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institutions - Page 12

  • Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains

    « Quand on lève la garde pour se protéger le visage, on expose son cœur. Et inversement. » (Jo Nesbo, 2021).



     

     
     


    Ce qui se passe chez Les Républicains depuis les élections européennes pourraient faire rigoler à grands éclats. En effet, la journée du mercredi 12 juin 2024 restera certainement dans toutes les mémoires tant dans la rubrique humour que dans la rubrique politique.

    L'épisode (j'y reviendrai juste après) d'un président de parti enfermé dans son bureau et empêchant ses collègues de s'introduire dans le bâtiment, un peu comme les gosses le feraient dans une cour de récréation, me faisait penser à cette excellente bande dessinée de Christian Binet, l'auteur de la série des Bidochons, intitulée "Monsieur le Ministre" (en deux tomes). À un moment, les jeunes du parti veulent prendre le pouvoir en interne, alors ils se rebellent contre les vieux (les caciques qui dirigent le parti) et s'enferment dans les toilettes. Suit alors une négociation pour qu'ils rouvrent la porte des toilettes, etc. Le très observateur Binet faisait référence à la séquence des Rénovateurs de l'opposition, entre avril et juin 1989, où les jeunes loups quadragénaires de l'UDF et du RPR (dont Dominique Baudis, Michel Noir, François Bayrou et Philippe Séguin) voulaient mettre dehors Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing.

    D'autres mettent un parallèle avec la guéguerre entre Jean-François Copé et François Fillon pour s'emparer de la présidence de l'UMP en 2012-2013. Mais je pense que c'est beaucoup plus grave que cela. Ici, il ne s'agit pas de la tambouille interne d'un parti politique, mais de candidatures pour les élections législatives et donc, à terme, pour un futur gouvernement. Cela ne concerne donc pas seulement les adhérents (raréfiés) d'un (désormais petit) parti politique, mais l'ensemble des Français.

    J'écris "vaudeville", j'écris "rigoler", et on a raison de rire, un rire nerveux, car peut-être que les temps vont être durs, mais en fait, ce n'est pas drôle du tout, c'est même très grave et j'aurais même tendance à penser que ce qui se passe aux LR est une déflagration encore plus grave que celle provoquée par la dissolution.

    Venons-en aux faits. Après l'allocution du Président Emmanuel Macron, le président de LR, Éric Ciotti, conformément à la doctrine de ce parti depuis 2017, a annoncé dès le soir du 9 juin 2024 qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Pas de surprise, mais surtout, pas de réaction hostile de la part des hiérarques de LR. Et puis, est venue cette (malheureuse ?) déclaration d'Éric Ciotti interrogé au journal de 13 heures le mardi 11 juin 2024 sur TF1. Il a annoncé vouloir faire une alliance entre LR et le RN, afin de présenter des candidatures uniques dans toutes les circonscriptions : « Nous avons besoin d'une alliance. Il faut une alliance avec le RN, ses candidats. Je souhaite que ma famille aille dans ce sens. ».

    En quelque sorte, voyant le vent favorable au RN, il voudrait que les favoris lui fassent une place. Allez, Françoise Hardy manque, petit intermède (il y en aura deux autres dans cet article qui poursuit l'hommage à la chanteuse).

    « Fais-moi une place

    Dans ton avenir
    Pour que j'ressasse

    Moins mes souvenirs »





    Le raisonnement d'Éric Ciotti est cynique mais réaliste : face à trois blocs importants, le RN, la majorité présidentielle et la gauche qui s'est unifiée comme par magie (j'y reviendrai dans un autre article), Les Républicains ne peuvent pas rester seuls dans cette aventure électorale et risquent de tout perdre, de n'avoir plus aucun député. Dans la tradition de la Cinquième République, il leur faut donc faire alliance. Ce raisonnement est à mon avis tout à fait pertinent et valable, mais c'est la conclusion qui devient complètement débile.

    Car pour lui, LR doit donc s'allier au RN. Pas de candidature opposée à l'un ou à l'autre dans les circonscriptions. Marine Le Pen, qui s'est réjouie de cette prise de position, a tout de suite dit ok et, du coup, a jeté à la poubelle ses débuts de négociation avec Reconquête commencées lundi. Pour Éric Ciotti, dont la circonscription niçoise doit être très RN au lendemain des européennes, c'est la consécration.

    Pourtant, politiquement, c'est débile parce que le programme économique d'Éric Ciotti est diamétralement opposé aux vagues déclarations faites sur le sujet par le RN : il souhaite instaurer l'ultralibéralisme, supprimer quasiment tous les impôts mais aussi les dépenses publiques.

    Les réactions ne se sont pas fait attendre ! Tous les autres responsables LR ont condamné sans appel cette prise de position. Tous, sans exception, en particulier, bien sûr, Valérie Pécresse, Michel Barnier et Xavier Bertrand, ainsi que Gérard Larcher, ce qui était prévisible, mais aussi Laurent Wauquiez (qu'on n'entendait plus), Bruno Retailleau, Geoffroy Didier, même Nadine Morano, Brice Hortefeux, encore François-Xavier Bellamy et Cécile Imart, les acteurs LR des européennes. Tous ont condamné mais on ne sait pas toujours pour quelle raison, car il y a deux motifs à condamnation.

    Le premier est à la fois moral et politique : il n'est pas question que Les Républicains fassent alliance avec le parti de Jean-Marie Le Pen, fondé par des anciens de l'OAS qui voulaient la peau de De Gaulle. Le second est moins clair, surtout procédural, certains s'indignent qu'Éric Ciotti prenne une décision si lourde de sens sans concertation, sans consulter le bureau politique, sans consulter les adhérents, bref, comme un autocrate, comme l'a très bien décrit sur tous les plateaux de télévision la maire de Taverny Florence Portelli, vice-présidente de LR. D'un côté le fond, de l'autre la forme, mais les deux se rejoignent.

    Le problème de LR, c'est qu'Éric Ciotti est le président élu par les adhérents et que rien ne l'empêche de le rester. Problème juridique fort comme c'était le cas pour François Fillon désigné candidat à l'élection présidentielle par la primaire et rien juridiquement ne permettait de l'évincer. L'épreuve de force a donc eu lieu.


    Le lendemain, mercredi 12 juin 2024, c'était la guerre des tranchées. En prévision du grabuge, Éric Ciotti a fait évacuer le siège de LR de tous ses permanents censés désormais travailler en télétravail. À midi, les portes du bâtiment se sont fermées, place du Palais-Bourbon. L'idée était motivée par la réunion prochaine d'un bureau politique contre lui. Qu'importe, les membres du bureau politique se sont installés pas très loin, rue Las-Cases, au Musée Social (cela ne s'invente pas, même dans les plus mauvais romans d'anticipation politique).

    Résultat : la réunion du bureau politique de LR a été tenue, sans Éric Ciotti, et l'a exclu de LR pour avoir pris la décision de s'allier au RN. Ces membres du bureau politique ont d'ailleurs rappelé la célérité avec laquelle Éric Ciotti avait voulu exclure les membres de LR qui avaient rejoint Emmanuel Macron entre 2017 et 2022. Pendant ce temps, Éric Ciotti était dans son bureau au siège de LR et y est resté, bunkérisé ! Les responsables LR lui ont retiré les codes des comptes Twitter et de la boîte email de LR, ont retiré le chauffeur, si bien que pour retourner à Nice, Éric Ciotti devra prendre un taxi jusqu'à l'aéroport (quelle horreur !), etc. On retrouve ici les petites misères et humiliations que l'on peut trouver dans les affaires de harcèlement dans les entreprises.
     

     
     


    Éric Ciotti a refusé ce verdict et a rappelé qu'il a été élu président de LR par les adhérents et que beaucoup d'adhérents lui ont apporté leur soutien, ce qui est plausible d'ailleurs. J'y suis, j'y reste ! Il y a désormais un choc de deux légitimités. Ah, la nostalgie d'une équipe soudée (comment, il n'y en a jamais eu ?). Qu'importe, deuxième intermède avec toujours Françoise Hardy.

    « C'est le temps de l'amour
    Le temps des copains
    Et de l'aventure
    Quand le temps va et vient
    On ne pense à rien
    Malgré ses blessures »






    La situation est donc très grave car dans ce choc de légitimité politique, il y a des investitures qui doivent être données de manière urgente (le dépôt des candidatures se termine le 16 juin 2024). Ainsi, il y a une commission des investitures LR qui provient du bureau politique et refuse tout candidat LR voulant faire alliance avec le RN, tandis qu'Éric Ciotti lui-même délivre des investitures à "ses" candidats LR sur le terrain. De quoi rendre confus les choses non seulement auprès des électeurs, les leurs, mais aussi auprès des cadres locaux de LR. Quel pourrait être l'argumentaire de campagne avec des positions si différentes ?

    En gros, on a un Éric Ciotti qui est exclu de LR mais tout en restant président de LR. Le bureau politique a pourtant annoncé qu'une présidence collégiale était mise en place (ce n'est pas la première fois !) avec la députée Annie Genevard, secrétaire générale de LR, et François-Xavier Bellamy, l'ancienne tête de liste LR aux européennes.

    Cela me fait penser à 2015 quand Marine Le Pen avait fait adopter par le bureau politique du FN l'exclusion de son père, Jean-Marie Le Pen, mais juridiquement, ce dernier restait tout de même le président d'honneur du FN car c'était inscrit dans les statuts du FN (les statuts, c'est l'équivalent d'une constitution pour un parti politique, c'est difficile de les modifier, il faut l'accord des adhérents au cours d'une assemblée générale ou congrès).
     

     
     


    Ces événements sont graves pour Les Républicains car ils remettent en cause leur propre existence. Petite séquence nostalgie : dire que LR était ce gros mastodonte UMP qui était hégémonique dans les institutions avec 358 députés sur 577 ! Tout cela est bien fini, depuis 2017, la fleur a fané vite, et 2024 pourrait en être le point final. Comme pour l'amie la rose. Troisième et dernier intermède avec hardyesse.

    « Je me suis épanouie
    Heureuse et amoureuse
    Aux rayons du soleil
    Me suis fermée la nuit
    Me suis réveillée vieille
    Pourtant j'étais très belle
    Oui, j'étais la plus belle
    Des fleurs de ton jardin
    On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Me l'a dit ce matin
    Vois le dieu qui m'a faite
    Me fait courber la tête
    Et je sens que je tombe »






    Ce vaudeville n'est pas prêt d'être terminé. Cela va se jouer à coups de constat d'huissiers, voire de plaintes devant les tribunaux, sans aucun respect ni pour les électeurs ni pour leurs sympathisants. L'aspect administratif et juridique risque de mettre au second plan l'aspect politique qui est pourtant la seule chose qui compte dans une élection : que proposeront les candidats LR comme programme et avec qui comptent-ils gouverner.

    En ce qui me concerne, je me réjouis que la digue anti-RN soit maintenue chez les dirigeants de LR, hors Éric Ciotti dont on connaissait déjà l'architecture cérébrale ultradroitisée. En particulier, la réaction de Laurent Wauquiez, Nadine Morano, Brice Hortefeux, entre autres, montre que l'indignation est quasi-unanime vis-à-vis de leur président pourtant effectivement légitime.

    En revanche, je suis inquiet voire en colère contre les dirigeants LR supposés "modérés", en particulier Gérard Larcher : il condamne effectivement les propos d'Éric Ciotti, parce qu'il ne veut pas un gouvernement RN, mais il continue à dénigrer systématiquement Emmanuel Macron au lieu, au contraire, de chercher un terrain d'entente avec lui. En continuant à s'opposer de manière totalement stérile à Emmanuel Macron, Gérard Larcher et quelques autres font finalement le jeu du RN. Après tout, avec ses hypothèses, Éric Ciotti gagnerait dans ce jeu de dupes son Ministère de l'Intérieur et le reste de LR aurait tout perdu.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (12 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240612-les-republicains.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-1-vaudeville-255197

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/13/article-sr-20240612-les-republicains.html





     

  • L'émergence du ciottisme

    « Quand on lève la garde pour se protéger le visage, on expose son cœur. Et inversement. » (Jo Nesbo, 2021).



     

     
     


    Ce qui se passe chez Les Républicains depuis les élections européennes pourraient faire rigoler à grands éclats. En effet, la journée du mercredi 12 juin 2024 restera certainement dans toutes les mémoires tant dans la rubrique humour que dans la rubrique politique.

    L'épisode (j'y reviendrai juste après) d'un président de parti enfermé dans son bureau et empêchant ses collègues de s'introduire dans le bâtiment, un peu comme les gosses le feraient dans une cour de récréation, me faisait penser à cette excellente bande dessinée de Christian Binet, l'auteur de la série des Bidochons, intitulée "Monsieur le Ministre" (en deux tomes). À un moment, les jeunes du parti veulent prendre le pouvoir en interne, alors ils se rebellent contre les vieux (les caciques qui dirigent le parti) et s'enferment dans les toilettes. Suit alors une négociation pour qu'ils rouvrent la porte des toilettes, etc. Le très observateur Binet faisait référence à la séquence des Rénovateurs de l'opposition, entre avril et juin 1989, où les jeunes loups quadragénaires de l'UDF et du RPR (dont Dominique Baudis, Michel Noir, François Bayrou et Philippe Séguin) voulaient mettre dehors Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing.

    D'autres mettent un parallèle avec la guéguerre entre Jean-François Copé et François Fillon pour s'emparer de la présidence de l'UMP en 2012-2013. Mais je pense que c'est beaucoup plus grave que cela. Ici, il ne s'agit pas de la tambouille interne d'un parti politique, mais de candidatures pour les élections législatives et donc, à terme, pour un futur gouvernement. Cela ne concerne donc pas seulement les adhérents (raréfiés) d'un (désormais petit) parti politique, mais l'ensemble des Français.

    J'écris "vaudeville", j'écris "rigoler", et on a raison de rire, un rire nerveux, car peut-être que les temps vont être durs, mais en fait, ce n'est pas drôle du tout, c'est même très grave et j'aurais même tendance à penser que ce qui se passe aux LR est une déflagration encore plus grave que celle provoquée par la dissolution.

    Venons-en aux faits. Après l'allocution du Président Emmanuel Macron, le président de LR, Éric Ciotti, conformément à la doctrine de ce parti depuis 2017, a annoncé dès le soir du 9 juin 2024 qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Pas de surprise, mais surtout, pas de réaction hostile de la part des hiérarques de LR. Et puis, est venue cette (malheureuse ?) déclaration d'Éric Ciotti interrogé au journal de 13 heures le mardi 11 juin 2024 sur TF1. Il a annoncé vouloir faire une alliance entre LR et le RN, afin de présenter des candidatures uniques dans toutes les circonscriptions : « Nous avons besoin d'une alliance. Il faut une alliance avec le RN, ses candidats. Je souhaite que ma famille aille dans ce sens. ».

    En quelque sorte, voyant le vent favorable au RN, il voudrait que les favoris lui fassent une place. Allez, Françoise Hardy manque, petit intermède (il y en aura deux autres dans cet article qui poursuit l'hommage à la chanteuse).

    « Fais-moi une place

    Dans ton avenir
    Pour que j'ressasse

    Moins mes souvenirs »





    Le raisonnement d'Éric Ciotti est cynique mais réaliste : face à trois blocs importants, le RN, la majorité présidentielle et la gauche qui s'est unifiée comme par magie (j'y reviendrai dans un autre article), Les Républicains ne peuvent pas rester seuls dans cette aventure électorale et risquent de tout perdre, de n'avoir plus aucun député. Dans la tradition de la Cinquième République, il leur faut donc faire alliance. Ce raisonnement est à mon avis tout à fait pertinent et valable, mais c'est la conclusion qui devient complètement débile.

    Car pour lui, LR doit donc s'allier au RN. Pas de candidature opposée à l'un ou à l'autre dans les circonscriptions. Marine Le Pen, qui s'est réjouie de cette prise de position, a tout de suite dit ok et, du coup, a jeté à la poubelle ses débuts de négociation avec Reconquête commencées lundi. Pour Éric Ciotti, dont la circonscription niçoise doit être très RN au lendemain des européennes, c'est la consécration.

    Pourtant, politiquement, c'est débile parce que le programme économique d'Éric Ciotti est diamétralement opposé aux vagues déclarations faites sur le sujet par le RN : il souhaite instaurer l'ultralibéralisme, supprimer quasiment tous les impôts mais aussi les dépenses publiques.

    Les réactions ne se sont pas fait attendre ! Tous les autres responsables LR ont condamné sans appel cette prise de position. Tous, sans exception, en particulier, bien sûr, Valérie Pécresse, Michel Barnier et Xavier Bertrand, ainsi que Gérard Larcher, ce qui était prévisible, mais aussi Laurent Wauquiez (qu'on n'entendait plus), Bruno Retailleau, Geoffroy Didier, même Nadine Morano, Brice Hortefeux, encore François-Xavier Bellamy et Cécile Imart, les acteurs LR des européennes. Tous ont condamné mais on ne sait pas toujours pour quelle raison, car il y a deux motifs à condamnation.

    Le premier est à la fois moral et politique : il n'est pas question que Les Républicains fassent alliance avec le parti de Jean-Marie Le Pen, fondé par des anciens de l'OAS qui voulaient la peau de De Gaulle. Le second est moins clair, surtout procédural, certains s'indignent qu'Éric Ciotti prenne une décision si lourde de sens sans concertation, sans consulter le bureau politique, sans consulter les adhérents, bref, comme un autocrate, comme l'a très bien décrit sur tous les plateaux de télévision la maire de Taverny Florence Portelli, vice-présidente de LR. D'un côté le fond, de l'autre la forme, mais les deux se rejoignent.

    Le problème de LR, c'est qu'Éric Ciotti est le président élu par les adhérents et que rien ne l'empêche de le rester. Problème juridique fort comme c'était le cas pour François Fillon désigné candidat à l'élection présidentielle par la primaire et rien juridiquement ne permettait de l'évincer. L'épreuve de force a donc eu lieu.


    Le lendemain, mercredi 12 juin 2024, c'était la guerre des tranchées. En prévision du grabuge, Éric Ciotti a fait évacuer le siège de LR de tous ses permanents censés désormais travailler en télétravail. À midi, les portes du bâtiment se sont fermées, place du Palais-Bourbon. L'idée était motivée par la réunion prochaine d'un bureau politique contre lui. Qu'importe, les membres du bureau politique se sont installés pas très loin, rue Las-Cases, au Musée Social (cela ne s'invente pas, même dans les plus mauvais romans d'anticipation politique).

    Résultat : la réunion du bureau politique de LR a été tenue, sans Éric Ciotti, et l'a exclu de LR pour avoir pris la décision de s'allier au RN. Ces membres du bureau politique ont d'ailleurs rappelé la célérité avec laquelle Éric Ciotti avait voulu exclure les membres de LR qui avaient rejoint Emmanuel Macron entre 2017 et 2022. Pendant ce temps, Éric Ciotti était dans son bureau au siège de LR et y est resté, bunkérisé ! Les responsables LR lui ont retiré les codes des comptes Twitter et de la boîte email de LR, ont retiré le chauffeur, si bien que pour retourner à Nice, Éric Ciotti devra prendre un taxi jusqu'à l'aéroport (quelle horreur !), etc. On retrouve ici les petites misères et humiliations que l'on peut trouver dans les affaires de harcèlement dans les entreprises.

     
     


    Éric Ciotti a refusé ce verdict et a rappelé qu'il a été élu président de LR par les adhérents et que beaucoup d'adhérents lui ont apporté leur soutien, ce qui est plausible d'ailleurs. J'y suis, j'y reste ! Il y a désormais un choc de deux légitimités. Ah, la nostalgie d'une équipe soudée (comment, il n'y en a jamais eu ?). Qu'importe, deuxième intermède avec toujours Françoise Hardy.

    « C'est le temps de l'amour
    Le temps des copains
    Et de l'aventure
    Quand le temps va et vient
    On ne pense à rien
    Malgré ses blessures »






    La situation est donc très grave car dans ce choc de légitimité politique, il y a des investitures qui doivent être données de manière urgente (le dépôt des candidatures se termine le 16 juin 2024). Ainsi, il y a une commission des investitures LR qui provient du bureau politique et refuse tout candidat LR voulant faire alliance avec le RN, tandis qu'Éric Ciotti lui-même délivre des investitures à "ses" candidats LR sur le terrain. De quoi rendre confus les choses non seulement auprès des électeurs, les leurs, mais aussi auprès des cadres locaux de LR. Quel pourrait être l'argumentaire de campagne avec des positions si différentes ?

    En gros, on a un Éric Ciotti qui est exclu de LR mais tout en restant président de LR. Le bureau politique a pourtant annoncé qu'une présidence collégiale était mise en place (ce n'est pas la première fois !) avec la députée Annie Genevard, secrétaire générale de LR, et François-Xavier Bellamy, l'ancienne tête de liste LR aux européennes.

    Cela me fait penser à 2015 quand Marine Le Pen avait fait adopter par le bureau politique du FN l'exclusion de son père, Jean-Marie Le Pen, mais juridiquement, ce dernier restait tout de même le président d'honneur du FN car c'était inscrit dans les statuts du FN (les statuts, c'est l'équivalent d'une constitution pour un parti politique, c'est difficile de les modifier, il faut l'accord des adhérents au cours d'une assemblée générale ou congrès).
     

     
     


    Ces événements sont graves pour Les Républicains car ils remettent en cause leur propre existence. Petite séquence nostalgie : dire que LR était ce gros mastodonte UMP qui était hégémonique dans les institutions avec 358 députés sur 577 ! Tout cela est bien fini, depuis 2017, la fleur a fané vite, et 2024 pourrait en être le point final. Comme pour l'amie la rose. Troisième et dernier intermède avec hardyesse.

    « Je me suis épanouie
    Heureuse et amoureuse
    Aux rayons du soleil
    Me suis fermée la nuit
    Me suis réveillée vieille
    Pourtant j'étais très belle
    Oui, j'étais la plus belle
    Des fleurs de ton jardin
    On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Me l'a dit ce matin
    Vois le dieu qui m'a faite
    Me fait courber la tête
    Et je sens que je tombe »






    Ce vaudeville n'est pas prêt d'être terminé. Cela va se jouer à coups de constat d'huissiers, voire de plaintes devant les tribunaux, sans aucun respect ni pour les électeurs ni pour leurs sympathisants. L'aspect administratif et juridique risque de mettre au second plan l'aspect politique qui est pourtant la seule chose qui compte dans une élection : que proposeront les candidats LR comme programme et avec qui comptent-ils gouverner.

    En ce qui me concerne, je me réjouis que la digue anti-RN soit maintenue chez les dirigeants de LR, hors Éric Ciotti dont on connaissait déjà l'architecture cérébrale ultradroitisée. En particulier, la réaction de Laurent Wauquiez, Nadine Morano, Brice Hortefeux, entre autres, montre que l'indignation est quasi-unanime vis-à-vis de leur président pourtant effectivement légitime.

    En revanche, je suis inquiet voire en colère contre les dirigeants LR supposés "modérés", en particulier Gérard Larcher : il condamne effectivement les propos d'Éric Ciotti, parce qu'il ne veut pas un gouvernement RN, mais il continue à dénigrer systématiquement Emmanuel Macron au lieu, au contraire, de chercher un terrain d'entente avec lui. En continuant à s'opposer de manière totalement stérile à Emmanuel Macron, Gérard Larcher et quelques autres font finalement le jeu du RN. Après tout, avec ses hypothèses, Éric Ciotti gagnerait dans ce jeu de dupes son Ministère de l'Intérieur et le reste de LR aurait tout perdu.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (12 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240612-ciotti.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/21/article-sr-20240612-ciotti.html



     

  • Il y a 100 ans, la démission d'Alexandre Millerand

    « Cet homme n’a jamais pu s’exprimer pleinement : la seule fois qu’il détint véritablement le pouvoir, en 1920, il le quitta volontairement pour une Présidence de la République qui lui apporta davantage de désillusions que de satisfactions. » (Jean-Louis Rizzo, 2013).




     

     
     


    La France politique vit cette semaine une période d'agitation importante avec la dissolution décidée par Emmanuel Macron. Il y a exactement 100 ans, la France vivait déjà une période de fortes turbulences politiques. Une forte crise institutionnelle a terminé le 11 juin 1924 par la démission du Président Alexandre Millerand, un des rares Présidents de la Troisième République à avoir un peu d'autorité politique (avec Adolphe Thiers et Raymond Poincaré).

    Revenons au contexte politique de l'homme puis du moment. Alexandre Millerand avait 65 ans au moment de cette crise politique majeure de la République. Avocat et journaliste proche de Georges Clemenceau, Alexandre Millerand était d'abord l'une des deux figures du socialisme français, l'autre étant ...Jean Jaurès, né la même année que lui, 1859. Élu conseiller municipal de Paris en 1884 (il avait 25 ans), puis député de Paris de décembre 1885 à septembre 1920, d'abord avec l'étiquette radicale, puis socialiste à partir de 1893 (avec René Viviani), puis socialiste indépendant à partir de 1904. Le "indépendant" de socialiste signifiait qu'il acceptait de devenir ministre dans un gouvernement "bourgeois", partisan du réformisme de l'intérieur.

    Son célèbre discours de Saint-Mandé, le 30 mai 1896, lors d'un banquet à la Porte Dorée (c'était l'époque des grands banquets républicains), est resté dans l'histoire comme un appel à l'unité des socialistes et à la rédaction d'un programme commun (déjà !). Il représentait alors une cinquantaine de députés socialistes. Alexandre Millerand était au départ soutenu par Jean Jaurès mais sa volonté de se rapprocher des classes moyennes inquiétait les socialistes révolutionnaires. Aux élections législatives des 8 et 22 mai 1898, Alexandre Millerand est devenu le leader incontesté des socialistes en raison de la défaite de Jean Jaurès et de Jules Guesde. Il était également proche d'Aristide Briand dans son œuvre d'éditorialiste politique (qui était de sa génération comme Jean Jaurès, Raymond Poincaré, Paul Painlevé, Aristide Briand et René Viviani).

    Le 23 juin 1899 a marqué une date importante pour le socialisme français puisque, avec un accord entre son groupe socialiste et le centre droit, Alexandre Millerand a été le premier socialiste à siéger au gouvernement, celui de Pierre Waldeck-Rousseau, comme Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et Télégraphes jusqu'au 7 juin 1902. Également chargé du Travail, il a fait voter la loi du 30 mars 1900 sur une réduction du temps de travail de 12 à 10 heures par jour.


    Se rapprochant du centre droit, Alexandre Millerand était favorable à la loi de séparation des Églises et de l'État du 9 décembre 1905, mais s'est opposé fermement à la politique anticléricale du Président du Conseil radical Émile Combes. Pour cette raison, il fut exclu des socialistes en janvier 1904 et a rompu avec Jean Jaurès. Parmi ses proches, il y avait Charles Péguy et, plus tard, Maurice Barrès.

    Au fil de gouvernements, Alexandre Millerand a repris des responsabilités ministérielles : Ministre des Travaux publics, des Postes et Télégraphes du 24 juillet 1909 au 3 novembre 1910 dans le gouvernement d'Aristide Briand, puis Ministre de la Guerre du 14 janvier 1912 au 12 janvier 1914 dans le gouvernement de Raymond Poincaré qui lui a laissé une grande autonomie d'action, puis en pleine guerre, du 26 août 1914 au 29 octobre 1915 dans le gouvernement de René Viviani. Pendant cette période, Alexandre Millerand laissait une grande marge de liberté à l'armée dirigée par le général Joseph Joffre au point que Raymond Poincaré, devenu Président de la République, évoquait une "dictature militaire" (avec censure dans la presse).

    Évincé du gouvernement, Alexandre Millerand a continué à prôner l'Union sacrée et surtout, à souhaiter le retour de Clemenceau à la Présidence du Conseil. Ses conceptions institutionnelles, dès 1885, étaient qu'il fallait à la France un homme fort qui puisse gouverner le pays. Clemenceau était, pour lui, l'homme de la situation pour terminer la guerre (il fut investi le 16 novembre 1917).

     

     
     


    Après la Victoire du 11 novembre 1918, Alexandre Millerand fut chargé par Clemenceau du poste délicat de Commissaire général de la République à Strasbourg du 21 mars 1919 au 25 janvier 1920. Il était chargé, avec des pouvoirs importants, de réinsérer administrativement l'Alsace-Moselle dans la République française après la défaite de l'Allemagne. J'ai connu un futur prêtre qui a travaillé à ses côtés à Strasbourg. Hélas, j'étais trop jeune pour avoir une discussion passionnante avec lui et il est parti, très âgé, mais trop tôt pour ma maturité intellectuelle. Quelques années plus tard, j'aurais eu tellement de questions pour mieux connaître et comprendre Alexandre Millerand. J'étais aussi fasciné par cette échelle du temps si lointain avec des témoins contemporains (et en 2024, c'est encore bien pire puisque près d'une quarantaine d'années est passée par là !).

    Les choses arrivèrent avec les élections législatives du 16 novembre 1919, les premières depuis la fin de la guerre. Il s'est fait réélire député de Paris, avec l'étiquette du Bloc national, comme Clemenceau (Président du Conseil), mais aussi comme son rival Raymond Poincaré (Président de la République). C'est une formation située au centre droit rassemblant les partis républicains. Le Bloc national les a largement remportées, avec 412 sièges sur 613 et 53,4% des voix, face aux 68 députés socialistes de la SFIO dirigée par Paul Faure (21,2% des voix) et aux 86 députés radicaux dirigés par Édouard Herriot (20,9% des voix). Pour les socialistes et les radicaux, ce fut une lourde défaite.

    À la fin du septennat de Raymond Poincaré, une élection présidentielle fut organisée le 17 janvier 1920 pour désigner son successeur. Bien que réticent à cette idée, Clemenceau a accepté d'être candidat à la candidature, histoire d'honorer le Père la Victoire et lui attribuer une retraite confortable (après l'Académie française). Sous la Troisième République, l'élection présidentielle se passait en deux temps : d'abord, une réunion préparatoire entre les partis républicains pour désigner un candidat unique (on appellerait cela maintenant une primaire), ensuite l'élection elle-même, par tous les parlementaires (députés et sénateurs). Le favori était George Clemenceau, en raison de la grande victoire du Bloc national, mais par de sombres manœuvres d'Aristide Briand, liguant de nombreux députés du Bloc national contre la manière de négocier le Traité de Versailles, Clemenceau a été mis en minorité par les députés de son groupe au profit de Paul Deschanel, un candidat médiocre et sans personnalité. Clemenceau, qui méprisait beaucoup la classe politique, est tombé par là où il était le tombeur traditionnel, car pendant un quart de siècle, il a eu une influence majeure dans l'élection des Présidents de la République, favorisant les plus médiocres et empêchant les fortes personnalités d'atteindre l'Élysée (c'était avant Raymond Poincaré). Résultat, Clemenceau retira sa candidature et démissionna de la Présidence du Conseil, puisque désavoué par sa majorité, pour prendre sa retraite (au Sénat).

    Pour le remplacer à la tête du gouvernement, Alexandre Millerand a été élu Président du Conseil le 20 janvier 1920, poste qu'il a cumulé avec celui de Ministre des Affaires étrangères. André Tardieu était considéré encore comme trop inexpérimenté pour diriger le gouvernement (il faut rappeler que Clemenceau et Alexandre Millerand se connaissaient bien depuis 1884, et qu'Alexandre Millerand et André Tardieu furent les deux rares personnalités politiques de la Troisième République à avoir voulu réformer les institutions pour réduire le pouvoir législatif et accroître le pouvoir exécutif (les gouvernements tombaient souvent, pour un oui ou un non).

    À l'Élysée, Paul Deschanel a été élu sans surprise. Mais sa santé mentale fut mise en cause lors d'un incident plutôt cocasse (il est tombé de son train présidentiel en pyjama sur la voie ferrée et le chef de gare du coin ne croyait pas qu'il était le Président de la République comme il le prétendait). Finalement, il démissionna assez vite le 21 septembre 1920, ce qui provoqua une nouvelle élection présidentielle.

    Alexandre Millerand, l'homme fort du Bloc national après le départ de Clemenceau, préférait rester Président du Conseil et désigner Charles Jonnart puis Raoul Péret (Président de la Chambre), voire Léon Bourgeois (Président du Sénat) comme successeurs à l'Élysée. Mais ces derniers refusèrent successivement si bien qu'il se porta candidat et, revanche de Clemenceau, Alexandre Millerand fut élu Président de la République le 23 septembre 1920 avec 695 voix sur 786 (soit 88,4% des voix) face au socialiste Gustave Delory (69 voix), après avoir été choisi par les parlementaires républicains à la réunion préparatoire de la veille par 528 voix sur 804. Il fut le mieux élu de la République !

     
     


    Refusant de seulement inaugurer les chrysanthèmes, Alexandre Millerand a défendu le concept de Président partisan, apportant son soutien au Bloc national pour faire durer l'Union sacrée. Mais la gauche s'opposait vivement à lui. Il souhaitait une véritable révision constitutionnelle qui donnerait plus de pouvoirs au Président de la République, supprimant l'avis conforme du Sénat pour son droit de dissolution, la possibilité de référendum, etc. Il prônait aussi le droit des femmes, la décentralisation, la création d'une cour constitutionnelle, etc. et sa méthode pour élire le Président de la République a été reprise par les constituants de 1958 (élection par un collège électoral). Dans sa majorité, les proches de Clemenceau lui reprochaient de saboter le Traité de Versailles, et les partisans de Raymond Poincaré, redevenu Président du Conseil du 15 janvier 1922 au 1er juin 1924, s'inquiétaient de sa pratique présidentielle autoritaire.

    L'un des exemples marquants de sa pratique présidentielle fut la nomination du nouveau gouvernement à son élection à l'Élysée. Pour le remplacer à la tête du gouvernement, il nomma le 24 septembre 1920 un ancien ministre de Clemenceau, Georges Leygues, et ce dernier proposa les mêmes ministres que le gouvernement sortant d'Alexandre Millerand qui, par cette méthode, continuait à diriger le gouvernement. Perdant le soutien d'une composante de sa majorité, Georges Leygues s'effaça devant Aristide Briand le 16 janvier 1921.

    Dans la perspective des élections législatives des 11 et 25 mai 1924, Alexandre Millerand a prononcé un autre discours important le 14 octobre 1923 à Évreux où il faisait campagne pour sa coalition. Il a défendu l'action du gouvernement tant financière que diplomatique et a choqué parce qu'il ne restait pas cantonné à un rôle honorifique. Cela a aiguisé les critiques, pendant la campagne, de ses adversaires, les radicaux et les socialistes réunis dans le Cartel des gauches, qui gagna finalement les élections avec 287 sièges sur 552 (42,1% des voix) face au centre droit 249 sièges (47,1% des voix), avec une forte participation (80,7% des inscrits, soit 10,5 points de plus qu'en 1919). Le mode de scrutin (mixte entre majoritaire et proportionnel) profita au Cartel des gauches minoritaire en voix mais majoritaire en sièges.

    Comme il s'était personnellement engagé dans la campagne, Alexandre Millerand a vu contestée sa propre légitimité. Les radicaux puis les socialistes réclamèrent sa démission. Alexandre Millerand refusa, si bien que la nouvelle majorité décida de faire une grève des Présidents du Conseil : tant qu'Alexandre Millerand était à l'Élysée, elle refuserait la confiance à tout gouvernement. Raymond Poincaré, le chef du gouvernement sortant, refusa d'être reconduit et donna sa démission le 1er juin 1924, jour de l'installation de la nouvelle Chambre. Alexandre Millerand proposa le 5 juin 1924 à Édouard Herriot, en tant que chef des radicaux, la Présidence du Conseil, mais sous pression de ses amis, il refusa l'offre. Le Président de la République la proposa alors à son ancien Ministre de l'Intérieur Théodore Steeg qui la refusa également.

     
     


    Il nomma le Ministre des Finances en exercice Frédéric François-Marsal à la Présidence du Conseil le 8 juin 1924. Son objectif était de pouvoir communiquer avec les députés et d'intégrer le Cartel des gauche dans le gouvernement sans démission présidentielle. En outre, il fallait l'aval du Sénat (composé majoritairement de radicaux) pour dissoudre la Chambre nouvellement élue. Le 10 juin 1924, les sénateurs par 154 voix contre 144 et les députés par 327 voix contre 217 ont renversé le gouvernement François-Marsal. Le lendemain, 11 juin 1924, acculé, alors qu'il a « épuisé tous les moyens légaux », après une guéguerre de deux semaines entre lui et le Cartel des gauches, et même une rumeur de coup d'État (parce qu'il avait invité à l'Élysée un général), Alexandre Millerand donna sa démission.

    Par cette crise institutionnelle, la Troisième République se confirmait comme un régime des partis et un régime d'assemblées, la Chambre avait le dernier mot dans tous les cas, et après la célèbre phrase de Gambetta : « Il faudra se soumettre ou se démettre ! » adressée à Mac Mahon, Président monarchiste élu par hasard pour régler un problème de succession dynastique, seule l'option de la démission était laissée par Édouard Herriot à Alexandre Millerand. Gaston Doumergue lui succéda à l'Élysée.

    Avec le retrait provisoire de Raymond Poincaré (qui, toutefois, retrouva la Présidence du Conseil du 23 juillet 1926 au 26 juillet 1929), Alexandre Millerand resta une personnalité politique forte du Bloc national, visitant la France avec notamment André Maginot, Louis Marin et André François-Poncet, allant même jusqu'à se rapprocher des milieux nationalistes en 1924 et 1925, puis il se fit élire sénateur de la Seine en avril 1925, échoua pour sa réélection en janvier 1927, puis fut réélu sénateur de l'Orne en octobre 1927 et octobre 1935, jusqu'en juillet 1940. Cela lui donnait une belle tribune politique. Dans les années 1930, il s'opposa à Aristide Briand (à cause de sa politique extérieure), apporta son soutien à André Tardieu puis Pierre Laval (en 1935) pour leur politique économique.

    Alexandre Millerand est mort le 6 avril 1943 à 84 ans (né le 10 février 1859), des suites de la maladie de Parkinson. Sa disparition ne fut pas un événement en raison de la guerre. L'historien Jean-Louis Rizzo, auteur d'une biographie d'Alexandre Millerand, lâcha comme un goût de destin inachevé : « Cet homme n’a jamais pu s’exprimer pleinement : la seule fois qu’il détint véritablement le pouvoir, en 1920, il le quitta volontairement pour une Présidence de la République qui lui apporta davantage de désillusions que de satisfactions. Le reste du temps, son caractère ombrageux, ses obstinations ainsi que ses erreurs éloignèrent de lui nombre de ses amis politiques. (…) Il n’en demeure pas moins qu’il fut parfois un précurseur, aussi bien dans l’affirmation d'un socialisme démocratique que dans la volonté de voir émerger un pouvoir exécutif fort. ».



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Alexandre Millerand.
    La victoire des impressionnistes.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Mélinée et Missak Manouchian.
    Le Débarquement en Normandie.
    La crise du 6 février 1934.
    Gustave Eiffel.

    Maurice Barrès.
    Joseph Paul-Boncour.
    G. Bruno et son Tour de France par Deux Enfants.
    Pierre Mendès France.
    Léon Blum.
    Jean Jaurès.
    Jean Zay.
    Le général Georges Boulanger.
    Georges Clemenceau.
    Paul Déroulède.
    Seconde Guerre mondiale.
    Première Guerre mondiale.
    Le Pacte Briand-Kellogg.
    Le Traité de Versailles.
    Charles Maurras.
    L’école publique gratuite de Jules Ferry.
    La loi du 9 décembre 1905.
    Émile Combes.
    Henri Queuille.
    Rosa Luxemburg.
    La Commune de Paris.
    Le Front populaire.
    Le congrès de Tours.
    Georges Mandel.
    Les Accords de Munich.
    Édouard Daladier.
    Clemenceau a perdu.
    Au Panthéon de la République, Emmanuel Macron défend le droit au blasphème.
    150 ans de traditions républicaines françaises.
     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240611-millerand.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/il-y-a-100-ans-la-demission-d-254934

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/08/article-sr-20240611-millerand.html




     

  • Sidération institutionnelle : la Vie dissolue d'Emmanuel Macron

    « - Le Président de la République peut, après consultation du Premier Ministre et des Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée Nationale.
    - Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.
    - L'Assemblée Nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.
    - Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections. »
    (Article 12 de la Constitution).





     

     
     


    On ne va pas le cacher, je reste surpris et atterré par la dissolution annoncée par le Président Emmanuel Macron au soir des élections européennes de ce dimanche 9 juin 2024. J'étais dans mon bureau de vote en fin de dépouillement quand je l'ai appris et je l'ai moi-même appris aux autres assesseurs et scrutateurs consternés.

    Par l'observation continue des scrutins de la Cinquième République, je pressentais bien qu'il y aurait, comme dans tous les scrutins, une surprise. La surprise de ces européennes, c'est qu'en gros, les résultats sont cohérents avec ce que donnaient les derniers sondages, je les commenterai donc, mais plus tard, dans un autre article. La surprise et la sidération ne viennent pas de ces résultats finalement attendus, mais de la réaction très rapide, trop rapide ?, du Président, au cours d'une courte allocution télévisée à 21 heures, celle de dissoudre l'Assemblée Nationale et d'organiser de nouvelles élections législatives dès le 30 juin 2024 pour le premier tour et le 7 juillet 2024 pour le second tour.

    Après avoir constaté la défaite de son camp et la victoire des populistes, Emmanuel Macron a déclaré en effet : « Pour moi, qui ai toujours considéré qu'une Europe unie, forte, indépendante est bonne pour la France, c'est une situation à laquelle je ne peux me résoudre. La montée des nationalistes, des démagogues, est un danger pour notre nation, mais aussi pour notre Europe, pour la place de la France en Europe et dans le monde. (…) Oui, l'extrême droite est à la fois l'appauvrissement des Français et le déclassement de notre pays. Je ne saurais donc, à l'issue de cette journée, faire comme si de rien n'était. À cette situation s'ajoute une fièvre qui s'est emparée ces dernières années du débat public et parlementaire dans notre pays, un désordre qui, je le sais, vous inquiète, parfois vous choque, et auquel je n'entends rien céder. Or, aujourd'hui, les défis qui se présentent à nous, qu'il s'agisse des dangers extérieurs, du dérèglement climatique et de ses conséquences, ou des menaces à notre propre cohésion, ces défis exigent la clarté dans nos débats, l'ambition pour le pays et le respect pour chaque Français. C'est pourquoi, après avoir procédé aux consultations prévues à l'article 12 de notre Constitution, j'ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale. Je signerai dans quelques instants le décret de convocation des élections législatives qui se tiendront le 30 juin pour le premier tour et le 7 juillet pour le second. Cette décision est grave, lourde, mais c'est avant tout, un acte de confiance. ».


    Comme je l'ai rappelé en début d'article, si l'agenda est serré (j'écrirais même dément pour les communes qui organiseront les deux scrutins !), il reste constitutionnel. L'article 12 de la Constitution dit entre vingt et quarante jours de la dissolution, et là, le Président a proposé vingt et un jours. Un record ! Évacuons quelques remarques préliminaires : comme dans le cas d'un référendum, le principe de retourner aux urnes est, en lui-même, un gage de démocratie, évidemment. Donner la parole au peuple est toujours un gaine de démocratie. Mais il est des décisions qui peuvent être désastreuses. Jouer avec le feu peut brûler.

    Car la première image qui vient à l'esprit, c'est le Président qui offre sur un plateau d'argent le pouvoir au RN, pour deux à trois ans au moins. Comment a-t-il pu penser qu'en trois semaines, les Français changeraient radicalement de tendance électorale ? Au contraire, on a bien vu en 1981, 1988, 2002, 2007, 2012, 2017 et 2022 que les Français ont confirmé la tendance présidentielle aux législatives qui ont suivi, parfois en l'amplifiant, parfois en la freinant mais jamais en la désavouant. Or, on peut imaginer raisonnablement que la tendance ici, favorable au RN, serait amplifiée avec ces élections législatives anticipées. Il faut comprendre que le RN a infusé dans toutes les catégories de la population, âge, catégorie socioprofessionnelle, niveau d'études, etc. Et que son audience électorale remarquable provient d'un mouvement de fond, très profond, pas seulement des gilets jeunes, mais depuis quarante ans (septembre 1983 à Dreux) et, en outre, c'est un mouvement international qui touche pratiquement toute l'Europe (les élections britanniques du 4 juillet 2024 seront instructives) et même les États-Unis, l'Amérique du Sud, etc. (d'où la responsabilité d'Emmanuel Macron pas vraiment évidente).

    Et le calendrier ! Quelle sottise ! Juste en fin d'année scolaire, quand les gens se préparent à leurs vacances (méritées). Juste avant les Jeux olympiques et paralympiques (bonjour la sécurité ! Sans compter que faire campagne dans un Paris à circulation impossible, cela pose quelques questions). Les week-ends de début d'été sont souvent très occupés pour les loisirs, seuls moments de détente après un printemps cette année particulièrement pluvieux. Manifestement, mais on le savait déjà, l'Élysée ne sent pas le pays.


    Dès lors que la dissolution est considérée comme un coup politique, la colère n'en prendra que plus d'ampleur. Ceux qui ont contribué à cette décision auront, face à l'histoire, une bien grave responsabilité. Car imaginer que tout le monde, hors de l'extrême droite, va rejoindre la Macronie au nom d'un combat sur les valeurs morales, c'est perdu d'avance et on le savait depuis 2017. On ne combat pas l'extrême droite, d'autant plus que son emballage a l'air plaisant, avec des incantations moralisatrices dont les électeurs n'ont rien à faire. D'ailleurs, Éric Ciotti, le président de LR, a rapidement confirmé qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Quant au PS, il ne lorgne que vers les insoumis sur lesquels ils ont repris l'ascendant électoral (et montre au passage le visage qu'il a toujours eu depuis 2018). Eh puis, que penser d'un Président qui répond "chiche !" aux revendications de dissolution réclamées à grands cris par l'extrême droite ? Comment peut-on tomber dans un tel piège tout seul ? Suicide collective à la mode kamikaze ? C'est comme si on sautait dans le vide de peur d'y être poussé.

    Cette dissolution du 9 juin 2024 a pour conséquence d'oublier encore un peu plus l'Europe, et le Parlement Européen, ce qui est franchement triste et décevant, surtout pour un Président si proche des partisans de la construction européenne. Elle a néanmoins quelques avantages non négligeables mais de court terme : interrompre l'examen du projet de loi sur l'euthanasie ; ne pas instaurer de proportionnelle aux législatives ; casser la concomitance présidentielle suivie des législatives depuis 2002 ; en finir avec cette Assemblée Nationale où régnait le désordre permanent (par le choc de deux extrêmes).

    Quelles ont été les motivations réelles d'Emmanuel Macron ? Probablement que les historiens se pencheront dans quelques décennies sur cette question en séchant. S'il souhaitait lever l'hypothèque RN, il risquerait d'en avoir pour ses frais. Après tout, le Zentrum a bien cherché à lever l'hypothèque de la NSADP en 1933. Rappelons aussi qu'un parti à 30%, comme c'est le cas aujourd'hui avec le RN, c'est la capacité d'obtenir plus de 50% des députés... sauf véritable sursaut électoral.

    Donner le pouvoir au RN pendant deux ou trois ans, sous contrôle présidentiel par une nouvelle cohabitation et éviter de perdre l'élection présidentielle. Maligne, Marie Le Pen s'est bien gardée de vouloir Matignon. Elle préfère laisser la responsabilité à Jordan Bardella dit Coquille vide, dont l'éventualité de l'échec n'impacterait pas sur l'avenir supposé présidentiel de Marine Le Pen. Mais qui dit qu'un gouvernement RN serait forcément impopulaire ? Le RN, astucieux, pourrait avoir tout le loisir, au contraire, de se rendre populaire en supprimant la limitation à 80 kilomètres par heure, le contrôle technique pour les motards, la fin des véhicules thermiques, et quelques autres mesures démagogiques et irresponsables qui soulageraient les Français inquiets par leurs libertés rognées de toute part.


    Il ne faut pas non plus oublier que, comme en 1997, la dissolution oblige le Président de la République qui ne pourra pas dissoudre avant un an. Une configuration de cohabitation donnerait donc nécessairement un grand ascendant au RN s'il gagnait les législatives anticipées car ses députés seraient "indissolvables" pendant un an !

    Cette dissolution du 9 juin 2024, qui restera dans les annales de la République, cela ne fait aucun doute, est la sixième depuis le début de la Cinquième République. Il est facile de se retourner en arrière pour imaginer l'avenir. Dans l'analyse, il faut éliminer les deux dissolutions prises juste après l'élection puis la réélection de François Mitterrand qui n'ont été que des confirmations sans surprise.

    Sans doute que la première comparaison qui arrive à l'esprit est celle avec la dissolution du 21 avril 1997 faite par Jacques Chirac. Et le parallélisme est terrible. Des élections législatives devaient avoir lieu en mars 1998. Jacques Chirac bénéficiait d'une très large majorité depuis le début de son septennat, la plus large de tous les temps. Au début du printemps 1997, le principal parti d'opposition, le PS, avait désigné tous ses candidats aux législatives de l'année suivante, tandis que le RPR n'avait pas fait ce travail de fond. À la dissolution, le PS était prêt à se battre, le RPR était pris à l'improviste. En 2024, le RN est déjà prêt avec tous ses candidats dans les circonscriptions. La rapidité des élections fait que les négociations pour d'éventuelles alliances n'auront pas le temps d'aboutir. Et la majorité est-elle prête à concourir ? Pas sûr. On peut faire la comparaison jusqu'au conseiller hors sol qui a recommandé cette très incertaine décision (Dominique de Villepin en 1997).

    On peut aussi imaginer qu'Emmanuel Macron pensait à la dissolution du 30 mai 1968 : le retournement de tendance a été spectaculaire aux législatives des 23 et 30 juin 1968. Mais retournement de quoi ? D'une "opinion publique" voyant d'un œil vaguement sympathique la révolte étudiante. Mais il n'y avait pas eu d'élections organisées le mois précédent.

     

     
     


    Peut-être qu'Emmanuel Macron pensait plutôt à la première dissolution, celle 9 octobre 1962. Il faut rappeler le contexte : l'Assemblée élue les 23 et 30 novembre 1958 n'avait pas de majorité absolue pour les gaullistes et alliés, la majorité était relative. Quand De Gaulle a proposé le 20 septembre 1962 le référendum pour élire le Président de la République au suffrage universel direct, il s'est heurté à un front uni des partis politiques (autres que l'UNR) contre ce projet (tant sur le fond, l'élection directe du Président, que sur la forme, le référendum par l'article 11 au lieu d'une révision par l'article 89 de la Constitution). Dans la crise politique, une motion de censure a été alors adoptée le 4 octobre 1962, la seule motion de censure jusqu'à maintenant adoptée (depuis 1958), si bien que le 9 octobre 1962, De Gaulle a dissous l'Assemblée et organisé des élections législatives les 18 et 25 novembre 1962, peu après le référendum fixé au 28 octobre 1962 (on note d'ailleurs que la limite de quarante jours a été respectée exactement).

    La quasi-unanimité de la classe politique contre les gaullistes ne laissaient guère de doute sur l'issue des scrutins. La lecture des notes d'Alain Peyrefitte permet de se faire une idée intéressante du climat psychologique. La plupart des ministres et députés gaullistes se considéraient en sursis, le régime des partis et les forces de la Quatrième République allaient gagner la partie contre eux et ils n'auraient qu'à rentrer chez eux après une expérience de quatre ans. La victoire du référendum (62,3% de oui avec 77,0% de participation) a engendré une grande victoire électorale aux législatives le mois suivant, apportant une large majorité absolue à l'UDR (ex-UNR) et ses alliés de 354 sièges sur 487 (avec 47,8% des voix au premier tour).

    Mais tout le monde n'est pas De Gaulle. La dissolution du 9 juin 2024 relève surtout d'une sorte de coup de poker peu admissible car il met la France en danger. Y aura-t-il un sursaut des Français face aux énormes enjeux nationaux et internationaux du moment ? Je le souhaite. Cette initiative présidentielle ne pourra pas être jugée à sa propre valeur avant le 7 juillet 2024, mais ce qui est sûr, c'est que c'est casse-cou et cela heurte de nombreux Français... parmi les plus proches du Président. Le ça-passe-ou-ça-casse très gaullien ne fait plus partie des mœurs d'une république plus participative.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Sidération institutionnelle.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 9 juin 2024 vers 20 heures 30 (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2 (vidéo intégrale).
    Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240609-dissolution.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/sideration-institutionnelle-la-vie-255132

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/09/article-sr-20240609-dissolution.html



     

  • Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français

    « Parler un 6 juin est important pour ne pas confondre la mémoire et la vie de la Nation. » (Emmanuel Macron, le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2).



     

     
     


    Grande séquence diplomatique pour le Président de la République Emmanuel Macron. Après les trois jours de visite d'État en Allemagne, où le peuple allemand l'a ovationné durant ses déplacements (notamment à Berlin et à Dresde) du 26 au 28 mai 2024, il a reçu ces mercredi 5 et jeudi 6 juin 2024 plus d'une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement pour les cérémonies du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie. Et cela avant la visite de Volodymyr Zelensky à Paris ce vendredi 7 juin 2024 et la visite d'État du Président américain Joe Biden ce samedi 8 juin 2024.

    Pourquoi alors s'étonner de voir le Président de la République vouloir s'adresser aux Français à cette occasion ? Certes, dans trois jours ont lieu les élections européennes, mais justement, tous ses prédécesseurs, et en particulier le plus illustre d'entre eux, De Gaulle, ne s'étaient pas embarrassés de ces considérations en prenant les ondes quand ils le voulaient, parfois même entre la fin de la campagne officielle et le début du scrutin. Du reste, dans le cas de maintenant, ce n'est plus le gouvernement qui régule les temps de parole mais l'Arcom (l'héritière du CSA) qui a décidé de prendre en compte son temps de parole, et donc, dans cette affaire, c'est surtout Valérie Hayer qui est la plus pénalisée !

    Donc, effectivement, Emmanuel Macron a répondu aux questions de Gille Bouleau de TF1 et d'Anne-Sophie Lapix de France 2 ce 6 juin 2024 entre 20 heures 10 et 20 heures 45, dans un des très beaux cloîtres de Caen (je suis un peu jaloux, lorsque j'y suis allé, je n'ai pas pu le visiter car c'était fermé !). Évidemment, le Président a défendu son droit à parler aux Français, cela fait d'ailleurs partie de sa prérogative constitutionnelle, l'article 5 de la Constitution dit explicitement qu'il est l'arbitre des élégances(« Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. »).

    Les messages d'Emmanuel Macron sont assez clairs et simples.

    Le premier, c'est en rapport avec les festivités du Débarquement. Il a souligné la grande participation populaire, beaucoup de Français, bien au-delà des invités, étaient présents à ces cérémonies et ce n'était pas par curiosité pour voir les officiels mais surtout pour rendre hommage aux vétérans venus spécialement des États-Unis et de Grande-Bretagne. Ces hommes-là étaient de très jeunes soldats, 18 ans, 20 ans, et ils ont perdu beaucoup d'amis, de camarades dans les combats, ils sont traumatisés à vie, ils sont maintenant centenaires ou pas loin de l'être. C'est grâce à eux que nous sommes une nation libre. Comment ne pas mettre le parallèle avec les élections européennes ? Emmanuel Macron a exhorté les Français à aller voter ce dimanche. Comment ne pas voter alors que des Américains et des Britanniques ont sacrifié leurs vies pour que nous puissions avoir ce droit ?

     

     
     


    Mais ce message est double. S'abstenir, c'est laisser les autres décider de l'Europe à sa place. Le Président a pris en exemple des électeurs britanniques qui n'avaient pas voté au référendum sur le Brexit et qui se sont retrouvés hors de l'Union ; ils s'en mordent encore les doigt. Emmanuel Macron craint un blocage de l'Europe avec l'arrivée massive de l'extrême droite, tant de France que d'ailleurs. Il entend donc remobiliser ceux qui sont pro-Européens pour stopper cette vague de sentiment anti-européen. Pour Emmanuel Macron, l'Europe nous protège et si l'extrême droite avait eu le pouvoir de blocage des institutions, il n'y aurait pas eu de vaccin contre le covid-19 qui aurait été soigné à coups de chloroquine et de Spoutnik. Il n'y aurait pas eu non plus de plan de relance contre lequel tous ses opposants français ont voté.

    Le deuxième message est plus régalien. Il a évoqué ce qu'il annoncerait officiellement le lendemain avec la visite de Volodymyr Zelensky à Paris, à savoir que la France allait livrer des Mirage 2000 à l'Ukraine pour défendre son espace aérien avec la possibilité d'atteindre des cibles militaires russes sur territoire russe si nécessaire pour se protéger. Par ailleurs, la France formera 4 500 soldats ukrainiens (qu'il a appelés très improprement « bataillon français »).


    Emmanuel Macron a expliqué que le Président ukrainien lui avait adressé la veille une lettre lui demandant officiellement cette aide. Il considère qu'il n'y a pas d'escalade et que la France ne fait pas la guerre à la Russie mais veut défendre l'Ukraine. Cette position rationnelle, ferme et nécessaire ennuie évidemment fortement Vladimir Poutine qui s'en prend aujourd'hui plus particulièrement à la France. Contrairement à tout ce qui avait été dit avant son intervention télévisée, le Président de la République n'a pas dit que les formateurs français formeraient sur le territoire ukrainien, mais il n'a pas dit non plus le contraire, laissant cette information dans le flou stratégique.

    Emmanuel Macron veut surtout rappeler que c'est Vladimir Poutine l'agresseur et que la réponse de la France dépend de lui, de ses propres évolutions tactiques. Lorsque les tirs russes proviennent de bases sur territoire russe, ne pas autoriser l'Ukraine à viser ces bases l'obligerait à accepter d'être bombardée sans réagir.

     

     
     


    Le troisième message concerne la situation à Gaza. Pour le Président français, la solution à deux États est la seule voie possible pour la paix. Mais la reconnaissance de l'État palestinien ne doit pas se faire dans l'émotion de la situation à Gaza. Cette émotion n'est pas seulement au Proche-Orient mais aussi en France, entre autres. S'il a loué l'absence de violence dans les manifestations pro-palestiniennes en France, au contraire d'autres pays, il a toutefois souligné la recrudescence très inquiétante des actes d'antisémitisme.

    À ceux qui le dénigrent parce qu'il personnaliserait la campagne des européennes, Emmanuel Macron a répondu très clairement : ce sont d'abord toutes les oppositions qui personnalisent la campagne, puisque matin midi et soir, leurs seuls arguments, c'est de s'en prendre à lui en le caricaturant, en s'en prenant d'ailleurs plus à sa personne qu'à sa politique.


    Le message européen d'Emmanuel Macron est donc clair et déterminé, mais il était aussi prévisible. Rejetant les sondages (il n'est pas un commentateur de sondages), pour lui, ce qui importe sera le résultat des élections dimanche soir, et il verra ensuite ce qu'il devra faire. Il a rappelé qu'en 2017 et en 2022, les Français ont élu le candidat qui a fait de la construction européenne son identité politique bien marquée, ce qui veut dire que son rôle ici n'est pas de contrer un peu stérilement les ennemis de l'Europe, mais plutôt de motiver les partisans de la construction européenne qui seraient déçus ou déconcertés par son action depuis le début de son second quinquennat de regarder l'essentiel, à savoir l'Europe au regard de l'histoire. C'est un discours qui se tient et qui, je l'espère, aura une incidence dans l'esprit des candidats à l'abstention.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2 (vidéo intégrale).
    Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240606-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/emmanuel-macron-haut-et-fort-dans-255052

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/06/article-sr-20240606-macron.html

     

  • L'hommage de l'Europe à Jacques Delors

    « L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. » (Ursula von der Leyen, le 31 janvier 2024 à Bruxelles).




     

     
     


    L'ancien Ministre de l'Économie et des Finances Jacques Delors est mort le 27 décembre 2023 à l'âge de 98 ans. Sa disparition a provoqué une grande émotion et de nombreux hommages pour celui qui est désormais considéré comme l'un des pères de l'Europe moderne, aux côtés de Valéry Giscard d'Estaing de Helmut Kohl.

    Car ce qui a marqué l'histoire n'est pas d'avoir été pendant trois ans l'impossible grand argentier de la gauche socialo-communiste qui jouait dans la surenchère dépensière (en considérant que l'argent public venait du ciel et pas de la poche des contribuables), trois ans marqués par de nombreux épisodes de chantage à la démission (c'est pour cela que Matignon lui était interdit), mais d'avoir passé dix années très utiles et très actives à la Présidence de la Commission Européenne, de janvier 1985 à janvier 1995, une fonction qu'il a sublimée (comme Simone Veil a sublimé la Présidence du Parlement Européen), en en faisant un dirigeant international à part entière, invité aux G7, G8, G20, et à différents sommets internationaux.

    Les hommages officiels et autres ont eu lieu après le Nouvel An, car mourir entre Noël et le Nouvel An n'assure pas une très forte écoute et participation à des hommages. Il y a eu l'hommage solennel de la France à Jacques Delors le 5 janvier 2024 aux Invalides, à Paris, présidé par le Président de la République française Emmanuel Macron et auquel a assisté celui de sa lointaine successeure, Ursula von der Leyen. Et il y a eu l'hommage de l'Europe à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles dont le discours principal fut prononcé par Ursula von der Leyen. Au cours de cette cérémonie du 31 janvier 2024, il y a eu de nombreux témoignages et des interludes musicaux.

    La Présidente de la Commission Européenne avait déjà fait deux déclaration en hommage à Jacques Delors. Une première en réaction à l'annonce de sa disparition, le 27 décembre 2023 : « Nous sommes tous les héritiers de l'œuvre de la vie de Jacques Delors : une Union Européenne dynamique et prospère. Jacques Delors a forgé sa vision d'une Europe unie et son engagement pour la paix durant les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale. D'une intelligence remarquable et d'une humanité incomparable, il a toute sa vie été le défenseur infatigable de la coopération entre les nations européennes, puis du développement de l'identité européenne. Une idée à laquelle il a donné vie grâce, entre autres, à la mise en place du Marché unique, du programme Erasmus et des prémices d'une monnaie unique, façonnant ainsi un bloc européen prospère et influent. Sa Présidence de la Commission Européenne a été caractérisée par un engagement profond pour la liberté, la justice sociale et la solidarité, des valeurs désormais ancrées dans notre Union. Jacques Delors était un visionnaire qui a rendu l'Europe plus forte. Son œuvre a eu un impact profond sur la vie de générations d'Européens, dont la mienne. Nous lui sommes infiniment reconnaissants. Honorons son héritage en renouvelant et redynamisant sans cesse notre Europe. ».

    Le soir du 5 janvier 2024, au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, alors qu'elle avait participé à l'hommage national à Paris aux Invalides le matin aux côtés d'Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen est revenue sur l'héritage de Jacques Delors devant, entre autre, le roi des Belges, le Président du Conseil de Belgique et le Président du Conseil Européen (qui est également belge), à l'occasion du début de la Présidence belge du Conseil de l'Union, en insistant sur le fait qu'elle parlait dans les lieux même du dernier discours de Jacques Delors comme Président de la Commission Européenne il y a vingt-neuf ans (le 19 janvier 1995) : « Nous devons tant à Jacques Delors. Il a fait d'une Communauté économique une Union des personnes et des nations. L'une de ses formules m'accompagne depuis le tout premier jour de mon mandat. Il a dit : "C'est le moment de donner une âme à l'Europe". Il l'a prononcée au début des années 1990. La chute du Rideau de fer avait suscité de grands troubles sur le plan géopolitique, mais aussi de grands espoirs de voir l'Europe enfin réunie sous le signe de la paix et de la démocratie. Jacques Delors a été le premier à comprendre qu'il ne fallait pas seulement élargir la Communauté, mais unifier l'Europe. Et pour cela, il fallait que l'Europe redécouvre son âme. Nous devions retourner à nos origines, aux valeurs fondatrices de notre Union, afin d'être à même de forger notre avenir (…) Ce soir, je veux parler non seulement de tout ce que Jacques Delors a fait pour nous, mais aussi de la façon dont il peut nous inspirer. Jacques Delors a présidé la Commission dans une période marquée par des défis géopolitiques colossaux (…). Alors que nous faisons face à de nombreux défis semblables aujourd'hui, inspirons-nous de ses convictions. (…) Quelles que soient nos difficultés, aussi insurmontables puissent-elles paraître, nous devons toujours garder à l'esprit son conseil aux générations futures : "La Grande Europe a son avenir devant elle. N'ayez pas peur, nous y arriverons". ».

     

     
     


    Ursula von der Leyen a présidé la cérémonie d'hommage européen à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles. Si Emmanuel Macron était absent, en revanche, les membres de sa famille y étaient, dont Martine Aubry, ainsi que François Hollande (sauf erreur de ma part), et de très nombreux chefs d'État et de gouvernement européens, notamment le Président roumain Klaus Werner Iohannis, le Président lituanien Gitanas Nauséda, le Président chypriote Nikos Christodoulides, le Premier Ministre polonais Donald Tusk (qui fut aussi Président du Conseil Européen), le Chancelier allemand Olaf Scholz, la Première Ministre estonienne Kaja Kallas, le Premier Ministre néerlandais Mark Rutte, le Premier Ministre portugais Antonio Costa, le Premier Ministre espagnol Pedro Sanchez, le Premier Ministre croate Andrej Plenkovic, le Premier Ministre grec Kyriakos Mitsotakis, le Premier Ministre belge Alexander De Croo, le Premier Ministre danois Mette Frederiksen, le Premier Ministre maltais Robert Abela, le Premier Ministre irlandais Leo Varadkar, le Premier Ministre bulgare Nikolaï Denkov, le Premier Ministre finlandais Petteri Orpo et le Premier Ministre du Luxembourg Luc Frieden.
     

     
     


    La chef de l'exécutif européen a commencé par la foi en l'Europe de Jacques Delors : « Trop peu a été dit sur sa foi en l'Europe comme communauté de destin. On le sait, Jacques Delors était croyant. Un homme de foi, justement. C'était aussi un homme convaincu que l'être humain s'accomplit en étant engagé dans la société, au profit de son prochain. Et enfin, c'était un témoin de première main de la douloureuse histoire européenne et de ses conséquences humaines si tragiques. De tout cela découle sa conviction que notre horizon devait être une union sans cesse plus étroite entre les nations européennes et les peuples qui la composent. Dans un cadre de paix, de liberté et de solidarité. Un horizon moral et historique en somme, autant que la solution pragmatique à nos défis. Comme il l'a dit lui-même dans un discours devant le Parlement Européen : "L'Europe, menacée d'être malade de ses divisions, demeure formidablement riche de ses diversités. Il convient de les préserver, mieux, de les faire fructifier pour le bien commun". Et pour Jacques Delors, cette communauté de destin devait avoir pour socle le principe de subsidiarité. "Principe de respect du pluralisme, et donc des diversités" disait-il. L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. »

    À son actif pour faire renaître l'idéal européen, il y a eu le Marché unique : « C'est l'objectif 1992 : un vaste projet pour créer un marché unique réunissant plus de 300 millions d'habitants. Un véritable espace sans frontières. Un espace de liberté de circulation. Pour les marchandises, bien sûr, mais aussi les capitaux, les services et, non moins important, les personnes. Donc un levier pour relancer l'économie européenne et la rendre plus compétitive. Mais aussi un appel aux citoyens à s'approprier l'espace européen. En faisant cela, Jacques Delors a accompli l'exploit de relancer l'Europe en s'appuyant sur l'économie. De créer de l'optimisme en pleine crise économique. ».

    Il y a eu aussi l'Acte Unique européen pour confirmer le Marché unique de 1992 en s'en donnant les moyens : « En élargissant le champ des décisions à la majorité qualifiée, avancée fondamentale ; en étendant les compétences européennes dans les domaines de la politique industrielle, de la recherche et encore de l'environnement. Et enfin et surtout, en plaçant la cohésion sociale et régionale au cœur des priorités européennes. (…) La cohésion territoriale pour réduire les différences entre États membres et entre régions, bien sûr. Et la cohésion sociale, pour lutter contre les inégalités. Cette dimension était chère à Jacques Delors, partisan du dialogue social. ».
     

     
     


    Il y a eu encore le Traité de Maastricht : « Le Traité qui a lancé l'union économique et monétaire et l'introduction de l'Euro. L'Euro, cette grande étape poursuivie par Jacques Delors, était clairement à la fois le symbole de cette union plus étroite, et l'outil d'une plus grande efficacité et souveraineté économique. ».

    L'une des grandes préoccupations de Jacques Delors fut le rôle de l'Europe dans le monde : « Il comprenait qu'elle ne pourrait le faire qu'avec des instruments de souveraineté partagée. Comme la monnaie unique justement, qu'il contribua à créer et une défense commune. (…) Liberté et solidarité comme valeurs humanistes à promouvoir face aux bouleversements du monde. (…) En tant qu'Allemande qui a vécu dans un pays divisé, je suis très reconnaissante à Jacques Delors pour son engagement pour la réunification de l'Allemagne et sa conviction que l'Europe serait à terme réunifiée. En effet, dès l'automne 1989, Jacques Delors n'hésitait pas à se montrer confiant dans la force de l'intégration européenne. Aux journalistes allemands qui l'interrogeaient le 12 novembre 1989, il disait : "La Communauté Européenne est le centre de gravité de l'histoire de l'Europe. C'est vers elle que regardent les habitants de la RDA, de la Pologne et de la Hongrie. Nous ne devons pas les décevoir, nous devons leur offrir notre aide et notre coopération". (…) Son regard sur le rôle de l'Europe dans le monde allait bien plus loin. C'est en effet la Commission présidée par Jacques Delors qui s'est engagée dans les grands forums internationaux. Tels que le G7 et le G20, la Conférence de Rio, ancêtres de nos COP. J'ai souri en lisant un article de journal, relatant une rencontre entre Jacques Delors et Bill Clinton à la Maison-Blanche en 1993. De quoi ont-ils parlé ? De menaces de tarifs américains sur les importations d'acier européen. Certains combats sont éternels. ».
     

     
     


    Ursula von der Leyen a pris l'exemple de la mission impossible de Jacques Delors pour faire accepter l'euro aux Allemands : « Jacques Delors, chacun s'accorde à le dire, était un maître tacticien et un négociateur patient. Pratique sans doute affûtée pendant ses années de syndicalisme, et bien utile dans le contexte européen. (…) Patience, rigueur, travail. (…) Jacques Delors était un travailleur acharné. Mais toujours, avec pour ambition une avancée significative pour l'Europe et ses citoyens. ».

    La conclusion d'Ursula von der Leyen s'est tourné vers les générations à venir : « Plus qu'un héritage patrimonial, je crois qu'il faut en garder la flamme. Celle de la jeunesse et du programme Erasmus. Celle de la solidarité des fonds structurels et du dialogue social. Celle de la volonté, de l'ambition et du pragmatisme. Car enfin le chemin de notre Europe se réinvente chaque jour. Jacque Delors disait que notre Union européenne était un "OPNI" pour "Objet Politique Non Identifié". Au fond, il nous a appris que l'important est de s'adapter aux nouvelles nécessités. L'important est d'agir avec ambition et réalisme pour affronter les nouveaux défis. L'important est de garder chevillé au corps l'idéal européen. ».

    Ursula von der Leyen est candidate à sa propre succession à la Présidence de la Commission Européenne dans la perspective des élection européennes du 9 juin 2024. Elle est la candidate du PPE, représenté en France par LR dirigé sur le plan européenne par François-Xavier Bellamy (qui s'est opposé paradoxalement à cette candidature). Elle comme tous ses adversaires ont beaucoup de leçons à apprendre de l'expérience de Jacques Delors, véritable ordonnateur de la relance de l'Europe après des années 1970 secouées par une crise économique durable. Il manque aujourd'hui de personnalités providentielles pour poursuivre avec ambition la construction de l'Europe aujourd'hui plongée dans un climat d'euroscepticisme d'extrême droite. Seule, la France d'Emmanuel Macron apporte des propositions pour la faire redémarrer. Mais le volontarisme n'est rien sans la négociation patiente. Telle est la principale leçon de Jacques Delors. Pas sûr qu'elle soit bien apprise.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (03 février 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Discours de Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen en hommage à Jacques Delors le 31 janvier 2024 (texte intégral).
    L'hommage d'Emmanuel Macron à Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Discours du Président Emmanuel Macron en hommage à Jacques Delors dans la cour d'honneur des Invalides à Paris le 5 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Jacques Delors, l'un des pères de l'Europe moderne.
    Jacques Delors votera-t-il pour Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors aurait-il pu être le précurseur d’Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors, l’honneur de la France et de l’Europe.
    Institut Jacques-Delors (créé en 1996).
    Qui peut remplacer Jacques Delors en 2014 ?
    L’occasion ratée de 1995.
    Martine Aubry.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240131-delors.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/l-hommage-de-l-europe-a-jacques-252858

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/19/article-sr-20240131-delors.html

     

  • Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme

    « Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd'hui, est mortelle. Elle peut mourir. Elle peut mourir, et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant. » (Emmanuel Macron, le 25 avril 2024 à la Sorbonne).




     

     
     


    Le jeudi 25 avril 2024 en fin de matinée dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, au cœur intellectuel de Paris, le Président de la République Emmanuel Macron a prononcé un discours important sur la construction européenne (qu'on peut lire intégralement ici). Le choix de la date et du lieu n'était pas anodin : à un mois et demi des élections européennes, le chef de l'État voulait faire le point sur la situation de l'Europe six ans et demi après son premier discours de la Sorbonne le 26 septembre 2017. Entre-temps, il y a eu bien des événements, en particulier le Brexit, la pandémie de covid-19, la crise de l'énergie et la guerre poutinienne en Ukraine.

    Profitant de cet appel des médias de la parole présidentielle, la tête de la liste RN Jordan Bardella en a profité pour tenir une conférence de presse dans l'après-midi du 25 avril 2024 afin de présenter le programme européen du RN. L'idée était de se présenter comme le contradicteur numéro un du pouvoir en place. Le problème, c'est que parfois, vouloir être trop habile est stupide. Les écologistes, plus lucides sur les règles imparables de la communication politique, eux, avaient préféré différer justement de quelques jours la présentation de leur programme européen prévue initialement le même jour, se disant que ce second discours de la Sorbonne allait désintégrer tous les autres échos politiques.

    C'est ce qui s'est passé avec le RN avec une comparaison qui n'était vraiment pas flatteuse : d'un côté, le Président de la République qui, avec près de deux heures d'un discours très dense, très précis, très technique, très intelligent et même érudit, a voulu montrer le chemin qu'il entend que l'Europe prenne ; de l'autre côté, un jeune homme un peu endimanché incapable de lire correctement, pendant une vingtaine de minutes, un texte supposé être le programme européen de sa propre liste qu'il semblait découvrir à la lecture laborieuse et refusant prudemment toute question de la part des journalistes. On n'en a pas parlé, de ce programme creux du RN, mais finalement, ça tombait bien, il n'y avait rien à en dire. Bref, d'un côté, le plein et la compétence, le travail et le courage ; de l'autre, le vide et l'ignorance, la paresse et la lâcheté.

    Pour autant, ce second discours de la Sorbonne d'Emmanuel Macron est loin d'avoir été une réussite médiatique et politique pour la liste de la majorité qui a toujours du mal à décoller (euphémisme !). Je ne veux pas prendre mes compatriotes pour des personnes qui ont besoin de leur simplifier les choses, mais il faut admettre qu'une personne normalement constituée, plongée dans la vie active, entre les embouteillages, les préoccupations professionnelles et éventuellement l'éducation des enfants, elle n'a peut-être le temps matériel pour réfléchir sur un discours d'un heure cinquante qui jongle avec les concepts, les mots un peu compliqués et les connaissances historiques. Pas d'inflexion donc de la courbe des sondages, le vide l'emporte encore sur le plein, mais la volonté toujours très ferme de marquer l'histoire, de prendre date face aux défis du siècle, et la construction européenne en est un majeur pour la France.

    Ce second discours de la Sorbonne s'adresse d'abord aux partenaires de l'Union Européenne, parce qu'il faut bien reconnaître qu'à part Emmanuel Macron, il n'y a aucun autre chef d'État ou de gouvernement prêt à prendre leadership d'une construction européenne dont la nécessité se fait autant sentir ces dernières années. Il suffit de regarder les deux autres grandes nations fondatrices de l'Europe : en Allemagne en perte de vitesse industrielle à cause de mauvais choix sur l'énergie, où Olaf Scholz peine à maintenir la cohésion de sa coalition, et en Italie où la Première Ministre est un peu la Marine Le Pen de l'Italie, c'est-à-dire contre l'Europe mais elle s'est écrasée contre le mur des réalités. Seule la France est capable aujourd'hui de donner une impulsion nouvelle à l'Europe.

     

     
     


    Je propose de faire ici un petit résumé du très long discours du 25 avril 2024, sans prendre tous les éléments en considération sous peine d'être illisible.

    Emmanuel Macron a d'abord fait un bilan des sept ans depuis qu'il est à la tête de la France, un retour sur son premier discours de la Sorbonne où il avait évoqué pour la première fois le concept de souveraineté européenne qui est devenu maintenant comme une évidence : « Dans un contexte qui a toujours été, durant ces dernières années, d'accélération des transitions environnementales et technologiques qui rebattent en profondeur les cartes de notre manière de vivre et de produire, notre Europe a décidé et elle a avancé. Et ce concept, qui pouvait sembler il y a sept ans, très français, de souveraineté, s'est progressivement imposé en européen. Et malgré cette conjonction inédite de crises, rarement l'Europe n'aura autant avancé, ce qui est le fruit de notre travail collectif. ».

    Le Président de la République a énuméré six transformations majeures de l'Europe : l'unité financière avec le premier emprunt européen commun (c'est une étape historique) et le plan de relance de 800 milliards d'euros ; l'unité stratégique sur de nombreux domaines pour protéger les citoyens (production de vaccins, achats communs de l'énergie, réforme du marché de l'électricité, défense) ; la souveraineté technologique et industrielle ; la planification de la transition écologique et numérique (le Green Deal : « Pardon de cet anglicisme dans ce lieu. Mais l'Europe est le seul espace politique au monde qui a planifié ses transitions. Et en prenant des directives sur le numérique, qui permettent de réguler à la fois le contenu et le marché, et en prenant un texte qui permet de poser les jalons de notre transition énergétique. ») ; la maîtrise des frontières européennes avec le Pacte asile et migrations ; la coopération avec les proches de l'Union Européenne, en particulier dans le cadre de la Communauté politique européenne (une création d'Emmanuel Macron en 2022).

    Probablement que la partie la plus importante du discours était à ce moment-là pour dire : l'Europe est mortelle ! Voici précisément les propos présidentiels : « Oui, nous avons ces dernières années beaucoup fait. Alors, sans cette action, sans ces progrès de la souveraineté et de l'unité européennes, sans doute aurions-nous été dépassés par l'Histoire. Et d'ailleurs, si nous avions réagi comme nous l'avions fait au moment de la crise financière, la situation serait dramatique. La crise financière, nous l'avions abordée divisés et en étant peu souverains. C'est pour ça que nous avons mis, oserais-je dire, quatre à cinq ans, à la régler quand elle l'a été en moins d'un an aux États-Unis d'Amérique, d'où elle venait. Les crises que nous avons vécues, nous y avons réagi vite, de manière unie, ce qui nous permet aujourd'hui de nous tenir ensemble et d'être là. Pour autant, est-ce suffisant ? Est-ce que je peux me présenter devant vous avec un discours de satisfecit en disant : "Voilà, nous avons tout bien fait, formidable, l'Europe est forte. Allons-y, on continue". La lucidité et l'honnêteté commandent de reconnaître que la bataille n'est pas encore gagnée, loin de là, et qu'à l'horizon de la prochaine décennie, parce que c'est cet horizon-là qu'il nous faut saisir, le risque est immense d'être fragilisés, voire relégués. Parce que nous sommes dans un moment inédit de bouleversement du monde, d'accélération de grandes transformations. Mon message d'aujourd'hui est simple. Paul Valéry disait, au sortir de la Première Guerre mondiale, que nous savions désormais que nos civilisations étaient mortelles. Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd'hui, est mortelle. Elle peut mourir. Elle peut mourir, et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant. Parce que c'est aujourd'hui que se joue la question de la paix et de la guerre sur notre continent et de notre capacité à assurer notre sécurité ou pas. Parce que les grandes transformations, celles de la transition digitale, celles de l'intelligence artificielle comme celles de l'environnement et de la décarbonation, se jouent maintenant, et la réallocation des facteurs de production se joue maintenant. Et la question de savoir si l'Europe sera une puissance d'innovation, de recherche et de production se joue maintenant ou pas. Parce que l'attaque contre les démocraties libérales, contre nos valeurs, contre - je le dis dans ce lieu de savoir – ce qui est le substrat même de la civilisation européenne, une certaine relation avec la liberté, la justice, le savoir, se joue maintenant ou pas. Oui, nous sommes au moment de bascule, et notre Europe est mortelle. Simplement, cela dépend de nous. ».

    Malgré l'effort accompli, il reste encore beaucoup de transformations pour faire de l'Europe une institution protectrice. Emmanuel Macron a fait en effet trois constats. Le premier sur le plan géopolitique : l'Europe doit elle aussi se réarmer face au réarmement généralisé du monde. Le deuxième constat sur le plan économique : le modèle économique et social de l'Europe risque le décrochage face à la compétition mondiale. Enfin, le troisième constat, peut-être le plus grave, sur le plan culturel et intellectuel : notre modèle démocratique, humaniste, laïque et libéral est remis en cause partout, y compris en son sein, par les mouvements populistes. Pour répondre à ces trois enjeux, Emmanuel Macron veut construire une Europe-puissance, une Europe de la prospérité et une Europe humaniste.



    1. Une Europe puissance

    Jusqu'à maintenant, et depuis 1945, à part le France (et le Royaume-Uni), l'Europe a toujours délégué sa défense aux États-Unis. On voit bien qu'aujourd'hui, ce modèle ne tient plus : les États-Unis cherchent à se désengager de l'Europe (la guerre en Ukraine a retardé le mouvement), et le risque d'un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche montre à l'évidence que l'Europe a besoin d'une défense indépendante des États-Unis. Les pro-Européens veulent une défense européenne et ils sont taxés par les populistes de pro-Américains alors que ce sont ces populistes qui, en empêchant l'Europe de la défense, obligent les Européens à déléguer leur souveraineté aux États-Unis (cherchez l'erreur !).

    Pour Emmanuel Macron, il y a d'abord une urgence : « La condition sine qua non de notre sécurité, c'est que la Russie ne gagne pas la guerre d'agression qu'elle mène contre l'Ukraine. C'est indispensable. C'est pourquoi nous avons eu raison, dès le début, de sanctionner la Russie, d'aider les Ukrainiens et de continuer à le faire, d'avoir la chance d'avoir les Américains à nos côtés pour cela, et sans cesse de relever notre aide et d'accompagner. ». Si la Russie gagnait en Ukraine, cela voudrait dire que la force l'emporterait sur le droit international, la barbarie sur la liberté des peuples.


    Et le chef de l'État d'ajouter : « Simplement, j'assume totalement le choix en la matière, le 26 février dernier à Paris, d'avoir réintroduit une ambiguïté stratégique. Pourquoi ? Nous sommes face à une puissance qui est désinhibée, qui a attaqué un pays d'Europe, mais qui n'est plus dans une opération spéciale et qui ne veut plus nous dire quelle est sa limite. Pourquoi chaque matin devrions-nous dire, nous, quelles sont toutes nos limites stratégiquement ? Si nous disons que l'Ukraine est la condition de notre sécurité, que se joue en Ukraine, davantage que la souveraineté et l'intégrité territoriale de ce pays déjà clef, mais la sécurité des Européens. Avons-nous des limites ? Non. Et donc, nous devons être crédibles, dissuader, être présents et continuer l'effort. Mais cette guerre, engageant une puissance dotée de l'arme nucléaire et qui utilise celle-ci dans sa rhétorique, n'est sans doute que le premier visage des tensions géopolitiques avec lesquelles l'Europe doit apprendre à vivre. C'est pourquoi nous sommes en train de vivre un changement très profond en termes de sécurité. Les événements les plus récents ont démontré l'importance des défenses anti-missiles, des capacités de frappe dans la profondeur, qui sont indispensables au signalement stratégique et à la gestion de l'escalade face à des adversaires désinhibés. ».

    Emmanuel Macron veut ainsi construire un véritable pilier européen de l'OTAN, qui serait aussi un pôle de sécurité de la Communauté politique européenne. Il veut aussi poursuivre la construction d'une force d'intervention européenne (force de réaction rapide de 5 000 soldats) et créer une académie militaire européenne. Également bâtir une capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense. Et consolider l'industrie de défense européenne (acquisition d'équipements et production) avec un emprunt commun (proposé par la Première Ministre d'Estonie Kaja Kallas). Partager les informations pour lutter contre le terrorisme et les trafics de drogue.

     
     


    Autre proposition : poursuivre les échanges sur la capacité de dissuasion car elle est par essence un élément incontournable de la défense européenne. Cette proposition est peut-être la seule qu'a retenue la presse de ce long discours, et avec raison puisqu'elle est très importante. Contrairement à ce que semblent laisser croire les populistes, il ne s'est jamais agi de partager la dissuasion nucléaire française à un niveau européen (à Vingt-sept), ce qui serait ingérable (et plus du tout dissuasif), mais d'étendre les considérations de l'intégrité territoriale nationale à l'ensemble du territoire européen. En d'autres termes, et avec l'accord des pays concernés bien sûr, il s'agirait au contraire d'un accroissement de la souveraineté nationale de la France qui serait toujours le seul pays à prendre l'ultime décision, le cas échéant.

    Voici les propos présidentiels sur la dissuasion nucléaire : « La dissuasion nucléaire est en effet au cœur de la stratégie de défense française. Elle est donc par essence un élément incontournable de la défense du continent européen. C'est grâce à cette défense crédible que nous pourrons bâtir les garanties de sécurité qu'attendent tous nos partenaires, partout en Europe, et qui aura vocation aussi à construire le cadre de sécurité commun, garantie de sécurité pour chacun. Et c'est ce cadre de sécurité qui nous permettra, le jour d'après aussi, de construire les relations de voisinage avec la Russie. ».


    2. Une Europe de prospérité

    Les objectifs affichés : « On a des objectifs clairs : on veut produire plus de richesses pour améliorer notre niveau de vie et créer des emplois pour tous ; on veut garantir le pouvoir d'achat des Européens (…) ; c'est très concret ; c'est l'objectif de notre politique européenne, on veut décarboner nos économies et répondre aux défis de la biodiversité et du climat ; on veut assurer notre souveraineté et donc maîtriser nos chaînes de production stratégiques ; et on veut conserver une économie ouverte pour rester une grande puissance commerciale que nous sommes. ». L'idée est en effet de conserver une économie ouverte sur le monde tout en défendant nos propres intérêts.

    Cela signifie notamment produire plus et plus vert (produire des batteries 100% européennes, devenir le premier continent zéro pollution plastique, etc.) ; simplifier (allègement de la réglementation pour les TPE/PME, principe de subsidiarité qui respecte les compétences des États membres) ; promouvoir le Made in Europe et devenir leader mondial en 2030 dans cinq secteurs stratégiques : intelligence artificielle, informatique quantique, espace, biotechnologies et nouvelles énergies (hydrogène, petits réacteurs modulaires, fusion nucléaire) ; soutenir la souveraineté agricole et alimentaire y compris pour la pêche (et soutenir la PAC qui profite beaucoup à nos agriculteurs) ; refonder notre politique commerciale européenne sur la base de la réciprocité (avec des accords de commerce respectant nos standards) ; consacrer 3% de notre PIB à la recherche et l'innovation (notamment l'innovation de rupture), en particulier investir dans le remplacement des produits phytosanitaires, dans les traitements contre les cancers et les maladies neurodégénératives ; développer de nouvelles ressources propres de l'Union Européenne sans alourdir la charge d'imposition des citoyens européens (taxe carbone aux frontières, taxe sur les transactions financières, etc.) ; créer un plan d'épargne européen ; réviser l'application des normes prudentielles pour ne pas sur-réguler par rapport au reste du monde.


    3. Une Europe humaniste


    La teneur générale du discours d'Emmanuel Macron à ce sujet est la suivante : « Défendre cet humanisme européen, c'est considérer qu'au-delà de nos institutions, de cette démocratie libérale à laquelle nous tenons, que nous devons défendre et renforcer, c'est la forge des citoyens par le savoir, la culture, la science qui se joue dans notre Europe. Être Européen, c'est penser qu'il n'y a rien de plus important, en effet, qu'être un individu libre, doté de raison et qui connaît. Et au moment où on voit réapparaître le scepticisme, le complotisme, les doutes sur la science et l'autorité de la parole scientifique, nous avons une responsabilité en Européens pour la défendre, l'enseigner, défendre aussi une science libre et ouverte, partager. Ce combat, nous le mènerons à l'international, mais nous devons aussi en renforcer les instruments. ».

    Là encore, dans ce domaine, Emmanuel Macron a évoqué de nombreuses propositions à prendre pour renforcer notre modèle de valeurs, c'est-à-dire, en quelque sorte, notre civilisation européenne : renforcer la condition budgétaire liée l'État de droit (pas de subvention européenne sans respect des valeurs fondamentales) ; lutter contre la désinformation et la déstabilisation venues de l'extérieur ; permettre des listes transnationales aux élections européennes (cela a l'air d'être une petite mesure mais si elle était adoptée, elle serait une grande révolution institutionnelle, j'y reviendrai à l'occasion) ; étendre la majorité qualifiée pour les décisions fiscales et diplomatiques (là aussi, grande révolution institutionnelle potentielle) ; créer des diplômes européens conjoints ; renforcer l'Erasmus de l'apprentissage et de la formation professionnelle (15% en mobilité) ; connecter les villes européennes par le chemin de fer (en s'appuyant sur le succès du Pass Interrail) ; européaniser le Pass culture, protéger nos enfants sur Internet ; inscrire l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne (ce que propose la liste Hayer) ; créer un programme européen des solidarités pour aides les États membres à garantir à leur peuple l'alimentation, la santé et le logement.

     

     
     


    À la fin de son discours, Emmanuel Macron est revenu sur le point majeur de son message : « L'Europe est une conversation qui ne se termine pas. Et c'est un projet, d’ailleurs, qui n'a pas de borne. D'un point de vue philosophique, civilisationnel, c'est vrai. (…) Ici même, à la Sorbonne, Ernest Renan se demandait ce qu’était une nation. Et l'heure est venue pour l'Europe de se demander ce qu'elle compte devenir. À mes yeux, parler de l'Europe est toujours parler de la France. Mais vous l'avez compris, nous vivons un moment décisif. Notre Europe peut mourir, je vous le disais, et elle peut mourir par une forme de ruse de l'histoire. C'est qu'elle a fait énormément de choses ces dernières décennies ; c'est, qu'en quelque sorte, les idées européennes ont gagné le combat gramscien ; c'est que tous les nationalismes à travers l'Europe n'osent plus dire qu'ils vont sortir de l'Euro et de l'Europe. Mais ils nous ont tous habitués à un discours qui est le "oui-mais", qui est de dire : "j'empoche tout ce que l'Europe a fait, mais je le ferai plus simple, mais je le ferai en ne respectant pas les règles, mais je le ferai au fond en bafouant ses fondements". Au fond, ils ne proposent plus de sortir de l'immeuble ou de l'abattre ; ils proposent juste de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer. Et ils disent : ça va marcher. ».

    En face de la résignation des nationalistes, il faut l'optimisme : « La réponse n'est pas dans la timidité, elle est dans l'audace. La réponse n'est pas dans le constat de dire : "ils sont en train de monter partout" et de se dire : "on a le choix". Cette année, les Britanniques vont choisir leur avenir, les Américains vont choisir leur avenir ; le 9 juin, les Européens aussi. Mais le choix, ce n'est pas de faire comme on a toujours fait, ce n'est pas juste d'ajuster. C'est d'assumer de porter des paradigmes nouveaux. Alors, je sais bien, après Voltaire, c'est difficile d'être optimiste, c'est peut-être même pour certains une question de crédibilité, je le sais. Mais c'est une forme d'optimisme, de la volonté. Oui, je crois que nous pouvons reprendre le contrôle de nos vies, de notre destin, par la puissance, la prospérité et l'humanisme de notre Europe. Et au fond, au moment où les temps sont incertains, pour reprendre, sans bien la citer, ce qu’Hannah Arendt disait dans "La Condition de l'homme moderne" : la meilleure manière de connaître l'avenir quand les événements reviennent, quand l'imprévu est là, la meilleure manière de connaître l'avenir, c'est de faire des promesses que l'on tient. ».

    On verra en 2030 où en sera l'Europe d'Emmanuel Macron. En tout cas, pragmatique, elle se construit sur des bases solides... et intellectuelles. Fierté d'être Français. Densité et audace. Qui propose mieux aujourd'hui comme projet national ?



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240425-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/le-souverainisme-europeen-selon-254347

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/25/article-sr-20240425-macron.html






     

  • Le vote des femmes en France depuis 80 ans

    « De même que nous prétendons rendre la France seule et unique maîtresse chez elle, ainsi ferons-nous en sorte que le peuple français soit seul et unique maître chez lui. En même temps que les Français seront libérés de l'oppression ennemie, toutes leurs libertés intérieures devront leur être rendues. Une fois l'ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l'Assemblée Nationale qui décidera souverainement des destinées du pays. » (De Gaulle, le 23 juin 1942).


     

     
     


    Cela fait quatre-vingts ans que les femmes ont le droit de voter en France, le 21 avril 1944. Quatre-vingts ans, c'est beaucoup, et en même temps, c'était hier ! La République a deux cent trente ans, la France plus de mille ans, alors quatre-vingts ans, la vie d'un homme, enfin, d'une femme. J'y songe maintenant : ma grand-mère n'a pas pu voter quelques jours après son mariage, au printemps 1936. Elle avait pourtant 19 ans mais elle n'en avait pas le droit (certes, la majorité électorale était de 21 ans). Elle a dû attendre encore neuf ans ! Ce qui est bizarre, c'est que Léon Blum avait quand même nommé trois femmes dès 1936 dans son gouvernement (dont la chimiste Irène Joliot-Curie).$

    Les femmes françaises (de métropole, précisons-le !) ont le droit de voter à toutes les élections depuis que De Gaulle, chef de la France libre, a signé (promulgué) l'ordonnance du 21 avril 1944 portant organisation des pouvoirs publics en France après la Libération. Dans son article 17, il est donc proclamé : « Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. ». Mais en fait d'éligibilité, elles étaient déjà éligibles peu avant, dès novembre 1943, puisque plusieurs femmes ont été désignées membres de l'Assemblée consultative provisoire, l'équivalent d'une chambre parlementaire avant les premières élections en 1945. En particulier, en furent membres Marthe Simard, Lucie Aubrac, Marie-Claude Vaillant-Couturier, etc. Cette ordonnance du 21 avril 1944 a été complétée (et le vote des femmes confirmé) le 4 octobre 1944, après la formation du Gouvernement provisoire de la République française. La première application de ce droit a eu lieu le 29 avril 1945 lors des premières élections après le début de la guerre, le premier tour des élections municipales.

    Quant aux scrutins nationaux, les femmes ont pu commencer à voter aux élections pour désigner l'Assemblée Nationale Constituante le 21 octobre 1945 à l'issue desquelles 33 femmes ont été élues députées (17 PCF, 9 MRP, 6 SFIO et 1 PSL/CNIP, aucune radicale !). Madeleine Braun a été la première femme vice-présidente de l'Assemblée Nationale en 1946, Marie-Madeleine Dienesch a été la première femme présidente de commission en 1967 et Denise Cacheux la première femme questeure en 1986. C'était un début qui n'a guère évolué pendant une cinquantaine d'années. Et il faudra attendre 2022 pour voir élire la première femme au perchoir, Yaël Braun-Pivet. Et 1991 et 2022 pour les deux premières femmes Premières Ministres : Édith Cresson et Élisabeth Borne.

    L'histoire a retenu que c'est De Gaulle qui a permis aux femmes de voter. C'est à la fois vrai (et la légende gaulliste n'en est que plus magnifique) et c'est aussi incomplet. Historiquement, beaucoup de personnes, avant De Gaulle, ont contribué à permettre l'aboutissement de ce droit qui, insistons-le !, est arrivé beaucoup trop tardivement en France. Alors que dans l'Ancien Régime, les femmes avaient le droit de vote aux États Généraux quand elles étaient des veuves dotées d'un fief ou des mères abbesses, les révolutionnaires ont complètement oublié les femmes dans leurs belles idées de liberté et d'égalité (et de fraternité, on ne parlait pas de sororité !).

    Pourtant, il y avait déjà des penseurs du vote des femmes. Ainsi, Condorcet a proposé le vote des femmes le 3 juillet 1790 dans un article, et Olympe de Gouges militait pour ce droit en septembre 1791, considérant ceci, fort logiquement : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune. ». Elle a connu une triste fin, sous la froide lame de la guillotine, mais elle n'aura jamais fréquenté d'isoloir. Les belles âmes républicaines du XIXe siècle ont toujours exclu les femmes de leur universalisme. À la fin de ce siècle-là, des mouvements féministes réclamant ce droit se sont créés un peu partout dans le monde, y compris en France, ce furent les suffragettes, dont fut Louise Weiss (voir première photo en mai 1935). Louise Weiss fut la doyenne du Parlement Européen de 1979 à sa mort, en 1983, et à ce titre, la première femme à avoir présidé le Parlement Européen, avant l'élection de Simone Veil.

    Après la Première Guerre mondiale, l'affaire était pliée intellectuellement : les femmes avaient joué un rôle considérable pendant la guerre et leur citoyenneté devait nécessairement être reconnue. Entre mai 1919 et juillet 1936, pas moins de six propositions de loi allant dans ce sens (reconnaissance du droit de vote des femmes) ont été votées à la Chambre des députés, mais n'ont jamais abouti faute du vote du Sénat, soit parce que la proposition n'a pas été mise à l'ordre du jour, soit par simple "négligence". La cause des femmes était totalement entendue puisque les forces progressistes y étaient évidemment favorables, mais aussi les forces conservatrices, notamment depuis que le pape Benoît XV a approuvé un tel droit le 15 juillet 1919. Il faut aussi rappeler que Maurice Barrès, député pendant la guerre, a proposé en 1916 un texte de loi visant à permettre aux veuves et aux mères de soldats tués à la guerre de voter à leur place.

    La réalité crue, c'est que le vote des femmes a toujours pâti des considérations politiciennes des radicaux, dont le parti dominait le Sénat. Les radicaux s'inquiétaient de la nature du vote des femmes qu'ils pensaient plus proches des conservateurs et des catholiques que de la gauche anticléricale (surtout depuis que le pape a approuvé ce droit). Les députés radicaux votaient ces propositions de loi tandis que les sénateurs radicaux les refusaient, et même, certains députés, qui avaient voté une telle proposition, devenus sénateurs, changeaient leur position, ce qui indiquait que les radicaux faisaient tout pour éviter le vote des femmes sans pour autant le montrer trop ostensiblement (car ce n'était pas très populaire de s'y opposer).

    Paradoxalement, les radicaux qui étaient des républicains ultras en quelque sorte, dépositaires de l'espérance révolutionnaire, ont donc tout fait, sous la Troisième République, pour retarder le vote des femmes et ils en étaient donc les principaux responsables.
     

     
     


    Il faut aussi revoir précisément la construction de cette ordonnance du 21 avril 1944. De Gaulle était favorable au vote des femmes, cela ne fait aucun doute (le 18 mars 1944, il a répété encore à l'Assemblée consultative provisoire : « Le régime nouveau doit comporter une représentation élue par tous les hommes et toutes les femmes de chez nous. »), mais pour autant, il lui fallait convaincre une classe politique qu'il avait tenté de reconstituer avec le CNR avant la Libération. L'Assemblée consultative provisoire n'était pas unanime pour cette mesure pourtant d'égalité. Le député communiste Fernand Grenier (maire de Saint-Denis) présidait la commission de législation et de réforme de l'État et présenta son amendement pour inclure dans le texte de l'ordonnance le droit de vote et surtout l'éligibilité des femmes.

    À l'origine, la commission avait déjà adopté le principe du vote des femmes, mais elle avait néanmoins exclu qu'il fût appliqué dès les élections provisoires qui auraient lieu pendant la Libération (allez savoir pourquoi ! toujours cette idée de freiner et retarder sans cesse). Dans la discussion au sein de l'Assemblée, le député corse Paul Giacobbi a donné un argument récurrent : « Il est établi qu'en temps normal les femmes sont déjà plus nombreuses que les hommes. Que sera-ce à un moment où prisonniers et déportés ne seront pas encore rentrés ? ». Et de conclure : « Pensez-vous qu'il soit très sage dans une période aussi troublée (…) de nous lancer ex-abrupto dans cette aventure ? ». Une "aventure" ! Le résistant Ernest Bissagnet a complété la question : « L'amendement Grenier amènera un déséquilibre très net, car il y aura deux fois plus de femmes que d'hommes qui prendront part au vote. Aurons-nous une image vraie de l'idée du pays ? En raison de ce déséquilibre, je préfère que le suffrage des femmes soit ajourné. ».

    La réponse de Fernand Grenier était alors très simple : « L'éloignement de leur foyer de nombreux prisonniers et déportés qui ont été remplacés dans leurs tâches par leurs femmes confère à ces dernières un droit encore plus fort de voter dès les premières élections. ». Et d'ajouter : « Dans le domaine de la lutte contre l'ennemi, les femmes se sont révélées les égales des hommes, ainsi ces femmes qui, dans tous les domaines, font preuve d'un courage admirable, n'auraient pas le droit de vote ? ». Quant au député SFIO anti-munichois Louis Vallon (futur gaulliste du RPF puis de l'UDT), il retrouvait dans cette discussion les poisons et délices de la Troisième République : « À maintes reprises, le Parlement s'est prononcé à la quasi-unanimité pour le principe du vote des femmes mais, chaque fois, l'on s'est arrangé par des arguments de procédure pour que la réforme n'aboutisse pas. » (cité par Wikipédia).

    L'amendement de Fernand Grenier a été adopté le 24 mars 1944 à Alger par 51 voix pour et 16 contre. Parmi les pour : Paul Antier, Jules Moch, Fernand Grenier, Louis Vallon, Ernest Claudius-Petit, Raymond Aubrac, Emmanuel d'Astier de La Vigerie, Vincent Auriol, Ambroise Croizat, François Billoux, Albert Gazier, Robert Prigent, etc. Parmi les contre : Paul Giacobbi, mais aussi René Cassin, etc. N'ont pas pris part au vote : Félix Gouin (parce qu'il présidait la séance), Pierre Cot, Ernest Bissagnet, Léon Morandat, Albert Guérin, etc.

    Fernand Grenier a ainsi écrit dans ses mémoires : « C'est de cette séance du 24 mars 1944 que date en fait le vote des femmes en France. », se donnant ainsi le beau rôle (c'est l'histoire que racontent encore aujourd'hui le parti communiste). Néanmoins, le site de l'Assemblée Nationale précise l'importance de De Gaulle dans cette évolution en mettant ce bémol : « Mais l'impulsion était venue d'ailleurs. Et cette conclusion semi-parlementaire n'effaçait pas 40 ans d'enlisement du législateur. ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le vote des femmes en France.
    Femmes, je vous aime !
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
    L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
    Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
    L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
    L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
    La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
    L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
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    Le fœtus est-il une personne à part entière ?
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    Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
    Six ans plus tard.
    Mariage lesbien à Nancy.
    Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
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    Ciel gris sur les mariages.

    Les 20 ans du PACS.
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    Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
    PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
    La PMA pour toutes les femmes.
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240421-vote-des-femmes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-vote-des-femmes-en-france-254042

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/21/article-sr-20240421-vote-des-femmes.html


     

  • Ursula von der Leyen rend hommage à Jacques Delors

    « L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. » (Ursula von der Leyen, le 31 janvier 2024 à Bruxelles).




     

     
     

    L'ancien Ministre de l'Économie et des Finances Jacques Delors est mort le 27 décembre 2023 à l'âge de 98 ans. Sa disparition a provoqué une grande émotion et de nombreux hommages pour celui qui est désormais considéré comme l'un des pères de l'Europe moderne, aux côtés de Valéry Giscard d'Estaing de Helmut Kohl.

    Car ce qui a marqué l'histoire n'est pas d'avoir été pendant trois ans l'impossible grand argentier de la gauche socialo-communiste qui jouait dans la surenchère dépensière (en considérant que l'argent public venait du ciel et pas de la poche des contribuables), trois ans marqués par de nombreux épisodes de chantage à la démission (c'est pour cela que Matignon lui était interdit), mais d'avoir passé dix années très utiles et très actives à la Présidence de la Commission Européenne, de janvier 1985 à janvier 1995, une fonction qu'il a sublimée (comme Simone Veil a sublimé la Présidence du Parlement Européen), en en faisant un dirigeant international à part entière, invité aux G7, G8, G20, et à différents sommets internationaux.

    Les hommages officiels et autres ont eu lieu après le Nouvel An, car mourir entre Noël et le Nouvel An n'assure pas une très forte écoute et participation à des hommages. Il y a eu l'hommage solennel de la France à Jacques Delors le 5 janvier 2024 aux Invalides, à Paris, présidé par le Président de la République française Emmanuel Macron et auquel a assisté celui de sa lointaine successeure, Ursula von der Leyen. Et il y a eu l'hommage de l'Europe à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles dont le discours principal fut prononcé par Ursula von der Leyen. Au cours de cette cérémonie du 31 janvier 2024, il y a eu de nombreux témoignages et des interludes musicaux.

    La Présidente de la Commission Européenne avait déjà fait deux déclaration en hommage à Jacques Delors. Une première en réaction à l'annonce de sa disparition, le 27 décembre 2023 : « Nous sommes tous les héritiers de l'œuvre de la vie de Jacques Delors : une Union Européenne dynamique et prospère. Jacques Delors a forgé sa vision d'une Europe unie et son engagement pour la paix durant les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale. D'une intelligence remarquable et d'une humanité incomparable, il a toute sa vie été le défenseur infatigable de la coopération entre les nations européennes, puis du développement de l'identité européenne. Une idée à laquelle il a donné vie grâce, entre autres, à la mise en place du Marché unique, du programme Erasmus et des prémices d'une monnaie unique, façonnant ainsi un bloc européen prospère et influent. Sa Présidence de la Commission Européenne a été caractérisée par un engagement profond pour la liberté, la justice sociale et la solidarité, des valeurs désormais ancrées dans notre Union. Jacques Delors était un visionnaire qui a rendu l'Europe plus forte. Son œuvre a eu un impact profond sur la vie de générations d'Européens, dont la mienne. Nous lui sommes infiniment reconnaissants. Honorons son héritage en renouvelant et redynamisant sans cesse notre Europe. ».

    Le soir du 5 janvier 2024, au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, alors qu'elle avait participé à l'hommage national à Paris aux Invalides le matin aux côtés d'Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen est revenue sur l'héritage de Jacques Delors devant, entre autre, le roi des Belges, le Président du Conseil de Belgique et le Président du Conseil Européen (qui est également belge), à l'occasion du début de la Présidence belge du Conseil de l'Union, en insistant sur le fait qu'elle parlait dans les lieux même du dernier discours de Jacques Delors comme Président de la Commission Européenne il y a vingt-neuf ans (le 19 janvier 1995) : « Nous devons tant à Jacques Delors. Il a fait d'une Communauté économique une Union des personnes et des nations. L'une de ses formules m'accompagne depuis le tout premier jour de mon mandat. Il a dit : "C'est le moment de donner une âme à l'Europe". Il l'a prononcée au début des années 1990. La chute du Rideau de fer avait suscité de grands troubles sur le plan géopolitique, mais aussi de grands espoirs de voir l'Europe enfin réunie sous le signe de la paix et de la démocratie. Jacques Delors a été le premier à comprendre qu'il ne fallait pas seulement élargir la Communauté, mais unifier l'Europe. Et pour cela, il fallait que l'Europe redécouvre son âme. Nous devions retourner à nos origines, aux valeurs fondatrices de notre Union, afin d'être à même de forger notre avenir (…) Ce soir, je veux parler non seulement de tout ce que Jacques Delors a fait pour nous, mais aussi de la façon dont il peut nous inspirer. Jacques Delors a présidé la Commission dans une période marquée par des défis géopolitiques colossaux (…). Alors que nous faisons face à de nombreux défis semblables aujourd'hui, inspirons-nous de ses convictions. (…) Quelles que soient nos difficultés, aussi insurmontables puissent-elles paraître, nous devons toujours garder à l'esprit son conseil aux générations futures : "La Grande Europe a son avenir devant elle. N'ayez pas peur, nous y arriverons". ».

     
     


    Ursula von der Leyen a présidé la cérémonie d'hommage européen à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles. Si Emmanuel Macron était absent, en revanche, les membres de sa famille y étaient, dont Martine Aubry, ainsi que François Hollande (sauf erreur de ma part), et de très nombreux chefs d'État et de gouvernement européens, notamment le Président roumain Klaus Werner Iohannis, le Président lituanien Gitanas Nauséda, le Président chypriote Nikos Christodoulides, le Premier Ministre polonais Donald Tusk (qui fut aussi Président du Conseil Européen), le Chancelier allemand Olaf Scholz, la Première Ministre estonienne Kaja Kallas, le Premier Ministre néerlandais Mark Rutte, le Premier Ministre portugais Antonio Costa, le Premier Ministre espagnol Pedro Sanchez, le Premier Ministre croate Andrej Plenkovic, le Premier Ministre grec Kyriakos Mitsotakis, le Premier Ministre belge Alexander De Croo, le Premier Ministre danois Mette Frederiksen, le Premier Ministre maltais Robert Abela, le Premier Ministre irlandais Leo Varadkar, le Premier Ministre bulgare Nikolaï Denkov, le Premier Ministre finlandais Petteri Orpo et le Premier Ministre du Luxembourg Luc Frieden.
     

     
     

    La chef de l'exécutif européen a commencé par la foi en l'Europe de Jacques Delors : « Trop peu a été dit sur sa foi en l'Europe comme communauté de destin. On le sait, Jacques Delors était croyant. Un homme de foi, justement. C'était aussi un homme convaincu que l'être humain s'accomplit en étant engagé dans la société, au profit de son prochain. Et enfin, c'était un témoin de première main de la douloureuse histoire européenne et de ses conséquences humaines si tragiques. De tout cela découle sa conviction que notre horizon devait être une union sans cesse plus étroite entre les nations européennes et les peuples qui la composent. Dans un cadre de paix, de liberté et de solidarité. Un horizon moral et historique en somme, autant que la solution pragmatique à nos défis. Comme il l'a dit lui-même dans un discours devant le Parlement Européen : "L'Europe, menacée d'être malade de ses divisions, demeure formidablement riche de ses diversités. Il convient de les préserver, mieux, de les faire fructifier pour le bien commun". Et pour Jacques Delors, cette communauté de destin devait avoir pour socle le principe de subsidiarité. "Principe de respect du pluralisme, et donc des diversités" disait-il. L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. »

    À son actif pour faire renaître l'idéal européen, il y a eu le Marché unique : « C'est l'objectif 1992 : un vaste projet pour créer un marché unique réunissant plus de 300 millions d'habitants. Un véritable espace sans frontières. Un espace de liberté de circulation. Pour les marchandises, bien sûr, mais aussi les capitaux, les services et, non moins important, les personnes. Donc un levier pour relancer l'économie européenne et la rendre plus compétitive. Mais aussi un appel aux citoyens à s'approprier l'espace européen. En faisant cela, Jacques Delors a accompli l'exploit de relancer l'Europe en s'appuyant sur l'économie. De créer de l'optimisme en pleine crise économique. ».

    Il y a eu aussi l'Acte Unique européen pour confirmer le Marché unique de 1992 en s'en donnant les moyens : « En élargissant le champ des décisions à la majorité qualifiée, avancée fondamentale ; en étendant les compétences européennes dans les domaines de la politique industrielle, de la recherche et encore de l'environnement. Et enfin et surtout, en plaçant la cohésion sociale et régionale au cœur des priorités européennes. (…) La cohésion territoriale pour réduire les différences entre États membres et entre régions, bien sûr. Et la cohésion sociale, pour lutter contre les inégalités. Cette dimension était chère à Jacques Delors, partisan du dialogue social. ».

     
     


    Il y a eu encore le Traité de Maastricht : « Le Traité qui a lancé l'union économique et monétaire et l'introduction de l'Euro. L'Euro, cette grande étape poursuivie par Jacques Delors, était clairement à la fois le symbole de cette union plus étroite, et l'outil d'une plus grande efficacité et souveraineté économique. ».

    L'une des grandes préoccupations de Jacques Delors fut le rôle de l'Europe dans le monde : « Il comprenait qu'elle ne pourrait le faire qu'avec des instruments de souveraineté partagée. Comme la monnaie unique justement, qu'il contribua à créer et une défense commune. (…) Liberté et solidarité comme valeurs humanistes à promouvoir face aux bouleversements du monde. (…) En tant qu'Allemande qui a vécu dans un pays divisé, je suis très reconnaissante à Jacques Delors pour son engagement pour la réunification de l'Allemagne et sa conviction que l'Europe serait à terme réunifiée. En effet, dès l'automne 1989, Jacques Delors n'hésitait pas à se montrer confiant dans la force de l'intégration européenne. Aux journalistes allemands qui l'interrogeaient le 12 novembre 1989, il disait : "La Communauté Européenne est le centre de gravité de l'histoire de l'Europe. C'est vers elle que regardent les habitants de la RDA, de la Pologne et de la Hongrie. Nous ne devons pas les décevoir, nous devons leur offrir notre aide et notre coopération". (…) Son regard sur le rôle de l'Europe dans le monde allait bien plus loin. C'est en effet la Commission présidée par Jacques Delors qui s'est engagée dans les grands forums internationaux. Tels que le G7 et le G20, la Conférence de Rio, ancêtres de nos COP. J'ai souri en lisant un article de journal, relatant une rencontre entre Jacques Delors et Bill Clinton à la Maison-Blanche en 1993. De quoi ont-ils parlé ? De menaces de tarifs américains sur les importations d'acier européen. Certains combats sont éternels. ».
     

     
     


    Ursula von der Leyen a pris l'exemple de la mission impossible de Jacques Delors pour faire accepter l'euro aux Allemands : « Jacques Delors, chacun s'accorde à le dire, était un maître tacticien et un négociateur patient. Pratique sans doute affûtée pendant ses années de syndicalisme, et bien utile dans le contexte européen. (…) Patience, rigueur, travail. (…) Jacques Delors était un travailleur acharné. Mais toujours, avec pour ambition une avancée significative pour l'Europe et ses citoyens. ».

    La conclusion d'Ursula von der Leyen s'est tourné vers les générations à venir : « Plus qu'un héritage patrimonial, je crois qu'il faut en garder la flamme. Celle de la jeunesse et du programme Erasmus. Celle de la solidarité des fonds structurels et du dialogue social. Celle de la volonté, de l'ambition et du pragmatisme. Car enfin le chemin de notre Europe se réinvente chaque jour. Jacque Delors disait que notre Union européenne était un "OPNI" pour "Objet Politique Non Identifié". Au fond, il nous a appris que l'important est de s'adapter aux nouvelles nécessités. L'important est d'agir avec ambition et réalisme pour affronter les nouveaux défis. L'important est de garder chevillé au corps l'idéal européen. ».

    Ursula von der Leyen est candidate à sa propre succession à la Présidence de la Commission Européenne dans la perspective des élection européennes du 9 juin 2024. Elle est la candidate du PPE, représenté en France par LR dirigé sur le plan européenne par François-Xavier Bellamy (qui s'est opposé paradoxalement à cette candidature). Elle comme tous ses adversaires ont beaucoup de leçons à apprendre de l'expérience de Jacques Delors, véritable ordonnateur de la relance de l'Europe après des années 1970 secouées par une crise économique durable. Il manque aujourd'hui de personnalités providentielles pour poursuivre avec ambition la construction de l'Europe aujourd'hui plongée dans un climat d'euroscepticisme d'extrême droite. Seule, la France d'Emmanuel Macron apporte des propositions pour la faire redémarrer. Mais le volontarisme n'est rien sans la négociation patiente. Telle est la principale leçon de Jacques Delors. Pas sûr qu'elle soit bien apprise.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (03 février 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Discours de Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen en hommage à Jacques Delors le 31 janvier 2024 (texte intégral).
    L'hommage d'Emmanuel Macron à Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Discours du Président Emmanuel Macron en hommage à Jacques Delors dans la cour d'honneur des Invalides à Paris le 5 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Jacques Delors, l'un des pères de l'Europe moderne.
    Jacques Delors votera-t-il pour Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors aurait-il pu être le précurseur d’Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors, l’honneur de la France et de l’Europe.
    Institut Jacques-Delors (créé en 1996).
    Qui peut remplacer Jacques Delors en 2014 ?
    L’occasion ratée de 1995.
    Martine Aubry.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240131-ursula-von-der-leyen.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/29/article-sr-20240131-ursula-von-der-leyen.html