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françois fillon

  • Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     


    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.
     

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-sarkozy-fillon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-6-nicolas-255311

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/20/article-sr-20240618-sarkozy-fillon.html


     

  • François Fillon réagit à la dissolution dans "Le Figaro" (18 juin 2024)

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     

    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-fillon.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/19/article-sr-20240618-fillon.html





     

  • Nicolas Sarkozy réagit à la dissolution dans le JDD (15 juin 2024)

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     

    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.
     

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240615-sarkozy.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/16/article-sr-20240615-sarkozy.html




     

  • François Fillon définitivement condamné

    « (…) Par ces motifs (…), la Cour, sur le pourvoi formé par M. I, le rejette ; sur les pourvois formés par M. et Mme N, casse et annule l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 9 mai 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées (…). » (Arrêt de la Cour de Cassation du 24 avril 2024).



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    C'est toujours étrange de s'apercevoir que la conclusion d'une affaire politico-judiciaire qui a hanté toute la campagne présidentielle de 2017, matin midi et soir, est si peu médiatisée sept ans plus tard, quand plus aucun enjeu électoral n'est en cours. Par son arrêt n°22-83.466 FS-B N°00382 MAS2, la Cour de Cassation a en effet confirmé le mercredi 24 avril 2024 la décision de la cour d'appel de Paris du 9 mai 2022 sur la culpabilité de François Fillon, de son épouse et de son suppléant, dans son affaire mettant en cause l'emploi de collaboratrice parlementaire de son épouse, en particulier sa condamnation pour détournement de fonds publics et complicité. Par conséquent, la condamnation de François Fillon est définitive.

    Rappelons que la chambre 2-12 de la cour d'appel de Paris a condamné le 9 mai 2022 : François Fillon « pour détournement de fonds publics et complicité, complicité d’abus de biens sociaux, recels, à quatre ans d’emprisonnement dont trois ans avec sursis, 375 000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité » ; son suppléant « pour détournement de fonds publics à trois ans d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’inéligibilité » ; et son épouse « pour complicité de détournements de fonds publics, complicité d’abus de biens sociaux, recels, à deux ans d’emprisonnement avec sursis, 375 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité ».

    Avant de poursuivre sur le plan juridique (et judiciaire), je me permets un petit commentaire politique. En tant qu'électeur de François Fillon au premier tour de l'élection présidentielle de 2017, j'ai trouvé assez peu sain dans une démocratie que la justice soit allée aussi rapidement dans la mise en examen d'un grand candidat à l'élection présidentielle (initialement le favori, même), après seulement quelques scoops dans la presse à sensation. On pourra me répondre aujourd'hui que la justice avait raison puisque la condamnation est désormais définitive.


    Je respecte bien entendu la justice de mon pays, mais je reste toujours dubitatif sur une possible politisation de la justice (dont je n'accuse absolument pas le principal bénéficiaire, à savoir Emmanuel Macron qui a profité surtout d'un contexte très favorable à plusieurs titres). Au cours de mon engagement politique qui remonte à il y a plus de trente ans, j'ai eu l'occasion de voir des "pratiques", aujourd'hui révolues, qui étaient bien plus scandaleuses que ce qui a condamné François Fillon. L'un des défauts structurels pendant longtemps a été que le parlementaire était le propre employeur de ses collaborateurs. En d'autres termes, le parlementaire recevait l'argent d'une enveloppe globale concernant le salaire de ses collaborateurs... et il en faisait ce qu'il voulait. Heureusement, cela a évolué et cela passe maintenant par une structure tiers, son assemblée d'origine. Le parlementaire doit agir dans la plus grande liberté et sans pression, mais cela n'empêche pas qu'il doit rester honnête (c'est d'ailleurs le minimum qu'on peut demander à celui qui fait la loi, celui de l'appliquer).

    La justice n'a pas condamné François Fillon d'avoir recruté son épouse comme collaboratrice parlementaire car ce n'était pas interdit à l'époque (maintenant, si), mais parce que ladite collaboratrice n'aurait rien fait malgré sa rémunération. Comme elle a travaillé jusqu'en 2013, il est toujours difficile de montrer qu'elle a travaillé ou même qu'elle n'a pas travaillé. Beaucoup de documents peuvent avoir été jetés,. perdus, détruits. Et les oublis arriver.


    L'autre côté malsain, c'est la volonté de la justice de vouloir savoir et même juger de la manière de travailler des parlementaires. Or, la démocratie impose la séparation des pouvoirs et les parlementaires, dont la légitimité (au contraire des juges) est absolue puisqu'elle vient du peuple, n'a ni leçon à prendre ni compte à rendre à la justice sur sa manière de travailler qui doit d'ailleurs rester parfois confidentielle. Il en est de même pour des ministres sur la gestion de la crise du covid-19 : la justice n'a pas à se substituer au peuple ou aux parlementaires dans l'appréciation de la politique menée par un gouvernement.

    Ces considérations politiques étant écrites, j'en reviens aux considérations juridiques, car un arrêt de la Cour de Cassation, c'est d'abord la procédure et pas le fond (même si cela peut l'être parfois). Car dans son malheur, François Fillon peut quand même avoir une petite satisfaction.


    En effet, si la décision de la cour d'appel sur la culpabilité de François Fillon, de son épouse et de son suppléant (qui, lorsque François Fillon était ministre ou Premier Ministre, avait continué à rémunérer Pénélope Fillon comme collaboratrice parlementaire) a été validée, ce qui rend cette reconnaissance de culpabilité définitive (on va dire quasiment définitive, car il y a encore un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui serait étonnant car certains élus du même parti voulaient que la France se désengage de la CEDH), la Cour de Cassation a néanmoins cassé la décision de la cour d'appel concernant les peines prononcées à l'égard de François Fillon et les dommages et intérêts à verser. En revanche, les peines prononcées à l'égard de l'épouse et du suppléant ont été validées et sont donc définitives (car aucun des deux n'a été condamné à une peine de prison ferme).

    Maître Éric Landot, avocat brillant qui tient de manière très assidue un blog très instructif, a ainsi fait une petite note de synthèse au lendemain de la décision de la Cour de Cassation. On y apprend ainsi quelques éléments intéressants du droit et de la politique.

    Par exemple, les élus n'ont pas le droit, depuis longtemps, de recruter un membre de leur famille au titre d'un emploi public : c'est « une prise illégale d'intérêts au pénal et une illégalité en droit administratif ». C'est l'article 432-12 du code pénal qui régit cette infraction. Même un lien d'amitié établi suffit à constituer la prise illégale d'intérêts. Le blog propose plusieurs affaires dont le cas d'un élu qui a recruté sa sœur comme directrice générale des services (DGS), numéro une de l'administration de la collectivité locale en question (arrêt du 4 mars 2020).

    En revanche, les parlementaires, avec leurs collaborateurs parlementaires, ne sont pas dans la même situation que les élus d'une collectivité avec leur administration. C'est pour cela que les poursuites n'ont pas été fondées sur la prise illégale d'intérêts mais sur le détournement de fonds publics, l'abus de biens sociaux et leurs recels. Comme je l'ai écrit plus haut, on n'a donc pas reproché Pénélope Fillon d'être l'épouse du député qui l'a recrutée mais de n'avoir rien fait en tant que collaboratrice parlementaire.

    Maître Éric Landot insiste sur la validation de la cour d'appel par la Cour de Cassation : « Elle juge notamment que le principe de séparation des pouvoirs n’interdit pas au juge judiciaire de vérifier qu’un contrat de travail conclu entre un parlementaire et un de ses collaborateurs a réellement été exécuté, dès lors qu’il s’agit d’un contrat de droit privé. Le député, son épouse et le suppléant sont donc définitivement déclarés coupables, notamment de "détournements de fonds publics par personne chargée de mission de service public" et complicité de cette infraction. ».

    En revanche, François Fillon repassera devant un tribunal (sa condamnation sera rejugée par la cour d'appel), non pas pour être jugé sur sa culpabilité (elle est définitivement établie) mais pour redéfinir sa peine. En effet, il a été condamné le 9 mai 2022 à quatre d'emprisonnement dont trois avec sursis, donc à un an de prison ferme.

    Le blog du juriste explique simplement la raison de cette invalidation partielle : « Cette cour n’avait pas pris soin de justifier des raisons pour lesquelles elle avait prononcé une peine partiellement ferme (même si une peine d’un an ne conduit en pratique qu’au bracelet électronique), alors que c’est obligatoire de le faire (en se fondant sur la gravité de l’infraction, la personnalité de son auteur et l’existence ou non de sanction alternative adéquate). Or, en condamnant le député, le juge d’appel n’a pas expliqué en quoi une autre sanction que la peine d’emprisonnement sans sursis aurait été manifestement inadéquate. D’où une censure de la Cour de Cassation. ».

    Le montant des dommages et intérêts que François Fillon et son épouse devront verser à l'Assemblée Nationale sera également rejugé par la cour d'appel. L'explication d'Éric Landot : « La Cour de Cassation casse la décision de la cour d’appel en ce qu’elle condamne le député et son épouse à rembourser à l’Assemblée Nationale l’intégralité des salaires versés. En effet, les juges ont constaté que si les rémunérations versées étaient manifestement disproportionnées au regard du travail fourni, elles n’étaient pas dénuées de toute contrepartie. ».

    Concrètement, une peine de prison ferme ne se justifie pas pour François Fillon. Ce nouveau procès un peu particulier pourra-t-il redorer son honneur ? Certainement pas, car la reconnaissance de sa culpabilité est définitive. Il a été piégé par une trop grande confiance en lui. Et surtout une arrogance politique pour écraser ses deux adversaires de son parti, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Des trois, c'est celui qui a le mieux réussi à tourner la page de la vie politique pour aller quérir d'autres fortunes dans d'autres contrées. C'est peut-être cela le plus tragique pour lui : que sa condamnation définitive n'a même pas fait les grands titres des journaux. Lui qui était promis à devenir Président de la République.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Fillon définitivement condamné.
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    François Fillon, vendeur de rillettes sur la place Rouge !
    Et voici que François Fillon revient...
    A-t-on volé l’élection de François Fillon ?
    François Fillon, victime de la morale ?
    Une affaire Fillon avant l’heure.
    François Fillon, artisan de la victoire du Président Macron.
    Matignon en mai et juin 2017.
    François Fillon et son courage.
    Premier tour de l'élection présidentielle du 23 avril 2017.
    Macron ou Fillon pour redresser la France ?
    François Fillon, le seul candidat de l’alternance et du redressement.
    Programme 2017 de François Fillon (à télécharger).
    L’autorité et la liberté.
    Un Président exemplaire, c’est…
    Interview de François Fillon dans le journal "Le Figaro" le 20 avril 2017 (texte intégral).
    Interview de François Fillon dans le journal "Le Parisien" le 19 avril 2017 (texte intégral).
    Discours de François Fillon le 15 avril 2017 au Puy-en-Velay (texte intégral).
    Discours de François Fillon le 14 avril 2017 à Montpellier (texte intégral).
    Discours de François Fillon le 13 avril 2017 à Toulouse (texte intégral).
    Tribune de François Fillon le 13 avril 2017 dans "Les Échos" (texte intégral).
    Discours de François Fillon le 12 avril 2017 à Lyon (texte intégral).


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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240424-fillon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-fillon-definitivement-254349

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/27/article-sr-20240424-fillon.html