« Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L'État est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions. » (Article 2 de la loi handicap).
La première véritable loi de solidarité avec les personnes en situation de handicap a été promulguée il y a vingt ans. Il s'agit de la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, appelée également "loi handicap".
Elle a été signée par Jacques Chirac (Président de la République), Jean-Pierre Raffarin (Premier Ministre), et vingt-deux ministres dont Dominique de Villepin (Intérieur), François Fillon (Éducation nationale), Jean-Louis Borloo (Travail et Emploi), Philippe Douste-Blazy (Santé), Dominique Perben (Justice), Hervé Gaymard (Économie et Finances), Gilles de Robien (Équipement et Aménagement du Territoire), Renaud Dutreil (Fonction publique), Dominique Bussereau (Agriculture), Renaud Donnedieu de Vabres (Culture), Christian Jacob (Commerce), Jean-François Copé (Budget), François d'Aubert (Recherche), Gérard Larcher (Travail), Marc-Philippe Daubresse (Logement), Marie-Anne Montchamp (Personnes handicapées), Catherine Vautrin (Personnes âgées), Éric Woerth (Réforme de l'État) et François Goulard (Transports).
Comme on le voit, cette loi handicap était l'affaire de tout le gouvernement, et c'est normal car il y a des implications dans tous les domaines. Bien que tardive en France, elle est le résultat de la forte volonté politique du Président de la République. En effet, au début de son second mandat, le 14 juillet 2002 à la télévision, Jacques Chirac avait défini quatre priorités consensuelles pour la société française : la sécurité routière, la lutte contre le cancer, la lutte contre les maladies neurodégénératives et la solidarité et l'insertion des personnes en situation de handicap. Ce dernier sujet a préoccupé Jacques Chirac toute sa vie, et notamment au début de sa carrière politique.
L'article 2 définit d'abord ce qu'est une situation de handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » (Article L. 114 du code de l'action sociale et des familles). Il faut noter une grande évolution qui peut avoir des conséquences sur la prise en charge médicale, à savoir la différenciation entre handicap psychique (provenant d'une maladie psychique) et handicap mental (provenant d'une altération des capacités intellectuelles).
Ce même article proclame ensuite un droit général de solidarité : « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L'État est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions. » (Premier alinéa de l'article L. 114-1).
Enfin, l'article 2 proclame aussi que les personnes en situation de handicap doivent pouvoir vivre de manière la plus proche d'une personnes qui ne l'est pas : « À cette fin, l’action poursuivie vise à assurer l’accès de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie. Elle garantit l’accompagnement et le soutien des familles et des proches des personnes handicapées. » (Second alinéa de l'article L. 114-1).
En d'autres termes, la loi définit l'idéal, à savoir que les enfants en situation de handicap, par exemple, soient scolarisés dans les mêmes établissements scolaires que les autres. C'est à l'école qu'on se forge le regard sur l'Autre, et si un enfant qui est en fauteuil roulant aide un camarade en mathématiques parce qu'il est plus fort que lui, alors, les inégalités ne seront pas vécues seulement dans un seul sens, un enfant en situation de handicap peut apporter autant voire plus aux autres qu'un enfant dit "normal" (mot très mauvais car il faudrait définir ce qu'est la "normalité" chez un être humain). Je préfère donc le mot "ordinaire" plus consensuel.
Bien sûr, la différence entre l'idéal et la réalité, c'est souvent des enjeux de moyens, c'est-à-dire, de budget : en l'occurrence, pour permettre d'intégrer beaucoup d'enfants de situation de handicap (pas tous, certaines pathologies sont incompatibles) dans les salles de classe ordinaires, il faut recruter beaucoup d'assistants (et assistantes ici), et que ce soit une filière professionnelle à part entière, avec une carrière et une rémunération en conséquence.
En clair, la loi handicap a d'abord un double objectif de sensibilisation : le regard de tous les Français sur les personnes handicapées (et l'idée que tout le monde peut être ou devenir, temporairement ou définitivement, une personne en situation de handicap) et le regard des employeurs avec une obligation de recruter des personnes en situation de handicap. Insérer les personnes handicapées dans la société signifie d'abord les insérer dans les structures de formation (école, université, formation continue) et les insérer dans le marché du travail. Comme toujours, il y a le souhaitable, l'idéal, et il y a le possible, la réalité. En fonction du type de handicap, l'insertion se fera plus ou moins facilement. La loi n°85-517 du 10 juillet 1987 imposait déjà aux employeurs une obligation d'emploi de 6% de l'effectif salarié au bénéfice des travailleurs handicapés (remarquons que cette loi a été adoptée alors que Jacques Chirac était Premier Ministre).
La loi suppose entre autres une accessibilité généralisée dans la société (habitations, bâtiments publics, entreprises, établissements culturels et de loisirs, etc., mais aussi un accès pour utiliser Internet) et un droit à compensation des conséquences du handicap, traduit principalement à l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
En 2022, la DREES a publié un document qui indiquait qu'il y avait en France, en 2019, selon les modes de calcul, entre 2,8 et 9,0 millions de personnes de 15 ans et plus vivant hors institution, en situation de handicap, plus 140 000 personnes, enfants et adultes, vivant dans un établissement spécialisé. Cela correspond à une part non négligeable de la population française (environ 17% de la population de 15 ans et plus, et 30% pour les 60 ans et plus, ce qui rappelle la nécessité d'une branche Autonomie de la Sécurité sociale).
C'est dans l'esprit de la loi handicap que le Président Emmanuel Macron a présenté de nouvelles mesures en faveur de l'insertion et de la solidarité à l'occasion de son quinzième anniversaire le 11 février 2020. C'était juste avant la crise pandémique du covid-19. Et maintenant, où en sommes-nous ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (08 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Les 20 ans de la loi handicap du 11 février 2005.
Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (version consolidée au 11 février 2025).
Fac-similé du Journal officiel de la République française du 12 février 2005.
Un débat électoral où le handicap était prétexte à une colère politicienne.
Jeux paralympiques de Paris 2024 : sport, spectacle et handicap.
L’allocation aux adultes handicapés (AAH) et maladresse politique.
Éric Zemmour et les enfants en situation de handicap.
Le handicap ? Parlons-en !
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250211-loi-handicap.html
https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/les-20-ans-de-la-loi-handicap-du-259171
http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/11/article-sr-20250211-loi-handicap.html
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