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lrem - Page 7

  • La convergence des centres ?

    « Pour le scrutin européen du 9 juin, il est indispensable de nous rapprocher des formations politiques pour lesquelles l'idéal européen demeure une boussole. » (Motion de l'UDI, le 23 mars 2024).



     

     
     


    La vie politique est parsemée de petits événements, de réactions, de rebondissements, de polémiques inutiles, de malentendus, de mauvaise foi, et tout s'en va aussi vite que ça arrive. Pourtant, il y a des décisions qui restent plus longtemps que d'autres. C'est peut-être passé inaperçu, mais le conseil national de l'UDI réuni à Paris le samedi 23 mars 2024 a (un peu) marqué l'histoire du centrisme en France.

    L'UDI est un petit parti centriste créé en 2012. J'écris "petit" car il est le résultat d'une situation explosée du centre en France. Avant 2002, c'était assez facile, les centristes des nombreuses obédiences historiques (radicaux, démocrates chrétiens, libéraux, indépendants, etc.) étaient regroupés au sein d'une confédération créée par Valéry Giscard d'Estaing en 1978 (dans l'optique des législatives qui avaient lieu quelques semaines plus tard) sous l'appellation UDF, un nom qui reprenait le titre de son livre ("Démocratie française") et qui ressemblait à l'UDR, la formation gaulliste enterrée en 1976 avec le lancement du RPR.

    Jacques Chirac et Alain Juppé ont profité de la sidération politique provoquée par la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002 pour imposer à marche forcée le regroupement de l'UDF et du RPR en UMP (à l'époque, Nicolas Sarkozy y était opposé). Depuis 1981, l'UDF et le RPR avaient presque toujours des candidats uniques aux élections législatives, avaient toujours gouverné ensemble et leurs différences étaient plus de l'ordre de la tradition philosophique que du projet politique.

    Beaucoup d'élus UDF ont alors rejoint l'UMP, craignant pour leur réélection. Pourtant, il n'était pas besoin d'être un devin pour imaginer que c'était le RPR qui allait manger l'UDF et pas l'inverse ! Parmi deux élus de poids qui ont rejoint l'UMP, Pierre Méhaignerie (vice-président de l'UMP) et Philippe Douste-Blazy (secrétaire général de l'UMP) qui ont tous les deux regretté de s'être fait berner et qui ont quitté l'UMP en 2012 pour soutenir François Bayrou.

    Quelques rares élus UDF (et la plupart des militants) ont en effet refusé la fusion dans l'UMP. Ils étaient menés par François Bayrou, le président en titre de l'UDF à l'époque, et aussi par Gilles de Robien, le représentant de la composante libérale. Même si l'UMP était bien plus importante que le RPR en 2002, le résultat restait le même dans l'électorat de droite et du centre, une rivalité UMP-UDF. À celle-ci, il faut ajouter aussi que le choix de nommer un ancien jeune giscardien Jean-Pierre Raffarin à Matignon à 2002 a achevé de perturber tout le jeu politique au centre.

    L'élection présidentielle de 2007 a renforcé l'éclatement des centres car François Bayrou, qui a atteint 18% des voix, un sommet historique pour le centre, comptait capitaliser (à tort) ces voix dans l'antisarkozysme. La plupart de ses soutiens, de centre droit, ont préféré rejoindre Nicolas Sarkozy au second tour, ce qui a fait le schisme du Nouveau Centre derrière Hervé Morin (à la tête d'un groupe parlementaire, puis bombardé Ministre de la Défense), tandis que l'UDF canal historique, transformé en MoDem (surnom du Mouvement démocrate que n'a jamais apprécié son leader), se retrouvait avec seulement deux députés, François Bayrou et Jean Lassalle (oui, le même que le futur candidat aux deux dernières élections présidentielles).

    L'élection présidentielle de 2012 aurait pu conduire les centristes à se retrouver. Le Parti radical, fondu à l'UMP, avait retrouvé sa liberté et son autonomie car il refusait le discours dangereusement sécuritaire de l'UMP. Mais non seulement François Bayrou a perdu la moitié de ses voix de 2007 (9%), mais par antisarkozysme, il a décidé de soutenir François Hollande au second tour. Faute politique pour lui puisqu'il a même été battu dans sa circonscription législative. Et François Hollande a été d'une grande ingratitude puisqu'il n'a jamais cherché à l'inclure dans la nouvelle majorité, gardant son logiciel archaïque de la gauche plurielle, PS, radicaux de gauche et éventuellement écologistes, sans même d'ouverture politique comme cela avait été le cas en 1988.

    À la fin de l'année 2012, le rassemblement a toutefois lieu avec la création de l'UDI, un sigle pas loin de l'UDF et beaucoup croyaient à la renaissance de cette UDF si regrettée. Le MoDem de François Bayrou restait ce qu'il était, son écurie personnelle, mais observait d'un œil attentif et bienveillant la création de l'UDI sous la houlette de Jean-Louis Borloo, véritable fédérateur, et on revoyait un peu tout le monde, des anciens CDS, des anciens PR, des anciens radicaux (qui n'avaient pas formellement disparu), même le Nouveau Centre d'Hervé Morin l'a rejoint.

    Bref, les ego étaient restés au vestiaire et ce nouveau mouvement apportait un peu plus d'espoir, confirmé dans la perspective des élections européennes de 2014 : en automne 2013, l'impensable arriva, l'alliance entre le MoDem de François Bayrou et l'UDI de Jean-Louis Borloo. L'objectif était une liste commune aux élections européennes de 2014 (qui ont été assez bonnes pour cette alliance dite "L'Alternative" : 9,9% ; les centrisme fait habituellement autour de 10% dans son noyau électoral et le MoDem avait fait 8,5% en 2009), et l'idée d'envisager une candidature de cette alliance à l'élection présidentielle de 2017 faisait son chemin (mais qui, à part François Bayrou ?).


    Malheureusement, la santé de Jean-Louis Borloo a vacillé (on craignait le pire) et il a quitté la vie politique au printemps 2014. Les rivalités anciennes ont repris le dessus, le Parti radical a quitté l'UDI pour tenter de vivre la réunification des radicaux (avec les radicaux de gauche ; ils étaient séparés depuis 1971), mais la réunification a finalement échoué, tandis qu'Hervé Morin, soucieux de son alliance avec l'UMP (et de son indépendance), a fait quitter le Nouveau Centre (devenu Les Centristes) de l'UDI. Pour autant, l'UDI résista à ses problèmes existentiels et est probablement le parti le plus souvent cité lorsqu'on parle des centristes (grâce en particulier à son groupe pléthorique au Sénat). Il tenta une liste autonome aux élections européennes de 2019 (conduite avec un certain courage par Jean-Christophe Lagarde) et si elle n'a pas obtenu de siège et que c'était décevant, son score de 2,5% n'était pas un trop mauvais résultat vu le contexte.

    Entre 2014 et 2019, il y a eu 2017. Bien évidemment, le centrisme a été bousculé par l'arrivée d'un nouveau-venu dans la vie politique, Emmanuel Macron et son mouvement créé il y a huit ans, LREM (En marche, puis Renaissance). Emmanuel Macron n'avait rien d'un centriste, même s'il est très pro-européen. Les centristes, c'est d'abord la décentralisation, les territoires, et Emmanuel Macron serait plutôt dans la reprise en main par l'État des responsabilités des collectivités locales. Emmanuel Macron, c'est "et la droite, et la gauche", alors que le centrisme, c'est "ni droite ni gauche". Ce qui est très différent.

    En fait, les centristes auraient été réunis en 2017 s'il n'y avait pas eu cette affaire Pénélope. En effet, François Bayrou soutenait la candidature d'Alain Juppé, si bien que tous les centristes se prêtaient au jeu de la primaire LR de novembre 2016. L'idée était d'éviter une nouvelle candidature de Nicolas Sarkozy. Finalement, Alain Juppé a échoué, mais la victoire de François Fillon était compatible avec le projet politique des centristes, d'autant plus que l'ancien Premier Ministre a porté beaucoup d'attention aux parlementaires, y compris centristes (et qu'il avait quelques centristes parmi ses collaborateurs de campagne). La victoire annoncée de François Fillon (qui aurait parié autre chose ?) laissait entendre une réunification des centristes autour d'un même candidat puis du futur Président de la République.

    L'effondrement de François Fillon à cause de son "affaire" a convaincu François Bayrou de quitter rapidement ce navire amiral pour rejoindre Emmanuel Macron, tandis que les militants et sympathisants centristes avaient déjà massivement rejoint ceux des socialistes modérés qui avaient quitté l'autre navire amiral, le PS. Aux élections législatives, le MoDem est devenu un groupe important (et incontournable) à l'Assemblée Nationale et, pour la première fois depuis 1981, les centristes étaient au pouvoir par eux-mêmes, sans être la cinquième roue de LR ou du PS.


    Le centrisme entre 2017 et 2024 s'apparente donc à une sorte d'auberge espagnole : il y a les centristes collés à LR, que sont encore Les Centristes d'Hervé Morin, candidats ensemble aux élections européennes de 2019 ; il y a les centristes de l'UDI, dans l'opposition au macronisme, parfois très forte, mais qui veulent garder une certaine indépendance vis-à-vis de LR qui n'apporte même plus l'avantage d'une perspective de victoire ; en enfin, il y a des centristes au sein de la majorité macroniste, le MoDem et le Parti radical, bien sûr, mais aussi d'autres issus de LR avant 2017, comme Horizons, le mouvement créé par Édouard Philippe. Quant aux membres de Renaissance, le parti macroniste, on ne sait pas trop bien si ce sont des centristes ou pas, rares sont ceux qui le revendiquent, en tout cas.

    Pourtant, cette situation est assez stupide, car il n'y a pas la place pour tout ce monde. Depuis 2017, le marché électoral est divisé en trois : un grand ensemble central autour du macronisme, l'extrême droite fédérée autour du RN et l'extrême gauche fédérée autour de FI. LR et le PS se retrouvent donc en frontière autour du macronisme et pensent que pour exister, ils préfèrent prendre les positions des extrémismes respectifs pour s'opposer à Emmanuel Macron à garder un semblant de raison. Une double faute historique, à mon sens.


    Le projet européen, heureusement, est une valeur sûre du centrisme et c'est aussi un point commun essentiel avec le macronisme. Ce n'est donc pas une surprise même si c'est remarquable que le conseil national de l'UDI a largement approuvé le 23 mars 2024 la motion présentée par le sénateur du Nord Olivier Henno et le sénateur des Hauts-de-Seine Hervé Marseille, par ailleurs président de l'UDI et président du groupe UDI au Sénat.

    Que dit cette motion ? D'abord, elle fait le constat que l'Europe nous protège et réussit à le faire : les crises récentes ont montré l'importance et la nécessité de l'Europe (vaccins contre le covid, soutien à l'Ukraine, maîtrise du pouvoir d'achat lors de la crise inflationniste en remettant en cause sa doctrine monétaire, etc.). Mais parallèlement, jamais l'Europe n'a été autant critiquée : « Les discours populistes qui affirment que l'Europe serait la cause des maux qu'elle combat, comme un médecin serait coupable des maladies qu'il soigne, trouvent malheureusement un écho parmi nos concitoyens qui attendent impatiemment des solutions répondant à leurs préoccupations. ».

    De plus, l'Europe n'a jamais été autant menacée à l'extérieur : « Menaces terroristes, crises migratoires amenées à s'intensifier sous la pression climatique et des conflits géographiques, agressions économiques et diplomatiques contre nos intérêts, déstabilisation de nos démocraties par la prolifération d'attaques cyber et informationnelles. Nous n'ignorons pas que les extrêmes qui protestent de leur patriotisme sont aussi ceux qui sont prompts à justifier les agressions des puissances extérieures, à commencer par celles de la Russie. ».


    D'où la conclusion de l'UDI en forme de credo : « Ce n'est pas moins d'Europe qu'il faut. C'est mieux d'Europe dont nous avons besoin. Pour une France forte, nous avons besoin d'une Europe puissance. (…) Nous avons besoin de fédérer les Européens sur de grands projets stratégiques. (…) Pour nous, l'identité européenne se conjugue avec notre identité nationale. ».

    Et d'ajouter : « Notre contribution politique n'a de sens dans ce contexte que si elle participe au renforcement de la sensibilité centriste au Parlement Européen. (…) Il est vital de rassembler les énergies pour combattre et s'opposer, pour préparer l'Europe aux défis internes et aux menaces externes qu'elle va affronter. ».

    Bref, l'UDI a décidé de faire alliance avec la Macronie et à rejoindre la liste Renaissance de la majorité présidentielle. Il n'était pas difficile pour l'UDI de se mettre sous la direction de la tête de liste Valérie Hayer car, avant 2019, elle était adhérente de l'UDI et avait commencé son engagement politique en faisant campagne aux élections européennes de 2014. De son côté, Renaissance a accueilli avec une grande joie l'UDI pour renforcer la liste et la campagne.

    Dans sa défense de cette stratégie, Olivier Henno a proposé aussi un concept de différenciation (auquel je ne crois pas du tout !) : « J'ajoute qu'il y a quelque chose qui est aussi important pour nous, c'est la notion de différenciation (…). C'est la différenciation stratégique selon les élections. Ce n'est pas forcément l'ADN de la Cinquième République, ça. Mais c'est l'ADN des centristes. On n'est pas obligés, sur toutes les élections, d'avoir toujours les mêmes alliances, les mêmes partenaires. Suivant les élections, ajuster nos alliances, c'est tout à fait intelligent, pertinent, (…) c'est ce qui se pratique dans un certain nombre de pays européens, et ça n'a rien de choquant. ».

     

     
     


    Je me permettrais de répondre à Olivier que si, c'est choquant, car il faut être clairs devant les électeurs. Le MoDem et François Bayrou, entre 2007 et 2017, avait agi ainsi (avec des majorités municipales très différentes, à droite ou à gauche en 2008), et sa stratégie était devenue illisible. On sait très bien que ces élections européennes sont le dernier scrutin avant l'élection présidentielle de 2027, et l'enjeu sera crucial alors que le RN est aujourd'hui donné favori : soit une alliance avec les macronistes, soit une alliance à droite qui, forcément, d'une manière ou d'une autre, fera la courte échelle à l'extrême droite. La clarté, ce n'est pas de faire la gazelle effarouchée pour aller jusque dans la majorité présidentielle dans un seul scrutin, c'est de s'y engager pleinement pour soutenir son projet national qui ne peut s'inscrire que dans son projet européen.

    Quant au dernier bataillon centriste arimé solidement à LR, à savoir Les Centristes, on s'interroge réellement sur la possibilité ou pas de repartir avec la liste menée par François-Xavier Bellamy. L'unique députée européenne sortante de ce parti, Nathalie Colin-Oesterlé, s'inquiète de la place qu'elle occuperait dans cette liste. Elle est prévue à la huitième place (avec Nadine Morano qui resterait toujours à la quatrième place), ce qui rendrait sa réélection plus qu'improbable (en 2019, elle était à la sixième place). Les Centristes pourraient donc être prêts, eux aussi, à quitter LR pour ces élections européennes et, pourquoi pas, à rejoindre la liste Renaissance de Valérie Hayer.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !
     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240323-centrisme.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/la-convergence-des-centres-253810

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/17/article-sr-20240323-centrisme.html




     

  • Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance

    « La naïveté européenne n’a que trop duré. Nous avons lancé un changement culturel au cœur de l’Union. Nous voulons réindustrialiser notre Europe et nous nous battons pour cela. » (Valérie Hayer, le 6 avril 2024 à Besançon).



     

     
     


    Les sondages ne bougent désespérément pas ! Pour la majorité présidentielle, l'heure est grave : à moins de deux mois du scrutin européen (on vote le 9 juin 2024), le tremblement de terre qu'aurait dû être la nomination de Gabriel Attal à Matignon n'a pas eu lieu, du moins pour bousculer les rapports de force dans les sondages d'intentions de vote.

    Pourtant, le lancement sur orbite de Gabriel Attal avait pour objectif de réduire la popularité d'un autre "jeune" de la politique, Jordan Bardella, la tête de la liste du RN, député sortant (n'ayant pas fait grand-chose de son mandat, classé parmi les moins actifs du Parlement Européen). Au lieu du tsunami électoral, on a eu un étonnement poli. Mais rien pour faire bouger les lignes.

    Il faut dire que depuis trois mois, il y a eu beaucoup d'eau qui a coulé sous les ponts du monde, un attentat islamiste à Moscou, toujours la guerre en Ukraine, et maintenant, une agression de l'Iran contre Israël qui pourrait entraîner une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

    Désespérément, la liste conduite par Valérie Hayer ne dépasse quasiment pas les 20% d'intentions de vote, et ce n'est pourtant pas de sa faute, car elle se démène, fait campagne, se rend partout, plein d'enthousiasme et de dynamisme, emploie des arguments intelligents, rationnels, politiques, rappelle son action à Strasbourg, présidente du groupe centriste, décrit l'Europe comme une facilitatrice et pas comme une contrainte, avec des conséquences concrètes sur la vie de tous les jours. Valérie Hayer n'était certes pas beaucoup connue du grand public avant février 2024 et c'est un handicap électoral évident par rapport à ses concurrents, mais elle rattrape cette notoriété, c'est le principe d'une campagne.

     

     
     


    Toutefois, dans ce début de campagne électorale, les médias se moquent un peu de l'Europe, qui est pourtant à un moment crucial de son histoire, crucial pour sa défense, crucial pour faire le point sur son élargissement de 2004 (il y a vingt ans), et des futurs élargissements prévus. Dans les rares débats télévisés plutôt ennuyeux, on parle d'insécurité, d'immigration, de faits-divers aussi sordides les uns que les autres, mais de politique, de souveraineté européenne, de politique agricole commune, d'innovation, des emplois du futurs, de défense européennes... non, rien de tout cela.
     

     
     


    Alors, cela devient simplement une course de petits chevaux, où les effets de communication, les émotions, les réparties dans les réseaux sociaux font mine de remplacer les projets et les convictions, les valeurs et les râleurs. La liste Jordan Bardella est toujours dans les 30% des intentions de vote, très au-dessus de la liste Renaissance, et pourtant, si l'on en croit les premiers noms de la liste, une arriviste (qui pleurait auprès de l'Élysée pour être nommée ministre encore en janvier !), un haut fonctionnaire de Frontex qui n'avait visiblement rien compris à ce qu'il faisait, un syndicaliste policier militant qui s'est enfin démasqué, etc. Jordan Bardella ne s'effondre pas dans les sondages alors qu'il montre chaque jour son incompétence et son inconsistance, ses contradictions et ses trous de mémoire, et même une certaine trahison des intérêts français (avec le Russian gate le guette : le RN a-t-il été acheté ou pas par Vladimir Poutine ?).

    La seule réelle évolution des dernières semaines est une mauvaise nouvelle pour la majorité : la liste socialiste conduite par Raphaël Glucksmann prend de l'ampleur et dépasse allègrement les 10%. De là à imaginer qu'elle puisse dépasser celle de la majorité est encore un peu osé, mais une dynamique est là (un sondage donne même Raphaël Glucksmann à 13% et Valérie Hayer à 16% !), et si les écologistes, qui piétinent, refont le coup de la présidentielle de 2017 en se fusionnant avec le PS, tout est possible. Cette dynamique est basée principalement sur un malentendu : Raphaël Glucksmann est pour soutenir l'Ukraine, mais il avait souhaité Jean-Luc Mélenchon à Matignon en 2022 et il n'hésite pas à dire qu'il faut encore faire l'union avec les insoumis en 2027, ce qui rend ses positions internationales complètement schizophrène. C'est un faux drapeau socialiste. Et au Parlement Européen aussi cette schizophrénie existe puisque, inscrits au groupe S&D (des sociaux-démocrates), les députés européens socialistes français ne votent pas comme la très grande majorité de leur groupe (il suffit de voir les analyses de scrutins), ce qui montrent que les socialistes français n'ont aucune influence sur leur courant au niveau européen puisqu'ils y sont ultraminoritaires avec des positions différentes.

    On peut dire d'ailleurs la même chose du côté de LR prenant des positions minoritaires au sein du groupe du PPE. Le PS et LR n'ont aucune influence à Strasbourg car ils ne sont pas écoutés dans leur groupe respectif, alors que Valérie Hayer a une influence importante au sein de son groupe Renew (Renaissance, le troisième du Parlement Européen) puisqu'elle le préside !


     

     
     


    Selon certains sondages assez précis, la liste de Raphaël Glucksmann ne mordrait pas l'électorat macroniste mais plutôt l'électorat mélenchoniste. Et c'est vrai qu'il y a une réelle incertitude pour les insoumis conduits par Manon Aubry à obtenir des sièges, flirtant avec les 6% d'intentions de vote (il faut au moins 5% des voix pour être représenté). De l'autre côté de l'échiquier, la liste de François-Xavier Bellamy a du mal à se distinguer de la liste RN alors qu'il prend à peu près les mêmes positions sur tout, et lui aussi risque de ne pas franchir les 5%, les sondages le donnent à égalité avec la liste Reconquête de Marion Maréchal, qui est la véritable concurrente du parti Les Républicains.

    Cela dit, j'ajouterais aussi, pour expliquer le difficile démarrage de la campagne de Valérie Hayer, la responsabilité de certains ministres et députés de la majorité de qui semblent vouloir tout faire foirer aux élections européennes par une sorte de naïveté suicidaire. En effet, en pleine campagne, de nombreuses mesures ont été proposées plus ou moins sérieusement qui sont toutes anxiogènes : un dit qu'il faut plus taxer les retraités qui gagnent plus que les actifs (en oubliant que les retraités aident souvent leurs enfants), un autre veut réformer une quatrième fois l'assurance-chômage en réduisant encore plus la durée d'indemnisation, comme si la précarité plus rapide pouvait redonner un emploi à des personnes sorties du système, un autre encore voudrait licencier les fonctionnaires, ajoutant inutilement du stress au stress (ce qui coûterait cher en plus), jusqu'à cette idée du Président de la République lui-même de vouloir taxer le livre d'occasion qui, selon lui, contournerait le prix unique du livre, comme si les pauvres n'avaient plus le droit de lire au nom du confort des auteurs. Il faut dire que c'est Bruno Le Maire lui-même qui a ouvert la boîte de Pandore en disant qu'il avait très mal géré le pays (quel est son intérêt à dire cela ?). Bref, depuis quelques semaines, il y a une surenchère de maladresses, de provocations, de sondes, et, pour le dire simplement, d'anti-démagogie purement masochiste qui pourrait coûter très cher à la majorité le 9 juin 2024.

    À deux mois d'une élection, c'est vrai que les sondages sont rarement prédictifs. En février 2022, on parlait encore d'un second tour entre Emmanuel Macron et Valérie Pécresse, on imaginait Marine Le Pen à égalité avec Éric Zemmour autour de 15% et Anne Hidalgo faisait quand même 3% des intentions de vote. Il reste que pour faire décoller la liste de Valérie Hayer, il manque encore un moteur puissant... ou des vents extérieurs plus favorables.



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    Sylvain Rakotoarison (14 avril 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
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    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
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    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240414-europeennes.html

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