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  • Anne-Marie Comparini, l'esprit de Barre à Lyon

    ​« Aussi intransigeante sur les valeurs de la République qu’inlassablement engagée pour bâtir et transmettre, elle sut par la force de ses combats gagner une autorité morale et une affection qui dépassaient les clivages. (…) Ses qualités, sa personnalité qui savait tisser des ponts au-delà des partis, lui firent prendre une ampleur nationale. Son intransigeance dans la défense de ses convictions, aussi. » (Communiqué de l'Élysée, 5 janvier 2025).



     

     
     


    J'ai appris avec émotion ce dimanche 5 janvier 2025 la mort de l'ancienne députée UDF du Rhône Anne-Marie Comparini à l'âge de 77 ans (elle est née le 11 juillet 1947). Elle s'est éteinte à 2 heures du matin à l'hôpital Édouard-Herriot de Lyon où elle avait été admise le 31 décembre 2024. En fait, en commençant ainsi, on situe assez mal cette personnalité si précieuse que la France a eue à son service. Si elle était peu connue du grand-public aujourd'hui, elle était bien connue des Lyonnais, des Rhônalpins ...et des centristes. Pour moi, elle était d'abord une fidélité, celle à l'ancien Premier Ministre Raymond Barre pour qui elle a travaillé alors qu'il était encore à Matignon.

    À l'origine, Anne-Marie Comparini était juriste de droit social, administratrice à l'ORTF (Office de radiodiffusion et télévision française) puis à l'INA (Institut national de l'audiovisuel). Dès mars 1978, elle s'est mise au service de Raymond Barre comme collaboratrice parlementaire jusqu'en mars 2001. En mars 1986, Anne-Marie Comparini s'est fait élire conseillère régionale de Rhône-Alpes représentant le Rhône. Chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche à la région, elle fut réélue en mars 1992, mars 1998 et mars 2004, jusqu'à mars 2010. Ce sera probablement le mandat le plus important pour Anne-Marie Comparini même si elle en a eu deux autres importants.

    Le premier, c'est d'avoir été élue dans la foulée de Raymond Barre aux élections municipales de Lyon en juin 1995 : entre juin 1995 et mars 2001, Anne-Marie Comparini a été adjointe au maire chargée de la politique de la ville et des universités tandis que Raymond Barre devenait maire de Lyon pour un mandat unique. Le second, c'est d'avoir été élue députée de Lyon de 2002 à 2007.
     

     
     


    C'est au titre de cette expérience lyonnaise que le successeur de Raymond Barre, le socialiste Gérard Collomb a songé à elle pour qu'elle fût la présidente du Conseil de développement de la métropole de Lyon de 2015 à 2021 (si mes souvenirs sont exacts, Raymond Barre avait été lui-même le président du conseil du développement extérieur de Lyon lorsque Michel Noir dirigeait la municipalité de Lyon de 1989 à 1995, ses réseaux internationaux ayant permis à l'agglomération de s'ouvrir au monde extérieur). Du reste, le 19 février 2014, peu avant sa réélection comme maire de Lyon pour un troisième mandat, Gérard Collomb a invité tout spécialement Anne-Marie Comparini, Michel Mercier (ancien président du conseil général du Rhône et ancien Ministre de la Justice) et d'autres élus ou anciens élus centristes et de centre droit pour inaugurer un nouveau pont à Lyon (premier nouveau pont depuis 1982), le pont Raymond-Barre, histoire de célébrer l'héritage barriste et séduire l'électorat modéré : « Nous venions de rives différentes mais nous avions un point commun, l'envie de servir notre ville. ».

     

     
     


    Barriste fidèle, Anne-Marie Comparini comptait au Centre des démocrates sociaux (CDS) puis à l'UDF après 1995. Son destin s'est offert en 1998-1999 sur une intransigeance et une incompréhension. Sur Twitter, François Bayrou a annoncé la triste nouvelle ainsi : « Aussi intransigeante sur les valeurs de la République qu’inlassablement engagée pour bâtir et transmettre, elle sut par la force de ses combats gagner une autorité morale et une affection qui dépassaient les clivages. ». Car qui aurait pensé qu'elle serait élue présidente de région ?

    À l'époque, le scrutin des élections régionales était la proportionnelle intégrale dans des circonscriptions départementales. Or, depuis mars 1992, avec l'irruption tant des écologistes (dans une moindre mesure) que du FN (qui faisait le plein de ses élus à ces scrutins), le centre droit UDF-RPR et la gauche traditionnelle PS-PCF n'étaient plus en capacité de diriger seuls les régions. La tentation était forte d'une alliance entre le président sortant du conseil régional, sa majorité (souvent de centre droit), et les élus du FN, alliance certes implicite mais bien réelle. Il y a déjà eu des précédents en mars 1992 avec (pourtant) deux ministres d'ouverture du gouvernement socialiste : Jean-Marie Rausch en Lorraine et Jean-Pierre Soisson en Bourgogne.

    En 1998, la situation était encore plus éclatée dans certains conseils régionaux. Des présidents sortants n'hésitaient donc pas à quémander la bienveillance des élus FN, comme Charles Baur en Picardie et Jacques Blanc en Languedoc-Rousillon. De manière extraordinaire, Charles Millon a été réélu, lui aussi, avec les voix des élus FN. J'écris extraordinaire car lorsque j'étais à Grenoble, j'ai eu l'occasion de connaître Charles Millon qui a eu une grande importance tant régionale que nationale : député de l'Ain depuis mars 1978 (jusqu'en 2001), président du groupe UDF à l'Assemblée de 1989 à 1995, Ministre de la Défense de mai 1995 à juin 1997 (il avait refusé le Ministère de l'Agriculture en 1993 dans le gouvernement dirigé par Édouard Balladur car il soutenait Jacques Chirac en 1995). J'avais eu l'occasion de vérifier qu'il avait des convictions politiques très affirmées et celles-ci étaient à l'opposé des idées du FN. En effet, il était particulièrement vigilant pour éviter toute alliance locale entre un élu UDF-RPR et un candidat FN. Par ailleurs, entre 1985 et 1988, Charles Millon était l'animateur des réseaux barristes REEL, noyau dur de la campagne présidentielle de Raymond Barre (après l'échec de Raymond Barre, il est resté en politique alors qu'on lui proposait des ponts d'or dans le privé).

    Charles Millon avait réussi à se faire élire président du conseil régional de Rhône-Alpes le 27 octobre 1988 à la mort de son prédécesseur, l'ancien résistant Charles Béraudier (c'est ce dernier qui a fait élire le centriste Francisque Collomb à la mairie de Lyon à la mort de Louis Pradel, en décembre 1976, préféré à Jacques Soustelle dont il était pourtant le suppléant au début des années 1960).

    Charles Millon s'était fait réélire le 23 mars 1992. À l'élection du 20 mars 1998, la situation était impossible. Les résultats des élections régionales du 15 mars 1998 avaient donné un hémicycle ingouvernable : 60 élus UDF-RPR, 60 élus PS et alliés (PCF, Verts), 35 élus FN, 1 CPNT (Chasse pêche nature et traditions) et 1 régionaliste (Patrice Abeille, de la Ligue savoisienne, ralliant la gauche). Une majorité relative suffit au troisième tour, mais les deux camps auraient été à égalité : centre droit 61 et gauche et alliés 61. Dans ce cas, des deux candidats qui se présentaient, le plus âgé aurait été élu : à droite, Charles Millon né le 12 novembre 1945, à gauche, Jean-Jack Queyranne (par ailleurs ministre du gouvernement de Lionel Jospin), né le 2 novembre 1945, dix jours de plus qui lui auraient permis de remporter la présidence du conseil régional.

    Mais c'était sans compter avec la volonté de rester à son siège quoi qu'il en coûtât : Charles Millon a donc remporté l'élection au second tour grâce aux élus FN dirigés par Bruno Gollnisch, numéro deux du FN. Mais cette élection a choqué sa propre majorité, en particulier les conseillers UDF absolument hostiles à toute alliance, implicite ou explicite, avec le FN. Charles Millon a toujours réfuté tout accord avec le FN mais il a quand même accepté l'élection de treize vice-présidents de commission FN, notamment celle de la culture.


    Cette élection a eu pour conséquence une division du camp centriste avec l'exclusion de l'UDF de Charles Millon, Charles Baur et Jacques Blanc, mais ceux-ci étaient accueillis à bras ouverts par Alain Madelin qui a quitté lui aussi l'UDF pour créer Démocratie libérale (DL), plus "souple" dans ses alliances. Charles Millon refusa d'adhérer à DL et a créé un microparti qui n'a jamais décollé, La Droite puis La Droite chrétienne.

    Toutefois, la "morale" allait être sauve ! Sur une requête en annulation du conseiller régional UDF Étienne Tête, enregistrée le 30 mars 1998, le Conseil d'État a annulé le 9 décembre 1998 l'élection de Charles Millon à la présidence du conseil régional de Rhône-Alpes pour une raison précise. La loi du 7 mars 1998 a rajouté à l'article L.4133-1 du code général des collectivités territoriales, les conditions d'une telle élection : « Cette élection ne donne lieu à aucun débat. ». Or le doyen d'âge qui présidait la séance, avant de passer au vote du second tour, a demandé s'il y avait « quelque chose à ajouter ». Alors, le candidat FN Bruno Gollnisch a demandé à Charles Millon une précision sur son programme, ce dernier lui a répondu et à la suite, le candidat FN a retiré sa candidature et a donné la consigne aux élus FN de voter pour Charles Millon. Or, cette question-réponse était interdite dans la loi et cette irrégularité a eu une influence certaine sur le résultat de l'élection, d'où l'annulation.


    Pour cette raison, le 9 janvier 1999, une nouvelle élection du président du conseil régional de Rhône-Alpes a eu lieu. Mais dans un tout autre contexte : les élus UDF ont refusé de se joindre aux membres de la majorité régionale pour voter de nouveau pour Charles Millon. La gauche a compris que pour faire battre Charles Millon, il fallait voter pour un candidat UDF, en l'occurrence, une candidate UDF, à savoir Anne-Marie Comparini. Elle a donc été élue (à 51 ans) présidente du conseil régional de Rhône-Alpes, la première femme à ce poste (mais pas la première en France, d'autres femmes présidente de conseil régional avaient déjà été élues avant elle). Mais c'est surtout la première (et seule) élection avec une majorité de toute la gauche plus l'UDF. On a vu qu'en Allemagne, certains coalitions étaient d'abord testées dans les Länder avant d'être testées grandeur nature, et finalement, on peut dire que c'est ce que recherche aujourd'hui François Bayrou avec une Assemblée aussi éclatée que ne l'était le conseil régional de Rhône-Alpes en 1998.
     

     
     


    Pendant plus de cinq ans (1999 à 2004), Anne-Marie Comparini a présidé le conseil régional de Rhône-Alpes avec une majorité centriste et de gauche, très appréciée pour son sens de l'intérêt général. Elle a porté ses actions sur le développement économique de la région, son ancrage européen, et la mise en œuvre de la ligne TGV Lyon-Turin (devenue Arlésienne).

    En mars 2001, aux élections municipales à Lyon, Raymond Barre, à 76 ans, ne se représentait pas. Une liste UDF-RPR s'est présentée, menée par le député RPR Jean-Michel Dubernard (après le ralliement du centriste Michel Mercier), opposée à la liste de gauche menée par Gérard Collomb, perdant perpétuel (jusque là). Mais Charles Millon a également présenté ses propres listes, faisant 25%. Lyon, la catholique conservatrice représentait un bon électorat pour Charles Millon. Au second tour, Gérard Collomb et la gauche ont gagné à cause de la division du centre droit et de la droite (très peu de fusions de listes au second tour), et de la bienveillance du maire sortant Raymond Barre.

    Aux élections législatives de juin 2002, Charles Millon n'a cependant pas réussi sa mue lyonnaise : quittant sa circonscription de l'Ain (il était maire de Belley de 1977 à 2001) pour une circonscription lyonnaise, il a échoué face au député sortant Jean-Jack Queyranne. En revanche, la présidente du conseil régionale Anne-Marie Comparini a été élue députée du Rhône sur une autre circonscription (centriste) de juin 2002 à juin 2007 avec 55,5% au second tour (contre le socialiste Jean-Louis Touraine). La députée sortante était l'UDF Bernadette Isaac-Sibille, qui s'était tout de même représentée à 72 ans, celle-ci n'a obtenu que 12,1% au premier tour (Anne-Marie Comparini avait l'investiture UMP et a eu 32,1% au premier tour). Bernadette Isaac-Sibille avait gagné la circonscription en juin 1988, en mars 1993 et juin 1997 face à Gérard Collomb (sauf en 1993).

    En mars 2004, Anne-Marie Comparini est repartie en campagne pour les régionales, tête de liste commune UDF-UMP contre la liste de gauche menée par Jean-Jack Queyranne. Le millonisme électoral avait déjà disparu en 2004 (bien que Charles Millon soit resté à présider le groupe milloniste à la mairie de Lyon jusqu'en 2008 ; ce dernier a été nommé ambassadeur de France de 2003 à 2007). Un changement de scrutin aux élections régionales rendait plus facile l'obtention d'une majorité avec deux tours de proportionnelle et une prime majoritaire (un peu à l'instar des élections municipales). La gauche l'a emporté au second tour avec 46,5% des voix et 94 sièges sur 157 au total. La liste Comparini n'a obtenu que 38,2% et 45 sièges, et la liste Gollnisch 15,3% et 18 sièges. La région est redevenue majoritaire, mais au profit de la gauche et de Jean-Jack Queyranne (jusqu'en décembre 2015).
     

     
     


    Députée UDF et membre de la commission des lois, Anne-Marie Comparini a soutenu fidèlement la candidature de François Bayrou tant en 2002, 2007 qu'en 2012. Investie par le MoDem, elle a échoué à se faire réélire députée en juin 2007, battue dès le premier tour avec seulement 17,4% des voix (le candidat UMP a été élu au second tour). François Bayrou aurait toutefois souhaité qu'Anne-Marie Comparini fût la candidate du MoDem à la mairie de Lyon en mars 2008 mais en septembre 2007, elle s'est retiré de la vie politique, conservant seulement son dernier mandat de conseillère régionale jusqu'en mars 2010. La circonscription d'Anne-Marie Comparini, après avoir été gagnée par le candidat UMP, a été occupée par un député radical de gauche de 2012 à 2017, puis un député macroniste de 2017 à 2024, et depuis 2024, une candidate insoumise l'a remportée.

    Son retrait de la vie politique ne signifiait pas son silence. Anne-Marie Comparini a ainsi apporté son soutien à Emmanuel Macron aux élections présidentielles de 2017 et de 2022 (elle a présidé le comité de soutien lyonnais à Emmanuel Macron en 2022). Avant de s'en aller, elle aura eu la joie et l'émotion de voir François Bayrou accéder à Matignon. De Raymond Barre à François Bayrou. Condoléances à sa famille.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Anne-Marie Comparini.
    François Bayrou.
    Jean-Marie Daillet.
    La loi Veil.
    Claude Malhuret.
    Jacques Duhamel.
    Didier Borotra.
    La convergence des centres aux européennes.
    Raymond Barre.
    Gilberte Beaux.
    Christine Boutin.
    Dominique Baudis.
    Valérie Hayer.
    Henri Grouès.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Jean-Marie Rausch.
    René Monory.
    René Pleven.
    Simone Veil.
    Bruno Millienne.
    Jean-Louis Bourlanges.
    Jean Faure.
    Joseph Fontanet.
    Marc Sangnier.
    Bernard Stasi.
    Jean-Louis Borloo.
    Sylvie Goulard.
    André Rossinot.
    Laurent Hénart.
    Hervé Morin.
    Olivier Stirn.
    Marielle de Sarnez.

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250105-anne-marie-comparini.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/anne-marie-comparini-l-esprit-de-258509

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/05/article-sr-20250105-anne-marie-comparini.html


     

  • 7 janvier 2025 : êtes-vous toujours Charlie ?

    « Cette France qui s’est retrouvée dans l’épreuve, ce moment où le monde entier est venu à elle, car le monde sait lui aussi la grandeur de la France et ce qu’elle incarne d’universel. La France, c’est l’esprit des Lumières. La France, c’est l’élément démocratique. La France, c’est la République chevillée au corps. La France, c’est une liberté farouche. La France, c’est la conquête de l’égalité. La France, c’est la soif de fraternité. Et la France, c’est aussi ce mélange si singulier de dignité, d’insolence, et d’élégance. » (Manuel Valls, le 13 janvier 2015 dans l'hémicycle).




     

     
     


    J'ai eu une "chance", il y a dix ans. Je n'étais pas chez moi mais en déplacement. Cela signifie : pas de journal, pas de télévision, pas de radio. J'ai évité (involontairement) d'être submergé par le flot des informations continues d'urgence. Mais j'avais quand même Internet et c'est ainsi que j'ai appris la mort de l'innocent, du tendre Cabu par balles ! Voir plus bas. Difficile de comprendre le monde contemporain. Pour la (très) petite histoire, je n'étais pas à Paris il y a dix ans, mais j'étais à Nice où le soleil brillait à 20°C...

    Sinistre commémoration, donc. Mardi, le dixième anniversaire de l'attentat de "Charlie Hebdo" qui s'est déroulé le mercredi 7 janvier 2015 sera l'occasion, pour la France, de faire un petit retour sur son passé récent. Toute la semaine sera commémorative, car le 8 janvier 2015 et le 9 janvier 2015, d'autres victimes ont péri dans cette série d'attentats de début 2015. On peut comprendre pourquoi François Bayrou n'a pas voulu faire sa déclaration de politique générale cette semaine et attendre la semaine suivante.

    Il y a eu une sorte de sidération, et malheureusement, on allait être presque habitués par cette sidération, tant les attentats islamistes se sont succédé en France, le 13 novembre 2015, le 14 juillet 2016, etc. Si l'attentat de La Nouvelle-Orléans a autant ému les Français, c'est parce que, en plus d'avoir touché le quartier français de cette ville américaine, il y avait deux faits qui, inévitablement, refaisaient penser aux attentats en France : l'attaque à la voiture-bélier, comme à Nice, et l'attaque contre un mode de vie, contre des personnes réunies pour s'amuser, pour faire la fête, Nouvel an comme bientôt carnaval, comme le 13 novembre 2015, contre de malheureux clients qui discutaient sur les douces terrasses de cafés parisiens un vendredi soir.

    Il y a eu deux incompréhensions dans l'état de sidération dans lequel nous nous trouvions. La première, c'était de croire que ces terroristes islamiques en voulaient à notre liberté d'expression et de dessin. En fait, c'est beaucoup plus vaste, contre notre mode de vie, contre notre existence : liberté d'expression, mais aussi liberté de célébration, liberté d'enseignement, liberté d'amusement, de distraction, d'écouter un concert, d'assister à une messe, etc. Bref, il n'y avait plus à donner des arguments, la cause est entendue, c'est celle des guerres : les terroristes sont nos ennemis et c'est eux ou nous. La seconde incompréhension, c'était de croire que cela avait commencé avec "Charlie Hebdo" en janvier 2015. En fait, cela avait commencé dès mars 2012 à Montauban et à Toulouse, avec les abominables assassinats de Merah, dont de trois enfants en bas âge dans une école juive. C'est là que tout a commencé, mais c'était difficile de comprendre sans le recul nécessaire.

    Cette violence est d'autant plus sidérante qu'elle s'est appliquée à des êtres par définition doux, des tendres, des non-violents, des intellectuels, des écrivains, des économistes, des psychiatres, des dessinateurs... Pas des miliciens, pas des légionnaires, pas des activistes.


    Le bilan humain est encore aujourd'hui très émouvant car certains étaient très connus et appréciés. Cela reste encore aujourd'hui incompréhensible. On a tiré à la kalachnikov sur la rédaction de "Charlie Hebdo". Douze sont morts le 7 janvier 2015 : cinq dessinateurs "historiques" du journal, Cabu (76 ans), Wolinski (80 ans), Charb (47 ans), Tignous (57 ans) et Honoré (73 ans), l’économiste Bernard Maris (68 ans), la psychiatre Elsa Cayat (54 ans), les journalistes Michel Renaud (69 ans) et Mustapha Ourrad (60 ans), les policiers Ahmed Merabet (42 ans) et Franck Brinsolaro (49 ans), qui assurait la protection de Charb, et l’agent de maintenance Frédéric Boisseau (42 ans).

    Charb, du haut des cieux, rappelle désormais aux passants, devant les lieux de la tragédie, ce qu'il écrivait en 2012 et qui est désormais inscrit en bas de la grande fresque de la rue Nicolas-Appert, "inventeur de la conserve alimentaire" (voir illustration) : « Je n'ai pas peur des représailles, je n'ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit. C'est peut-être pompeux ce qui je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. ».

     

     
     


    Il faut absolument en rajouter un treizième, que les autorités ne compteront jamais parmi les victimes, mais c'en est une : Simon Fieschi, le webmaster du journal. Il a été gravement blessé, touché à la colonne vertébrale, entraînant des handicaps à vie (hospitalisé neuf mois, perdant l'usage de ses jambes et de ses bras mais réussissant finalement à marcher). On l'a retrouvé mort dans une chambre d'hôtel à Paris le 17 octobre 2024, quelques jours avant son 41e anniversaire. Il s'est probablement suicidé, traumatisé à la suite de cet attentat.

    D'autres victimes présentes sur place ont survécu, traumatisées à vie et parfois, blessées à vie. Onze personnes ont été blessées dont quatre grièvement. Outre Simon Fieschi, deux journalistes ont été très gravement touchés, Philippe Lançon (qui a raconté son après-attentat dans un livre au titre emblématique, "Le Lambeau", éd. Gallimard en avril 2018) et Fabrice Nicolino, déjà victime d'un premier attentat en 1985 (j'ai cité ce journaliste pour évoquer Claude Allègre). Le dessinateur et directeur de la rédaction Riss a été touché à l'épaule, et un second agent de maintenance aussi.

    Il y a eu les rescapés qui miraculeusement n'ont pas été touchés, présents pendant le carnage : la dessinatrice Coco, les journalistes Sigolène Vinson, Luce Lapin et Laurent Léger, aussi Gérard Gaillard qui accompagnait Michel Renaud, invité exceptionnel de la rédaction, le directeur financier Éric Portheault. Sigolène Vinson a été visée par l'un des terroristes qui l'a finalement épargnée : « Je ne te tuerai pas. Tu es une femme. On ne tue pas les femmes. Mais réfléchis à ce que tu fais. Ce que tu fais est mal. Je t’épargne, et puisque je t’épargne, tu liras le Coran. (…) On ne tue pas les femmes ! On ne tue pas les femmes ! On ne tue pas les femmes ! »... après avoir pourtant assassiné Elsa Cayat, chargée d'une chronique dans l'hebdomadaire.


    Et puis, il y a eu ceux qui auraient dû ou pu se trouver dans la salle de rédaction pendant l'attentat et qui ne s'y trouvaient pas pour une raison ou une autre, en particulier l'urgentiste Patrick Pelloux, les dessinateurs Catherine Meurisse, Luz et Willem, le critique cinéma Jean-Baptiste Thoret, le rédacteur en chef (en vacances à Londres) Gérard Biard, les journalistes Zineb El Rhazoui (elle en vacances au Maroc) et Antonio Fischetti, et l'humoriste Mathieu Madénian.

    On imagine l'effroyable traumatisme à vie de ces rescapés, blessés, intacts et absents, qui ont vu la mort de leurs amis de très près. Certains n'ont pas renoncé leur expression corrosive, prêts à critiquer la réaction des autorités. Ainsi, Zineb El Rhazoui : « J'aurais aimé que ceux qui sont morts bénéficient d'un tel soutien de leur vivant. Et ce n'était pas du tout le cas. "Charlie Hebdo" est un journal qui a été conspué par tout le monde. ». Puis : « Nos collègues ont réussi à faire marcher Abbas et Netanyahou. On aurait voulu que les nôtres, qui sont morts, puissent voir tous ces gens. ». Gérard Biard : « Ils ont fait sonner les cloches de Notre-Dame pour Charlie, non mais on rêve ! ». Willem (qui n'a pas participé à la grande marche du 11 janvier) : « Nous avons beaucoup de nouveaux amis, comme le pape, la reine Élisabeth ou Poutine : ça me fait bien rire ! ». Luz : « On parle de la mémoire de Charb, Tignous, Cabu, Honoré, Wolinski : ils auraient conchié ce genre d'attitude. (…) Au final, la charge symbolique actuelle est tout ce contre quoi Charlie a toujours travaillé : détruire les symboles, faire tomber les tabous, mettre à plat les fantasmes. Le symbolisme au sens large, tout le monde peut en faire n’importe quoi. Même Poutine pourrait être d’accord avec une colombe de la paix ! ».

    La fuite des deux assaillants ainsi que d'un troisième terroriste (j'éviterai de dire leur nom) a été une course folle durant trois jours qui a fait encore beaucoup de dégâts humains. Le 8 janvier 2015 au matin, à Montrouge, une jeune stagiaire de la police municipale Clarissa Jean-Philippe (26 ans) est morte dans une fusillade, près d'une école juive. Quatre autres personnes ont été assassinées le 9 janvier 2015 dans l'après-midi, prises en otages puis tuées dans l'épicerie Hyper Casher de la Porte de Vincennes : Yohan Cohen (20 ans), Yoav Hattab (21 ans), Philippe Braham (45 ans) et François-Michel Saada (63 ans). Les trois terroristes ont été tués dans des fusillades, les deux auteurs de la tuerie à "Charlie Hebdo" dans une imprimerie où ils s'étaient réfugiés, le troisième preneur d'otages à l'Hyper Casher. Il faut souligner l'acte de bravoure de Yoav Hattab qui s'est emparé d'une arme du terroriste, ce qui lui a valu la mort.

     

     
     


    Tous les Français ont été choqués, ou du moins, quasiment tous (il y a eu malheureusement quelques cris de joie dans certains endroits de France), et parmi eux, l'un particulièrement choqué parce qu'il a perdu un ami cher le 7 janvier 2015, en la personne de Bernard Maris, c'était en même temps la date de sortie de son roman "Soumission", un roman de fiction politique qui imaginait la victoire des "musulmans modérés" en 2022 avec la nomination de François Bayrou à Matignon (toute ressemblance avec des faits réels n'est que pure coïncidence !). Je parle bien sûr de Michel Houellebecq qui, traumatisé par les attentats, a lâché le 13 janvier 2015 : « Rien ne sera plus comme avant (…). Oui [j’ai peur], même si c’est difficile de se rendre complètement compte de la situation. (…) Moi, je me sens toujours irresponsable et je le revendique, sinon je ne pourrais pas continuer à écrire. Mon rôle n’est pas d’aider à la cohésion sociale. Je ne suis ni instrumentalisable, ni responsable. ».

    Le week-end qui a suivi ces attentats, les 10 et 11 janvier 2015, les Français ont manifesté leur émotion et leur indignation très largement, rejoints par des dizaines de chefs d'État et de gouvernement qui ont exprimé leur solidarité avec le peuple français. Émotion mondiale.


    Ce qui est inquiétant, c'est que, depuis dix ans, les attentats ont continué, de nombreux ont heureusement échoué grâce au travail minutieux des forces de l'ordre, mais certains terroristes sont quand même passés à l'acte en particulier le 13 novembre 2015 et le 14 juillet 2016. L'inquiétant, c'est que rien n'indique que ce cauchemar ne se renouvellera pas à courte échéance et l'attentat de La Nouvelle-Orléans le montre bien.

    Je voudrais profiter de cet hommage aux disparus par es déclarations de deux hommes. Je terminerai par Cabu qui nous manque beaucoup. Mais avant lui, je voudrais reparler du Premier Ministre de l'époque, Manuel Valls, qui, de retour au gouvernement ces derniers jours, essuie injustement des insultes dans les réseaux sociaux. Car si Manuel Valls doit être considéré comme un homme d'État, qu'on l'aime ou qu'on le déteste, c'est bien par son comportement exemplaire lors des attentats de 2015 : Manuel Valls a incarné les valeurs républicaines au moment où la France en avait le plus besoin, merci à lui.

    Je propose ainsi de citer les extraits de ses deux discours majeurs (historiques, on peut dire) à la suite des attentats de 2015, celui du 13 janvier 2015 et celui du 9 janvier 2016. Peut-être parce qu'il est le seul Premier Ministre français à ne pas être né français, son appartenance à la France s'est incarnée avec plus de conscience et plus de détermination qu'un Français de naissance. Il reste que la République française ne fait justement pas de différence entre les Français, quelle que soit la manière d'être ou de devenir Français.


    Le 13 janvier 2015 : « La République et ses valeurs. (…) La laïcité, elle s’apprend bien sûr à l’école, qui en est un des bastions. C’est là, peu importe les croyances, les origines, que tous les enfants de la République ont accès à l’éducation, au savoir, à la connaissance. (…) La République n’est pas possible sans école, et l’école n’est pas possible sans République. Et on a laissé passer trop de choses (…) dans l’école. La laïcité, oui la laïcité, la possibilité de croire, de ne pas croire. L’éducation a des valeurs fondamentales, doit plus que jamais (…) être le combat de la France face à l’attaque que nous avons connue. Et arborons fièrement ce principe puisqu’on nous attaque à cause de la laïcité, à cause des lois que nous avons votées ici interdisant les signes religieux à l’école, prohibant le voile intégral, revendiquons-les, parce que c’est ça qui doit nous aider à être encore davantage forts. ».

    Et le message adressé tant aux Juifs qu'aux musulmans en France : « La France est en guerre contre le jihadisme, contre l’islamisme radical. Mais elle n’est pas en guerre contre une religion. Pas en guerre contre l’islam et les musulmans. (…) L’islam a toute sa place en France. (…) Je ne veux pas qu’en France des juifs aient peur. Et je ne veux pas que des musulmans aient honte. ».

    Le 9 janvier 2016, un an plus tard : « Le symbole d’un pays qui ne se perd pas dans la haine de l’autre, mais qui trouve en lui la force d’être ce peuple fier de ce qu’il est, qui dit non au racisme, non à l’antisémitisme, non au rejet et au repli. Être français, ce n’est pas renoncer à ses origines, ce n’est pas renoncer à son identité, c’est les verser au pot commun. C’est une citoyenneté qui n’est pas petite, qui n’est pas réduite à l’origine de chacun, du sang, du sol ou par naturalisation, mais qui est grande, ouverte, fondée sur la volonté de construire l’avenir ensemble ! C’est ce nouveau patriotisme que j’appelle de mes vœux ! ».

    L'éditorialiste politique Patrick Cohen se demandait d'ailleurs le 3 janvier 2025 sur France Inter les raisons de l'impopularité actuelle de Manuel Valls (« dont on a oublié qu’il fut un Premier Ministre populaire, près de 60% de bonnes opinions début 2015 ») : « On aimerait être certain que ces torrents de haine ne sont dus qu’à la loi travail, puis à son ralliement à Emmanuel Macron en 2017 -trahison de sa parole socialiste. Qu’à son opportunisme, son escapade espagnole, son retour piteux de Barcelone, et autres zigzags ou dérapages. On aimerait. Mais il est plus que probable que cette détestation trouve aussi racine dans ses combats contre Dieudonné et Tariq Ramadan, contre l’antisémitisme. Dans sa défense de la laïcité sans adjectif. Dans sa façon de rompre avec le mythe unitaire de la gauche, en faisant le constat de "deux gauches irréconciliables". ».

     

     
     


    Terminons par Cabu. Je n'ai pas retrouvé la date exacte de l'interview sur Europe 1 de l'ami Cabu qui passe en boucle dans les réseaux sociaux, je pense qu'elle doit dater de 2008. Cabu ne comprenait pas qu'on puisse imaginer tuer quelqu'un pour ses dessins, il trouvait cela stupide ! Et pourtant, quelle émotion de l'écouter ! S'il avait su la suite...

    Quelle émotion d'entendre cet éclat de rire : « Au moment du procès des caricatures danoises, vous savez, qu'on a publiées, j'étais protégé par la police. [Éclat de rire] Oui, ça fait rire, oui... (…) Ça a duré trois semaines seulement. Mais actuellement, je peux vous dire que Riss, Charb et Luz sont toujours protégés par deux policiers chacun. Il y a toujours des menaces de mort pour un dessin, vous vous rendez compte ? (…) Ce n'est pas signé, mais on sait d'où ça vient quand même. (…) On n'a aucune nouvelle de l'enquête. On sait seulement qu'il y a toujours des menaces. Pourquoi les policiers sont chargés de la protection des trois dessinateurs de Charlie ? C'est quand même triste, quoi ! (…) C'est notre boulot, quand même, de maintenir une charge contre toutes les idéologies, parce qu'on prend ces religions comme des idéologies. On doit pouvoir critiquer toutes les idéologies. Donc, je pense qu'on continue à le faire, évidemment, mais on ne va pas se prendre pour des héros non plus. On essaie de faire rire, d'abord, voilà. On est toujours étonnés parce qu'on veut faire rire et on nous menace de mort. C'est quand même incroyable ! (…) Je pense qu'en France, on peut encore rire de tout. On n'es pas en Iran, on n'est pas en Corée du Nord, vous voyez, il faut maintenir ce niveau d'esprit critique. ».

     




    J'ai encore du mal à imaginer que Cabu a été assassiné à la kalachnikov (et pas tout seul) et que dix ans plus tard, la gauche actuelle s'enfonce dans le "oui mais", hésitant entre Cabu et ses assassins, voulant ménager la chèvre et le chou. Aujourd'hui, c'est Sophia Aram qui se fait harceler par les islamogauchistes parce qu'elle est libre d'exprimer ce qu'elle veut. Répétons avec Cabu : il faut maintenir ce niveau d'esprit critique !

    Alors, êtes-vous toujours Charlie ? Moi, oui, plus que jamais ! Plus que jamais je suis français, plus que jamais je suis patriote, plus que jamais les valeurs républicaines sont notre ciment le plus efficace, plus que jamais je sais que le peuple français triomphera des fanatismes et des populismes car nous sommes, dans l'adversité, toujours unis. Râleurs, mais unis !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    50 ans après Charlie Hebdo.
    Manuel Valls et l’esprit républicain.
    7 janvier 2025 : êtes-vous toujours Charlie ?
    Attentat à La Nouvelle-Orléans le 1er janvier 2025.
    Marché de Noël de Magdebourg : l'attentat du 20 décembre 2024.
    Pogrom à Amsterdam du 7 novembre 2024 : toujours la même musique...
    7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie.
    7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
    L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
    Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
    L'attentat islamiste du Crocus City Hall de Moscou (22 mars 2024).
    Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
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    Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
    Les attentats de Merah.
    L'attentat contre Salman Rushdie.
    L’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice le 29 octobre 2020.
    Samuel Paty : faire des républicains.
    Les attentats du 11 septembre 2001 et la naissance du complotisme 2.0.
    Les attentats du 11 septembre 2001.
    Complot vs chaos : vers une nouvelle religion ?
    Nouveau monde.
    Qu’aviez-vous fait le 11 septembre 2001 ?
    11 septembre, complot ?
    Les théories du complot décortiquées sur Internet.
    Ben Laden, DSK, même complot ?
    L'attentat de Kaboul du 26 août 2021.
    Jacques Hamel, martyr de la République autant que de l’Église.
    Fête nationale : cinq ans plus tard…

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250107-attentat-charlie-hebdo.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/7-janvier-2025-etes-vous-toujours-258429

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/04/article-sr-20250107-attentat-charlie-hebdo.html