autoritarisme commencent par s'attaquer à la cour suprême. Cela a été le cas en Pologne. C'est le cas en Hongrie. Et ainsi de suite. ».

Pour Alain Juppé, avoir une carrière politique est un plus et pas un moins pour siéger au Conseil Constitutionnel : « [Le Conseil Constitutionnel] doit s'assurer du bon fonctionnement des pouvoirs publics, du bon équilibre entre le pouvoir législatif, le Parlement, et le pouvoir exécutif, le gouvernement et le Président. Et de ce point de vue, avoir à l'intérieur du Conseil Constitutionnel des hommes et des femmes qui ont une expérience du gouvernement ou une expérience du Parlement, c'est un gage de compétence et d'expérience. ».
 

 
 


À la question d'une possible troisième candidature d'Emmanuel Macron dans le cas où il démissionnerait et se représenterait immédiatement, Alain Juppé a refusé de donner son sentiment ni même son raisonnement, mais le Conseil Constitutionnel serait amené évidemment, dans ce cas, à statuer sur cette possibilité puisque c'est lui qui proclame les candidatures officielles à la Présidence de la République (vérifiant notamment que la condition des cinq cents parrainages soit bien respectée).

La date du mercredi 19 février 2025 sera cruciale puisque les auditions des candidats seront faites dans les deux commissions des lois, puis leurs votes. Ce sera peut-être l'occasion historique du premier rejet d'une nomination. C'est possible en effet que la candidature de Richard Ferrand soit rejetée en raison d'une conjonction de toute la gauche, de LR et du RN. Pour ces trois courants politiques, ce serait le moyen de signifier leur opposition frontale à Emmanuel Macron, y compris Les Républicains qui se trouvent au gouvernement et qui sont plongés dans une nouvelle guerre des chefs qui pourrait avoir une incidence sur ces votes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?
Laurent Fabius.
Nominations au Conseil Constitutionnel en février 2010.
Les nominations présidentielle.
Jean-Louis Debré.
Pierre Mazeaud.
Yves Guéna.
Roland Dumas.
Robert Badinter.
Daniel Mayer.
 

 

 

 


https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250211-juppe.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/alain-juppe-a-la-rescousse-de-259267

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/14/article-sr-20250211-juppe.html



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