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  • Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle

    « Je dis aux Français qui nous regardent ou qui nous écoutent que la censure aurait de lourdes conséquences. (…) Chers collègues du nouveau front populaire et du Rassemblement national, si vous votez la censure, vous aurez fait entre vous un trait d’union qui s’appelle le renoncement national. Vous êtes le renoncement national ! Pour nous, les députés démocrates, lorsque l’essentiel est en jeu, peu importe les manœuvres politiciennes, peu importe les marchés financiers : seul compte l’avenir du pays. » (Philippe Vigier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    On l'oublie un peu trop vite car les médias se penchent surtout sur les personnes et le "jeu", qui revient un peu trop souvent, de qui sera Premier Ministre, quel sera le nouveau gouvernement. Mais à la différence du 5 octobre 1962, la motion de censure qui a été adoptée le mercredi 4 décembre 2024 par la collusion de l'extrême droite et de l'extrême gauche n'a pas eu seulement pour effet de renverser le gouvernement : c'est la première fois dans l'histoire politique de la France que cette motion de censure faisait suite à l'application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce qui signifie aussi le rejet du texte associé, qui, ici, était le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et, par voie aussi de conséquence, en l'absence de gouvernement, le projet de loi de finances pour 2025. Or, le rejet de ces textes budgétaires est une catastrophe économique et sociale pour les Français.

    Ce qui est rigoureusement stupide, c'est que, aux yeux du RN comme de cette gauche irresponsable et cynique, la loi de finances pour 2024, adoptée l'an dernier sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était beaucoup plus antisociale etc. et pourtant, avec la censure, c'est bien ce budget 2024 qui sera reconduit automatiquement pour l'année 2025 (si la loi spéciale est adoptée avant le 19 décembre 2024). C'est cela qui est absolument grotesque et paradoxal et montre que le RN ainsi que la nouvelle farce populaire (NFP) ne se soucient pas du tout du bien-être des Français, car, je le répète, beaucoup de mesures en faveur des Français étaient consignées dans les projets de lois de finances rejetés.

    Ce rappel préventif, avant le vote de la motion de censure, par certains députés et certains ministres, n'aura pas suffi à faire renoncer à ce chaos voulu par les extrémismes auquel le parti socialiste a accepté en toute conscience (et inconscience de leur rôle de parti gouvernemental) de s'associer.

    D'ailleurs, les premiers concernés par cet impact économique, ce sont les agriculteurs. Ceux-ci ont muré les permanences de certains députés, notamment François Hollande, qui avaient voté ou allaient voter la censure. Bien que fréquemment protestataires, les agriculteurs ont bien compris que l'instabilité gouvernementale ne les aidait pas. Ils ont compris que les mesures dûment négociées avec le gouvernement ne se retrouveraient pas rapidement dans leur concrétisation avec cette motion de censure et que la France serait en situation politiquement si faible qu'elle ne pourrait pas efficacement s'opposer à l'accord commercial entre l'Union Européenne et le Mercosur. Protestataires, mais favorables au maintien du gouvernement, quel qu'il soit ! Car sans gouvernement, aucune avancée possible. Plus généralement, les Français ne sont pas dupes des postures politiciennes motivées par les seuls intérêts partisans, sans s'occuper de la réalité quotidienne des Français.

    Trois interventions en séance publique à l'Assemblée Nationale, entre autres, ont bien énuméré les catastrophes à venir à la suite de l'adoption de la motion de censure. Elles proviennent de la séance du mercredi 4 décembre 2024, l'une est une "question" d'un député du MoDem, la seconde la réponse d'un ministre à cette "question", et enfin, la troisième est l'intervention remarquée d'un chef de groupe au cours de l'examen des motions de censure. Rappelons que cette séance publique est la dernière de l'Assemblée Nationale puisque les travaux en séances publiques dans les deux chambres du Parlement sont interrompus tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas nommé. En revanche, les missions et commissions parlementaires continuent leurs travaux.


    Le premier intervenant que je veux évoquer est Philippe Vigier (66 ans), député MoDem, ancien Ministre délégué chargé des Outre-mer du 20 juillet 2023 au 11 janvier 2024 dans le gouvernement d'Élisabeth Borne. Biologiste et docteur en pharmacie, toujours bien réélu député d'Eure-et-Loir (la quatrième circonscription, celle de Châteaudun) depuis juin 2007, il a été président du groupe UDI d'avril 2014 à juin 2017 puis du groupe Libertés et Territoires d'octobre 2018 à septembre 2020, et il a tenté de conquérir la présidence du conseil régional du Centre-Val de Loire en décembre 2015, sans succès à cause d'une triangulaire avec la liste FN.

     
     


    Son intervention dans la petite séance de questions au gouvernement, l'ultime pour Michel Barnier, n'était pas vraiment une question (comme souvent quand les députés font de la politique). Elle avait surtout pour but de lister les conséquences désastreuses d'une censure à court terme sur la vie concrète des Français, et de montrer que la collusion des irresponsables et des cyniques ne se préoccupait pas de leur vie quotidienne.

    Ainsi, Philippe Vigier y est allé clairement : « Voter la censure, c’est renoncer à 7 milliards d’euros supplémentaires pour les hôpitaux et à un meilleur accès aux soins partout. Voter la censure, c’est renoncer à 2 milliards d’euros pour les EHPAD et à la revalorisation des soignants. Voter la censure, c’est renoncer à de nouveaux moyens de lutte contre la fraude sociale. Vous prétendez y être attachés, mais c’est faux. Voter la censure, c’est renoncer à l’accès direct et sans ordonnance au dispositif Mon soutien psy alors que la santé mentale est une priorité. Voter la censure, c’est renoncer à la réforme de la taxe soda, le meilleur outil de prévention du diabète et des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. Voter la censure, c’est renoncer au cumul emploi-retraite pour les médecins dont on a tant besoin dans les déserts médicaux. Voter la censure, c’est renoncer à la revalorisation des petites retraites agricoles. Voter la censure, c’est renoncer au déploiement des soins palliatifs dans les départements où il n’y en a pas. ». Évidemment, les députés populistes ont réagi avec leur mauvaise humeur à cette intervention certes polémique mais qui dit pourtant la vérité.

     

     
     


    Pour la forme, il a formulé quand même sa question au Premier Ministre : « Monsieur le Premier Ministre, comment convaincre nos collègues de renoncer à l’irresponsabilité tant qu’il est encore temps ? ».

    Refusant d'intervenir à ce moment des questions, préférant se réserver pour l'examen des motions de censure, Michel Barnier a laissé son Ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin répondre, avec la même tonalité : « Merci pour cette intervention qui liste nombre d’éléments dont nos concitoyens seraient privés si la censure était adoptée dans quelques heures. ».

    Et d'embrayer sur les agriculteurs, puis d'autres catégories de travailleurs actifs : « Qui a dit : "Pour que le monde agricole obtienne les promesses qui lui ont été faites, il a besoin d’un budget" ? Non, c’est le président de la FNSEA ! Qui a dit : "Ce qu’on attend du politique est qu’il réduise l’incertitude. Avec la censure, c’est le noir complet" ? Un représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Qui a alerté : "Attention ! 40 000 emplois vont être supprimés avant la fin de l’année" ? Le président de la Fédération française du bâtiment. ».

     
     


    Par ailleurs, en raison de l'inflation et de l'effet des seuils, le projet de loi de finances pour 2025 proposait de relever ceux de 2024 en les indexant à l'inflation. Avec le rejet du texte, ce sont les seuils de 2024 qui sont gardés : « Je vous épargne, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, le langage fleuri tenu ce matin par un de vos électeurs qui serait pénalisé par votre action. Les impôts augmenteraient si la censure était votée. Cessez de dire que c’est un mensonge ! En cas de censure, vous le savez, 400 000 Français deviendront imposables et 18 millions verront leurs impôts augmenter. Mesdames et messieurs les députés, réfléchissez bien ! Si vous ne le faites pas pour le gouvernement, faites-le pour ceux dont je viens de parler, faites-le pour les représentants des PME, faites-le pour les agriculteurs, faites-le pour les Français ! ». D'après les estimations, ce seraient 3 milliards d'euros supplémentaires qui s'imposeraient aux Français sur leurs revenus.

    Un peu plus tard dans l'après-midi de ce mercredi 4 décembre 2024, pour expliquer pourquoi il ne voterait pas la censure du gouvernement Barnier, le président du groupe LR à l'Assemblée Laurent Wauquiez a rappelé, à sa manière, les conséquences économiques et sociales désastreuses que provoquerait la censure : « Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. Il y a une chose qu’on ne peut pas accepter ici. On ne peut pas accepter que vous expliquiez, comme vous l’avez fait ces derniers jours, que la motion de censure ce n’est pas grave. On ne peut pas expliquer avec la légèreté qui est la vôtre que la censure n’aura pas de conséquences. On ne peut pas mentir aux Français, en disant qu’il n’y aura pas de conséquences. Il y aura des conséquences, qui seront payées par les Français et ceux qui se livrent au jeu minable d’aujourd’hui devront leur rendre des comptes. ».
     

     
     


    Lui aussi avait sa liste des conséquences néfastes, en commençant par les contribuables les plus précaires : « La censure, ce que vous appelez "bullshit", ce sera l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 18 millions de Français. Ils paieront ce prétendu "bullshit" que les députés du RN balaient d’un revers de main ! Ce sont 400 000 travailleurs qui deviendront imposables, mais qui sont le cadet des soucis des députés du groupe Rassemblement national ! Voilà la manière dont ils défendent la France qui travaille ! Une fois encore, madame Le Pen, ce sont les Français qui paieront les conséquences de votre légèreté et de votre irresponsabilité ! ».

    Et de poursuivre : « La censure, c’est la fin des aides d’urgence aux agriculteurs, la fin de tout ce que vous avez cherché à construire ces dernières semaines, madame Genevard, c’est la fin des allègements de charges, la fin des exonérations de taxes et la fin de la revalorisation de leurs retraites, eux qui travaillent dur mais touchent des pensions misérables. Il est facile d’aller sur les ronds-points pour prétendre flatter les agriculteurs, puis de les abandonner une fois dans l’hémicycle ! La censure, c’est la fin du plan d’urgence pour sauver les maisons de retraite de la faillite. La censure, c’est l’abandon du cumul emploi-retraite, qui permettrait de lutter contre la désertification médicale. La censure, et je vois bien que cela vous gêne, c’est renoncer à l’augmentation des effectifs de gendarmes, de policiers et de magistrats, si indispensable quand la sécurité doit être notre priorité. La censure, c’est porter un coup d’arrêt à la loi de programmation militaire, alors même que l’Europe est menacée à ses frontières. La censure, c’est la dette qui va continuer à filer, alors même que la France, avec le désordre que vous avez conjointement créé, est désormais moins crédible que la Grèce sur les marchés financiers. On lui impose 1 point de taux d’intérêt supplémentaire et ce sont les Français qui paieront l’addition. C’est 30 milliards d’euros de dette supplémentaire et d’intérêts dans les années qui viennent, c’est trois fois le budget de la justice ! ».

    Sa liste s'allongeait : « La censure, visiblement ça vous gêne encore, c’est l’aggravation de la crise immobilière. C’est la fin du prêt à taux zéro, au moment même où le marché de l’immobilier s’effondre, ce qui met en péril nos artisans et nos entreprises. La censure, c’est l’incertitude économique pour tous ceux qui prennent des risques. C’est l’incertitude pour les entreprises, c’est l’incertitude pour les PME, c’est l’incertitude pour les commerçants, c’est l’incertitude pour les artisans, c’est l’incertitude pour les professions libérales. Vous n’en avez même pas dit un mot, madame Le Pen ! Cette incertitude, c’est celle des Français qui vont hésiter à consommer demain. Je prends d’ailleurs date aujourd’hui : par votre irresponsabilité, vous enfoncerez la France dans une crise économique et financière et vous en porterez la responsabilité aux yeux des Français, qui se souviendront de ceux qui ont allumé la mèche. Un pays a besoin de stabilité. Il a besoin de stabilité, il a besoin d’un budget, il a besoin d’un gouvernement. ».

    L'intervention de Laurent Wauquiez était d'une certaine hauteur de vue, car il a voulu ramener l'enjeu sur l'intérêt général de la France. Il s'est notamment beaucoup inquiété de la perte de stabilité institutionnelle avec la censure : « Rien n’est pire, pour une économie, que l’incertitude. La censure, et c’est sans doute le plus grave, c’est faire perdre à notre pays son dernier atout. La France pouvait au moins compter sur la stabilité de ses institutions, mais vous vous délectez d’une plongée dans l’instabilité. Voilà l’image que vous donnez. La stabilité de nos institutions, c’est ce qui nous a toujours protégés, si bien que même dans les crises les plus graves, notre pays demeurait gouvernable. Alors que nous dansons au-dessus d’un volcan, vous nous proposez de faire un pas de plus en direction de l’instabilité institutionnelle qui a accéléré l’agonie de la IVe République. Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’instabilité gouvernementale. Vous réveillez les vieux démons qui viennent de l’extrême gauche de la politique française, ceux de l’impuissance, de l’instabilité ministérielle et de l’incertitude économique. Si encore vous aviez des solutions ! Vous proposez le blocage sans solutions. ».

    Pris au vif par les piques de Marine Le Pen, Laurent Wauquiez n'a pas manqué de condamner la posture de celle-ci : « Que vous le vouliez ou non, il ne peut pas y avoir de nouvelles élections législatives avant l’été : c’est ça, la vérité. Pendant que se jouait cette comédie d’une insoutenable légèreté, qu’avons-nous entendu ? "Vous ne nous avez pas traités avec suffisamment d’égards", voilà ce que nous avons entendu. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que vous vous apprêtez à jouer avec le destin de la France, que vous vous apprêtez à faire tomber un gouvernement parce qu’on ne vous aurait pas traités avec suffisamment d’égards ? Est-ce vraiment cela, être à la hauteur des enjeux ? Est-ce bien l’image que vous voulez offrir ? ».

    Et de tacler tous les démagogues : « Je n’oublie rien de la responsabilité de la France insoumise. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui veulent autoriser l’apologie du terrorisme. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui entretiennent une complaisance détestable avec l’antisémitisme et je n’oublie rien du danger de ceux qui ont trahi Jaurès et Clemenceau. ».

    La responsabilité du RN a été fermement pointée du doigt (même si, à mon sens, Laurent Wauquiez a oublié la responsabilité du PS dans cette affaire) : « Toutefois, la réalité c’est que sans vos voix, madame Le Pen, la France insoumise ne pourrait rien. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les policiers d’assassins. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les terroristes de résistants. Honnêtement, la dignité devrait vous imposer un autre comportement. Quand on lit le texte de la motion de censure, on comprend toute l’hypocrisie de son soutien : il dénonce les plus viles obsessions de l’extrême droite et vous le voteriez ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas revenir sur l’aide médicale d’État ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas de loi plus ferme au sujet de l’immigration ? Voilà, madame Le Pen, ce que vous allez faire, voilà à quelles incohérences en sont réduits, dans cet hémicycle, les semeurs de chaos. ».

     

     
     


    Il faut vraiment noter que toute l'intervention de Laurent Wauquiez relevait d'une certaine déception à l'égard du RN, comme s'il avait pu compter sur ce parti extrémiste pour servir l'intérêt national (à l'instar d'un autre qui s'est complètement fourvoyé, Éric Ciotti) : « Dans un parcours politique, il y a toujours un moment de vérité. Il y a des moments où on ne peut pas duper, esquiver ou feindre. Des moments où il faut choisir entre un intérêt personnel, madame Le Pen, et l’intérêt du pays. Des moments où il faut choisir entre son intérêt partisan et le sens de l’État. Madame Le Pen, je n’ai jamais été de ceux qui vous diabolisaient. Je n’ai jamais été de ceux qui vous donnaient des leçons de morale. Je vous le dis donc avec d’autant plus de force aujourd’hui : les Français jugeront sévèrement le choix que vous vous apprêtez à faire. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendent redresser le pays et choisissent le désordre. Les Français jugeront sévèrement ceux qui voulaient se montrer responsables, mais font finalement le choix de l’irresponsabilité. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendaient incarner l’ordre et choisissent aujourd’hui le chaos. Emmanuel Macron porte peut-être seul la responsabilité de la dissolution mais vous porterez, avec la France insoumise, la responsabilité de la censure qui plongera le pays dans l’instabilité. Je vous le dis donc une dernière fois : ressaisissez-vous ! Ressaisissez-vous, il en est encore temps ! Ressaisissez-vous et changez votre choix ! Ressaisissez-vous, parce que sinon, nous nous souviendrons longtemps de ce jour désolant. Nous nous souviendrons longtemps, madame Le Pen, qu’une alliance des contraires, portée par le cynisme, a plongé notre pays dans l’instabilité. Ressaisissez-vous, parce qu’il est toujours temps de faire le choix de la France ! ».

    Au final, malgré l'avertissement toutes ces conséquences connues par les censeurs irresponsables et cyniques, sourds à l'intérêt populaire et aux arguments rationnels de leurs collègues, la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier a été adoptée par une majorité de l'Assemblée, entraînant le rejet des textes budgétaires, la démission du gouvernement, une nouvelle période d'incertitude à la fois institutionnelle, politique, sociale, économique et financière. Les Français, dans leur bon sens, seront très sévères envers ces oiseaux de malheur qui ne cherchent qu'à détruire la France, diviser le peuple et semer la haine et la désolation dans tout le pays.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier.
    Laurent Wauquiez.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-wauquiez.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/09/article-sr-20241204-wauquiez.html



     

  • La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !

    « Malgré des années d’efforts pour tenter de faire croire aux Français que vous seriez responsables, prêts à gouverner, ce que nous confirme le moment que nous vivons, c’est que tout cela n’était que du vent. Chassez le naturel, il revient au chaos ! » (Gabriel Attal, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    La journée parlementaire du mercredi 4 décembre 2024 a été historique en ce sens qu'elle a conclu par l'adoption d'une motion de censure pour la seconde fois de toute l'histoire de la Cinquième République. Une motion de censure qui a rassemblé les votes à la fois de l'extrême gauche de la nouvelle farce populaire (NFP) et de l'extrême droite qui se voulait pourtant constructive. Revenons à la teneur du débat parlementaire et des discours des principaux orateurs.

    À l'évidence, le président du groupe EPR à l'Assemblée, Gabriel Attal, a été le plus percutant, prenant date pour l'avenir, pour pourfendre à la fois l'hypocrisie de l'extrême droite et le cynisme d'une certaine gauche. Il était l'avant-dernier orateur avant la réponse du Premier Ministre.

    Contre le RN, Gabriel Attal a attaqué très fortement la stratégie du chaos du RN : « Quel Français pourra se dire que grâce à la chute du gouvernement et à l’instabilité que cela provoquera, son quotidien s’améliorera ? Aucun ! La vérité, c’est que l’adoption de cette motion de censure ne ferait que des perdants, au premier rang desquels les plus modestes, les classes moyennes, les travailleurs. Parce que quand la crise frappe, quand l’instabilité s’installe, quand le chaos rôde, ce sont toujours ceux qui triment qui payent les pots cassés. Mais le Rassemblement national s’en moque. (…) Oui, les députés lepénistes mentent quand ils font croire aux Français que c’est pour les défendre, eux, et défendre leur pouvoir d’achat qu’ils votent la motion de censure. Il n’en est rien ! Les députés lepénistes mentent quand ils tentent de faire croire que le chaos qu’ils sèment ne serait pas de leur faute. Je crois que vous le sentez déjà : pour vous faire du bien, vous faites mal au pays et mal aux Français. Je crois que vous êtes déjà en train de sentir que les Français sont inquiets de cette censure annoncée. Vous sentez qu’ils aspirent à la stabilité et à la sérénité. Vous sentez déjà que vous faites une erreur devant l’histoire. Mais vous ne pouvez pas vous en empêcher, c’est plus fort que vous, c’est votre nature. Alors vous cherchez à rejeter sur d’autres la responsabilité que vous prenez, seuls, de faire tomber le gouvernement de la France. Auriez-vous déjà la censure honteuse ? Est-ce pour cela que matin, midi et soir, vous courez les plateaux de télévision pour vous évertuer à faire croire que vous ne seriez pas les responsables et que même si les quatre groupes du socle commun soutiennent le gouvernement, qu’il n’a jamais été question pour aucun d’entre nous d’appuyer sur le bouton de la censure, le coupable serait le socle commun. Pas un Français ne croit à ce mensonge, pas un ! La politique, c’est prendre des décisions et surtout, je crois, les assumer. Alors, mesdames, messieurs les députés lepénistes, assumez votre décision, assumez le désordre, assumez l’alliance avec LFI, assumez l’instabilité, assumez l’affaiblissement de la France, assumez votre irresponsabilité ! Madame Le Pen, je vous ai écoutée attentivement dans votre tentative désespérée de vous exonérer de vos responsabilités. ».


    Gabriel Attal a commencé son intervention par une citation de Tocqueville : « Il y a tant à dire sur l’alliance entre LFI et le RN qui est en train de se nouer, conformément à l’analyse de Tocqueville qui écrivait qu’ "en politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés". Il y a vraiment tant à dire, mais je crois que l’essentiel pourrait tenir en une phrase : nous en sommes au point où les Français n’écoutent plus les politiques. En effet, tout cela tourne désormais à vide, la politique française est malade et nous venons d’avoir la confirmation dans les interventions précédentes que ce n’est ni à l’extrême gauche ni à l’extrême droite que les Français pourront trouver l’antidote. (…) Il semble aujourd’hui que l’extrême droite et l’extrême gauche aient décidé de baisser ensemble le pouce, comme naguère à Rome lorsqu’il fallait condamner un gladiateur après le combat. (…) Dans le camp du désordre, le Rassemblement national n’est pas seul, il le partage avec l’extrême gauche qui y a déjà ses habitudes. Motion de censure après motion de censure, outrance après outrance, hurlement après hurlement, l’alliance de la gauche emmenée par Jean-Luc Mélenchon ne poursuit qu’un seul projet : tout piétiner, tout gâcher et tout taxer. ».

    Et l'ancien Premier Ministre s'est adressé tout particulièrement aux socialistes pour en appeler à leur sens des responsabilités : « Je pense à ceux qui, il y a sept ans à peine, gouvernaient encore la France, ceux qui comptent dans leurs rangs des élus sincères, convaincus que la laïcité n’est pas un gros mot, que la compétitivité est nécessaire et que la stabilité est indispensable, ceux qui, depuis le congrès d’Épinay, unissaient la gauche autour de leurs valeurs et ne se soumettaient pas comme aujourd’hui à celles de l’extrême gauche. À ceux-là, nous disons qu’on peut s’opposer sans tout gâcher, qu’on peut s’opposer sans censurer… Affranchissez-vous ! Nous préférons voir le courage de ces quelques députés de gauche qui ont fait preuve d’indépendance en refusant de signer et d’apporter leurs voix à la motion de censure signée par Jean-Luc Mélenchon. Nous préférons voir qu’au sein de la gauche et des députés indépendants, des voix responsables se sont élevées pour dénoncer la politique du pire (…). Nous préférons porter l’espoir qu’un jour (…), la gauche républicaine, la gauche de gouvernement, celle qui a eu l’honneur par deux fois de donner un Président à la France, se ressaisisse et se mette autour de la table avec nous pour, enfin, agir vraiment pour les Français. ».

    Prenant un exemple parmi d'autres : « Chers collègues socialistes, au début de la séance, M. Mélenchon était dans les tribunes pour assister à nos débats. Il a écouté religieusement l’orateur de la France insoumise et Mme Le Pen, puis il s’est levé et est parti au moment même où Boris Vallaud prenait la parole. Il la respecte plus qu’il ne vous respecte ! Que faites-vous encore avec son parti ? ».


    Le premier orateur était Éric Coquerel pour défendre la première motion de censure déposée par l'extrême gauche. Il a basé tout son discours sur la supposée « illégitimité » du Premier Ministre, oubliant en cela la Constitution (quand ça l'arrange) et en attaquant sévèrement le gouvernement : « Vous avez montré que les seuls compromis que vous étiez prêt à admettre étaient ceux que vous négociez avec vous-même. Vous n’avez pas esquissé le moindre mouvement en faveur des amendements adoptés dans cette chambre. Vous ne l’avez fait ni pour le budget de la sécurité sociale, alors que nous réglions une grande partie des déficits des comptes sociaux, par exemple en instaurant des cotisations sur les dividendes, ni pour celui de l’État, alors que nous avions trouvé 56 milliards d’euros en revenant sur les cadeaux fiscaux éhontés faits aux ultrariches et aux très grandes entreprises depuis 2017. Or ces recettes supplémentaires permettaient d’éviter d’augmenter les taxes sur l’électricité ou de diminuer le pouvoir d’achat des actifs et des retraités. Elles permettaient aussi de maintenir le déficit sous les 3% du PIB, ce qui laissait une plus grande latitude pour investir dans l’écologie, l’éducation et la santé. ».

    Le plus cocasse, c'était de pourfendre une prétendue collusion avec le RN alors que c'est le NFP lui-même qui allait mêler sa voix avec celle du RN : « Vous avez finalement tenté des compromis, mais avec l’extrême droite. Vous avez privilégié le Rassemblement national en violation du barrage républicain qui a rassemblé une majorité de voix en juillet dernier, alors que vous auriez dû au moins vous en faire le garant. Cette compromission n’empêchera pas votre chute. Vous chuterez de surcroît dans le déshonneur puisque vous étiez prêt à remettre en question l’aide médicale de l’État (AME). Jusqu’au bout, vous ou vos ministres, comme M. Retailleau hier lors de la séance de questions au gouvernement, avez invoqué des valeurs communes avec l’extrême droite afin d’éviter que ses députés ne votent la censure. En aspirant à un front réactionnaire, vous insultez tous les électeurs qui, pour maintenir le barrage, ont permis à vos maigres soutiens de conserver leur siège dans cette chambre. ».

    Le président insoumis de la commission des finances a même proposé sa solution en réclamant la démission du Président de la République, en violation complète avec la Constitution : « Il existe une meilleure solution, qui respecterait le suffrage universel : nommer un gouvernement nouveau front populaire, qui pourrait avantageusement amender le budget de retour le 18 décembre à l’Assemblée. Il pourrait reprendre tous les amendements qui avaient su trouver une majorité ici même ; il lui resterait alors deux semaines pour essayer de faire passer la partie recette avant fin décembre, comme la loi l’y oblige. Mais il semble que le chef de l’État ne veuille toujours pas de cette solution qui contredit les fondements de sa politique au service de la finance. Voilà pourquoi se posera à nouveau et rapidement la question de la sortie de cette impasse. Cette sortie de crise passera par le suffrage populaire. Elle ne pourra attendre juillet et doit concerner le responsable de tout ce chaos, j’ai nommé le Président de la République. Aujourd’hui nous votons la censure de votre gouvernement mais, plus que tout, nous sonnons le glas d’un mandat : celui du Président. Collègues, notre main n’a pas à trembler. Je vous invite à censurer ce gouvernement. En ce jour, ouvrons un avenir, la promesse d’une aube après le crépuscule. ».


    La deuxième oratrice était Marine Le Pen pour défendre sa propre motion de censure (qui n'a finalement pas été mise aux voix, en raison de l'adoption de la première). Les critiques contre le gouvernement ont plu d'une manière tellement excessive que cela en devenait insignifiant : « Monsieur le Premier Ministre, vous avez fait le choix de prolonger l’hiver technocratique dans lequel est plongée la France depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 : déconnexion des attentes démocratiques, verticalité des décisions, refus des consultations et des compromis, non-respect en somme de la volonté du peuple français en matière migratoire, sécuritaire ou fiscale, ou en matière de construction européenne, et cela malgré les résultats sans appel des élections de juin et juillet dernier. ».

    L'ancienne présidente du RN a notamment fustigé les 3 300 milliards d'euros de dette pour charger le Président de la République (sur ce sujet, je reparlerai prochainement de la dette et de son augmentation pas si différente que cela du passé), et en ponctuant : « La facture est invariablement présentée aux Français, sommés d’éponger ces errements. ». Elle a oublié de préciser que si l'État est si endetté, c'est bien parce que l'État dépense beaucoup plus qu'il ne gagne, et à qui cela profite ? À tous les Français. Le vrai scandale, il est générationnel : ce sont les Français du futur qui vont devoir payer le train de vie des Français d'aujourd'hui, mais dès qu'on touche au train de vie d'aujourd'hui, il y a refus et obstruction. Il faudrait être cohérent.


    Pourtant, Marine Le Pen en était consciente : « Depuis cinquante ans, la France a perdu le contrôle de ses finances publiques. Elle s’est rendue prisonnière de ces budgets qui obèrent désormais son avenir, celui de nos enfants et même de nos petits-enfants. Ils n’ont pas seulement découragé le travail mais la création de richesses ; pas seulement la volonté d’entreprendre mais la possibilité de le faire. Ce budget ne s’attaque pas seulement à la France, il prend en otage les Français, singulièrement les plus vulnérables : les retraités modestes, les personnes malades, les travailleurs pauvres, les Français considérés comme "trop riches" pour être aidés, mais pas assez pauvres pour échapper au matraquage fiscal. ».

    Et de poursuivre comme Louis de Funès dans "L'Avare" : « Ces Français qui, tous, se posent une unique question : "Où va l’argent ?" ». Où va l'argent ? Qu'elle était stupide, cette oratrice, de poser cette question alors que les réponses ont fusé dans l'hémicycle. François Cormier-Bouligeon (EPR) : « Et l'argent du Parlement Européen ? ». Erwan Balanant (MoDem) : « Dans les caisses du Rassemblement national ! ». Émilie Bonnivard (LR) : « Aux assistants parlementaires du Rassemblement national ! ». Marie Lebec (EPR) : « Dans vos poches ! ».

    Quant à la démission du Président de la République, l'hypocrisie au comble, Marine Le Pen l'a réclamée sans la réclamer : « Emmanuel Macron s’est attaqué, depuis sept ans, à tous les murs porteurs de l’État et de la nation ; il a terriblement affaibli la fonction présidentielle, clef de voûte de l’édifice institutionnel français. Parce que nos logiques constitutionnelles le commandent, en attendant que le peuple reprenne la parole et la main, c’est au chef de l’État, et à lui seul, qu’il appartiendrait de sortir le pays de cette pathétique ornière. Je le dis ici, j’ai trop de respect pour la fonction suprême, de déférence à l’égard de nos institutions, de révérence vis-à-vis du suffrage universel, pour participer à une quelconque entreprise, même parlementaire, de demande de destitution. Je laisse cela aux "che-guevaristes" de carnaval qui, sans nul doute, se reconnaîtront. C’est à l’intéressé lui-même de conclure, s’il est en mesure de rester ou pas. C’est à sa conscience de lui commander s’il peut sacrifier l’action publique et le sort de la France à son orgueil. C’est à sa raison de déterminer s’il peut ignorer l’évidence d’une défiance populaire massive que je crois définitive. S’il décide de rester, il sera contraint de constater qu’il est le Président d’une République qui n’est plus tout à fait, par sa faute, la Ve. ». C'était n'importe quoi (comme d'habitude) mais il fallait bien parler sur le sujet. Il faudrait juste rappeler à Marine Le Pen qu'elle avait réclamé la dissolution depuis plus d'un an et que c'est ce retour au peuple qui est dans l'essence de la Cinquième République, tandis qu'elle venait d'appeler cela le chaos. Il faudrait savoir.


     

     
     


    Hypocrisie aussi en votant la motion de censure de l'extrême gauche utilisée « comme un simple outil » ! L'ancienne candidat de l'extrême droite a fait aussi un contresens en condamnant le front républicain entre les deux tours des élections législatives : « Contrairement à ce que vous avez fait en juin dernier, nous ne les envisagerons jamais comme des alliés, car les Français n’auront pas oublié pas que, si tant de députés insoumis siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats macronistes et LR. Les Français n’oublieront pas non plus que, si tant de députés macronistes et DR siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats insoumis. N’est-ce pas, monsieur Wauquiez ? ». Eh non, les électeurs sont plus futés, et s'ils avaient voulu une majorité RN, ils auraient pu l'élire même avec cette configuration du front républicain. Le seul message clair d'ailleurs des électeurs, donné le 7 juillet 2024, c'était justement qu'il ne voulait pas que le RN gouvernât.

    En outre, cela a sans doute surpris Laurent Wauquiez d'avoir été ainsi interpellé et cela a dû le faire réfléchir sur le fait qu'entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, il n'y avait décidément pas photo pour choisir avec qui LR voudrait gouverner.

    Il s'est ainsi permis de lui répondre. En effet, Laurent Wauquiez, en évoquant la « coalition des contraires, celle de l'extrême gauche et de l'extrême droite » qui a fait tomber le premier gouvernement de Georges Pompidou en 1962, a embrayé sur 2024 : « Je me souviens encore des propos que j’entendais sur les bancs de la gauche lorsque j’évoquais cet événement [1962] il y a deux mois : ses députés assuraient qu’ils ne voteraient jamais avec le Rassemblement national. Je me souviens également des propos qui me parvenaient des rangs de votre groupe, madame Le Pen : vos députés affirmaient qu’ils ne voteraient jamais avec la France insoumise. Eh bien, nous y voilà : vous faites semblant de vous injurier les uns les autres, mais vous vous apprêtez à voter les uns avec les autres. Vous vous apprêtez à voter ensemble, pour faire tomber un gouvernement. Est-ce une surprise ? Je ne le crois pas ! ».

    Et de présenter l'enjeu ainsi : « Le choix que nous devons faire, chers collègues, est donc parfaitement clair. D’ailleurs, il n’y a pas trois options possibles, mais seulement deux : l’intérêt du pays ou l’intérêt des partis. Le choix de la responsabilité ou le choix du chaos, le choix de la solution ou le choix du désordre. (…) Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. ».


    Juste avant Laurent Wauquiez, le président du groupe socialiste a pris la parole. Boris Vallaud n'a pas manqué de culot en crachant ceci : « Monsieur le Premier Ministre, à aucun moment vous ne nous avez laissés améliorer ce projet, injuste et inefficace, qui fait payer les malades, qui appauvrit les retraités, qui fragilise l’hôpital et qui ne prépare pas le pays aux défis de la société du vieillissement. Vous nous avez empêchés d’aller au bout de l’examen du texte et vous êtes demeuré sourd aux modifications proposées en CMP [commission mixte paritaire]. Or nous n’avons jamais été dans le tout ou rien. À aucun moment, vous êtes entré en dialogue avec l’opposition de la gauche et des écologistes. Vous avez donné suite à aucune de nos propositions, que ce soit à l’occasion du débat parlementaire, que vous avez déserté, à la suite des courriers que nous vous avons adressés, ou encore lors de notre récente entrevue à Matignon, à votre initiative pourtant. ».

    Un peu plus tard, Michel Barnier lui a répondu très vertement en évoquant Georges Pompidou : « En 1962, lui aussi tombait, sous le coup d’une motion de censure. En ce qui me concerne, j’ai toujours admiré cet homme d’État, gardant le souvenir de ce qu’il recommandait dans son livre, "Le Nœud gordien" : il faut, en toutes circonstances, chercher à préserver "la morale de l’action", la morale du collectif. Monsieur le président Vallaud, lorsque, arrivant à l’hôtel Matignon, où je vous avais appelé au lendemain de ma nomination il y a moins de trois mois, vous m’indiquiez, avant que j’aie formé le gouvernement ou présenté son programme, avant même que j’aie ouvert la bouche, que vous voteriez la censure, où est la morale ? Où est l’action ? ».

    Soucieux d'être constructif (ce qui est rare dans cette Assemblée), Boris Vallaud a aussi proposé un pacte de non-censure : « Voilà notre accord de non-censure pour gouverner sans 49-3. Tous les présidents de groupe qui ont bénéficié du front républicain pourraient convenir d’un accord de méthode afin d’y parvenir. C’est une construction politique difficile, certes, mais la seule option raisonnable qui s’offre à nous. Le pouvoir n’est plus à l’Élysée. Il n’est plus à Matignon. Il est à l’Assemblée Nationale. À ceux qui, comme moi, croient au Parlement et qui espèrent un réveil démocratique, à ceux qui rêvent d’une VIe République, la voici ! Oui, nous pouvons changer de budget et de Premier Ministre ; oui, nous pouvons changer la vie. Nous pouvons trouver un chemin pour ce faire. Je crois dans le génie de la démocratie mais elle a besoin de démocrates sincères, de républicains ardents et de parlementaires adultes. ».

    Mais en écoutant mieux l'orateur socialiste, il a précisé quand même un préalable, que ce Premier Ministre soit de gauche, ce qui l'a disqualifié dans la recherche sincère d'une coalition : « Tous préfèrent l’action, même imparfaite, au verbe impuissant ; tous espèrent de la gauche un changement dans leurs vies. Un Premier Ministre de gauche, qui conduirait la politique de la nation, selon la volonté de changement des électeurs nous ayant fait confiance et une Assemblée qui chercherait des compromis et des majorités larges autour de quelques priorités répondant aux attentes urgentes des Français. ».

    Paradoxalement, alors qu'il allait mêler sa voix avec celle du RN pour renverser le gouvernement, Boris Vallaud donnait des leçons de morale à ses collègues du socle commun : «  Chers collègues du bloc central qui vociférez, je le dis avec gravité, cette censure est un appel au sursaut moral. La majorité de compromis que vous avez voulue s’est transformée en un sinistre gouvernement de connivence avec l’extrême droite. Vous la subissez et, désormais, elle vous achève. Pour tout républicain authentique, le prix à payer est devenu beaucoup trop élevé. Le choix qui s’offre à vous est simple. Préférez-vous négocier avec une gauche au pouvoir, que certains jugent imparfaite, mais avec laquelle la plupart d’entre vous partagent l’essentiel des combats républicains ou continuer de courber l’échine aux injonctions de Mme Le Pen ? Préférez-vous la laisse et le bâton du Rassemblement national ou la responsabilité républicaine, au prix de négociations parlementaires exigeantes ? ». La réponse est pourtant simple : tant que le PS est associé aux insoumis, aucun compromis ne sera possible puisque les mélenchonistes sont pour le chaos et la destruction de la République.

    Et oubliant qu'il n'était qu'un instrument de l'extrême droite et de l'extrême gauche, le pauvre dirigeant socialiste répétait comme un mantra : « Cette motion de censure n’est pas un outil de déstabilisation ou de chaos institutionnel. ». Un peu aussi comme dans "Mars Attacks !" de Tim Burton (sorti le 13 décembre 1996), quand un envahisseur lâchait comme un robot "nous venons en paix, nous venons en paix..." !

    Dernier orateur à parler, pour répondre aux précédents, le Premier Ministre Michel Barnier, dont c'était la dernière intervention dans l'hémicycle avant la censure. L'occasion de remercier ceux qui l'ont accompagné pendant ces trois mois au pouvoir : « À chacune et à chacun des députés qui viennent de se lever et aux membres du gouvernement, qui sont presque tous présents, je dois dire que je suis très touché par votre attitude et par votre accueil. (…) C’est aussi l’occasion, peut-être la dernière si tel est le choix de la représentation nationale, de vous remercier, madame la Présidente, pour votre attention et la qualité de notre dialogue durant près de trois mois, ainsi que l’ensemble des services de l’Assemblée Nationale. ».

    Michel Barnier a prophétisé la suite, très lucidement : « Chaque année, les Français vont devoir payer 60 milliards d’euros d’intérêts. C’est plus que le budget de la défense ou de l’enseignement supérieur et ce serait encore davantage demain si nous ne faisions rien. Voilà la réalité. Voilà la réalité, quoi qu’on en dise. Cette vérité, j’ai essayé de l’affronter avec l’ensemble du gouvernement, que je remercie. Ce n’est pas un hasard si le budget que j’ai présenté ne contient quasiment que des mesures difficiles : j’aurais préféré distribuer de l’argent, même si nous ne l’avons pas, pour faciliter la discussion ; mais cette réalité demeure et, écoutez-moi bien !, elle ne disparaîtra pas par l’enchantement d’une motion de censure. Écoutez-moi bien et souvenez-vous-en, dans quelque temps : cette réalité se rappellera à tout gouvernement, quel qu’il soit. ».


    Et d'ajouter en aparté une pique à Marine Le Pen : « En effet, madame Le Pen, il s’agit de notre souveraineté, même si la nature de vos propositions, d’hier et d’aujourd’hui, prouve que nous n’avons pas la même idée de la souveraineté, ni du patriotisme. ».

    L'enjeu que le chef du gouvernement a exposé était le suivant : « Ne nous trompons pas d’enjeu : ce qui se décide en cette fin d’après-midi, ce n’est certainement pas l’issue d’un bras de fer entre l’une ou l’autre des formations politiques et le Premier Ministre, pas plus que le sort du Premier Ministre, je n’ai pas peur, rassurez-vous, monsieur Sansu, j’ai rarement eu peur depuis que je suis engagé en politique, ce qui est en jeu, c’est notre capacité à faire des pas les uns vers les autres, à dépasser les tensions et les clivages qui font tant de mal à notre pays, à n’avoir comme boussole que l’intérêt général. Ce qui devrait nous rassembler, c’est la politique, au sens où je l’entends, qui consiste à créer du progrès collectif, parfois de petits progrès, parfois de grands progrès pour les Français, et de la stabilité. Les citoyens, les entreprises, les acteurs sociaux et économiques en ont tant besoin et si forte envie. ».


    Ses dernières paroles ont été les suivantes : « Mesdames et messieurs les députés, vous voilà rendus à ce moment de vérité. Vous me permettrez, à cet instant, de terminer de façon plus personnelle et de vous dire que je ressens comme un honneur d’avoir été depuis trois mois, et d’être encore, le premier ministre des Français, de tous les Français. Au moment où ma mission prendra fin, peut-être bientôt, je dois dire que cela restera pour moi un honneur d’avoir servi, avec dignité, la France et les Français. ».

    Cela m'a fait évidemment penser à la fin de célèbre tirade de Jean Gabin, lui aussi renversé par une majorité hostile, dans l'excellent film "Le Président" d'Henri Verneuil (sorti le 1er mars 1961). Michel Barnier aura marqué l'histoire... mais certainement pas comme il l'aurait voulu. Par un acte manqué.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     

     

     

     

     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-assemblee-nationale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-motion-rnfp-chassez-le-naturel-257977

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/04/article-sr-20241204-assemblee-nationale.html