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  • Philippe Val et la promesse d'autres tragédies

    « Un bon Arabe doit être musulman, sa femme doit être voilée, il doit détester la France et admirer le Hamas et le Hezbollah. Cette assignation des Arabes par les autorités morales est un racisme réel drapé dans un antiracisme autoproclamé. Un tel déni de réalité, dix ans après les attentats de 2015, est la promesse d'autres tragédies. » (Philippe Val, le 6 janvier 2025 sur Europe 1).




     

     
     


    Personnalité du monde médiatique et intellectuel un peu touche-à-tout, Philippe Val (72 ans) est tout à la fois humoriste, journaliste, écrivain, chroniqueur et même patron de presse. Sa consécration a sans doute été sa nomination comme directeur général de l'importante station de radio publique France Inter de 2009 à 2014, mais ses fonctions pendant dix-sept ans à la tête de "Charlie Hebdo" de 1992 à 2009, comme rédacteur en chef puis comme directeur de publication, sont sans doute ce qui a eu le plus d'importance à ses yeux.

    Et il se place bien entendu sur le devant de scène des commémorations des attentats de janvier 2015 pour une raison simple : c'est lui, comme directeur de publication de "Charlie Hebdo", qui a pris la responsabilité (qu'il n'a jamais regretté) de publier les caricatures de Mahomet, celles publiées par le quotidien danois "Jyllands-Posten" le 30 septembre 2005. Leur publication a eu lieu dans le numéro de "Charlie Hebdo" du 3 février 2006, complétées par des caricatures maison. L'hebdomadaire satirique a été quasiment le seul périodique français à avoir eu le courage de les publier (avec "France-Soir" et "Libération") en raison des nombreuses pressions faites sur les rédactions.


     

     
     


    Depuis cette date, Philippe Val est sous protection policière matin midi et soir (et nuit), et vit avec l'angoisse de l'assassinat. On peut dire que son angoisse était justifiée puisque cinq dessinateurs, deux journalistes et deux chroniqueurs (entre autres) ont été assassinés il y a dix ans, le 7 janvier 2015.
     

     
     


    J'apprécie beaucoup Philippe Val car il porte finalement une parole très rare dans le monde médiatique, il veut rappeler sans cesse qu'il faut combattre l'islamisme et, bien que de gauche, il bouscule la pensée prémâchée de l'islamogauchisme. Trouille ou militantisme politique, on ne sait pas trop bien ce qui motive beaucoup de nos intellectuels français en-dessous de tout, et en particulier d'une pensée claire sur la liberté et sur la laïcité. Philippe Val est, avec quelques autres petites lumières médiatiques comme Caroline Fourest, Tristane Banon, Sophia Aram (actuellement salement harcelée par cette gauche extrémiste), l'un des rares "prescripteurs d'opinion" à rappeler toute l'horreur de l'islam politique et la nécessité de s'y opposer fermement, quelle que soit sa foi ou sa non-foi.

    Dans sa chronique du lundi 6 janvier 2025 qu'il a faite sur la station Europe 1, le journaliste est sévère contre ses collègues qui n'ont jamais rappelé que les caricatures qui avaient mis le monde musulman en colère en 2005 et 2006 n'étaient pas celles publiées par le journal danois mais d'autres, falsifiées pour manipulation par un imam qui l'a reconnu par la suite. Comme pour l'assassinat de Samuel Paty, victime lui aussi d'une manipulation mensongère sur les réseaux asociaux, la désinformation a tué beaucoup trop pour ne pas alerter les journalistes pendant qu'il est encore temps.

    Philippe Val a aussi rappelé que l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, qui, à 75 ans, est très malade et n'est toujours pas soigné, alors qu'il a été jeté en prison injustement en Algérie il y a deux mois, est trop peu soutenu par les moralistes professionnels en France et mériterait leur soutien avec un écho médiatique qui puisse faire pression sur le gouvernement algérien.


     

     
     


    Dans cette chronique, Philippe Val a d'abord fustigé ce qu'il a appelé la "bienveillance" de nombreux "intellectuels" envers l'islamisme : « On va parler de ce qui n'a pas changé, voire de ce qui a empiré : la bienveillance d'une partie du monde intellectuel, politique et médiatique français pour les acteurs d'un phénomène religieux, l'islam, dans sa version la plus hostile à notre civilisation, la plus puritaine et la plus dangereuse. On l'a vu lors du stupéfiant soutien au Hamas par La France insoumise et le journal "Le Monde" après le 7 octobre 2023 et par les non-moins stupéfiants ralliements et accords électoraux qui s'ensuivirent de la part de partis comme le parti socialiste ou de personnalités comme François Hollande. ».

    "Le Monde" a contribué à ce climat malsain qui, de fait, promeut l'antisionisme : « Je ne souhaite nullement la disparition du "Monde" dont j'admire et respecte nombre de ses journalistes, mais son statut de journal de référence n'est plus supportable. Ce n'est pas plus une référence que Mediapart ou "Valeurs actuelles". C'est un journal d'opinion et c'est son droit. Mais ce statut ne lui permet d'exercer aucun magistère moral. Qu'il soit lu comme une bible par les enseignants, les intellectuels, les politiques, est une des causes de la maladie de la démocratie française. Au lendemain des attentats, il y a dix ans, "Le Monde" avait déjà choisi de donner une large audience à Emmanuel Todd qui prétendait que les 4 millions de manifestants du 11 janvier n'étaient que des petits bourgeois catholiques qui avaient besoin d'avoir peur de l'islam pour se tenir chaud ensemble. ».

     

     
     


    Le point de référence de l'ancien directeur de "Charlie Hebdo", c'est le massacre antisémite du 7 octobre 2023 dans la continuité des réactions aux caricatures de 2005-2006 : « On l'a vu après le massacre du 7 octobre. Dans les heures qui ont suivi, ce n'est pas l'horreur du massacre qui a été mise en avant, mais le scandale de la réplique israélienne. Il y a une continuité dans la volonté de nier la réalité. Par exemple, en 2006, les caricatures qui ont mis le feu au Moyen-Orient et monde arabe ne sont pas celles qu'ont publiées le "Jyllands-Posten" et "Charlie Hebdo". On sait que ce sont des caricatures détournées et diffusées par un imam danois intégriste. Bien que l'information ait parfaitement circulé dans les rédactions, et que depuis, l'imam repenti ait avoué sa manipulation, l'info n'intéressait pratiquement personne. Il est évident que les caricatures publiées étaient anodines et que leur censure était insupportable dans n'importe quel régime de liberté. Personne n'a voulu retenir cette information pourtant capitale. Eh bien, c'est un cas d'école pour journalistes : une info reste-t-elle vraie quand personne n'a envie d'y croire ? (…) Ce qui démontre aussi que notre métier de journaliste et d'intellectuel est de dire la réalité au plus près. Et que c'est une question de vie ou de mort. La réalité se venge toujours quand elle est repoussée, elle revient sous une forme monstrueuse. En ce qui nous concerne, elle est revenue sous la forme des attentats qui ont endeuillé notre pays. ».

    Si le monde journalistique a compris la nature de l'islamisme, il y a encore beaucoup à faire pour préserver une parole sensée en France : « Il s'est passé quelque chose. La plupart des grands journaux et des chaînes d'info, radios, ont désormais des positions sans ambiguïté sur l'islam politique et l'antisémitisme, et il faut s'en réjouir. Mais une partie du monde intellectuel et journalistique n'a encore rien compris. La campagne de haine que subit aujourd'hui l'humoriste Sophia Aram et l'indifférence méprisante dont Boualem Sansal fait l'objet montrent à quel point leur magistère moral est une imposture. Boualem Sansal et Sophia Aram ont en commun une tare majeure aux yeux de nos moralistes antiracistes : ce sont de mauvais Arabes ! Un bon Arabe doit être musulman, sa femme doit être voilée, il doit détester la France et admirer le Hamas et le Hezbollah. Cette assignation des Arabes par les autorités morales est un racisme réel drapé dans un antiracisme autoproclamé. Un tel déni de réalité, dix ans après les attentats de 2015, est la promesse d'autres tragédies. ».

     

     
     


    Cette chronique du 6 janvier 2025 de Philippe Val est excellente car elle est un condensé d'une parole qui est rare et pourtant essentielle en France, celle d'une gauche républicaine qui est aujourd'hui étouffée par la nouvelle farce populaire (NFP). Cette gauche républicaine (dont je ne suis pas) est aujourd'hui la mieux représentée politiquement par un quasi-homonyme, l'ancien Premier Ministre et l'actuel Ministre d'État Manuel Valls, qui a su exprimer en 2015 et 2016 ce qu'était l'esprit républicain et que je ne me lasserai jamais de répéter : « Être français, ce n’est pas renoncer à ses origines, ce n’est pas renoncer à son identité, c’est les verser au pot commun. C’est une citoyenneté qui n’est pas petite, qui n’est pas réduite à l’origine de chacun, du sang, du sol ou par naturalisation, mais qui est grande, ouverte, fondée sur la volonté de construire l’avenir ensemble ! C’est ce nouveau patriotisme que j’appelle de mes vœux ! ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Philippe Val et la promesse d'autres tragédies.
    7 janvier 2025 : êtes-vous toujours Charlie ?
    L’esprit républicain.
    Fête nationale : cinq ans plus tard…







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250106-philippe-val.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/philippe-val-et-la-promesse-d-258535

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/06/article-sr-20250106-philippe-val.html




     

  • 7 janvier 2025 : êtes-vous toujours Charlie ?

    « Cette France qui s’est retrouvée dans l’épreuve, ce moment où le monde entier est venu à elle, car le monde sait lui aussi la grandeur de la France et ce qu’elle incarne d’universel. La France, c’est l’esprit des Lumières. La France, c’est l’élément démocratique. La France, c’est la République chevillée au corps. La France, c’est une liberté farouche. La France, c’est la conquête de l’égalité. La France, c’est la soif de fraternité. Et la France, c’est aussi ce mélange si singulier de dignité, d’insolence, et d’élégance. » (Manuel Valls, le 13 janvier 2015 dans l'hémicycle).




     

     
     


    J'ai eu une "chance", il y a dix ans. Je n'étais pas chez moi mais en déplacement. Cela signifie : pas de journal, pas de télévision, pas de radio. J'ai évité (involontairement) d'être submergé par le flot des informations continues d'urgence. Mais j'avais quand même Internet et c'est ainsi que j'ai appris la mort de l'innocent, du tendre Cabu par balles ! Voir plus bas. Difficile de comprendre le monde contemporain. Pour la (très) petite histoire, je n'étais pas à Paris il y a dix ans, mais j'étais à Nice où le soleil brillait à 20°C...

    Sinistre commémoration, donc. Mardi, le dixième anniversaire de l'attentat de "Charlie Hebdo" qui s'est déroulé le mercredi 7 janvier 2015 sera l'occasion, pour la France, de faire un petit retour sur son passé récent. Toute la semaine sera commémorative, car le 8 janvier 2015 et le 9 janvier 2015, d'autres victimes ont péri dans cette série d'attentats de début 2015. On peut comprendre pourquoi François Bayrou n'a pas voulu faire sa déclaration de politique générale cette semaine et attendre la semaine suivante.

    Il y a eu une sorte de sidération, et malheureusement, on allait être presque habitués par cette sidération, tant les attentats islamistes se sont succédé en France, le 13 novembre 2015, le 14 juillet 2016, etc. Si l'attentat de La Nouvelle-Orléans a autant ému les Français, c'est parce que, en plus d'avoir touché le quartier français de cette ville américaine, il y avait deux faits qui, inévitablement, refaisaient penser aux attentats en France : l'attaque à la voiture-bélier, comme à Nice, et l'attaque contre un mode de vie, contre des personnes réunies pour s'amuser, pour faire la fête, Nouvel an comme bientôt carnaval, comme le 13 novembre 2015, contre de malheureux clients qui discutaient sur les douces terrasses de cafés parisiens un vendredi soir.

    Il y a eu deux incompréhensions dans l'état de sidération dans lequel nous nous trouvions. La première, c'était de croire que ces terroristes islamiques en voulaient à notre liberté d'expression et de dessin. En fait, c'est beaucoup plus vaste, contre notre mode de vie, contre notre existence : liberté d'expression, mais aussi liberté de célébration, liberté d'enseignement, liberté d'amusement, de distraction, d'écouter un concert, d'assister à une messe, etc. Bref, il n'y avait plus à donner des arguments, la cause est entendue, c'est celle des guerres : les terroristes sont nos ennemis et c'est eux ou nous. La seconde incompréhension, c'était de croire que cela avait commencé avec "Charlie Hebdo" en janvier 2015. En fait, cela avait commencé dès mars 2012 à Montauban et à Toulouse, avec les abominables assassinats de Merah, dont de trois enfants en bas âge dans une école juive. C'est là que tout a commencé, mais c'était difficile de comprendre sans le recul nécessaire.

    Cette violence est d'autant plus sidérante qu'elle s'est appliquée à des êtres par définition doux, des tendres, des non-violents, des intellectuels, des écrivains, des économistes, des psychiatres, des dessinateurs... Pas des miliciens, pas des légionnaires, pas des activistes.


    Le bilan humain est encore aujourd'hui très émouvant car certains étaient très connus et appréciés. Cela reste encore aujourd'hui incompréhensible. On a tiré à la kalachnikov sur la rédaction de "Charlie Hebdo". Douze sont morts le 7 janvier 2015 : cinq dessinateurs "historiques" du journal, Cabu (76 ans), Wolinski (80 ans), Charb (47 ans), Tignous (57 ans) et Honoré (73 ans), l’économiste Bernard Maris (68 ans), la psychiatre Elsa Cayat (54 ans), les journalistes Michel Renaud (69 ans) et Mustapha Ourrad (60 ans), les policiers Ahmed Merabet (42 ans) et Franck Brinsolaro (49 ans), qui assurait la protection de Charb, et l’agent de maintenance Frédéric Boisseau (42 ans).

    Charb, du haut des cieux, rappelle désormais aux passants, devant les lieux de la tragédie, ce qu'il écrivait en 2012 et qui est désormais inscrit en bas de la grande fresque de la rue Nicolas-Appert, "inventeur de la conserve alimentaire" (voir illustration) : « Je n'ai pas peur des représailles, je n'ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit. C'est peut-être pompeux ce qui je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. ».

     

     
     


    Il faut absolument en rajouter un treizième, que les autorités ne compteront jamais parmi les victimes, mais c'en est une : Simon Fieschi, le webmaster du journal. Il a été gravement blessé, touché à la colonne vertébrale, entraînant des handicaps à vie (hospitalisé neuf mois, perdant l'usage de ses jambes et de ses bras mais réussissant finalement à marcher). On l'a retrouvé mort dans une chambre d'hôtel à Paris le 17 octobre 2024, quelques jours avant son 41e anniversaire. Il s'est probablement suicidé, traumatisé à la suite de cet attentat.

    D'autres victimes présentes sur place ont survécu, traumatisées à vie et parfois, blessées à vie. Onze personnes ont été blessées dont quatre grièvement. Outre Simon Fieschi, deux journalistes ont été très gravement touchés, Philippe Lançon (qui a raconté son après-attentat dans un livre au titre emblématique, "Le Lambeau", éd. Gallimard en avril 2018) et Fabrice Nicolino, déjà victime d'un premier attentat en 1985 (j'ai cité ce journaliste pour évoquer Claude Allègre). Le dessinateur et directeur de la rédaction Riss a été touché à l'épaule, et un second agent de maintenance aussi.

    Il y a eu les rescapés qui miraculeusement n'ont pas été touchés, présents pendant le carnage : la dessinatrice Coco, les journalistes Sigolène Vinson, Luce Lapin et Laurent Léger, aussi Gérard Gaillard qui accompagnait Michel Renaud, invité exceptionnel de la rédaction, le directeur financier Éric Portheault. Sigolène Vinson a été visée par l'un des terroristes qui l'a finalement épargnée : « Je ne te tuerai pas. Tu es une femme. On ne tue pas les femmes. Mais réfléchis à ce que tu fais. Ce que tu fais est mal. Je t’épargne, et puisque je t’épargne, tu liras le Coran. (…) On ne tue pas les femmes ! On ne tue pas les femmes ! On ne tue pas les femmes ! »... après avoir pourtant assassiné Elsa Cayat, chargée d'une chronique dans l'hebdomadaire.


    Et puis, il y a eu ceux qui auraient dû ou pu se trouver dans la salle de rédaction pendant l'attentat et qui ne s'y trouvaient pas pour une raison ou une autre, en particulier l'urgentiste Patrick Pelloux, les dessinateurs Catherine Meurisse, Luz et Willem, le critique cinéma Jean-Baptiste Thoret, le rédacteur en chef (en vacances à Londres) Gérard Biard, les journalistes Zineb El Rhazoui (elle en vacances au Maroc) et Antonio Fischetti, et l'humoriste Mathieu Madénian.

    On imagine l'effroyable traumatisme à vie de ces rescapés, blessés, intacts et absents, qui ont vu la mort de leurs amis de très près. Certains n'ont pas renoncé leur expression corrosive, prêts à critiquer la réaction des autorités. Ainsi, Zineb El Rhazoui : « J'aurais aimé que ceux qui sont morts bénéficient d'un tel soutien de leur vivant. Et ce n'était pas du tout le cas. "Charlie Hebdo" est un journal qui a été conspué par tout le monde. ». Puis : « Nos collègues ont réussi à faire marcher Abbas et Netanyahou. On aurait voulu que les nôtres, qui sont morts, puissent voir tous ces gens. ». Gérard Biard : « Ils ont fait sonner les cloches de Notre-Dame pour Charlie, non mais on rêve ! ». Willem (qui n'a pas participé à la grande marche du 11 janvier) : « Nous avons beaucoup de nouveaux amis, comme le pape, la reine Élisabeth ou Poutine : ça me fait bien rire ! ». Luz : « On parle de la mémoire de Charb, Tignous, Cabu, Honoré, Wolinski : ils auraient conchié ce genre d'attitude. (…) Au final, la charge symbolique actuelle est tout ce contre quoi Charlie a toujours travaillé : détruire les symboles, faire tomber les tabous, mettre à plat les fantasmes. Le symbolisme au sens large, tout le monde peut en faire n’importe quoi. Même Poutine pourrait être d’accord avec une colombe de la paix ! ».

    La fuite des deux assaillants ainsi que d'un troisième terroriste (j'éviterai de dire leur nom) a été une course folle durant trois jours qui a fait encore beaucoup de dégâts humains. Le 8 janvier 2015 au matin, à Montrouge, une jeune stagiaire de la police municipale Clarissa Jean-Philippe (26 ans) est morte dans une fusillade, près d'une école juive. Quatre autres personnes ont été assassinées le 9 janvier 2015 dans l'après-midi, prises en otages puis tuées dans l'épicerie Hyper Casher de la Porte de Vincennes : Yohan Cohen (20 ans), Yoav Hattab (21 ans), Philippe Braham (45 ans) et François-Michel Saada (63 ans). Les trois terroristes ont été tués dans des fusillades, les deux auteurs de la tuerie à "Charlie Hebdo" dans une imprimerie où ils s'étaient réfugiés, le troisième preneur d'otages à l'Hyper Casher. Il faut souligner l'acte de bravoure de Yoav Hattab qui s'est emparé d'une arme du terroriste, ce qui lui a valu la mort.

     

     
     


    Tous les Français ont été choqués, ou du moins, quasiment tous (il y a eu malheureusement quelques cris de joie dans certains endroits de France), et parmi eux, l'un particulièrement choqué parce qu'il a perdu un ami cher le 7 janvier 2015, en la personne de Bernard Maris, c'était en même temps la date de sortie de son roman "Soumission", un roman de fiction politique qui imaginait la victoire des "musulmans modérés" en 2022 avec la nomination de François Bayrou à Matignon (toute ressemblance avec des faits réels n'est que pure coïncidence !). Je parle bien sûr de Michel Houellebecq qui, traumatisé par les attentats, a lâché le 13 janvier 2015 : « Rien ne sera plus comme avant (…). Oui [j’ai peur], même si c’est difficile de se rendre complètement compte de la situation. (…) Moi, je me sens toujours irresponsable et je le revendique, sinon je ne pourrais pas continuer à écrire. Mon rôle n’est pas d’aider à la cohésion sociale. Je ne suis ni instrumentalisable, ni responsable. ».

    Le week-end qui a suivi ces attentats, les 10 et 11 janvier 2015, les Français ont manifesté leur émotion et leur indignation très largement, rejoints par des dizaines de chefs d'État et de gouvernement qui ont exprimé leur solidarité avec le peuple français. Émotion mondiale.


    Ce qui est inquiétant, c'est que, depuis dix ans, les attentats ont continué, de nombreux ont heureusement échoué grâce au travail minutieux des forces de l'ordre, mais certains terroristes sont quand même passés à l'acte en particulier le 13 novembre 2015 et le 14 juillet 2016. L'inquiétant, c'est que rien n'indique que ce cauchemar ne se renouvellera pas à courte échéance et l'attentat de La Nouvelle-Orléans le montre bien.

    Je voudrais profiter de cet hommage aux disparus par es déclarations de deux hommes. Je terminerai par Cabu qui nous manque beaucoup. Mais avant lui, je voudrais reparler du Premier Ministre de l'époque, Manuel Valls, qui, de retour au gouvernement ces derniers jours, essuie injustement des insultes dans les réseaux sociaux. Car si Manuel Valls doit être considéré comme un homme d'État, qu'on l'aime ou qu'on le déteste, c'est bien par son comportement exemplaire lors des attentats de 2015 : Manuel Valls a incarné les valeurs républicaines au moment où la France en avait le plus besoin, merci à lui.

    Je propose ainsi de citer les extraits de ses deux discours majeurs (historiques, on peut dire) à la suite des attentats de 2015, celui du 13 janvier 2015 et celui du 9 janvier 2016. Peut-être parce qu'il est le seul Premier Ministre français à ne pas être né français, son appartenance à la France s'est incarnée avec plus de conscience et plus de détermination qu'un Français de naissance. Il reste que la République française ne fait justement pas de différence entre les Français, quelle que soit la manière d'être ou de devenir Français.


    Le 13 janvier 2015 : « La République et ses valeurs. (…) La laïcité, elle s’apprend bien sûr à l’école, qui en est un des bastions. C’est là, peu importe les croyances, les origines, que tous les enfants de la République ont accès à l’éducation, au savoir, à la connaissance. (…) La République n’est pas possible sans école, et l’école n’est pas possible sans République. Et on a laissé passer trop de choses (…) dans l’école. La laïcité, oui la laïcité, la possibilité de croire, de ne pas croire. L’éducation a des valeurs fondamentales, doit plus que jamais (…) être le combat de la France face à l’attaque que nous avons connue. Et arborons fièrement ce principe puisqu’on nous attaque à cause de la laïcité, à cause des lois que nous avons votées ici interdisant les signes religieux à l’école, prohibant le voile intégral, revendiquons-les, parce que c’est ça qui doit nous aider à être encore davantage forts. ».

    Et le message adressé tant aux Juifs qu'aux musulmans en France : « La France est en guerre contre le jihadisme, contre l’islamisme radical. Mais elle n’est pas en guerre contre une religion. Pas en guerre contre l’islam et les musulmans. (…) L’islam a toute sa place en France. (…) Je ne veux pas qu’en France des juifs aient peur. Et je ne veux pas que des musulmans aient honte. ».

    Le 9 janvier 2016, un an plus tard : « Le symbole d’un pays qui ne se perd pas dans la haine de l’autre, mais qui trouve en lui la force d’être ce peuple fier de ce qu’il est, qui dit non au racisme, non à l’antisémitisme, non au rejet et au repli. Être français, ce n’est pas renoncer à ses origines, ce n’est pas renoncer à son identité, c’est les verser au pot commun. C’est une citoyenneté qui n’est pas petite, qui n’est pas réduite à l’origine de chacun, du sang, du sol ou par naturalisation, mais qui est grande, ouverte, fondée sur la volonté de construire l’avenir ensemble ! C’est ce nouveau patriotisme que j’appelle de mes vœux ! ».

    L'éditorialiste politique Patrick Cohen se demandait d'ailleurs le 3 janvier 2025 sur France Inter les raisons de l'impopularité actuelle de Manuel Valls (« dont on a oublié qu’il fut un Premier Ministre populaire, près de 60% de bonnes opinions début 2015 ») : « On aimerait être certain que ces torrents de haine ne sont dus qu’à la loi travail, puis à son ralliement à Emmanuel Macron en 2017 -trahison de sa parole socialiste. Qu’à son opportunisme, son escapade espagnole, son retour piteux de Barcelone, et autres zigzags ou dérapages. On aimerait. Mais il est plus que probable que cette détestation trouve aussi racine dans ses combats contre Dieudonné et Tariq Ramadan, contre l’antisémitisme. Dans sa défense de la laïcité sans adjectif. Dans sa façon de rompre avec le mythe unitaire de la gauche, en faisant le constat de "deux gauches irréconciliables". ».

     

     
     


    Terminons par Cabu. Je n'ai pas retrouvé la date exacte de l'interview sur Europe 1 de l'ami Cabu qui passe en boucle dans les réseaux sociaux, je pense qu'elle doit dater de 2008. Cabu ne comprenait pas qu'on puisse imaginer tuer quelqu'un pour ses dessins, il trouvait cela stupide ! Et pourtant, quelle émotion de l'écouter ! S'il avait su la suite...

    Quelle émotion d'entendre cet éclat de rire : « Au moment du procès des caricatures danoises, vous savez, qu'on a publiées, j'étais protégé par la police. [Éclat de rire] Oui, ça fait rire, oui... (…) Ça a duré trois semaines seulement. Mais actuellement, je peux vous dire que Riss, Charb et Luz sont toujours protégés par deux policiers chacun. Il y a toujours des menaces de mort pour un dessin, vous vous rendez compte ? (…) Ce n'est pas signé, mais on sait d'où ça vient quand même. (…) On n'a aucune nouvelle de l'enquête. On sait seulement qu'il y a toujours des menaces. Pourquoi les policiers sont chargés de la protection des trois dessinateurs de Charlie ? C'est quand même triste, quoi ! (…) C'est notre boulot, quand même, de maintenir une charge contre toutes les idéologies, parce qu'on prend ces religions comme des idéologies. On doit pouvoir critiquer toutes les idéologies. Donc, je pense qu'on continue à le faire, évidemment, mais on ne va pas se prendre pour des héros non plus. On essaie de faire rire, d'abord, voilà. On est toujours étonnés parce qu'on veut faire rire et on nous menace de mort. C'est quand même incroyable ! (…) Je pense qu'en France, on peut encore rire de tout. On n'es pas en Iran, on n'est pas en Corée du Nord, vous voyez, il faut maintenir ce niveau d'esprit critique. ».

     




    J'ai encore du mal à imaginer que Cabu a été assassiné à la kalachnikov (et pas tout seul) et que dix ans plus tard, la gauche actuelle s'enfonce dans le "oui mais", hésitant entre Cabu et ses assassins, voulant ménager la chèvre et le chou. Aujourd'hui, c'est Sophia Aram qui se fait harceler par les islamogauchistes parce qu'elle est libre d'exprimer ce qu'elle veut. Répétons avec Cabu : il faut maintenir ce niveau d'esprit critique !

    Alors, êtes-vous toujours Charlie ? Moi, oui, plus que jamais ! Plus que jamais je suis français, plus que jamais je suis patriote, plus que jamais les valeurs républicaines sont notre ciment le plus efficace, plus que jamais je sais que le peuple français triomphera des fanatismes et des populismes car nous sommes, dans l'adversité, toujours unis. Râleurs, mais unis !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    50 ans après Charlie Hebdo.
    Manuel Valls et l’esprit républicain.
    7 janvier 2025 : êtes-vous toujours Charlie ?
    Attentat à La Nouvelle-Orléans le 1er janvier 2025.
    Marché de Noël de Magdebourg : l'attentat du 20 décembre 2024.
    Pogrom à Amsterdam du 7 novembre 2024 : toujours la même musique...
    7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie.
    7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
    L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
    Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
    L'attentat islamiste du Crocus City Hall de Moscou (22 mars 2024).
    Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
    Attentats d'Arras et de Bruxelles : tirs groupés contre les insoumis.
    L'assassinat de Dominique Bernard au lycée Gambetta d'Arras.
    Soutien total à Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses.
    Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
    Les attentats de Merah.
    L'attentat contre Salman Rushdie.
    L’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice le 29 octobre 2020.
    Samuel Paty : faire des républicains.
    Les attentats du 11 septembre 2001 et la naissance du complotisme 2.0.
    Les attentats du 11 septembre 2001.
    Complot vs chaos : vers une nouvelle religion ?
    Nouveau monde.
    Qu’aviez-vous fait le 11 septembre 2001 ?
    11 septembre, complot ?
    Les théories du complot décortiquées sur Internet.
    Ben Laden, DSK, même complot ?
    L'attentat de Kaboul du 26 août 2021.
    Jacques Hamel, martyr de la République autant que de l’Église.
    Fête nationale : cinq ans plus tard…

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250107-attentat-charlie-hebdo.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/7-janvier-2025-etes-vous-toujours-258429

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/04/article-sr-20250107-attentat-charlie-hebdo.html