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  • Jean-Claude Gaudin... pas seulement Marseille !

    « Personnellement, vous savez très bien que lorsque j'étais maire en fonction, j'ai toujours permis au bateau l'Aquarius de venir à Marseille. Il y a une question d'humanité. Je suis un démocrate chrétien, par conséquent, je suis sur la même ligne que l'archevêque de Marseille, actuellement cardinal, Monseigneur Aveline. » (Jean-Claude Gaudin, le 20 septembre 2023 sur France Bleu Provence).



     

     
     


    C'est dans sa résidence secondaire de Saint-Zacharie, dans le Var, que l'ancien maire de Marseille Jean-Claude Gaudin est mort à l'âge de 84 ans et demi (né le 8 octobre 1939 à Marseille). Contrairement à l'image qu'il a eue de certains observateurs, une image de droite musclée, Jean-Claude Gaudin était un centriste, un centriste de droite, certes, mais un centriste d'abord.

    D'où sa position pleine d'humanité sur les réfugiés voulant entrer en Europe : il comprenait parfaitement la position du pape François et il s'est félicité de sa venue à Marseille. Il disait d'ailleurs régulièrement à son conseil municipal, lorsqu'il était maire de Marseille : « Je veux rester maire tant que le pape ne vient pas à Marseille ! ». De quoi inquiéter les plus ambitieux ! Il a finalement quitté son bureau en juillet 2020 (à l'âge de 80 ans !) avant l'arrivée du pape, mais il a pu le voir à Marseille, trois ans plus tard, dans le Vélodrome qu'il avait lui-même rénové. Il en était très fier.

    Il n'est pas non plus mort les bottes aux pieds, comme son illustre prédécesseur Gaston Defferre, mort à 75 ans après s'être disputé avec ses amis socialistes, et après trente-trois ans du mandat de maire. Jean-Claude Gaudin n'aura été que vingt-cinq ans maire de Marseille, c'était son bâton de maréchal, le poste qu'il convoitait depuis toujours, et il l'a reçu assez tardivement, à 55 ans (Gaston Defferre, à 42 ans). Il a mis trente ans pour atteindre la mairie. Mais il n'y avait pas que Marseille pour Jean-Claude Gaudin. Son champ d'action était la France.

    Au début des années 1980, Jean-Claude Gaudin était l'un des leaders nationaux les plus importants de l'opposition UDF-RPR. Lui était UDF et, comme président du groupe UDF à l'Assemblée Nationale, il savait tonner de sa voix mélodieuse, l'accent marseillais, avec du coffre, il était en quelque sorte le Charles Pasqua des centristes ; à l'époque, Charles Pasqua était le président du groupe RPR au Sénat.

    Issu d'une famille modeste (son père était un ouvrier démocrate chrétien, membre du MRP), Jean-Claude Gaudin a commencé sa vie professionnelle comme professeur d'histoire géographie dans un collège et lycée à Marseille. Il s'est fait élire conseiller municipal de Marseille pour la première fois en mars 1965 (à l'âge de 25 ans) : il était alors sur la liste du maire sortant Gaston Defferre, rassemblant des élus socialistes et des élus centristes. À l'époque, Gaston Defferre était une personnalité politique de la SFIO très importante sur le plan national, pressentie pour être candidat à l'élection présidentielle. Jean-Claude Gaudin était élu avec l'étiquette du CNIP, le parti d'Antoine Pinay, qui est devenu par la suite Républicains indépendants (RI), Parti républicain (PR) et UDF de Valéry Giscard d'Estaing, Démocratie libérale (DL) d'Alain Madelin, puis UMP de Jacques Chirac et Alain Juppé, et LP, de Nicolas Sarkozy.

     

     
     


    Réélu en 1971 sur la liste du même, celle de Gaston Defferre, Jean-Claude Gaudin fut conseiller délégué chargé de la police administrative et de la protection civile. En 1977, il a "quitté" Gaston Defferre qui a dû intégrer les communistes dans sa majorité municipale, perdant ainsi toute son aile centriste. Gaston Defferre, qui aurait pu être le mentor, le parrain, est devenu l'adversaire irréductible.

    Soutien de Valéry Giscard d'Estaing à l'élection présidentielle de 1974, il s'est fait élire député des Bouches-du-Rhône en mars 1978 (à l'âge de 38 ans) avec 53,7% des voix, en battant le député PS sortant Charles-Émile Loo, et s'est montré très rapidement comme l'un des ténors du giscardisme parlementaire. Il fut élu et réélu de mars 1978 à octobre 1989. Jean-Claude Gaudin est devenu une véritable personnalité nationale lorsqu'il a été élu président du groupe UDF à l'Assemblée Nationale en 1981, c'était désormais un groupe d'opposition, et il y est resté jusqu'en 1989.

    Pendant ces huit années, il a été dans toutes les batailles politiques et parlementaires et était une bonne courroie de transmission de Jacques Chirac afin de sceller l'alliance entre l'UDF et le RPR contre la majorité socialo-communiste voulue par François Mitterrand. Gaston Defferre était alors l'indéboulonnable Ministre de l'Intérieur de 1981 à 1984, puis Ministre de l'Aménagement du Territoire de 1984 à 1986. Élu conseiller général de Marseille de 1982 à 1988, Jean-Claude Gaudin s'est présenté à la mairie de Marseille en mars 1983 dans un contexte très favorable au centre droit, mais avec un mode de scrutin (concocté par Gaston Defferre lui-même !) qui l'a défavorisé. Résultat, il a été balayé par le maire sortant.





    Lors du retour de l'alliance UDF-RPR au pouvoir, en mars 1986, Jacques Chirac, de nouveau Premier Ministre, proposa à Jean-Claude Gaudin le Ministère des Relations avec le Parlement. Poste qu'il a refusé car il pensait que la cohabitation serait de courte durée.

    Et puis, il avait gagné une autre bataille, celle des élections régionales, désormais au suffrage universel direct. Succédant à Michel Pezet, l'ancien dauphin de Gaston Defferre (et nouveau rival interne), Jean-Claude Gaudin a été élu président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) en mars 1986, réélu en mars 1992 jusqu'en mars 1998. En 1986, il y a eu l'entrée massive aux régionales et aux législatives d'élus du Front national. Pour obtenir une majorité au conseil régional de PACA (le scrutin était à la proportionnelle : centre droit 47 sièges, gauche 45 sièges et FN 25 sièges), il a fait alliance tacite avec le FN, ce qui l'a discrédité auprès d'une partie du centre (Plantu le représentait alors avec un cactus). En 1992, Jean-Claude Gaudin avait deux adversaires de taille, Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie.

     

     
     


    Son objectif était de battre la gauche. Il venait ainsi de la déboulonner au conseil régional que le PS détenait depuis sa création en 1974 et il espérait bien la déboulonner à la mairie en 1989. Mais la situation locale était plus difficile pour lui : d'une part, la mort de Gaston Defferre en 1986 a favorisé un socialiste très modéré, Robert Vigouroux qui, loin de vouloir n'être qu'un maire de transition, a été réélu sur des listes indépendantes en 1989, à la fois contre les listes socialistes et contre les listes de Jean-Claude Gaudin. Pour ce dernier, avec seulement 26,1% des voix, l'échec fut cinglant.

    Dans son analyse, c'était son alliance avec le FN à la région en 1986 qui a été la cause de cet échec. Désormais, il fut l'adversaire total de l'extrême droite, allant jusqu'à appeler à voter pour le candidat communiste sortant Guy Hermier dans son duel avec un candidat FN aux élections législatives de 1993. N'oublions pas non plus qu'au début des années 1990, Bernard Tapie a fait son entrée tonitruante dans la vie politique, à la fois nationale mais aussi marseillaise, se faisant élire député, nommé ministre en 1992, menant une liste aux élection régionale de 1992, et aussi aux élections européennes de 1994. La perspective d'une candidature de Bernard Tapie aux municipales de 1995 à Marseille, faute de candidature à l'élection présidentielle, était une hypothèse impossible à exclure. Ses déboires judiciaires eurent raison de ses ambitions-là.

    Auparavant, Jean-Claude Gaudin, toujours parlementaire, a changé d'assemblée : il s'est fait élire sénateur des Bouches-du-Rhône en septembre 1989 et le resta jusqu'en septembre 2017, sauf pendant sa période gouvernementale. Il présida brièvement le groupe des sénateurs indépendants en 1995.

    L'année 1995 fut son année majeure. Encore sénateur et président du conseil régional de PACA, il s'est enfin fait élire maire de Marseille en juin 1995 (son premier adjoint était le gaulliste Renaud Muselier). Il aurait dû démissionner d'un de ces mandats, mais en étant nommé Ministre de l'Aménagement du Territoire, de la Ville et de l'Intégration du 7 novembre 1995 au 2 juin 1997 dans le second gouvernement d'Alain Juppé, il pouvait garder les deux mandats de chef d'exécutif (région et mairie) qu'il a pu prolonger jusqu'en mars 1998. Le centre droit perdit les élections régionales de 1998 à cause des nombreux élus FN, ce qui profita à la gauche et au socialiste Michel Vauzelle.
     

     
     


    Jean-Claude Gaudin n'a repris un mandat de sénateur qu'en septembre 1998 où il occupa la vice-présidence du Sénat d'octobre 1998 à mars 2011 et d'octobre 2014 à septembre 2017. Entre mars 2011 et octobre 2014, il fut le président de l'imposant groupe UMP au Sénat, dans une période (à partir d'octobre 2011) où l'UMP était dans l'opposition sénatoriale (succédant à Gérard Longuet nommé Ministre de la Défense dans le gouvernement de François Fillon).

    Il faut aussi rappeler que lors de la création de l'UMP en 2002, il fut partie prenante et même l'un des dirigeants les plus importants, comme vice-président délégué de l'UMP de 2002 à 2004 puis vice-président de 2004 à 2007 et de 2013 à 2014 (il fut même président par intérim de l'UMP du 16 juillet 2004 au 28 novembre 2004 après la mise en examen et la démission d'Alain Juppé). Il fut surtout le très influent président de la commission nationale d'investiture de l'UMP de 2002 à 2013 et le président du comité de liaison de la majorité présidentielle de 2009 à 2012, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Au sein de l'UMP et de LR, il a soutenu Jean-François Copé en novembre 2012, Nicolas Sarkozy en novembre 2016 et Laurent Wauquiez en décembre 2017.

    À partir de 1995, l'attention de Jean-Claude Gaudin se porta principalement sur sa ville de Marseille. Il est resté maire de Marseille pendant quatre mandats, de mars 1995 à juin 2020. En 2008, il a battu les listes de Jean-Noêl Guérini (PS) ; en 2014, celles de Patrick Mennucci (PS) et celles de Stéphane Ravier (FN).


    Il fut élu également président de la communauté urbaine de Marseille de 1995 à 2008 (en 2008, Renaud Muselier échoua à lui succéder au profit d'un socialiste), puis président de la métropole d'Aix-Marseille-Provence de 2015 à 2018. Il fut par ailleurs président de l'Association des communautés urbaines de France de 2002 à 2003. À la fin de l'été 2015, un membre du Conseil Constitutionnel, Hubert Haenel est mort. Le Président du Sénat, Gérard Larcher, chargé de nommer son remplaçant, proposa alors à Jean-Claude Gaudin ce mandat. Ce dernier refusa car il voulait mettre en place la métropole Aix-Marseille après sa réélection en mars 2014 (son installation a eu lieu le 9 novembre 2015). Jean-Jacques Hyest succéda finalement à Hubert Haenel au Conseil Constitutionnel.
     

     
     


    Jean-Claude Gaudin a démissionné de la présidence de la métropole le 6 septembre 2018 pour protester contre les intentions du gouvernement de fusionner la métropole avec le département. Martine Vassal lui a succédé, également présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône depuis mars 2015. Pour les élections municipales de 2020, Jean-Claude Gaudin a soutenu la candidature de Martine Vassal contre son ancien dauphin Bruno Gilles, mais ce fut la gauche qui gagna (l'écologiste Michèle Rubirola, puis le socialiste Benoît Payan).

    S'il a réussi à s'épanouir politiquement à Marseille, Jean-Claude Gaudin n'a sans doute pas eu ce qu'il méritait sur la scène nationale, à savoir un grand ministère comme l'Intérieur ou la Défense. Il faisait partie de ces responsables politiques qui n'avaient pas besoin de titre pour avoir l'écho espéré des médias ; lui seul suffisait, sa propre identité suffisait à faire entendre sa voix, sans forcément avoir eu besoin de ses nombreux titres et autres dont les deux principaux furent d'être à la tête de la région PACA de pendant douze ans et d'être maire de Marseille pendant vingt-cinq ans.

    Lors de sa retraite, Jean-Claude Gaudin est intervenu pour dire sa grande fierté que le pape François ait choisi Marseille pour seul voyage en France depuis le début de son pontificat. Son amour de Marseille a sans doute influencé son analyse sur le possible prochain pape : pourquoi pas le cardinal Jean-Marc Aveline (65 ans), archevêque de Marseille depuis le 8 août 2019 ? Réponse le 20 septembre 2023 sur France Bleu Provence : « Ce dont je suis sûr, c'est que c'est un excellent archevêque, il est très estimé. Ensuite, depuis qu'il est cardinal, je regarde son agenda. Je suis stupéfait de tous les engagements qu'il prend. Il est un symbole et un grand défenseur de l'Église catholique et de l'Église qui est à Marseille. ».

    Dans cette même interview, Jean-Claude Gaudin concluait en affirmant qu'il était en assez bonne santé malgré son grand âge : « Je vais plutôt bien. Je vais avoir 84 ans dans quelques jours, alors je commence à avoir les problèmes de cet âge-là ! Voyez-vous, j'ai les chevilles qui gonflent... Généralement, pour les hommes politiques, c'est la tête qui gonfle ! Néanmoins, mon cœur va bien et ma tête aussi. (…) Au fur et à mesure qu'on avance dans l'âge et que l'on commence à avoir quelques petits problèmes de santé, Dieu merci, ils ne sont pas trop graves, on pense à ce que sera l'au-delà... Moi, j'espère que je n'irai pas au purgatoire et que j'irai au ciel directement. ».


    Ce mardi 21 mai 2024 à 17 heures, à la mairie de Marseille, Benoît Payan présidera une cérémonie d'hommage en l'honneur de son prédécesseur, quelques jours avant son enterrement. RIP.


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    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


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    La France est-elle un pays libéral ?
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