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  • Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement

    « Le Président a le devoir d’appeler le nouveau front populaire à gouverner (…). Le nouveau front populaire appliquera son programme, rien que son programme, mais tout son programme. » (Jean-Luc Mélenchon, à Paris le dimanche 7 juillet 2024 à 20 heures 02).




     

     
     


    Eh voilà ! La réécriture de l'histoire s'est installée avec les médias complaisants dès la deuxième minute de la clôture des bureaux de vote pour le second tour des élections législatives. Habile manœuvrier, le gourou des insoumis a bien compris qu'il y avait le vote et il y avait "l'opinion publique". Or, ce que le vote n'a pas permis, il pouvait se le permettre avec "l'opinion publique" en hurlant la victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) malgré le faible nombre de sièges gagnés, 182, insuffisant pour atteindre la majorité absolue, 289. C'est la magie de Jean-Luc Mélenchon : transformer tout ce qu'il touche en mouise.

    À l'évidence, ce postulat de départ, repris ad nauseam par de nombreux journalistes eux-mêmes rêvant d'un nouveau grand soir, a fait perdre à la France une bonne semaine. Le pire, c'est que malgré cela, le NFP a été incapable, en une semaine, de proposer un nom de Premier Ministre. Alors, il est un peu risible d'entendre chaque jour des députés NFP répéter avec la méthode Coué que le Président de la République n'a pas proposé Matignon au NFP : le voudrait-il qu'il serait incapable de savoir à qui il devrait s'adresser.

    L'objectif du che mélenvera, c'est aussi de cibler tous les membres téméraires du NFP qui tenterait de négocier un projet de gouvernement avec d'autres forces politiques afin de rechercher une majorité à l'Assemblée, ou, du moins, une indulgente neutralité, en les traitant de traîtres vis-à-vis de leurs électeurs. C'est un argument très efficace à gauche dont les marquages et les postures sont plus importants que les actes (pour eux, le pire est d'être considérés comme de la fausse gauche). Cela interdit alors tout compromis.

     

     
     


    Pour ajouter à la tension politique, l'irresponsable secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a appelé le 11 juillet 2024 à mettre l'Assemblée « sous surveillance » (on croit rêver : bravo le respect de la démocratie et des institutions !) et voudrait une grève et une manifestation devant l'Assemblée à l'ouverture de la législature, le 18 juillet 2024. Mettre la pression sur des représentants du peuple, cela s'appelle coup d'État.

    Ce vendredi 12 juillet 2024, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, battu dès le premier tour dans sa circonscription (la vingtième circonscription du Nord) par un candidat FN, non content du climat de confusion qui règne déjà, a proposé un nouveau nom de Premier Ministre, en l'occurrence de Première Ministre, Huguette Bello, 74 ans le mois prochain, présidente du conseil régional de La Réunion depuis 2021, ancienne députée-maire PCF de Saint-Paul, qui a bondi en notoriété nationale ces dernières heures.

    Il faut dire que cette femme politique réunionnaise très expérimentée et très estimable (à part l'âge, elle cocherait toutes les cases du cahier des charges) a apporté son parrainage présidentiel à Jean-Luc Mélenchon en 2022, qu'elle était candidate aux élections européennes de 2024 en dernière place (juste derrière Jean-Luc Mélenchon) sur la liste insoumise de Manon Aubry et qu'elle est nécessairement mélencho-compatible (Manuel Bompard a déjà annoncé sur BFMTV vendredi soir que si cette candidature s'imposait, il la soutiendrait). L'initiative de Fabien Roussel paraît donc n'être qu'une manœuvre téléguidée par les insoumis.

     

     
     


    Mais en vérité, il n'y a pas de fumée blanche dans les conclaves du NFP depuis une semaine parce qu'ils ne sont d'accord sur rien. Personne de ses créateurs, avant le second tour, n'imaginait pouvoir revendiquer la victoire, ils avaient concocté une alliance électorale commode et efficace pour ne pas s'effondrer et combattre les macronistes et l'extrême droite, ils l'avaient agrémenté d'un programme démagogique, sorte de liste à la Prévert attrape-tout qui n'avait pas d'autre finalité que la campagne électorale. Voici les réalistes du NFP dans de beaux draps, piégés par eux-mêmes et leur électoralisme populiste !
     

     
     


    Le problème est insoluble : Jean-Luc Mélenchon veut Matignon et tout le programme du NFP, il veut Matignon selon la règle que les insoumis sont les plus nombreux du NFP, la coalition la plus nombreuse de l'Assemblée, mais ne représentant que 32% des sièges. Pas de quoi être capable de gouverner. Surtout que les insoums, c'est 73 sièges, soit même pas 13% des sièges, quel esprit démocratique ! C'est la démocratie dans le sens "démocratie populaire" ("populaire" dont est fagoté le NFP).

    Pourtant, les insoumis (pour brûler tout sur leur passage et hurler à la dictature), mais aussi les écologistes et les socialistes, pour d'autres raisons (naïveté ?) se comportent comme s'ils avaient obtenu 350 sièges au lieu des 182 ! Arrogance, mépris, menaces... les députés insoumis et même écologistes multiplient les invectives directes contre le Président de la République (qui, je l'espère, en gardera mémoire), avec des mots dénués de toute signification malgré leurs connotations historiques évidentes, comme cet Aurélien Saintoul qui a répété au moins cinq fois le mot "forfaiture". Comment ces gens-là comptent-ils se convaincre que le Président les nommera ministres alors qu'ils ne respectent même pas les institutions et encore moins la personne du Président de la République qui présidera les conseils des ministres ?
     

     
     


    Alors, bien sûr, les journalistes et probablement à leur suite, la plupart des députés NFP vont devoir remiser leurs rêves éveillés dans le tiroir de leur table de nuit. 182 ne fera jamais 289. Arithmétique simple (pas besoin de calculatrice) pour comprendre que vous ne gouvernez pas avec les deux tiers de l'Assemblée qui sont contre vous.

    Car c'est cela, la prise de conscience : les autres groupes qui pensaient qu'il n'y avait pas à argumenter sur la non-victoire du NFP ont dû expliciter lourdement. Emmanuel Macron l'avait déjà écrit aux Français le 10 juillet 2024 : « Personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. ». Et en écrivant cela, il a reconnu la défaite de son camp (contrairement à ce qui est habituellement commenté), défaite qu'il a confirmée à la suite en insistant sur « ces élections marquées par une demande claire de changement ».

    C'est ainsi qu'il a fallu aux autres groupes mettre les points sur les i. Cette clarification était nécessaire même si elle était pourtant évidente. Laurent Wauquiez, président du groupe des députés LR, a commencé le 10 juillet 2024 en proclamant qu'il déposerait et voterait immédiatement une motion de censure en cas de nomination d'un gouvernement comportant ne serait-ce qu'un seul ministre insoumis. Le 11 juillet 2024, le Président du Sénat Gérard Larcher a élargi la fatwa en disant que LR voterait une motion de censure si le gouvernement émanait du NFP. Le même jour, Marine Le Pen, réélue présidente du groupe RN, a confirmé que son groupe voterait la censure contre un gouvernement ayant des ministres insoumis ...ou écologiste. Le lendemain, le Premier Ministre Gabriel Attal, futur président du groupe Renaissance (le deuxième de l'Assemblée), mais aussi la ministre Aurore Bergé, ancienne présidente du groupe Renaissance, ont affirmé que les macronistes voteraient aussi la censure d'un gouvernement comportant des ministres insoumis, et Gérald Darmanin a même évoqué la censure s'il y a aussi des ministres écologistes.
     

     
     


    Bref, pour ceux qui n'auraient pas compris, 61+143+168 égalent 372, soit largement au-dessus des 289 nécessaires à l'adoption d'une motion de censure. En résumé, un gouvernement NFP pour faire un programme NFP n'aura pas trois jours de durée de vie (il faut quarante-huit heures entre le dépôt et l'examen d'une motion de censure).

    Certains, au NFP, voudraient que le Président de la République nomme celui qui sera nommé par le NFP (grand mystère car ça négocie sec) et que l'heureux nommé se fasse bananer trois jours plus tard. À part enrichir furtivement sa carte de visite (et son CV), je ne vois pas l'intérêt dans l'affaire, du moins l'intérêt national, bien sûr.

    La clef est sans doute dans ce qu'a proposé Laurent Wauquiez : aucune participation mais un pacte de non-censure (en quelque sorte) afin de proposer des textes qui auraient l'accord (implicite) d'une grande partie de l'Assemblée. C'est là le paradoxe : peuple comme députés sont majoritairement... à droite ! Donc, pour éviter à tout prix un gouvernement 100% NFP (d'ultragauche), LR et sans doute aussi le RN (à voir) sont prêts à ne pas censurer un gouvernement qui ne serait pas l'émanation directe du NFP et qui penserait un peu aux préoccupations des gens, comme la sécurité.
     

     
     


    Pour l'heure, Emmanuel Macron semble décidé, ce vendredi, à faire démissionner le gouvernement Attal le mardi 16 juillet 2024, à l'issue d'un ultime conseil des ministres : pas le mercredi car le Président est en visite en Grande-Bretagne les 17 et 18 juillet 2024. Il y a urgence que le gouvernement démissionne pour une raison simple : un ministre élu (ou réélu) député ne peut siéger le 18 juillet 2024 s'il reste ministre. En tant que démissionnaire, il n'est plus ministre de droit et peut donc participer aux scrutins dans l'hémicycle où chaque voix va compter, notamment pour l'élection du prochain Président de l'Assemblée Nationale.

    Et puis, indépendamment de l'esprit démocratique, il y a aussi un intérêt à ce que le gouvernement soit démissionnaire : l'opposition ne pourra pas voter une motion de censure, puisqu'on ne peut pas tuer un mort ! Le gouvernement gérera alors les affaires courantes jusqu'à la survenue, probablement après un long temps de maturation, d'une solution viable d'un gouvernement qui ne sera pas censuré dès ses premiers jours d'exercice. Pour cela, il faudra d'abord lever une fois pour tout l'hypothèque NFP.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    (Illustrations : Astérix de Goscinny et Uderzo chez Dargaud, Les Schtroumpfs de Peyo chez Dupuis, Xavier Gorce dans "Le Point" et Kak dans "L'Opinion").


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240712-futur-gouvernement.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-23-grand-pays-255804

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/12/article-sr-20240712-futur-gouvernement.html




     

  • Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?

    « Plaçons notre espérance dans la capacité de nos responsables politiques à faire preuve de sens de la concorde et de l’apaisement dans votre intérêt et dans celui du pays. Notre pays doit pouvoir faire vivre, comme le font tant de nos voisins européens, cet esprit de coalition et de dépassement que j’ai toujours appelé de mes vœux. » (Emmanuel Macron, le 10 juillet 2024).



     

     
     


    La situation politique est particulièrement désordonnée : les électeurs ont refusé de donner une majorité à l'un des trois grands pôles de la vite politique, mais la plupart des partis politiques refusent de l'admettre. Ainsi, les uns pensent qu'ils ont gagné alors qu'ils ne représentent que 32% de la représentation nationale, les autres se croient confortés dans l'objectif de ne pas se mettre au travail et d'attendre tranquillement les mains dans les poches un an de désordre et de blocage dans l'optique d'une élection présidentielle qui, pourtant, les sanctionnerait sévèrement pour leur manque d'esprit de responsabilité.

    Heureusement que le Président Emmanuel Macron a recadré un peu les choses. On ne peut pas dire qu'il a voulu influencer les parlementaires, vu qu'il a attendu quatre jours avant de rappeler que, d'une part, la volonté populaire s'est exprimée pour s'opposer très clairement à un gouvernement d'extrême droite, et d'autre part, qu'on le veuille ou pas, qu'on le déplore ou pas, aucun bloc actuel (ni le NFP ni le bloc macroniste) n'est en mesure, aujourd'hui, de diriger le gouvernement de la France.

    Le Président de la République a donc choisi de prendre son temps, ce qu'a également souhaité le Président du Sénat Gérard Larcher qui, en passant, a confirmé qu'il n'était absolument pas candidat à Matignon, passer les Jeux olympiques et paralympiques, se donner un horizon de quelques semaines, avec une obligation de résultat pour la rentrée parlementaire du début octobre 2024 (ouverture de la prochaine session ordinaire).

    En fait, il n'a pas choisi de prendre son temps, mais il a laissé aux groupes parlementaires le temps nécessaire pour trouver une solution viable pour gouverner le pays. Après tout, sans évoquer l'expérience des pays voisins dont certains mettent six mois voire quinze mois à trouver une introuvable coalition, c'est bien normal que cette situation inédite demande un peu de temps de maturation auprès des acteur politiques.


    Certes, Emmanuel Macron aurait pu jouer au plus stupide avec la nouvelle farce populaire (NFP) : nommer un membre du NFP pour faire le programme du NFP. Déjà, le premier problème : qui ? Peut-être que nous aurons un nom ce vendredi 12 juillet 2024, ou à la fin du week-end ? Les cardinaux sont plus efficaces : enfermez-les jusqu'à ce qu'ils trouvent une solution ! Mais même uni, même avec un nom de chef, le NFP est voué, dans sa tentative de déni démocratique particulièrement criant, à l'échec : seuls 32% des députés le soutiendraient et une motion de censure serait immédiatement votée. Un gouvernement exclusivement NFP ne tiendrait pas plus de deux jours. La question est donc : faut-il qu'Emmanuel Macron nomme un gouvernement qui n'aurait aucune chance ou préfère-t-il attendre, dans l'intérêt des Français, qu'un vrai gouvernement, appuyé sur une vraie majorité, même relative, puisse gouverner ?

    Ce jeudi, le site Atlantico a titré ainsi sa une : « La France atteinte de la maladie de la gauche folle ». Avec ce chapeau : « Irréalisme économique, déni de réalité régalienne, complaisance pour les décoloniaux et l’islamisme, radicalité préférée à la culture de gouvernement… la gauche française donne sans doute dans le romantisme mais elle accumule les contre performances électorales tout en parvenant à le nier grâce à sa domination médiatique. » (article politique de Jean Petaux et Virginie Martin). Même Jean Quatremer a trouvé, sur LCI, que les journalistes en faisaient un peu trop dans le récit mélenchonesque d'une supposée victoire électorale du NFP.


    Après la lettre aux Français, les dirigeants du NFP, en particulier Olivier Faure, n'ont pas bougé d'un iota leur position indéfendable : il faudrait proposer aux députés des cours d'arithmétique. On sait très bien que plus on attend, plus l'extrême droite en fera ses choux gras. Le déni est une phase du deuil, le deuil de n'avoir pas gagné, et même pire, que personne n'a gagné : après viendra le temps de l'action. C'est, je l'espère, par une maturation rapide pour que les dirigeants du NFP mais aussi de LR puissent prendre pleinement conscience qu'aucun bloc ne peut gouverner seul. Les faits sont têtus.

    Toutefois, les choses peuvent aller plus vite par nécessité. D'une part, d'ici au 20 juillet 2024, nous aurons la répartition exacte des députés dans leur groupe politique repectif. À partir de là, les rapports de force seront actés. Mais d'autre part, les nouveaux députés vont devoir s'installer, installer le bureau, les commissions, etc. Généralement, cela se fait à la proportionnelle, la majorité (quand elle est vraiment majorité) prend le perchoir (la Présidence de l'Assemblée Nationale), les présidences des commissions sauf la présidence de la commission des finance laissée à l'opposition. En 2022, il était déjà difficile de définir l'opposition : était-ce la gauche ou le RN ? Le RN considérait qu'il était le groupe d'opposition le plus important mais les insoumis considéraient que la Nupes était plus nombreuse. Résultat, Éric Coquerel a été élu président de la commission des finances.

    Certains à gauche, notamment parmi les élus écologistes, voudraient faire un barrage à l'extrême droite dans les postes au sein de l'Assemblée. Ce n'est pas très responsable. En 2022, il y a eu une vice-présidente FI et deux vice-présidents RN de l'Assemblée. Avec un groupe plus imposant, le RN devrait au moins retrouver le même nombre de postes à responsabilité (qui n'ont pas grand-chose à être politisés, sauf le perchoir, puisqu'il s'agit de faire fonctionner l'Assemblée).


    Bien sûr, le premier acte des nouveaux députés, à l'ouverture de la nouvelle législature, le jeudi 18 juillet 2024 dans l'après-midi, ce sera l'élection du Président de l'Assemblée Nationale. La séance sera présidée par le doyen d'âge, José Gonzalez, député RN réélu de 81 ans dans la dixième circonscription des Bouches-du-Rhône, qui était déjà le doyen en 2022.

    Au contraire des autres postes, le perchoir est d'une responsabilité extrêmement politique et cruciale, surtout dans une Assemblée aussi confuse que celle-ci : d'une part, le futur Président (ou la future Présidente) reste maître, avec le gouvernement, de l'ordre du jour, d'autre part, la manière de mener les débats sera très importante dans la nouvelle Assemblée, et aussi la capacité ou non à sanctionner des députés qui promettent, pour certains d'entre eux, de dépasser largement le respect qu'on pourrait être en droit d'attendre pour leurs collègues (c'était déjà assez irrespectueux dans la précédente législature et cela risque d'être pire aujourd'hui).


    Le mode de scrutin est assez simple : pour les deux premiers tours, il faut être élu à la majorité absolue, au troisième tour, la majorité relative est suffisante. Ce signifie qu'il faudra sans doute trois tours pour élire le successeur de Yaël Braun-Pivet. Si chaque bloc, y compris le quatrième, plus petit, celui des députés LR (appelé Droite républicaine), présentait un candidat à chaque tour, le NFP pourrait remporter le perchoir au troisième tour. Mais je doute que, justement, les députés LR puissent accepter, par passivité, de laisser un député NFP présider l'Assemblée. On pourrait alors imaginer, du moins au troisième tour, un accord implicite bloc central et LR pour faire passer un député qui serait équilibré et modéré dans l'animation de l'Assemblée. On peut aussi imaginer (cela s'est fait) que le groupe RN, dès le deuxième tour, se retire du scrutin, sachant qu'il ne gagnerait pas, et laisse la situation se décanter avec les autres groupes politiques. Auquel cas un accord bloc central et LR (autour de 220-230 députés) pourrait faire obtenir la majorité absolue des voix dès le deuxième tour.

    On voit bien sur un vote très concret l'intérêt qu'auraient les députés LR de se mettre d'accord avec le pôle central. Il y a d'ailleurs une forte probabilité pour que la Présidente sortante, Yaël Braun-Pivet, se présente pour sa succession et comme elle n'a pas démérité, ce qui n'était pas évident dans la situation de 2022 (et sera encore moins évident en 2024), il serait judicieux de profiter de son expérience. Probablement d'ailleurs qu'elle aura le soutien de Gérard Larcher, qui l'avait déjà soutenue dès le premier tour dans la cinquième circonscription des Yvelines (aucun candidat LR ne s'était présenté, mais il y avait eu un ex-LR soutenu par le RN, Jacques Myard qui a été qualifié pour le second tour dans une triangulaire).


    Beaucoup de candidatures se sont plus ou moins déclarées. La difficulté des potentiels candidats, c'est de se présenter assez tôt pour s'imposer et convaincre leurs collègues que leur candidature est naturelle et évidente, mais pas trop tôt pour ne pas être carbonisés trop vite. Dans les starting-blocks, on peut citer l'écologiste doctrinaire Sandrine Rousseau (a priori, il vaudrait quand même mieux une personnalité moins clivante et acceptée de tous), le journal "L'Opinion" citait aussi la présidente du groupe EELV Cyrielle Chatelain, mais je suppose que les deux ne seraient pas candidates à la fois. À gauche, on peut aussi citer Éric Coquerel (la présidence de commission incite à une candidature au perchoir, c'était le cas de Yaël Braun-Pivet qui a été présidente de la commission des lois de 2017 à 2022), et l'ancien Président de la République François Hollande. Si ce dernier était élu, ce serait un retour éclatant dans la vie politique et en même temps, une situation très étrange, un peu Troisième République. Même Valéry Giscard d'Estaing n'aurait pas réussi un tel retour sur la scène nationale.

    Si on peut imaginer Sébastien Chenu briguer le perchoir pour le compte du RN, chez les LR, Annie Genevard, vice-présidente sortante de l'Assemblée, serait apparemment intéressée, et Charles de Courson, le doyen d'ancienneté des députés (élu depuis 1993, il y a trente et un ans), malgré son élection très serrée cette fois-ci (je dirais même miraculeuse), aurait des raisons de prétendre au perchoir, lui qui a su agréger une convergence des oppositions à l'occasion d'une motion de censure contre la réforme des retraites.

    L'enjeu de cette désignation est important. Le Président de l'Assemblée Nationale est élu pour cinq ans, ou plutôt, pour la durée de la législature, c'est-à-dire jusqu'aux prochaines élections législatives, dissolution ou pas dissolution. Cela signifie qu'il sera un acteur stable de la vie politique dans une période où l'instabilité risque de pointer son nez. Par ailleurs, c'est une fonction qui a beaucoup de responsabilités (par exemple, la nomination d'un prochain membre du Conseil Constitutionnel en février 2025, là encore instance cruciale avec une Assemblée si morcelée), et qui a beaucoup aussi d'avantages matériels et honorifiques : siégeant à l'hôtel de Lassay, le Président de l'Assemblée peut multiplier les conciliabules pour arriver à la construction d'une majorité d'action.


    Personne, aujourd'hui, ne peut raisonnablement dire quelles sont les chances des uns et des autres. On peut imaginer que le RN, et LR, par exemple, n'ont aucune chance pour le perchoir, et que cela va se décider entre le NFP et le pôle central (dont ferait partie Charles de Courson, bien qu'anti-macroniste). Mais il y a encore une chance et de multiples occasions pour que cela évolue, surtout du côté de la gauche selon les personnalités vaguement pressenties dans un gouvernement hypothétique du NFP. Ce sera la première épreuve de nos amis députés élus ces 30 juin et 7 juillet 2024.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     


     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240711-perchoir.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-22-qui-au-255756

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/11/article-sr-20240711-perchoir.html



     

  • Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?

    « En plein déni, la droite rêve éveillée. Mais elle n'est pas la seule, me semble-t-il. Soit ils rêvent, soit nous rêvons. L'un des deux rêve. Il est aussi possible que tous deux rêvent en même temps. » (Daniel Schneidermann, le 10 juillet 2024).



     

     
     


    L'éditorialiste mélenchonisé depuis des mois (que j'appréciais parfois auparavant) Daniel Schneidermann a eu cette petite lueur de lucidité : oui, il rêve. Et la marche sur Matignon hurlée par Adrien Quatennens, ancien député FI, qui ferait mieux de rester discret, manque un peu ...d'esprit de responsabilité. Je ne cite pas certains députés insoumis qui parlent du "forcené de l'Élysée" et d'autres expressions qui montrent à l'évidence que ce groupe de quelque 75 députés, dont une petite moitié élue dès le premier tour (félicitation), n'a aucune intention de gouverner la France. Même la venue de Jean-Luc Mélenchon, ex-député, au Palais-Bourbon le 9 juillet 2024 prouve que sa seule obsession est l'élection présidentielle de 2027. Alors, dans ces conditions, qui pourrait donc devenir Premier Ministre ?

    Le déni est généralisé : ce sont des nuls en arithmétiques qui voudraient gouverner la France. Pas étonnant puisqu'ils sont aussi nuls en économie avec l'objectif de faire des dizaines de milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires alors qu'il faudrait plutôt faire 65 milliards d'euros d'économie en 2025 si on veut commencer à réduire notre dette sérieusement. C'est le problème historique de la gauche : ils ne savent pas compter. Ni à l'Assemblée, ni pour les finances publiques.

    Alors, les mathématiques sont implacables et on peut d'ailleurs dire que c'est un sale coup des électeurs : 182 (le nombre approximatif de députés NFP) ne feront jamais 289 (la majorité absolue à l'Assemblée Nationale). La majorité macroniste avait pu survivre tant bien que mal (plutôt mal) avec une majorité relative de seulement 250 députés, mais c'est parce qu'elle bénéficiait, entre 2022 et 2024, de la clémence du groupe LR tandis que le total Nupes + RN ne faisait pas les 289 sièges nécessaires au vote d'une motion de censure. Laurent Wauquiez, élu président du nouveau groupe LR (rebaptisé Droite républicaine), a averti calmement : si le gouvernement comportait un seul ministre insoumis, le groupe LR déposerait immédiatement une motion de censure. Et on sait qu'elle serait adoptée puisque Renaissance et le RN s'y rallieraient.

    Alors, il est faux de dire que la nouvelle farce populaire (NFP) a gagné les élections législatives. C'est pourtant ce qu'on entend depuis trois jours sur les plateaux de télévision avec quelques journalistes complaisants. Eh bien, non ! Le NFP n'a pas gagné les élections, et c'est même le bordel. En revanche, ses dirigeants n'ont pas beaucoup de respect pour le Président de la République qu'ils accusent de manquement démocratique, et c'est très paradoxal, car même si Emmanuel Macron interprétait de la même manière la situation, qui devrait-il appeler ? Ils ne sont pas capables, pour l'instant, non seulement de choisir leur potentiel Premier Ministre, mais même de se mettre d'accord sur son mode de désignation !

     

     
     


    Ainsi, tous les noms affluent : Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, Mathilde Panot, Clémence Guetté, Olivier Faure, François Hollande, Jérôme Guedj, Boris Vallaud, Marine Tondelier, François Ruffin, Clémentine Autain... qui d'autres encore ? Dure tâche du Président de la République qui n'est pas en mesure d'avoir un seul interlocuteur de cette union bâclée et hypocrite puisqu'ils ne sont d'accord sur pas grand-chose (nucléaire, Ukraine, Israël, etc.). Cela donne d'ailleurs un arrière-goût d'arrière-boutique particulièrement nauséabond. C'est le problème quand leurs électeurs ont pris leur imposture au sérieux.
     

     
     


    Rappelons l'époque des cohabitations, des "vraies" cohabitations, quand l'opposition remportait la majorité absolue des sièges face à un Président de la République défait. En 1986 avec Jacques Chirac, en 1993 avec Édouard Balladur, en 1997 avec Lionel Jospin, tout était clair pour les électeurs : on savait qui était le prétendant à Matignon en cas de victoire de l'opposition et le Président de la République n'avait d'autre choix que de le nommer. Il y avait aussi le syndrome d'Iznogoud, selon l'évocation de Benjamin Morel : tous ces Premiers Ministres voulaient devenir, à l'issue de la cohabitation, Présidents de la République, si bien qu'ils ont exercé leurs pouvoirs à Matignon prudemment en respectant les prérogatives du Président de la République qui pourraient devenir les leurs quelques années plus tard. C'est pour cela que les sorties de Marine Le Pen sur le "chef des armées à titre honorifique" ou le "coup d'État administratif" étaient malvenues pour une prétendante au trône. Cela a contribué à la défaite du RN.

    Avant les élections législatives de 2024, en cas de victoire du NFP, on ne savait pas qui sortirait du chapeau. C'est même bien pire : dans les meilleurs scénarios, il était impensable que la gauche puisse gagner (et d'ailleurs, elle n'a pas gagné). C'était même l'argument phare d'un revenant, Dominique Strauss-Kahn qui exhortait les électeurs du centre et de droite de voter même pour un candidat insoumis face à un candidat RN, puisque de toute façon, le NFP ne gagnerait pas et son programme ne serait jamais appliqué. Une véritable tromperie quand on voit aujourd'hui Jean-Luc Mélenchon et ses sbires imposer le programme du NFP à l'ensemble de ses supposés partenaires, tous élus en partie grâce aux désistements du bloc modéré et à ses électeurs, alors qu'en plus, aucune majorité n'est possible dans une telle configuration.

    À droite de l'échiquier, il n'y a pas la prétention de diriger le gouvernement, ou plutôt, pas vraiment. À l'extrême droite, ce que Jordan Bardella, aimant l'hypocrisie, nomme "victoire différée" pour "défaite", empêche les députés RN de prétendre gouverner la France (au contraire de ce qu'ils répétaient matin midi et soir pendant quatre semaines). Du côté LR, Laurent Wauquiez a évacué l'idée d'une grande coalition, et on le comprend un peu, les députés LR auraient tout à y perdre. Néanmoins, il y a d'autres petites musiques au sein de LR, en particulier l'ancien président du groupe LR Olivier Marleix, ou encore Xavier Bertrand (qui y croit dur comme fer), poussés par l'ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin (qui leur dit : mettez-vous au travail !), qui évoquent la possibilité d'un gouvernement incluant des LR.

    Il faut également reconnaître que Renaissance n'a pas non plus gagné les élections, les macronistes ont perdu des dizaines de circonscriptions et ne sont pas en mesure, seuls, de continuer à gouverner la France. Alors que faire ? La première chose est politique et pas personnelle. Il faut une grande coalition, ce qui signifie aussi que, sans se renier, les partis doivent quitter leur programme initial pour réfléchir sur un certain nombre de mesures avec lesquelles ils seraient d'accord dans l'intérêt du pays et qui constitueraient l'ossature politique d'une grande coalition. C'est difficile à faire car c'est nouveau, c'est inédit institutionnellement.

    Finalement, c'est ce que le Président Emmanuel Macron a rappelé le 10 juillet 2024 dans sa lettre aux Français juste avant son départ pour le Sommet de l'OTAN : s'il y a un vainqueur, qui a soulagé plus de 60% des électeurs le dimanche soir, c'est bien le front républicain. Et c'est bien un gouvernement de front républicain qu'il faut constituer car il n'y en aura pas d'autre viable pendant un an.

     

     
     


    Sa enseignement, c'est : « Si l’extrême-droite est arrivée en tête au premier tour avec près de 11 millions de voix, vous avez clairement refusé qu'elle accède au gouvernement. ». Cela, tout le monde l'admet, y compris le RN. La suite : « Personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. Divisées au premier tour, unies par les désistements réciproques au second, élues grâce aux voix des électeurs de leurs anciens adversaires, seules les forces républicaines représentent une majorité absolue. La nature de ces élections, marquées par une demande claire de changement et de partage du pouvoir, les oblige d’ailleurs à bâtir un large rassemblement. ». Avec cette expression, il n'y a pas de déni démocratique : Emmanuel Macron reconnaît clairement une "demande claire de changement". Chaque mot a été pesé.

    Remarquons en passant que quoi que fasse Emmanuel Macron, ce n'est pas bien. Il parle : pas bien. Il reste silencieux : pas bien. Il donne la parole au peuple : pas bien. Il propose une méthode pour former le gouvernement, vu que personne n'est capable de le faire : pas bien. Je rappelle que les candidats aux gouvernements de cohabitation étaient relativement prudents dans le respect qu'ils doivent au Président de la République qui, dans le passé, que ce soit François Mitterrand ou Jacques Chirac, ont mis des veto pour la nomination de personnalités qui leur ont manqué de respect. Il y a un minimum d'éducation à respecter dans la pratique des institutions.

    Cette "demande claire de changement" doit donner une piste pour Matignon : la personnalité qui devrait être nommée ne doit pas appartenir à l'ancienne majorité macroniste et à sa proche "banlieue". Cela exclut ainsi tant François Bayrou (qui aurait été assez crédible) que Jean-Louis Borloo dont l'hypothèse un peu farfelue avait germé dans les réseaux sociaux. Il n'y a donc pas trente-six mille possibilités. Cela signifie donc qu'elle devrait émaner soit de LR, soit du PS. Donc, pas d'électron libre (comme Raphaël Glucksmann dont la candeur et l'inexpérience des joutes parlementaires le disqualifieraient assurément) ni des personnalités comme Gabriel Attal, qui, bien que très populaire, ne peut absolument pas se maintenir très longtemps à Matignon, sinon le temps de trouver son successeur.

     

     
     


    À mon sens, vu la configuration de l'Assemblée, le PS a une position cruciale dans cette grande coalition de front républicain. Avec Olivier Faure sur la même ligne que Jean-Luc Mélenchon, le PS est en train de se griller stupidement : aucune solution viable ne peut naître en voulant conserver obstinément et exclusivement le programme du NFP. Aucun député macroniste ne pourrait accepter de défaire ce qu'il avait fait dans les législatures précédentes. La grande coalition ne peut naître et vivre que sur le tombeau du NFP.

    S'il devait perdurer, le dogmatisme de la gauche aboutirait à un déplacement fort du barycentre : seul le bloc modéré pourrait gouverner, et il serait plus nombreux que le bloc de gauche (autour de 220-230). Pour certains, comme Xavier Bertrand qui meurt d'envie d'être le chef d'un "gouvernement provisoire", il serait plus logique que la grande coalition se fasse vers la droite que vers la gauche du bloc central, puisqu'il y a une grande majorité des électeurs qui ont voté à droite voire extrême droite (47% pour la droite et l'extrême droite contre 27% pour la gauche et extrême gauche). En fait, le raisonnement a un défaut, c'est que le RN serait exclu de cette grande coalition, si bien que le front républicain est effectivement plus à gauche et pas plus à droite que le bloc central.

    Mais avant toute chose, il y a les électeurs. Au moins un tiers est meurtri de ne pas voir ses idées au gouvernement, les électeurs du RN, et un autre tiers risque d'être frustré ne pas voir ses idées non plus au gouvernement, du moins dans leur globalité. Ce gouvernement de front républicain doit donc être un gouvernement de large rassemblement qui se focalise d'abord sur les Français, leurs conditions. Son accouchement sera très douloureux, sa viabilité très aléatoire, mais l'enjeu est énorme : avec autour de 140 députés, le RN va recevoir près de 30 millions d'euros par an (un peu moins), ce sera le parti le plus riche de France, avec ses collaborateurs parlementaires, il pourra les envoyer dans les centaines de circonscriptions aux prochaines élections législatives, là où ses candidats étaient un peu pauvrets en CV (dirons-nous), et la déception, le découragement et la colère des Français seraient redoutables si les acteurs politiques actuels en restaient, comme ces trois premiers jours, dans des considérations de combines politiciennes et de carrières personnelles.

    C'est le sens de cette lettre présentielle : députés, réveillez-vous ! Le peuple vous attend ! Soyez enfin responsables et à la hauteur des enjeux !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (10 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240710-matignon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-21-marche-sur-255753

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/10/article-sr-20240710-matignon.html



     

  • Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel

    « Croyez-vous que [le peuple] préfère que l'on divise le pays en trois ? Pourquoi ne voulez-vous pas faire confiance au peuple ? Je suis persuadé qu'automatiquement, dès le début de la campagne, il se produira une concentration instinctive ! Je n'arrive pas à croire que le pays, dans sa masse, ne soit pas guidé, le moment venu, par une sorte d'instinct. Il élira quelqu'un qui ne soit pas un extrémiste. » (De Gaulle au conseil des ministres du 26 septembre 1962 à l'Élysée, retranscrit par Alain Peyrefitte dans "C'était De Gaulle", éd. Gallimard).




     

     
     


    La situation parlementaire est on ne peut pas plus difficile pour la constitution du nouveau gouvernement. Avec trois blocs aux effectifs à peu près égaux, du moins, dont aucun n'est capable de rassembler sur son programme une majorité absolue de députés, la situation politique est inédite sous la Cinquième République, et donc, particulièrement intéressante sur le plan intellectuel mais inquiétante sur le plan économique et social car on ne peut pas laisser la France sans gouvernement (l'agence de notation Moody's a déjà exprimé sa préoccupation sur la fiabilité de la France pour les investisseurs, ceux qui financent notre dette et nos déficits ; chaque pourcent de taux d'intérêt supplémentaire, c'est 30 milliards d'euros par an en plus à payer pour la France).

    Alors, il y a une petite musique très malsaine qui émerge depuis deux jours : puisque c'est le bordel aujourd'hui, faisons en sorte que ce le soit tout le temps ! Non, c'est une traduction purement personnelle, mais en gros, certains disent : puisque c'est ingouvernable, changeons de mode de scrutin et adoptons le scrutin proportionnel pour les élections législatives. C'est d'une logique shadok imparable : nous fonçons dans le mur, alors accélérons !

    D'abord, en préliminaire, rappelons que cela ne résoudrait en rien le problème d'aujourd'hui puisque dans tous les cas, y compris la démission du Président de la République, cette Chambre ingouvernable restera en fonction au moins jusqu'au 7 juillet 2025. De plus, vouloir réformer les institutions serait ouvrir une boîte de Pandore et amorcer un nouveau chantier bien inutile quand on n'est même plus sûr que pouvoir payer les fonctionnaires au mois de janvier prochain, en absence de gouvernement et en absence de lois de finances. D'autant plus que nos institutions, au contraire, sont solides et c'est à peu près le seul socle qui nous garantit encore aujourd'hui la stabilité face aux risques de guerre civile.

    Ensuite, il faut admettre que cette situation parlementaire ne provient absolument pas du mode de scrutin majoritaire, au contraire, puisqu'en général, l'effet majoritaire donne la majorité absolue à une formation qui n'aurait qu'un tiers des voix, mais elle provient du peuple. Dit comme cela, j'ai l'air d'accuser le peuple, mais je peux dire aussi que c'est grâce au peuple que nous sommes dans cette situation : c'est le peuple qui a choisi cette Assemblée. Et le peuple est très divisé. Mais plus politiquement, cette situation improbable provient d'une tripolarisation étonnante de la vie politique depuis 2017 avec un bloc central divisé (Ensemble et LR) et deux blocs malheureusement extrémistes ou, du moins, radicalisés, à gauche (NFP), radicalisé par les insoumis qui contrôlent pour l'instant cette alliance, et à droite (RN).


    Si les appareils ont effectivement choisi le désistement des candidats arrivés les moins bien placés au second tour contre un candidat RN, ce sont bien les électeurs qui ont donné l'ordre d'arrivée au premier tour. C'est parce que celui-ci est assez diversifié que les résultats du second tour sont contrastés. Le second tour est toujours la conséquence du premier tour, avec un effet, celui du front républicain, qui n'est pas seulement un effet d'appareils politiques, par les désistements, mais aussi un effet populaire, électoral, par les électeurs qui étaient plus de 60% vraiment opposés à un gouvernement RN dirigé par Jordan Bardella.

    Pour une fois, on ne peut pas mettre la responsabilité des acteurs politiques dans l'ingouvernabilité actuelle du pays. Il s'agit bien d'un situation de fait voulue par les électeurs. Changer les institutions ne changerait pas cet état de fait, on ne peut pas changer le peuple avec les institutions (même si parfois, ce serait bien pratique !).

    Maintenant, voyons le mode de scrutin qui n'y peut rien dans cette situation politique et électorale. Certains aiment bien comparer avec des pays étrangers.

    Alors, prenons le cas du Royaume-Uni dont l'éclatant victoire du parti travailliste ne s'est fait qu'avec seulement quelques pourcents supplémentaires en voix des travaillistes par rapport à 2019. Évidemment, le mode de scrutin y est pour quelque chose et le scrutin britannique est majoritaire uninominal à un tour : cela signifie que l'élu, c'est le candidat arrivé en tête dès le premier tour. S'il avait été appliqué en France, le RN aurait obtenu environ 350 sièges puisqu'il était en tête dans 350 circonscriptions. On voit que le mode de scrutin influe sur le résultat... mais attention : les partis et les électeurs se comportent aussi en fonction du mode de scrutin. Vu les désistements et le front républicain au second tour, nul doute que les partis auraient choisi leurs candidats différemment dans certaines circonscriptions, n'en auraient pas présenté dans des circonscriptions ingagnables, etc. au regard des résultats des élections européennes où le RN était en tête dans de nombreuses communes de France, autour de 97% des communes (c'est ce qu'Ensemble a fait dans certaines circonscriptions comme dans celle de Jérôme Guedj, de Nicolas Dupont-Aignan et de François Hollande, entre autres, en ne présentant aucun candidat dès le premier tour).

    Quant aux autres pays, effectivement, c'est le système proportionnel qui domine, parfois très complexe comme en Allemagne où le nombre total de députés change à chaque élection, les gouvernements ne peuvent être formés que par grande coalition aujourd'hui en raison de l'émiettement des "opinions publiques", mais cela nécessite , d'une part, une culture du compromis, or, les premiers jours de l'après-législatives montrent qu'en France, peu de partis l'ont, cette culture du compromis, et d'autre part, elle trahit la volonté populaire qui vote pour un programme. C'est du reste à cause de la seconde raison que la première n'existe pas en France : les électeurs du NFP, par exemple, ont voté pour le programme du NFP, donc, si le NFP était au pouvoir, il faudrait appliquer le programme du NFP, et aucun autre. Sauf que si le NFP n'a pas la majorité absolue des sièges, il ne pourra pas se maintenir très longtemps, et s'il veut gouverner durablement, il doit faire un contrat avec d'autres formations politiques sur la base d'un programme forcément édulcoré.


    Car il est là l'intérêt du scrutin majoritaire, en principe (j'écris en principe puisque ce n'est pas le cas depuis 2022) : au lieu de faire des compromis et des coalitions après les élections législatives, au mépris de la volonté des électeurs, ces accords sont fait auparavant, avant les élections, ce qui a été le cas par exemple pour la gauche avec le NFP mais aussi l'accord entre le RN et les ciottistes. J'ajoute également un élément non négligeable. J'ai écrit que le système allemand est complexe mais il reste de la proportionnelle intégrale (certains députés sont élus au scrutin majoritaire, mais au niveau national, il y a un recompensation pour que ce soit la stricte proportionnalité, ce n'a rien à voir, par exemple, avec le scrutin des régionales ou des municipales en France où il y a une prime majoritaire). La complexité pollue la démocratie. Le peuple a besoin de simplicité dans ses choix, ne serait-ce que parce que tout le monde vote et que la compréhension doit être donnée à tout le monde, y compris les moins intellos. Le scrutin majoritaire a l'avantage de la simplicité : on vote simplement pour faire le choix entre plusieurs candidats.

    Certains journalistes considèrent que l'idée du front républicain et du barrage à l'extrême droite, de voter pour un candidat qui ne correspond pas à ses idées pour éviter un gouvernement RN, n'aurait pas lieu avec un scrutin proportionnel, mais au contraire, il est démocratique que les électeurs prennent leur responsabilité (ce qui a été le cas le 7 juillet 2024, et je l'écris avec un étonnement très positif). Le peuple a pu au moins clairement exprimé sa volonté de rejeter l'idée d'un gouvernement RN. Le blocage actuel se fait non pas sur les trois blocs mais sur deux blocs : aucune coalition incluant le RN n'est aujourd'hui pensable.

    Un autre argument supposé en faveur de la proportionnelle serait d'éviter qu'un parti extrémiste gagne une majorité absolue des sièges. En fait, l'exemple d'Israël, démocratie à la proportionnelle, montre qu'au contraire, dans la nécessité de grande coalition, les extrêmes ont une influence beaucoup plus grande que la réalité du pays et font aujourd'hui la politique du pays.


    Je trouve d'autres intérêts au scrutin majoritaire à deux tours. Le premier, le principal au départ, mais qui n'a pas lieu aujourd'hui, c'est qu'il aide à trouver des majorités absolues. Ce n'est pas le cas en 2022 et en 2024, mais ce n'était pas le cas non plus en 1958 ni en 1988, et ce n'était pas le cas non plus sous la Troisième République (avec un scrutin d'arrondissement, c'est-à-dire le même qu'actuel), ce qui a conduit les constituants de 1958 à proposer quelques outils constitutionnels (indispensables !) pour permettre de gouverner avec une simple majorité relative, à condition que celle-ci ne soit pas trop faible (quelques dizaines de sièges manquants au maximum). Globalement, la vraie idée, et le seul point qui permet à un gouvernement de durer, c'est d'empêcher le vote d'une motion de censure à la majorité absolue des députés, y compris les absents (donc, il faut au moins 289 voix). Tant qu'une majorité absolue contre n'est pas formée, le gouvernement survit, c'était le cas avec Élisabeth Borne et Gabriel Attal depuis 2022 parce que les populistes irresponsables n'étaient pas majoritaires (RN + FI), comme du reste depuis le 7 juillet 2024 (ce qui est une très bonne nouvelle et devrait permettre de trouver une solution viable).

    Le deuxième intérêt, c'est qu'on vote pour ou contre des personnalités bien définies : dans un scrutin de liste sans panachage, on ne peut pas choisir son député, on accepte le diktat des appareils, les premiers de listes seront élus dans tous les cas et ceux en bout de liste ne le seront pas dans tous les cas aussi. Dans un scrutin majoritaire, des dissidents de parti, comme c'était le cas en 2024 pour François Ruffin, Alexis Corbière et Danielle Simonnet, ont pu être élus contre le diktat de leur parti car ils ont réussi à réunir une majorité d'électeurs derrière eux contre le candidat officiel de leur parti. Avec un scrutin proportionnel, ces individualités n'auraient jamais pu être élues, tu es avec le parti ou tu n'es rien.

    Ensuite, ce lien entre le député et ses électeurs est important dans la circonscription. Certains ne bossent pas et ne sont pas réélus, d'autres au contraire sont très présents auprès de leurs électeurs. On dit d'ailleurs que les députés sont des assistantes sociales, car dans leur permanence, les gens viennent surtout pour trouver un logement ou un emploi. On a parlé de réserve parlementaire, elle était intéressante car cela permettait, en dehors des obstacles administratifs, débloquer certains projets locaux (construction d'une bibliothèque, etc.), à condition, bien sûr, comme c'était le cas, que ce soit transparent puisqu'il s'agit d'argent public. Ce contact avec le peuple, le scrutin proportionnel ne le permet pas (même dans le cadre départemental) : qui aujourd'hui est capable de citer le nom des 81 députés européens français élus le 9 juin 2024, à part les quelques têtes de liste ? Et surtout, ces élus rendent-ils des comptes aux électeurs ? Quand et à qui, puisqu'ils sont élus dans un cadre national ? Impossible dans le cadre du scrutin proportionnel.


    Du reste, la limitation du cumul qui interdit notamment d'être à la fois député et maire coupe le parlementaire des réalités locales. L'élu municipal est à l'écoute des problèmes de ses concitoyens (et s'il ne l'est pas, les habitants vont le mettre rapidement au courant !). Des députés sans mandat local sont un peu hors-sol. Le fait qu'ils soient élus dans une circonscription leur permet de se plonger dans la réalité locale, au contraire de la proportionnelle qui les rendrait très éloignés du peuple et de ses problèmes.

    Paradoxalement, puisque c'est le contraire qu'on dit, le scrutin majoritaire permet une réelle diversité politique des députés, plus grande qu'avec la proportionnelle. Par exemple, il vient d'échouer, mais Nicolas Dupont-Aignan n'aurait jamais pu avoir sa carrière de député pendant des dizaines d'années hors de son ancien parti (l'UMP) sans scrutin majoritaire. Elle aussi vient d'échouer, mais Emmanuelle Ménard n'aurait jamais été élue députée de Béziers hors du scrutin majoritaire car elle ne voulait pas être embrigadée par le FN/RN en 2017 (si bien qu'elle a été finalement battue par un candidat RN en 2024, la vague RN étant plus forte que le rayonnement personnel de certaines individualités).

    Quant à la parité homme/femme, qui me paraît saine dans une démocratie moderne (et qui est effectivement plus simple à imposer avec la proportionnelle, on le voit aux municipales, aux régionales et aux européennes), le dispositif actuel pénalise déjà beaucoup financièrement les partis qui ne la respectent pas. La preuve que c'est possible dans un scrutin majoritaire, c'est le groupe LREM en 2017, et aussi le groupe écologiste en 2024.

    Le seul intérêt du scrutin proportionnel est d'avoir une représentation plus exacte de la mosaïque politique du peuple. Mais comme il y a toujours des seuils (entre 3% et 5% dans les pays qui l'ont adopté), il restera toujours des exclus de ce système. De toute façon, dans le cas extrême, un député ne peut pas représenter moins que 1/le nombre total des sièges, en France, cela signifie au moins 0,2% des voix (ce qui signifie, dans le cas extrême d'une proportionnelle intégrale à l'échelle nationale sans seuil, que 23 partis des 38 qui se sont présentés aux élections européennes du 9 juin 2024 auraient quand même été exclus d'une représentation !).

    Le système électoral répond à des questions philosophiques essentielles. Et la question, ici, est la suivante : à quoi sert une Assemblée Nationale ? Si c'est juste pour papoter avec la représentation de toutes les opinions, oui, la proportionnelle est indiquée. Mais les plateaux de télévision existent et sont là pour cela. Les réseaux sociaux sur Internet aussi, avec l'expression parfois bruyante voire hurlante d'ultraminoritaires. Si c'est pour permettre de gouverner le pays, voter un budget, pour permettre aux fonctionnaires d'être payés, pour récolter l'impôt, etc. alors il faut un système qui augmente les chances de trouver une majorité absolue.

    Et j'en viens à l'essentiel. Aujourd'hui, la situation d'ingouvernabilité provient de la tripolarisation du paysage politique français. Dans une entreprise, on conseille souvent que le bureau exécutif (l'instance décisionnelle) soit composé de trois membres et pas deux. Deux membres, quand ils ne sont pas d'accord, c'est fatal pour une entreprise qui ne prend du coup plus aucune décision. À trois, il y a toujours, pour chaque question, 2 contre 1, donc une majorité (ou alors l'unanimité). En politique, c'est un peu différent, car le schéma évoqué signifierait qu'il faut que deux pôles sur les trois se mettent d'accord. Ils se sont mis d'accord pour faire barrage au RN avec le front républicain. Avec succès. Il faut donc que le gouvernement reprenne ce principe, c'est le message des électeurs.

    C'est ce que pense le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier qui l'a exprimé dans un chronique au "Nouvel Obs" le 8 juillet 2024 : « Plusieurs responsables politiques ont indiqué, dans la foulée des résultats, refuser toute ouverture au-delà de leur camp et de leur programme. Les électeurs, donc le peuple qui est le seul décideur dans une démocratie, ont pourtant indiqué une autre position. En effet, un nombre important de députés tant du Nouveau Front populaire que d’Ensemble a été élu non en raison d’un ralliement à leur programme, mais grâce au front républicain, c’est-à-dire au désistement d’un candidat arrivé en troisième position au soir du premier tour. Il en va ainsi d’environ quatre-vingts députés Ensemble et d’une cinquantaine de députés NFP. Démocratiquement, il est nécessaire de tenir compte d’un tel vote, en prenant en considération le choix des électeurs, lequel impose d’atténuer certaines positions programmatiques, en vue de composer un gouvernement de coalition qui dépasse un seul bloc politique. Toute prise de position inverse conduirait à l’échec. ».

    Et je mets en garde contre les tentations de changer le scrutin, de passer du scrutin majoritaire au scrutin proportionnel : ce serait une voie irréversible, dans l'état actuel de l'opinion et probablement pour longtemps. Jamais une majorité ne pourra revenir sur celle-ci, car la proportionnelle interdit, sauf dans le cas d'un pôle qui ferait plus de 40%, comme en 1986 qui était une exception, toute majorité absolue.

    En somme, sous prétexte que le scrutin majoritaire, dans une situation exceptionnelle de trois pôles, ne donne pas de majorité absolue, on voudrait généraliser définitivement ce foutoir ambiant. C'est assez stupide comme raisonnement. Méfions-nous de cette petite musique. J'avais, en son temps, combattu le quinquennat car il me paraissait peu sain que le mandat du Président de la République fût de même durée que celui des députés. Il a fallu attendre vingt-quatre ans avant qu'un Président de la République rompe ce cycle plutôt infernal, et c'est à mettre à l'actif du Président Emmanuel Macron. Il ne faudrait pas qu'une nouvelle erreur institutionnelle nous bloque dans un foutoir institutionnalisé pendant un quart voire un demi-siècle. Pensons à notre avenir, il y a d'autres réformes à faire que les mauvaises comme celle-ci. Gardons-nous d'abîmer nos précieuses institutions de la Cinquième République qui n'étaient pas, dans leurs objectifs, destinées à De Gaulle, car il avait conquis une légitimité historique qui l'autorisait à tout faire, mais faites
    au contraire pour répondre à l'impuissance politique de la Quatrième République, quel que soit le personnel politique du moment.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240709-proportionnelle.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-20-le-poison-du-255740

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/09/article-sr-20240709-proportionnelle.html




     

  • Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?

    « Je tiens à féliciter les 577 députés nouvellement élus. Tous réunis représentent notre Nation. Cette dissolution, je ne l’ai pas choisie, mais j’ai refusé de la subir et avec nos candidats Ensemble, nous avons décidé de nous battre! » (Gabriel Attal, le 7 juillet 2024 à Matignon).




     

     
     


    Un cauchemar succède à un cauchemar. Jean-Luc Mélenchon fait du forcing pour s'imposer à Matignon. Il l'avait déjà fait en juin 2022 (voir l'affiche). La journée du lundi 8 juillet 2024 s'apparente à une sorte de journée nationale du déni démocratique. Le lendemain du second tour des élections législatives est assez étonnant. Après tout, les trois pôles politiques qui constituent le paysage politique ne sont pas mécontents des résultats. Les quatre même, avec LR.

    En effet, la nouvelle farce populaire (NFP), dont principalement les insoumis, est heureuse de se positionner en tête de ces trois pôles, même s'elle lui manque une centaine de députés pour former une majorité. Le pôle central autour d'Ensemble pour la République a sauvé les meubles et même s'il a perdu beaucoup de sièges, il reste dans une position centrale sans laquelle aucune majorité ne pourra se constituer. Quant au pôle d'extrême droite, certes, le RN est très déçu de l'absence, et de loin, de majorité, absolue ou relative, prophétisée à tort et à travers par les sondages, mais peut se féliciter toutefois d'une augmentation d'environ 60% de son groupe à l'Assemblée ainsi que du début d'une alliance avec une partie (très faible) de LR (Éric Ciotti et ses copains). On peut même rajouter dans ce feu de joie le quatrième pôle, nettement plus petit, LR, qui, non seulement a sauvé les meubles mais s'est accru (hors Ciotti) avec ces élections bien particulières.

    Le principal pôle, le NFP, a des raisons d'être content d'avoir obtenu le meilleur score en sièges, mais des raisons d'être tristes d'être dans l'impossibilité de constituer seul une majorité. Cette seconde partie de la phrase est complètement oubliée dans l'esprit des dirigeants du NFP, et c'est grave ! Jean-Luc Mélenchon, très malin, s'est exprimé dès 20 heures 02 pour annoncer ou plutôt imposer le programme du NFP, rien que le programme, tout le programme, rejetant tout compromis avec d'autres formations extérieures au NFP.

    C'est même pire : en proclamant urbi et orbi son credo inviolable, il empêche toute sortie institutionnelle acceptable de cette situation impossible que les électeurs ont pourtant voulue. Le pire, c'est qu'il est suivi par à peu près la plupart des socialistes et des écologistes.

    Confirmée par Mathilde Panot le 8 juillet 2024, l'hypothèse de Jean-Luc Mélenchon à Matignon est dans les tuyaux et cela va aboutir à une impasse : les Français ont voté très majoritairement à droite et il vont se retrouver avec un gouvernement Mélenchon ! Certes, il peut transiger sur le nom du Premier Ministre mais il ne transigera pas sur son appartenance au groupe des insoumis qui devrait être le plus nombreux (par exemple, pas question de François Ruffin !). On parle donc aussi de Mathilde Panot, de Manuel Bompard, et surtout, ces derniers temps, de Clémence Guetté, la doctrinaire du lot, certes sympathique jeune femme (désolé d'être sexiste et ce n'en est pas, puisque ça fonctionne aussi sur les hommes, le look de gendre propre sur lui a évidemment aidé Jordan Bardella).

    Pendant ce temps, Marine Tondelier, la porte-parole des écologistes, multiplie ses interventions publiques dans le secret espoir d'être choisie Première Ministre, ou au moins, ministre, alors que ce groupe EELV, qui voudrait bien récupérer les quelques insoumis dissidents voire les communistes rescapés, est le plus faible de leur union à gauche.


    Tous ces responsables politiques du NFP oublient une petite chose : si leurs députés sont aussi nombreux, ils ne le doivent pas à une vague rouge d'envie de gauche, de désir de gauche, ils le doivent seulement parce que la plupart ont été élus grâce aux voix des électeurs du pôle central, du pôle macroniste et sans eux, ils auraient été, pour beaucoup d'entre eux, battus au profit d'un candidat d'extrême droite.

    Seuls, quelques socialistes, pour l'instant très minoritaires en raison de la mélenchonerie de leur chef Olivier Faure, apportent une note dissonante dans ce joyeux déni voire délire parlementaire : Raphaël Glucksmann, tête de liste aux européennes, Jérôme Guedj, réélu député de l'Essonne, par exemple, mais aussi Boris Vallaud, l'ex-président du groupe PS en 2022-2024, également quelques députés PS de base, qui sont bien conscients qu'ils ont été élus ou réélus grâce aux électeurs macronistes et que la situation parlementaire impose de trouver des compromis pour former une coalition bien plus large que le NFP pour éviter une motion de censure dès le deuxième jour de pouvoir.

    C'est la raison pour laquelle le Président de la République Emmanuel Macron se garde bien de parler, de tirer des conclusions hâtives, et de prendre une initiative sur le choix du gouvernement. Il attend de toute façon la formation des groupes politiques qui ont jusqu'au 20 juillet 2024 pour se constituer, sachant que la session extraordinaire commencera le 18 juillet 2024 par l'élection cruciale du Président de l'Assemblée Nationale (qui sera élu, un représentant du NFP ou une personnalité qui obtiendra un accord Ensemble-LR ?).

    Cette session extraordinaire durera jusqu'au 2 août 2024 le temps que les députés s'installent dans les commissions et les différents groupes, etc. Ensuite, la prochaine session ordinaire aura lieu en début octobre 2024 et seul le Président de la République peut convoquer les députés en sessions extraordinaire avant cette date.

     

     
     


    Donc, on peut comprendre qu'au point où en sont les choses, le Premier Ministre Gabriel Attal, qui a présenté sa démission au Président de la République ce lundi 8 juillet 2024 comme le veut la tradition après des élections législatives, est chargé de rester provisoirement en place pour assurer la stabilité et la continuité du pouvoir, et pourrait probablement rester en place au moins jusqu'à la fin de l'été, dès lors qu'aucune solution viable n'est trouvée pour la constitution du prochain gouvernement.

    La situation est d'autant plus compliquée qu'aucune dissolution ne sera possible avant un an, ce qui signifie que la situation actuelle est inédite dans l'histoire de la Cinquième République, jamais les députés n'auront autant de pouvoir qu'aujourd'hui et l'année qui vient.

    Dans la majorité présidentielle, les réactions aux résultats sont prudentes. Beaucoup de conciliabules de part et d'autre, mais aussi beaucoup de silence. Tout ce qui est sûr, c'est que la solution passera nécessairement par la participation du pôle central dans le futur gouvernement. La question, et il y a des divergences chez les macronistes, c'est : faut-il que la grande coalition penche à droite (parce que les Français ont voté très à droite cet été, veulent réduire l'immigration, être plus fermes pour la sécurité, etc.) ou penche à gauche, là où il y a une plus grande réserve de parlementaires au-delà du pôle central ?

    Pour l'instant, François Bayrou tente timidement de poser quelques points de méthode pour aboutir à une vraie grande coalition qui ne serait pas du débauchage. Il est effectivement bien placé pour la proposer puisque c'était son dessein présidentiel depuis 2002, c'était aussi l'héritage de Valéry Giscard d'Estaing qui, en 1983, souhaitait réunir deux Français sur trois (il en a fait un bouquin), et il est bien placé aussi parce qu'il s'est abstenu au second tour de l'élection présidentielle de 2007, il a voté François Hollande au second tour de l'élection présidentielle de 2012, et il vient du centre droit.

    Troisième groupe crucial dans une éventuelle grande coalition, Les Républicains. L'affaire est pourtant claire, avec Geoffroy Didier, Laurent Wauquiez et quelques autres : pas question de se compromettre avec les macronistes. Ils continuent, même après les élections, le Macron bashing, préférant attendre tranquillement dans leur fauteuil d'opposition de reprendre la main à l'élection présidentielle de 2027 (même pas 5% en 2022, rappel grinçant). Là encore, cette position d'irresponsabilité totale, la même que le NFP, pire car c'est la politique du pire, ces dirigeants de LR préfèrent l'application du programme ultragauchiste du NFP ou alors, en cas de blocage, la victoire en 2027 du RN sur les ruines d'une législature bloquée.

    Là encore, les députés LR n'ont pas encore pris acte que, pour la plupart d'entre eux, ils ont été élus grâce aux voix des électeurs macronistes voire des électeurs de gauche pour certains d'entre eux. Cela les obligerait à plus de responsabilité dans une situation où l'intérêt national doit l'emporter sur le confort boutiquier des appareils.


    Les députés RN, au moins, seront forcément dans l'opposition, mais quelle attitude adopteront-ils ? Voteront-ils des motions de censure de l'ultragauche ou pas ? Marine Le Pen a déjà déclaré qu'elle attendait le prochain scrutin et Jordan Bardella a avoué le 8 juillet 2024 qu'ils avaient fait des erreurs. En fait, et il faut le répéter, ce RN n'est qu'un appareil de produire du bluff.
     

     
     


    Pendant deux ans, ils n'ont pas arrêté de dire matin midi et soir qu'ils étaient prêts, qu'ils réclamaient la dissolution et qu'ils voulaient Matignon. Vu la nature de leurs candidats, près d'une centaine particulièrement "craignos", avec des déclarations ou expressions racistes, voire nazies, des incompétences béantes (comme l'incapacité à débattre, ou même à poser un argument), et cette impréparation montre que tout le discours du RN pendant deux ans n'était qu'une énorme tromperie. Et une paresse ! Encore ce 8 juillet 2024, Jordan Bardella a été élu président d'un nouveau groupe d'extrême droite au Parlement Européen réunissant notamment les députés européens de Viktor Orban et ceux de Matteo Salvini, et pourtant, comme d'habitude, il était absent !

    Les dirigeants du RN n'osent pourtant pas reconnaître que ce n'est pas l'impréparation qui a été la cause de leur défaite, car dans d'autres partis, dans le passé, il y a aussi eu des députés élus et très "impréparés" (dirons-nous), mais la cause profonde, c'est la volonté urgente de ne pas mettre l'extrême droite au pouvoir et le succès, improbable pourtant, du front républicain contre eux. La baudruche RN s'est donc dégonflée et cela a soulagé de nombreux Français, un peu comme après un orage et le retour du beau temps, ou après un examen au baccalauréat difficile et que le résultat a finalement été positif.


    Comme prévu, le RN a déploré le fait d'être arrivé en tête par le nombre de voix et en dernier en nombre de sièges. Ses dirigeants ont quand même du mal à parler de vol d'élection. Certes, au second tour, le RN a reçu 8,7 millions de voix, avec ses alliés, 10,1 millions de voix, devant les 7,0 millions de voix pour le NFP, les 6,3 millions de voix pour Ensemble et les 2,5 millions de voix pour LR et divers droite. Mais il faut regarder les choses autrement, car c'était un second tour : cela signifie avant tout que, face aux 10,1 millions de Français qui ont choisi un candidat RN ou allié, 15,8 millions de Français (61,0% !) ont déclaré qu'ils n'en voulaient à aucun prix, dussent-ils pour cela voter pour un candidat de gauche quand on est de droite ou inversement. Dans cette perspective, le RN a fait moins bien qu'au second tour de l'élection présidentielle de 2022 où Marine Le Pen avait réuni plus de 13 millions de voix.

    Je termine par cette remarque institutionnelle importante. Les dirigeants du NFP sont en complète contradiction avec leur programme. Dans leur programme, ils veulent supprimer la possibilité de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, et pourtant, ils le proposent pour faire adopter l'abrogation de la réforme des retraites, pensant d'ailleurs que les députés RN accepteraient d'être leurs tacites alliés. C'était justement dans le cas où aucune majorité absolue se dégage que l'article 49 alinéa 3 s'est imposé aux constituants de 1958. Ils ne voulaient pas revivre les poisons de la Quatrième République.

    Par ailleurs, ils voudraient mettre le scrutin proportionnel. Mais la proportionnelle ferait de l'Assemblée Nationale une mosaïque comme celle que nous connaissons depuis 2022, mais de manière définitive et irréversible, car il n'y aura aucun retour en arrière. L'élection d'une majorité absolue UDF-RPR le 16 mars 1986 malgré le scrutin proportionnel s'explique parce que le pôle de centre droit valait au moins 40% des suffrages exprimés (en 1984, il avait fait 43,0% aux élections européennes). Aujourd'hui, aucune coalition ne sera capable d'attendre de tels sommets, et la proportionnelle transformerait les institutions en Quatrième République sans possibilité de revenir en arrière.

     

     
     


    De plus, et c'est cela le plus paradoxal, c'est que les dirigeants du NFP (ainsi que de LR, mais ils ne prônent pas la proportionnelle) ont démontré qu'ils étaient incapables de se comporter en responsabilité dans le cas d'un scrutin proportionnel puisque, même aujourd'hui, ils refusent d'admettre qu'il faille négocier le principe d'une grande coalition qui irait au-delà du NFP. Dans leur comportement, dans leur pratique, dans leur positionnement, ils sont au contraire totalement dans une pratique du scrutin majoritaire qui veut, en gros, tout ou rien, ça passe ou ça casse. À dix mille lieues du scrutin proportionnel (contre lequel je me bats depuis toujours !) qui impose des compromis à chaque lendemain d'élections pour constituer une grande coalition et gouverner de manière durable (comme en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Italie, etc.). Ce dimanche 7 juillet 2024, l'ayatollah Jean-Luc Mélenchon, l'imam du 93, a déjà décrété une fatwa contre tous les imprudents du NFP qui se prendraient à négocier une ouverture avec le pôle central.

    La situation est donc loin de se clarifie sur le plan parlementaire. Vous pouvez certainement partir en vacances l'esprit léger. Il ne se passera rien pendant que vous bronzerez sur les plages ou marcherez dans les sentiers de montagne. En revanche, la rentré promet d'être chaude !


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    Sylvain Rakotoarison (08 juillet 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
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    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240708-legislatives.html

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  • Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment)

    « À l’issue du second tour des élections législatives, le Président de la République va nommer un Premier Ministre sans qu’un délai précis ne lui soit imposé. Constitutionnellement, le Président de la République peut choisir de nommer qui il veut à Matignon, mais Emmanuel Macron doit s’assurer que la personne qu’il choisit sera soutenue par une majorité, comme le veut le régime parlementaire dans lequel nous sommes, qui résultent des articles 20 et 49 de la Constitution. » (Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste, le 5 juillet 2024 dans "Libération").



     

     
     


    On l'avait cauchemardé, et ce cauchemar vient de s'échouer sur le mur de la réalité électorale et populaire : l'hypothèse d'un gouvernement RN a été exclue par les électeurs aujourd'hui, ce dimanche 7 juillet 2024, au second tour des élections législatives anticipées, malgré les tentatives de déstabilisation particulièrement scandaleuses. La vague anti-RN est telle que les dirigeants n'ont même pas osé dire qu'on leur avait volé la victoire. Il faudrait surtout demander aux médias comment, pendant quatre semaines, ils nous ont mitraillé sur l'arrivée inéluctable d'un gouvernement RN. Comment ils nous ont électrochoqués, stressés, hystérisés. Comme si la méthode Coué répétée matin midi et soir par Jordan Bardella, un gars de 28 ans qui n'a jamais rien fait de sa vie, sans expérience professionnelle, seulement payé au RN par la famille Le Pen comme apparatchik, aurait dû fonctionner pour l'amener à diriger le gouvernement de la sixième puissance mondiale sous prétexte qu'il multipliait les likes dans tiktok. Le mirage est passé, ouf.

    Les journalistes et les sondeurs, trop aveuglés par leurs projections à la noix qui ne prennent jamais en compte la réalité du terrain des circonscriptions, donnaient une évidence qui n'en était pas une. Depuis plus de vingt-cinq ans, jamais la participation du second tour des élections législatives avait été aussi forte qu'au premier tour. Cette participation a dépassé quelques records. Et cette mobilisation du second tour, au contraire du premier tour, a été exclusivement focalisée pour faire battre le RN. Cela a permis de récupérer des candidats irrattrapables comme François Ruffin mais n'a pas pu sauver par exemple Caroline Fiat en Meurthe-et-Moselle.

    Grâce aux désistements réciproques, la fièvre RN a limité les dégâts et les Français ont clairement dit qu'ils ne voulaient pas de gouvernement RN. Nous voilà rassurés. J'étais en fait dans une confiance relative et prudente dès jeudi et vendredi derniers à partir du moment où j'ai vu l'absence des candidats RN sur le terrain, leur absence de campagne, et leur réalité, leur CV peu attractif. J'ai été soulagé à 20 heures ce dimanche quand la surprise a éclaté : le RN s'est retrouvé relégué en troisième place parmi les trois blocs que composent la classe politique.

    L'incendie est éteint, et il y a eu comme la fin d'une sorte de mauvaise aventure pendant un mois, entre la dissolution et ce second tour, comme si Emmanuel Macron avait fait deux électrochocs, le premier la dissolution et le second la perspective de l'arrivée au pouvoir du RN pour de vrai.

    Pour autant, rien n'est encore joué. Le 18 juillet 2024, les nouveaux députés feront leur entrée dans l'hémicycle et la première opération sera d'élire un Président de l'Assemblée Nationale. Au troisième tour, la majorité relative suffit, en principe. Mais ce n'est pas là la difficulté.

    La difficulté, c'est qu'il faut passer d'une convergence des non, non à Marine Le Pen, non à Emmanuel Macron et non à Jean-Luc Mélenchon, à une construction d'un oui. Un oui pour gouverner la France, au moins pour l'année qui vient (sans possibilité de dissolution) voire jusqu'à l'élection présidentielle en 2027. De la réussite de cette situation inédite dépendra l'avenir de la France et la capacité du RN à s'accroître encore, ou pas.

    Alors que la nouvelle farce populaire a à peine plus de députés que le bloc central d'Ensemble pour la République, et que Les Républicains gagnent même des sièges par rapport à 2022, il faut se souvenir que la plupart des élus hors RN doivent leur élection par le désistement d'un concurrent de l'autre bord. Or, oublier cela, c'est faire encore prospérer le RN.

    À mon sens, les déclarations de la soirée électorale vont dans le mauvais sens : Jean-Luc Mélenchon et ses sbires revendiquent Matignon, Olivier Faure insiste pour dire qu'il refuse tout programme autre que celui irréalisable du NFP, et même LR, non contents d'avoir eu chaud, refusent obstinément à faire alliance avec Ensemble pour construire un gouvernement de raison et continuent dans le stérile Macron bashing. Ils sont encore dans l'ancien temps sans comprendre que le danger du RN reste encore palpable car malgré sa défaite, large défaite, le RN a nettement amélioré sa situation d'avant 2024, notamment en augmentant de moitié son groupe, ce qui lui permet d'augmenter massivement son financement public et sa force de frappe médiatique et politique.

    Seuls, Jérôme Guedj et Raphaël Glucksmann ont un discours de raison dans une gauche qui s'y croit déjà avec le grand soir. Mais non, il n'y a pas de grand soir, juste l'effet mécanique d'un front républicain qui a été très efficace (alors qu'on le disait fini) mais qui n'apporte aucune solution simple à l'élaboration d'un gouvernement : le NFP n'a aucune capacité à gouverner seul, il lui manque environ une centaine de députés, c'est beaucoup trop. Seul, le bloc central peut prétendre rassembler une majorité parlementaire. C'est clair en tout cas que ni Olivier Faure qui est totalement irresponsable et incompréhensible, ni les insoumis ni même Les Républicains sont aujourd'hui prêts à quitter leur rive commode mais inconséquente pour tenter la synthèse d'une coalition qui puisse gouverner durablement la France.

    Comme dans chaque élection, le scrutin a perturbé les destins de centaines de personnalités, soit par leur élection soit par leur défaite. D'un point de vue plus personnel, nous les verrons un peu plus tard lorsque tous les résultats seront connus. Au sein de la majorité, deux personnalités se dégagent, parce qu'elles ont été réélues avec beaucoup de voix : Gérald Darmanin et aussi Gabriel Attal, le Premier Ministre qui s'est émancipé d'Emmanuel Macron. Quant aux vieux partis traditionnels, LR et le PS, il faudra surveiller le retour à l'Assemblée Nationale de l'ancien ministre Laurent Wauquiez et de l'ancien Président de la République François Hollande, très mal élu en Corrèze.

    Les insoumis font après le second tour ce que les dirigeants du RN ont fait avant le premier tour : faire croire aux médias qu'ils occuperont Matignon alors que les Français n'en veulent pas. Les prochains jours promettent de belles joutes politiques. La robustesse des responsables politique sera mesurée. Et avant tout, leur esprit de responsabilité et d'ouverture. Aucun bloc n'a la majorité absolue et ne pourra gouverner sans faire des concessions avec un autre bloc.


    Voici l'idée des rapports de forces avec les élus des premier et second tour, susceptibles de ne pas être définitifs et surtout susceptibles de se décliner différemment dans la répartition des groupes politiques.

    NFP : 178 sièges.

    Ensemble pour la République, UDI et divers centre : 165 sièges.
    RN, ciottistes et divers extrême droite : 153 sièges.
    LR et divers droite : 66 sièges.
    Autres : 25 sièges (dont régionalistes).
    Sur un total de 577 sièges, soit 289 en majorité absolue.

    C'est rassurant aussi que le peuple refuse la fatalité. Il y avait une sorte de fait accompli, comme si la victoire du RN était acquise avant le scrutin, ce qui était absolument méprisant vis-à-vis des électeurs qui ne s'étaient pas encore prononcés. Chaque chose en son temps : que le peuple parle avant de commenter les sondages. Les instituts de sondages vont devoir réviser leurs modèles pour proposer des prospectives un peu plus réalistes que ce qu'ils ont imposé à "l'opinion publique", même s'ils ont pressenti l'effondrement venir.

    Jamais les jours qui suivent seront aussi incertains sur le plan des institutions que depuis 1958. Une chose est claire, c'est qu'il faut sauvegarder les institutions actuelles qui ont assuré l'expression de la volonté populaire. Une petite musique fait déjà entrevoir la volonté de réformer le mode de scrutin comme si ce serait plus facile avec la proportionnelle : au contraire, elle empêcherait définitivement toute formation de majorité absolue dans le paysage politique particulièrement éclaté d'aujourd'hui. Et finalement si l'on regarde bien, la représentation en nombre de sièges est à peu près similaire à la représentation en nombre de voix dans cette nouvelle Assemblée Nationale.

    La difficulté, ce sera d'abord le vote du budget, la décision politique de la plus grande importance pour le Parlement. Y aura-t-il une majorité pour un budget, et lequel, de budget, ou plutôt, laquelle, de majorité ? Pour l'instant, c'est la grande confusion. À l'évidence, tous les regards se tournent vers le parti socialiste : tant qu'il sera mélenchonisé par Olivier Faure, tout restera bloqué et le RN aura de beaux jours devant lui. Esprit de parti ou esprit de responsabilité, intérêt d'appareil ou intérêt de la nation, plat de lentilles ou vision historique : c'est le choix que devra faire chaque député socialiste, un à un, gardant toutes ses convictions mais bien conscient qu'il doit son élection, pour la plupart d'entre eux, par le désistement voire le soutien d'un candidat macroniste. Ne pas comprendre cela, c'est laisser prospérer une extrême droite encore plus excitée d'avoir loupé son hold-up du siècle.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240707-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-18-la-fin-du-255681

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/07/article-sr-20240707-legislatives.html



     

  • Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !

    « Ce qui est sûr, c'est que nous, on a une ligne qui est de ne pas augmenter les impôts ni sur les entreprises ni sur les Français. (…) Et je vais vous dire : je pense que, économiquement, on a mis le pays sur le bon rail. Moi, je fais partie d'une génération qui a grandi en entendant en permanence que le chômage de masse, c'était une fatalité, qu'on n'arriverait jamais en France de sortir du chômage de masse, qu'on resterait toujours collés à 10% de chômage. Qu'est-ce que je vois aujourd'hui ? On a fait la moitié du chemin vers le plein emploi. On a le taux de chômage le plus bas depuis 25 ans, le taux de chômage des jeunes le plus bas depuis 40 ans. On a créé 2,5 millions d'emplois ces dernières années. Il y a 1 million d'apprentis chaque année dans les entreprises. Ça, c'est positif ! » (Gabriel Attal, le 3 juillet 2024 sur BFMTV).



     

     
     


    Ces élections législatives anticipées auront fait éclater tous les records, et d'abord, la brièveté de la campagne électorale. Vu le côté malsain du genre, ce n'est peut-être pas mal d'en finir le plus vite, mais cela signifie aussi que les débats sur l'avenir de la France ont été bâclés. Ce qu'a fait Emmanuel Macron avec la dissolution, qui restera incompréhensible pendant encore longtemps, est ce qu'on appellerait en métallurgie une trempe, et pas une trempe dans un bain d'huile, mais plutôt dans de l'eau glacée. C'est-à-dire que la cristallisation s'arrête nette avec la dissolution, la cristallisation des intentions de vote, et c'était facile de les connaître puisque ce sont les mêmes que les résultats des élections européennes, là est certainement l'erreur de l'Élysée alors que le pays allait mieux économiquement.

    Ce n'est pas un mal d'en finir, mais peut-être comme l'agonie d'une maladie sans retour ? Au-delà de la violence verbale, observée notamment sur les réseaux sociaux, voici de la vraie violence, physique, brutale, comme mercredi avec l'agression contre la ministre Prisca Thevenot et son équipe de campagne à Meudon-la-Forêt ou encore à Grenoble, violence contre un élu de La Tronche signalée par Olivier Véran.

    Les sondages qui font des projections en sièges pour le second tour sont toujours à prendre avec des pincettes. Cependant, tous les instituts de sondages ont bien remarqué qu'entre le soir du premier tour et ce milieu de semaine, après le dépôt des candidatures, l'estimation pour le RN a fortement baissé et laisserait croire que le spectre d'une majorité absolue de députés RN s'éloignerait de manière irrévocable.

    C'est vrai que cette baisse pourrait s'expliquer par deux phénomènes. Le premier vient directement des désistements et de la transformation des triangulaires en des duels. Là où le candidat RN arrivé en tête pouvait se faire élire avec moins de 50% dans une triangulaire doit atteindre les 50% dans un duel. Mais le précédent des élections législatives de juin 2022 a montré que le RN pouvait se faire élire dans les duels, puisque les 89 députés RN élus en 2022 l'ont été dans la quasi-totalité des cas dans des duels. Il n'y a plus de plafond de verre depuis longtemps, et le 30 juin 2024, 37 candidats RN ont même été élus dès le premier tour en présence de cinq, six, sept, etc. candidats.


    Le second phénomène est plus intéressant et plus remarquable : les sondés se mettent, pour certains, à changer les perspectives de leur vote. En effet, lorsque des députés sortants voire des ministres actuels se sont retirés de la compétition parce qu'ils étaient en troisième position dans une triangulaire, même s'ils pouvaient imaginer bénéficier de bons rapports de voix au second tour et envisager leur réélection, ils ont prouvé qu'ils sacrifiaient leur carrière, du moins leur situation à court terme, au nom du front républicain afin d'éviter un gouvernement RN. Cet exemple va donc encourager les électeurs à faire de même, cet acte difficile de devoir peut-être voter pour un candidat qui ne pense pas comme eux mais dans le but urgent et salutaire d'empêcher l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir.

    C'est le principe de l'urgence électorale proposée par Raphaël Glucksmann. Or, curieusement, le front républicain fonctionne beaucoup mieux que prévu parce qu'il reste une majorité de Français opposés fermement à un gouvernement RN, même s'ils ne sont pas d'accord pour savoir par quoi le remplacer. En cela, ce vote de barrage n'a rien d'antidémocratique, au contraire, c'est bien le jeu démocratique et si les victimes de ce barrage, en l'occurrence ici le RN, perdent des sièges à cause de cela, c'est au contraire par le jeu de la démocratie parce qu'ils sont (encore) minoritaires dans le pays (33% n'a jamais été égal à 50% : un tiers ne vaut pas une moitié).
     

     
     


    Pour autant, il y a des mécanismes qui sont particulièrement redoutables : un parti qui atteint la première place à plus de 30% des voix au premier tour des élections législatives remporte généralement la majorité absolue des sièges au second tour par l'effet majoritaire. Les sondeurs sont aujourd'hui dans la difficulté : certes, ils ont excellemment bien évalué les audiences électorales en nombre de voix des partis au niveau national, tant pour les élections européennes que pour le premier tour de ces législatives (il faut le leur reconnaître). Mais leurs projections en sièges sont basées sur des modèles inédits et une configuration de trois pôles politiques de force à peu près équivalente.

    Or, le principe du front républicain, du barrage contre l'extrême droite, ne peut fonctionner qu'avec une forte mobilisation électorale : l'abstention ou le vote nul ou blanc ne sont pas des options si l'on veut absolument empêcher l'extrême droite d'arriver au pouvoir. Il faut pour cela voter pour le candidat opposé au RN, qu'il soit d'un bord politique proche comme d'un bord politique très différent.

    Le risque de démobilisation est grand car si les électeurs se disent qu'ils peuvent ne pas aller voter car le second tour est déjà joué, que le RN n'obtiendrait pas la majorité absolue dimanche prochain, ils se trompent car la condition nécessaire pour l'efficacité de ce barrage, c'est justement qu'ils se déplacent en masse et votent pour le candidat opposé, même si cela fait mal, car cela fera moins mal que de se réveiller avec le RN et le clan Le Pen au pouvoir.

    De plus, l'argument selon lequel la formation politique du candidat opposé au RN ne pourra pas atteindre la majorité absolue signifie que son programme, même en votant pour lui, ne pourra pas s'appliquer, du moins en l'état. Et cet argument est valable avant le second tour en connaissant la situation de chaque circonscription après le premier tour et après les désistements : le NFP ne pourra pas obtenir de majorité absolue ni d'ailleurs le bloc central.


    Cela ne dira pas quel sera le prochain gouvernement car l'Assemblée Nationale a un grand risque d'être éclatée. La question qui se posera alors d'un gouvernement de "grande coalition" concernera une situation totalement inédite sous la Cinquième République. Notre Constitution est stable, solide et souple, elle a pu s'adapter à de nombreuses situations institutionnelles inédites : d'abord, avec un Président qui n'était plus gaulliste, en mai 1974, puis avec une véritable alternance politique, socialo-communiste, en mai 1981, ensuite avec une cohabitation entre une majorité parlementaire de bord opposé à celui du Président de la République.

    La situation sans majorité absolue était en fait conçue comme la plus probable dans l'esprit des constituants de 1958 (parce que la situation d'un parti hégémonique n'avait jamais été observée dans le passé), et ce fut le cas en novembre 1958, en juin 1988 et en juin 2022, mais cette situation de majorité relative était à quelques dizaines de voix près que le pouvoir pouvait trouver auprès de formations proches politiquement (centristes en 1958 et en 1988, socialistes ou LR, selon les textes, en 2022).


    Si le RN ne parvient pas à obtenir la majorité absolue, la situation parlementaire sera inédite parce qu'aucune coalition n'aura de majorité absolue et sera loin de celle-ci. Or, deux partis déjà rejettent a priori le principe de "grande coalition" : le RN, bien sûr, qui souhaite gouverner tout seul, quitte à attendre encore son tour, et les insoumis prêts à tout pour créer la crise de régime (ce qui est fort peu responsable). Donc, on surveillera avec attention le total de ces deux partis extrémistes pour savoir si, à eux deux, ils possèdent une majorité absolue de destruction, à savoir s'ils peuvent renverser un gouvernement à eux deux, dans une sorte de collusion du pire. Rappelons qu'en 2022, la majorité présidentielle bénéficiait de cette absence de majorité absolue des extrêmes (RN+FI) en raison du groupe LR dans l'opposition mais responsable et constructive (pour certains de ses membres, du moins).

    Candidats Premiers Ministres et ministres se pressent sur les plateaux de télévision pour la "grande coalition", mais à mon sens, c'est beaucoup trop tôt. Xavier Bertrand a proposé une méthode aux formations politiques responsables qui accepteraient de relever le défi d'une "grande coalition" : se réunir pour se mettre d'accord sur tous les désaccords (réunion très facile à conclure !)... puis énumérer les possibles points d'accord (aide à l'Ukraine, transition écologique, construction de l'Europe, etc.) et construire un gouvernement sur ces points-là uniquement.

    La méthode serait inédite sous la Cinquième République car elle proposerait deux innovations : parler d'abord de programme d'action avant de parler des personnalités qui l'incarneraient (c'est l'erreur aussi du RN : les dirigeants du RN ont misé sur la seule personnalité de Jordan Bardella avec une absence totale de programme revu à la baisse chaque jour pour éviter les polémiques) ; ensuite, choisir les personnalités sans l'initiative du Président de la République, comme dans une cohabitation, y compris pour les ministres qui pourraient appartenir à la coalition Ensemble pour la République.

    Le nouveau Premier Ministre devra donc incarner cette nouvelle coalition, il devra être expérimenté, connaître les joutes parlementaires, être consensuel, et permettre à chaque formation qui la composerait de rester crédible auprès de son propre électorat. Inutile de citer quelques noms avant le second tour car cela se ferait au mépris de la volonté des électeurs qui doivent d'abord se prononcer.

    Dans tous les cas, majorité absolue pour le RN ou pas majorité absolue, ce parti d'extrême droite sortira extrêmement renforcé dimanche soir à l'issue de ces élections législatives anticipées. Avec au moins 200 sièges (au moins le double ou le triple de l'actuel groupe RN de 2022), le RN va être le parti le plus riche de France, au financement massif, avec une pléthore de collaborateurs parlementaires, une caisse de résonance dans l'hémicycle et cette perspective d'une élection présidentielle prochaine dont il sera le favori.


    Sans majorité absolue, le RN aura beau jeu de crier à la victoire volée, laissant apparaître sa vraie nature, celle de contester la volonté démocratique et de se victimiser, à l'instar des trumpistes de 2020, en criant au complot, au coup d'État par le système. Et pourtant, s'il y a bien aujourd'hui un parti qui représente le système par excellence, c'est bien le RN/FN, présent massivement depuis 1984 (quarante ans) et que le système a financé massivement, au point que certains en ont un peu trop abusé (d'où le procès contre des dirigeants du RN fixé le 30 septembre 2024). L'extrémisme se caractérise par cette particularité qu'on n'est démocrate que dans le cas où l'on gagne.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
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    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
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    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.













    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240704-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-17-rien-n-est-255610

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  • Législatives 2024 (16) : la question de l'extrême urgence

    « Je pense que nous sommes dans une situation vertigineuse. La France est au bord d'une falaise et on ne sait pas si on va sauter, en fait, du haut de la falaise. Il y a une forme de gouffre qui s'est ouvert depuis le 9 juin à 21 heures, une atmosphère extrêmement tendue dans le pays, et la conscience que le choix qu'on va faire, là, est un choix qui va redessiner le visage du pays. » (Raphaël Glucksmann, le 4 juillet 2024 sur France Inter).



     

     
     


    Invité de la matinale de France Inter ce jeudi 4 juillet 2024, l'ancienne tête de liste socialiste aux élections européennes Raphaël Glucksmann a exprimé son inquiétude pour l'avenir de la France et a redit l'enjeu de ces élections législatives : « Je suis dans l'inquiétude (…). Depuis le début, moi, je vois ces élections comme un référendum. Et encore plus depuis le premier tour. Un référendum avec une question simple : est-ce que nous voulons que l'extrême droite prenne le pouvoir en France ? Est-ce que nous voulons que la famille Le Pen s'empare de ce pays ? Est-ce que nous voulons avoir au gouvernement les dirigeants de l'extrême droite française dans ce moment-là de notre histoire ? Alors que la guerre fait rage en Europe, alors que notre démocratie est déjà fragile, alors que notre société est déjà extrêmement polarisée, est-ce que nous voulons prendre ce risque, oui ou non ? Et depuis ce 9 juin, je vis avec cette inquiétude en moi. ».

    Et de répéter : « La vérité, c'est que, là, nous sommes dans une morale de l'extrême urgence. Et nous sommes dans une morale de l'extrême urgence en réalité depuis le 9 juin, depuis la décision insensée du Président de la République. Cette morale de l'extrême urgence, elle commande quoi ? D'empêcher la victoire du Rassemblement national ce dimanche. C'est ça qui conduit à une union des contraires dans les urnes, au fait que quand vous êtes de droite, vous serez amené à prendre une décision extrêmement difficile, c'est-à-dire de mettre un bulletin de gauche dans l'urne, et quand vous êtes de gauche, vous serez amené à voter pour des gens aussi loin de vos idées que Monsieur Darmanin. ».

     

     
     


    Un premier sondage a été publié dans la soirée du mercredi 3 juillet 2024 avec une enquête commencée après la fin du dépôt des candidatures du second tour et la connaissance des désistements et maintiens des candidats. Il s'agit du sondage réalisé par Harris-Interactive et Toluna pour M6, "Challenges" et RTL sur un échantillon de 3 383 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus dont 3 008 sont inscrites sur les listes électorales françaises, interrogées du 2 juillet 2024 au soir au 3 juillet 2024.

    C'est un sondage qui indique la projection en nombre de sièges et pas en nombre de voix (ce dernier beaucoup plus facile pour les sondeurs). Déjà pour un sondage normal, il faut être extrêmement prudent, mais pour les projections en sièges, encore plus car le résultat dépend de la répartition des votes dans les 501 circonscriptions restant en lice (76 députés ont déjà été élus dès le premier tour).

    Voici ce que donnerait le sondage (majorité absolue à 289 sièges) : 190 à 220 sièges pour le RN et alliés ciottistes (extrême droite), 159 à 183 sièges pour le NFP (gauche et extrême gauche), 110 à 135 sièges pour Ensemble la République (majorité présidentielle) et 30 à 50 sièges pour LR. Je le répète, il faut être extrêmement prudent avec ces données, même elles sont logiques par rapport aux projections données au soir du premier tour qui ne prenaient pas en compte les désistements : la représentation parlementaire du RN s'en trouverait affectée.
     

     
     


    Si on reprend la répartition par blocs, en rassemblant Ensemble et LR dans le bloc central, on se retrouve avec un bloc RN le plus nombreux et suivi de très près des deux autres blocs (gauche et central) qui sont à peu près d'égale importance. Cela confirme cette tripolarisation du paysage politique observée depuis 2022, mais jusqu'à son paroxysme. Trois blocs à peu près égaux mais toujours avec un avantage pour le RN. Dans tous les cas, le germe d'une ingouvernabilité durable du pays.

    Je le répète, attention, ce type de sondage n'est pas prédictif. Pour preuve justement les élections législatives de juin 2022 où les sondages avaient prévu entre 20 et 50 sièges pour le RN et celui-ci a fini avec 89 députés élus. Il est donc très compliqué, dans cette situation inédite, autant pour les Français que pour les sondeurs, de savoir si ces projections minorent ou majorent les forces en présence.

    Plus intéressantes dans ce sondage sont les questions plus qualitatives.

    On parle de trois blocs dont l'adhésion des Français est autour de 30 à 35% de l'électorat. Mais qu'en est-il de la répulsion ? Et là aussi, une quasi-égalité de détestation, avec malgré tout un avantage pour le RN, et cela de l'ordre de 40 à 45% de l'électorat. Dans le comportement de vote des sondés, 44% le feraient pour s'opposer à un candidat du NFP, 44% autres le feraient pour s'opposer à un candidat de la majorité présidentielle, enfin, 40% autres le feraient pour s'opposer à un candidat du RN. On voit bien que le petit avantage pour le RN revient à conclure qu'il y a plus de vote d'adhésion pour le RN que pour les deux autres blocs. Et la partie de ces sondés qui votent contre et qui sont très sûrs d'eux, l'avantage est pour Ensemble : 33% voudraient beaucoup s'opposer au NFP, 33% autres voudraient beaucoup s'opposer au RN et seulement 26% autres voudraient s'opposer à Ensemble.
     

     
     


    Dans les prévisions de victoire des uns et des autres, il y aurait 37% des électeurs du NFP au premier tour qui croiraient (encore) à la possibilité d'une majorité absolue du NFP à l'issue du second tour, 69% des électeurs du RN au premier tour qui croiraient à la possibilité d'une majorité absolue du RN. En revanche, pour le bloc central, 59% des électeurs de la majorité présidentielle au premier tour et 52% des électeurs de LR au premier tour penseraient que ces élections n'apporteraient aucune majorité absolue à l'un ou l'autre des blocs. Il faut bien insister sur le fait que certaines réponses sont fantaisistes ou au moins irréalistes. Par exemple, il existerait encore 24% des électeurs de LR au premier tour qui penseraient que LR obtiendrait la majorité absolue à l'issue du second tour alors qu'il ne reste qu'une cinquantaine de candidats LR en lice !
     

     
     


    Enfin, le sondage a testé deux hypothèses, une majorité absolue de députés RN et une majorité absolue de députés NFP, et selon leur vote au premier tour, est-ce que les sondés considèrent que la situation de la France s'améliorerait ou se détériorait, d'une part, et que leur situation personnelle s'améliorait ou se détériorait, d'autre part ? Là encore, on voit un avantage donné au RN qui serait 10% de moins pire que le NFP. Et instructif : les électeurs de LR seraient plus partagés que les électeurs des autres partis.
     

     
     


    La perspective d'une majorité absolue de députés RN s'éloignerait-elle pour autant dimanche prochain ? Non ! Car ce ne sont que des sondages et des projections et on sait par expérience que ces projections ne sont jamais fiables. C'est aussi la crainte de Raphaël Glucksmann sur France Inter : « Non, je n'en suis pas sûr. C'est pour ça que la petite musique qui s'installe dans les commentateurs, dans les politiques eux-mêmes, dans les élites parisiennes, une petite musique de déni, de... finalement, le boulet n'est pas passé très loin mais nous avons sauvé les choses, cette musique-là est extrêmement dangereuse, et moi, je viens ici pour lancer un cri d'alarme. En fait, ce n'est pas parce qu'il y a eu des désistements républicains que les reports seront automatiques. Ce n'est pas parce que les appareils politiques ont décidé d'empêcher la victoire du Rassemblement national que ça se traduira dans les urnes. Moi, je crois que la vague, la lame de fond est encore extrêmement puissante. Et que finalement, dans ce déni-là, il y a un truc traditionnel qui habite les élites et qui est : finalement, on sera sûr toujours à bon compte. On a voulu croire qu'on n'aurait pas de claque dimanche dernier. On a eu la claque. Pendant 48 heures, il y a eu une sorte de stupéfaction qui a conduit justement à des gestes politiques. Mais là, je sens déjà le sentiment d'urgence disparaître. Mais moi, je veux dire : il n'y a rien de fait. Le Rassemblement national peut ce dimanche avoir une majorité absolue et être aux commandes de notre pays. Parce que les gestes qui vont être demandés à chacune et à chacun, c'est des gestes extrêmement compliqués. Moi, j'ai fait toute une campagne aux européennes en demandant aux gens de voter avec leur cœur, pour leurs convictions, en cohérence avec les principes qu'ils entendaient défendre. Eh bien là, on leur demande une chose complètement inverse, complètement inverse. On leur demande de mettre finalement sous le boisseau leurs envies pour hiérarchiser les périls et voter pour des gens dont ils ne partagent pas les idées. C'est un geste extrêmement difficile, il ne faut pas le sous-estimer, ce n'est pas parce qu'il y a des consignes de vote que ça se traduira dans l'isoloir. ».

    C'est pour cela qu'il est aussi indécent d'envisager une situation de "grande coalition" (de LR au NFP, de Xavier Bertrand à Marine Tondelier) que d'envisager un gouvernement RN (de Jordan Bardella) dès maintenant. Il faut d'abord laisser le peuple s'exprimer dimanche prochain et c'est seulement après, selon la situation réelle, qu'il faudra trouver d'une manière ou d'une autre la méthode pour former un nouveau gouvernement. C'est indécent quand François Ruffin (qui a annoncé qu'il quitterait le groupe FI s'il était réélu) ou même Olivier Faure veulent imposer à l'hypothèse de "grande coalition" les conditions d'abrogation de la réforme des retraites, de rétablissement de l'ISF, etc. Ce n'est pas ainsi qu'on combat efficacement le RN en nourrissant la peur de l'extrême gauche comme l'agite comme un épouvantail les dirigeants du RN.

    C'est dans cette perspective que la position de Raphaël Glucksmann est la meilleure : l'extrême urgence reste d'empêcher le RN de gouverner la France dans quatre jours. Après, on verra ! Dans l'intérêt de la Nation et de la République.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Raphaël Glucksmann.
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240703-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-16-la-question-255606

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/04/article-sr-20240703-legislatives.html




     

  • L'urgence absolue de Raphaël Glucksmann

    « Je pense que nous sommes dans une situation vertigineuse. La France est au bord d'une falaise et on ne sait pas si on va sauter, en fait, du haut de la falaise. Il y a une forme de gouffre qui s'est ouvert depuis le 9 juin à 21 heures, une atmosphère extrêmement tendue dans le pays, et la conscience que le choix qu'on va faire, là, est un choix qui va redessiner le visage du pays. » (Raphaël Glucksmann, le 4 juillet 2024 sur France Inter).



     

     
     

    Invité de la matinale de France Inter ce jeudi 4 juillet 2024, l'ancienne tête de liste socialiste aux élections européennes Raphaël Glucksmann a exprimé son inquiétude pour l'avenir de la France et a redit l'enjeu de ces élections législatives : « Je suis dans l'inquiétude (…). Depuis le début, moi, je vois ces élections comme un référendum. Et encore plus depuis le premier tour. Un référendum avec une question simple : est-ce que nous voulons que l'extrême droite prenne le pouvoir en France ? Est-ce que nous voulons que la famille Le Pen s'empare de ce pays ? Est-ce que nous voulons avoir au gouvernement les dirigeants de l'extrême droite française dans ce moment-là de notre histoire ? Alors que la guerre fait rage en Europe, alors que notre démocratie est déjà fragile, alors que notre société est déjà extrêmement polarisée, est-ce que nous voulons prendre ce risque, oui ou non ? Et depuis ce 9 juin, je vis avec cette inquiétude en moi. ».

    Et de répéter : « La vérité, c'est que, là, nous sommes dans une morale de l'extrême urgence. Et nous sommes dans une morale de l'extrême urgence en réalité depuis le 9 juin, depuis la décision insensée du Président de la République. Cette morale de l'extrême urgence, elle commande quoi ? D'empêcher la victoire du Rassemblement national ce dimanche. C'est ça qui conduit à une union des contraires dans les urnes, au fait que quand vous êtes de droite, vous serez amené à prendre une décision extrêmement difficile, c'est-à-dire de mettre un bulletin de gauche dans l'urne, et quand vous êtes de gauche, vous serez amené à voter pour des gens aussi loin de vos idées que Monsieur Darmanin. ».

     
     

    Un premier sondage a été publié dans la soirée du mercredi 3 juillet 2024 avec une enquête commencée après la fin du dépôt des candidatures du second tour et la connaissance des désistements et maintiens des candidats. Il s'agit du sondage réalisé par Harris-Interactive et Toluna pour M6, "Challenges" et RTL sur un échantillon de 3 383 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus dont 3 008 sont inscrites sur les listes électorales françaises, interrogées du 2 juillet 2024 au soir au 3 juillet 2024.

    C'est un sondage qui indique la projection en nombre de sièges et pas en nombre de voix (ce dernier beaucoup plus facile pour les sondeurs). Déjà pour un sondage normal, il faut être extrêmement prudent, mais pour les projections en sièges, encore plus car le résultat dépend de la répartition des votes dans les 501 circonscriptions restant en lice (76 députés ont déjà été élus dès le premier tour).

    Voici ce que donnerait le sondage (majorité absolue à 289 sièges) : 190 à 220 sièges pour le RN et alliés ciottistes (extrême droite), 159 à 183 sièges pour le NFP (gauche et extrême gauche), 110 à 135 sièges pour Ensemble la République (majorité présidentielle) et 30 à 50 sièges pour LR. Je le répète, il faut être extrêmement prudent avec ces données, même elles sont logiques par rapport aux projections données au soir du premier tour qui ne prenaient pas en compte les désistements : la représentation parlementaire du RN s'en trouverait affectée.

     
     


    Si on reprend la répartition par blocs, en rassemblant Ensemble et LR dans le bloc central, on se retrouve avec un bloc RN le plus nombreux et suivi de très près des deux autres blocs (gauche et central) qui sont à peu près d'égale importance. Cela confirme cette tripolarisation du paysage politique observée depuis 2022, mais jusqu'à son paroxysme. Trois blocs à peu près égaux mais toujours avec un avantage pour le RN. Dans tous les cas, le germe d'une ingouvernabilité durable du pays.

    Je le répète, attention, ce type de sondage n'est pas prédictif. Pour preuve justement les élections législatives de juin 2022 où les sondages avaient prévu entre 20 et 50 sièges pour le RN et celui-ci a fini avec 89 députés élus. Il est donc très compliqué, dans cette situation inédite, autant pour les Français que pour les sondeurs, de savoir si ces projections minorent ou majorent les forces en présence.

    Plus intéressantes dans ce sondage sont les questions plus qualitatives.

    On parle de trois blocs dont l'adhésion des Français est autour de 30 à 35% de l'électorat. Mais qu'en est-il de la répulsion ? Et là aussi, une quasi-égalité de détestation, avec malgré tout un avantage pour le RN, et cela de l'ordre de 40 à 45% de l'électorat. Dans le comportement de vote des sondés, 44% le feraient pour s'opposer à un candidat du NFP, 44% autres le feraient pour s'opposer à un candidat de la majorité présidentielle, enfin, 40% autres le feraient pour s'opposer à un candidat du RN. On voit bien que le petit avantage pour le RN revient à conclure qu'il y a plus de vote d'adhésion pour le RN que pour les deux autres blocs. Et la partie de ces sondés qui votent contre et qui sont très sûrs d'eux, l'avantage est pour Ensemble : 33% voudraient beaucoup s'opposer au NFP, 33% autres voudraient beaucoup s'opposer au RN et seulement 26% autres voudraient s'opposer à Ensemble.
     

     
     


    Dans les prévisions de victoire des uns et des autres, il y aurait 37% des électeurs du NFP au premier tour qui croiraient (encore) à la possibilité d'une majorité absolue du NFP à l'issue du second tour, 69% des électeurs du RN au premier tour qui croiraient à la possibilité d'une majorité absolue du RN. En revanche, pour le bloc central, 59% des électeurs de la majorité présidentielle au premier tour et 52% des électeurs de LR au premier tour penseraient que ces élections n'apporteraient aucune majorité absolue à l'un ou l'autre des blocs. Il faut bien insister sur le fait que certaines réponses sont fantaisistes ou au moins irréalistes. Par exemple, il existerait encore 24% des électeurs de LR au premier tour qui penseraient que LR obtiendrait la majorité absolue à l'issue du second tour alors qu'il ne reste qu'une cinquantaine de candidats LR en lice !
     

     
     


    Enfin, le sondage a testé deux hypothèses, une majorité absolue de députés RN et une majorité absolue de députés NFP, et selon leur vote au premier tour, est-ce que les sondés considèrent que la situation de la France s'améliorerait ou se détériorait, d'une part, et que leur situation personnelle s'améliorait ou se détériorait, d'autre part ? Là encore, on voit un avantage donné au RN qui serait 10% de moins pire que le NFP. Et instructif : les électeurs de LR seraient plus partagés que les électeurs des autres partis.
     

     
     


    La perspective d'une majorité absolue de députés RN s'éloignerait-elle pour autant dimanche prochain ? Non ! Car ce ne sont que des sondages et des projections et on sait par expérience que ces projections ne sont jamais fiables. C'est aussi la crainte de Raphaël Glucksmann sur France Inter : « Non, je n'en suis pas sûr. C'est pour ça que la petite musique qui s'installe dans les commentateurs, dans les politiques eux-mêmes, dans les élites parisiennes, une petite musique de déni, de... finalement, le boulet n'est pas passé très loin mais nous avons sauvé les choses, cette musique-là est extrêmement dangereuse, et moi, je viens ici pour lancer un cri d'alarme. En fait, ce n'est pas parce qu'il y a eu des désistements républicains que les reports seront automatiques. Ce n'est pas parce que les appareils politiques ont décidé d'empêcher la victoire du Rassemblement national que ça se traduira dans les urnes. Moi, je crois que la vague, la lame de fond est encore extrêmement puissante. Et que finalement, dans ce déni-là, il y a un truc traditionnel qui habite les élites et qui est : finalement, on sera sûr toujours à bon compte. On a voulu croire qu'on n'aurait pas de claque dimanche dernier. On a eu la claque. Pendant 48 heures, il y a eu une sorte de stupéfaction qui a conduit justement à des gestes politiques. Mais là, je sens déjà le sentiment d'urgence disparaître. Mais moi, je veux dire : il n'y a rien de fait. Le Rassemblement national peut ce dimanche avoir une majorité absolue et être aux commandes de notre pays. Parce que les gestes qui vont être demandés à chacune et à chacun, c'est des gestes extrêmement compliqués. Moi, j'ai fait toute une campagne aux européennes en demandant aux gens de voter avec leur cœur, pour leurs convictions, en cohérence avec les principes qu'ils entendaient défendre. Eh bien là, on leur demande une chose complètement inverse, complètement inverse. On leur demande de mettre finalement sous le boisseau leurs envies pour hiérarchiser les périls et voter pour des gens dont ils ne partagent pas les idées. C'est un geste extrêmement difficile, il ne faut pas le sous-estimer, ce n'est pas parce qu'il y a des consignes de vote que ça se traduira dans l'isoloir. ».

    C'est pour cela qu'il est aussi indécent d'envisager une situation de "grande coalition" (de LR au NFP, de Xavier Bertrand à Marine Tondelier) que d'envisager un gouvernement RN (de Jordan Bardella) dès maintenant. Il faut d'abord laisser le peuple s'exprimer dimanche prochain et c'est seulement après, selon la situation réelle, qu'il faudra trouver d'une manière ou d'une autre la méthode pour former un nouveau gouvernement. C'est indécent quand François Ruffin (qui a annoncé qu'il quitterait le groupe FI s'il était réélu) ou même Olivier Faure veulent imposer à l'hypothèse de "grande coalition" les conditions d'abrogation de la réforme des retraites, de rétablissement de l'ISF, etc. Ce n'est pas ainsi qu'on combat efficacement le RN en nourrissant la peur de l'extrême gauche comme l'agite comme un épouvantail les dirigeants du RN.

    C'est dans cette perspective que la position de Raphaël Glucksmann est la meilleure : l'extrême urgence reste d'empêcher le RN de gouverner la France dans quatre jours. Après, on verra ! Dans l'intérêt de la Nation et de la République.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Raphaël Glucksmann.
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240704-raphael-glucksmann.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/04/article-sr-20240704-raphael-glucksmann.html




     

  • Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !

    « N’acceptez jamais que s’impose à vous une chape de plomb conservatrice et pessimiste, fondée sur le postulat que ce qui a été fait, bâti, créé hier serait nécessairement meilleur que ce qui pourrait être fait, bâti, créé demain. La France est le pays de la querelle des anciens et des modernes. Elle a vocation à bousculer les idées, les mœurs, les habitudes, les prétendues certitudes. » (Jacques Chirac, 2011).



     

     
     



    Dans un article publié le 24 septembre 2021, j'introduisais ces propos chiraquiens avec la remarque suivante : « Tous ceux qui passent leur temps à dénigrer la France, à cracher et à chier sur ce beau pays, à verser matin midi et soir leur bile sur la France, sur les Français, sur le peuple français, sur les dirigeants de la France (quels qu’ils soient), sur l’avenir de la France, ce ne sont pas des patriotes, contrairement à ce qu’ils prétendent être, ce sont des ennemis de la France. » (désolé pour l'auto-citation). Aujourd'hui, on semble revenus, dans les débats politiques, à un siècle en arrière, avec de la violence verbale et aucune frontière sur la bienveillance de son adversaire et surtout, sur la convenance des propos.

    Malheureusement dans cette campagne législative ultra-courte, la raison est absolument inaudible. La France est-elle en ruines ? Pas du tout, au contraire, mais qu'importe ! Il faut qu'elle soit en ruines si on veut être choisi pour sa reconstruction. Le problème, ce sont les formulations autoréalisatrices : à force de croire que la France est en ruines, on choisit les futurs gouvernants qui vont effectivement ruiner la France. Paradoxal.

    La petite phrase du titre est très connue et est fréquemment attribuée à Charles Pasqua ou à Jacques Chirac (on ne prête qu'aux riches !). Elle proviendrait en fait d'un barbier malin qui, devant sa boutique, avait affiché : "Demain, on rase gratis !". L'astuce, c'est qu'il laissait cette affiche tous les jours, et donc, tous les jours, c'était gratuit le lendemain ! Avec le programme du RN, on a un peu cela, et malheureusement, comme pour les clients du barbier, beaucoup d'électeurs y croient et risquent de voter pour un candidat du RN au second tour des élections législatives. Leur sincérité n'est pas en cause : les Français ont toujours voulu croire au Père Noël et celui-ci a eu plusieurs noms : Thiers, Clemenceau, Raymond Poincaré, Pétain, Pierre Mendès France, De Gaulle, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron... et maintenant, le Père Bardella ?

     

     
     


    Que ce soit à la campagne des élections européennes comme à celle des élections législatives, ce que dit Jordan Bardella est absolument faux. Quand il déclare qu'il est pour l'Ukraine, les faits le démentent : tous ses votes au Parlement Européen entre 2019 et 2024 montrent le contraire, refusant les sanctions économiques contre la Russie ou les motions soutenant l'Ukraine. Jordan Bardella peut même considéré comme un troll de Vladimir Poutine à Strasbourg, comme, du reste, la plupart des autres députés RN. Bravo le patriotisme de pacotille ! Ça craint pour mon pays !

    Le dessin assez connu du loup qui promet d'être végétarien (trouvé sur le site L'Actu citoyenne, le titre en rouge a été rajouté par votre serviteur) fait beaucoup penser à Jordan Bardella. Tout dans la communication : bien habillé, poli, respectable (j'avoue que c'est un soulagement relatif par comparaison quand on regarde de l'autre côté de l'échiquier), un bureau où aucune note ne dépasse (pour une fois), un fauteuil, et puis ce discours robotisé, une leçon bien apprise, du plagiat systématique qui ne fait même pas rire et pourtant, quelle parodie de bras cassés, par exemple, dans un échange avant le premier tour, jeudi 27 juin 2024 sur France 2, Jordan Bardella s'est obligé de dire « Vous n'avez pas le monopole du cœur ! » sans se rendre compte du ridicule de la situation (n'est pas De Gaulle qui veut, mais n'est pas Valéry Giscard d'Estaing qui veut non plus !).

    Le ridicule, à la rigueur, mais l'ignominie, sans réaction de part et d'autre, c'est véritablement scandaleux ; quand Jordan Bardella a lancé après quelques « Ben voyons ! » un : « Revoilà Jean Moulin ! » au premier secrétaire du PS Olivier Faure (par ailleurs complètement mélenchonisé). Ce cynisme montre bien le double langage qu'on retrouve aussi sur différents points de programme (et pas des points de détail !), par exemple sur la binationalité (j'y reviendrai).


    La contre-attaque du RN face à cette campagne de désistement des candidatures pour renforcer un front républicain dont on ne connaîtra réellement l'efficacité que dimanche soir prochain, c'est de dire que c'est de la cuisine, de la manœuvre politicienne. Il n'y a pourtant aucune cuisine nulle part : un candidat arrivé en troisième position qui, selon les cas, voit bien que son élection au second tour est compromise (pas toujours : il peut agréger des reports de voix des candidats non qualifiés, mais c'est assez rare car les électeurs ont voté en bloc pour les trois pôles à 90-95% si bien qu'aucun des candidats restants en lice, dans une triangulaire, n'a véritablement de réserves de voix, sauf dans quelques circonscriptions exceptionnelles), ce candidat n'a aucune raison de s'accrocher à une candidature vouée à l'échec certain.

    D'ailleurs, en matière de manœuvres et de cuisine électorales, le RN et ses alliés ne sont pas non plus absents. Ainsi, dans la cinquième circonscription du Maine-et-Loire, le candidat ciottiste soutenu par le RN Gilles Bourdouleix, maire de Cholet depuis 1995, qui avait obtenu 30,5%, avait annoncé lundi qu'il se désistait parce qu'il en avait marre de ces élections nauséabondes. Du coup, les deux autres candidats, le député sortant de la majorité présidentielle Denis Masseglia (qui l'avait battu en 2017 et 2022), arrivé en tête au premier tour avec 33,7% et la candidate insoumise France Moreau, en troisième position avec 21,3%, se sont tous les deux maintenus, croyant avoir affaire à duel Ensemble vs FI (le quatrième candidat, Jacquelin Ligot, de LR, avec seulement 10,2%, n'a pas pu se qualifier pour le second tour). Mais le suppléant de Gilles Bourdouleix a quand même déposé discrètement leur candidature au second tour à la préfecture à la dernière heure avant les 18 heures fatidiques. Résultat, il a manœuvré pour rester dans une configuration de triangulaire qui pourrait l'avantager. Il faut se rappeler que Gilles Bourdouleix, successeur du sénateur Maurice Ligot (dont il était le directeur de cabinet) à la mairie de Cholet, était aussi le député de la circonscription de 2002 à 2017 et qu'il a appartenu successivement au PPDF (parti giscardien d'Hervé de Charette), à l'UDF, à l'UMP, à l'UDI, à LR, et maintenant au RN-ciottiste, et il a même présidé le CNIP de 2009 à 2015 (résidu non giscardien du parti d'Antoine Pinay). Bref, le RN semble finalement bien connaître des recettes de cuisine électorale, bien mieux que ses adversaires, qu'il dénonce pourtant avec véhémence !

    Ce qui est plus étrange, c'est que certains éditorialistes reprennent cette petite musique très populiste de la supposée magouille des désistements alors qu'il n'y a aucune magouille, au contraire, cela clarifie le jeu. Ces éditorialistes (que je ne citerais pas mais dont certains étaient pourtant, anciennement, les cibles privilégiés du RN) seraient-ils en train de préparer une reconversion idéologique pour se retrouver à l'aise dans un supposé nouveau régime ?

    Car c'est bien cela l'enjeu : quand on donne le pouvoir à l'extrême droite, on ne sait jamais quand on pourra le reprendre. Toujours l'histoire du loup et des moutons. Il y a un côté irréversible qui pourrait angoisser tous les passionnés de Jankélévitch. Dans les pays illibéraux (un terme très mal assorti), la liberté de la presse, des médias, les contre-pouvoirs, la justice, beaucoup d'institutions sont attaquées par le pouvoir en place avec ce risque du point de non-retour.

    La consigne du front républicain, à savoir celle par exemple (il n'est pas le seul) de Gabriel Attal : pas une seule voix à un candidat du RN, est malheureusement le résultat d'un profond aveuglément, mais je la soutiens car je ne vois pas quoi faire d'autre. L'aveuglément, c'est qu'une grande partie de la population, de celle qui vote RN (10,6 millions dimanche dernier) ne croit pas que le RN est un parti d'extrême droite mais simplement un parti de droite comme les autres. Pour eux, Emmanuel Macron est un dangereux gauchiste, ce qui en fait le gauchiste le plus détesté des gauchistes, si l'on en juge par le jugement de l'extrême gauche qui considère qu'Emmanuel Macron est un dangereux homme de droite vendu aux sales capitalistes apatrides... Si on était dans les années 1970, on dirait d'Emmanuel Macron : ni Pinochet, ni Brejnev ! Et le peuple a compris : et Pinochet, et Brejnev !

    Que peut penser de ce front républicain un ancien électeur modéré qui vote aujourd'hui pour le RN en pensant que c'est un parti de simple droite et en croyant les discours démagogiques et aseptisés de ses quelques porte-parole ? Que c'est une opération qui tendrait à prouver que tous ceux qui ne sont pas du RN sont de gauche. Dans une logique manichéenne du vieux retour du clivage gauche/droite.


    Pourtant, les déclarations de Marine Le Pen pour préparer le terrain d'une cohabitation affrontement ont de quoi inquiéter : avant le premier tour, elle évoquait le chef de l'État qui serait « chef des armées à titre honorifique » ! Et maintenant, ce mardi, elle évoquait un « coup d'État administratif » alors qu'il y a chaque semaine au conseil des ministres des nominations à des emplois publics (c'est classique), et parler de "coup d'État" (qui est très fort) alors que c'est la loi et la Constitution qui l'imposent, c'est avant-coureur d'un véritable déni de démocratie et de déni de Constitution.

    Pourtant aussi, les échappées solitaires qui font polémiques parmi de candidats RN mal étudiés, mal investis, ne sont pas des exceptions. Ceux qui risquent de venir occuper (et j'emploie à dessein ce verbe) les bancs de l'hémicycle ne sont pas tous de gentils démocrates la main sur le cœur (on parlait de monopole du cœur). Je propose d'aller lire le coup de gueule d'un élu local de l'Essonne, Christian Schoettl, maire de Janvry, petite ville mais ambition folle, allez visiter son marché de Noël (plusieurs dizaines de milliers de visiteurs !), allez participer au salon mondial du chameau (et du dromadaire) avec des invités internationaux de prestige, allez profiter du bar de la plage (même s'il n'y a pas de mer, il n'y a pas que Paris Plage, qui a ouvert ses portes samedi dernier), pour vous rendre compte de ce qu'un élu local est capable de faire avec peu de moyens mais une détermination folle. Cet élu détestait la députée de sa circonscription par son absence sur le terrain, mais il demande aujourd'hui de ne pas trembler ni hésiter à voter pour elle car en face, il y a un candidat du RN qui a vite effacé ses écrits particulièrement puants publiés dans un blog, mais le maire en avait gardé des traces.


    J'y mets un extrait de son billet : « Alors voilà les propos du candidat Rassemblement national, vous noterez que, s'il a tout supprimé, c'est qu'il a, au fond de sa conscience, l'idée que ses idées qu'il défend avec sa plume ne lui vaudront pas que des voix, qu'il faut travestir et avancer masqué.
    "de nos aïeux Francs et Aryens". "Les descendants des Aryens, eux possèdent un génie pour le courage", écrit Jérôme Carbriand, en janvier 2014.
    "On comprend aisément pourquoi aujourd’hui les représentants de la communauté juive (…) s’emploient à appliquer à l’humanité tout entière leur mode de vie nomade."
    "Quant aux 'pédérastes' (dixit le candidat), l’homosexualité est une forme de pathologie, l’homosexuel cherche souvent à imiter la femme, il n’est pas excessivement courageux, se laisse corrompre par tout ce qui est propre à son monde, par le matérialisme et la débauche, sa féminisation venant du fait qu’il s’identifie à sa mère."
    Cet individu [le candidat RN en question] a eu le culot de m'appeler ce matin pour s'expliquer...
    Il commence par me demander si j'ai lu son "droit de réponse".
    Je lui demande : "Monsieur, je veux savoir si vous avez écrit oui ou non cela ?"
    Il me réponds : "Mais c'est au milieu de 15 articles".
    "Avez-vous écrit cela, oui ou non ?"
    "Mais cela a été sorti du contexte" (vous imaginez le contexte qui permettrait de justifier ce vomi).
    À la quatrième ou cinquième interrogation, il finit par dire "oui".
    Du coup, j'ai raccroché en lui disant que je n'avais plus rien à lui dire.
    Il faut vraiment que personne ne nous dise "je ne savais pas", "ils ont changé", "il faut bien essayer".
    Maintenant chacun sait.
    Ils n'ont pas changé.
    Quant à "essayer", cela s'est déjà fait à Vichy.
    Cela s'est vu quand ils cherchaient à assassiner le Général De Gaulle.

    Cela s'est vu lors de leur participation aux festivités néo-nazies en Autriche (ah les bals de Vienne auxquels participait Marine Le Pen au milieu des néo-nazis autrichiens le jour anniversaire de l'Holocauste)... ».

    "Le Monde" a fait son dernier décompte à la limite du dépôt des candidatures du second tour ce mardi 2 juillet 2024 à 18 heures. Au départ, il y avait le 30 juin 2024 au soir la possibilité de 306 triangulaires et 5 quadrangulaires. Selon le quotidien du soir, qui s'est basé sur les déclarations des personnes concernées (il restera à ce que ce soit confirmé par la publication des candidatures le 3 juillet 2024), 218 candidats de triangulaire se sont désistés, dont 131 issus de la gauche et extrême gauche, 82 de la majorité présidentielle (Ensemble pour la République), 2 de LR et 2 du RN (même des candidats du RN se désistent ! C'est dire s'ils croient à leurs déclarations sur la supposée cuisine électorale qu'ils prétendent fustiger).


    Ces désistements ne réduiront peut-être pas la victoire annoncée du RN puisqu'en 2022, le RN avait gagné 89 sièges dans des duels, montrant ainsi qu'il avait fait éclater le plafond de verre. En anticipant à longueur de journée la victoire du RN, avec les nouveaux Évangiles que sont les sacro-saints sondages, les médias se trouvent finalement être beaucoup plus complices, de fait, de la montée du RN que la classe politique elle-même. Étonnant, non ?


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    (Les trois illustrations ont été diffusées sur Twitter, d'auteurs inconnus).

    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240702-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-15-les-promesses-255560

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/02/article-sr-20240702-legislatives.html