Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !

« Ce que je veux vous dire ce soir, c'est qu'on est dans une nouvelle ère de progrès. La France, l'Europe peuvent y être championnes ! » (Emmanuel Macron, le 9 février 2025 sur France 2).




 

 
 


Quoi ?! Panique dans les salles de rédaction : Emmanuel Macron allait s'exprimer dimanche soir à la télévision, qu'allait-il annoncer ?! Tout de suite, la piste d'un référendum était suivie. Un référendum sur quoi ? L'immigration ? Cela ne signifierait rien, avec quelle question : êtes-vous pour ou contre l'immigration ? C'est comme poser la question : êtes-vous pour la pluie ou pour le soleil ? Alors, les services de l'Élysée ont mis les journalistes sur la voie : le référendum porterait sur l'intelligence artificielle. Silence dans les rangs.

C'est vrai que le Président de la République semble s'ennuyer. Répondre à un internaute sur le paiement par smartphone dans les péages d'autoroute, évoquer la rénovation du Louvre, insister sur le financement du sport, et ce dimanche 9 février 2025 à 20 heures 30, sur France 2, présenter l'important Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle les 10 et 11 février 2025 au Grand Palais à Paris. Il a pourtant raison de se préoccuper, et avec lui la France, l'Union Européenne et la plupart des pays du monde, des avancées de l'intelligence artificielle et l'importance stratégique d'innover rapidement dans ce domaine. Aux États-Unis, Donald Trump a réuni les grandes entreprises de son pays pour des investissements massifs, de l'ordre de 500 milliards de dollars, c'est dire l'importance !

C'était donc le thème de l'interview présidentielle diffusée après le journal du dimanche soir. Le Président de la République était interrogé par le journaliste Laurent Delahousse, et aussi par Palki Sharma Upadhyay, journaliste indienne vedette de First Post, qui a une très forte audience en Inde. L'interview de trente-sept minutes s'est déroulée dans le cadre splendide du Grand Palais où se tient le Sommet pour l'intelligence artificielle.

Ce sommet a été un dada du Président français. En colère que le premier sommet n'ait pas été organisé par la France en 2023 (le Royaume-Uni l'a organisé en 2023 et la Corée du Sud en 2024), Emmanuel Macron voudrait capitaliser sur ce troisième sommet. C'est un moyen également de revenir dans le jeu diplomatique puisque ce sera l'occasion de retrouver ses homologues qui feront le déplacement, en particulier Narendra Modi (Premier Ministre de l'Inde), Olaf Scholz (Chancelier allemand), Justin Trudeau (Premier Ministre canadien), Zhang Guoqing (Vice-Premier Ministre chinois), J. D. Vance (Vice-Président des États-Unis), Ursula von der Leyen (Présidente de la Commission Européenne) et Antonio Guterres (Secrétaire Général de l'ONU).

 

 
 


Au-delà de l'aspect pédagogique sur les enjeux de l'intelligence artificielle et les atouts de la France (que Sam Altman, le patron d'OpenIA, a reconnus dans une tribune au journal "Le Monde"), Emmanuel Macron voulait annoncer l'information capitale du jour : la France investira dans les années venir 109 milliards d'euros pour des projets d'innovation sur l'intelligence artificielle. Il ne faut pas se méprendre sur l'annonce, il s'agit généralement d'argent extérieur au budget de l'État, soit privé (grandes entreprises) soit de pays étrangers (comme le Qatar) finançant des projets français.

Pour Emmanuel Macron, cette somme est à la hauteur des enjeux actuels : « Pour nous, la France, on a annonce demain, à ce Sommet, 109 milliards d'euros d'investissement dans l'intelligence artificielle sur les prochaines années. Qu'est-ce que c'est ? C'est exactement l'équivalent, pour la France, de ce que les États-Unis ont annoncé avec Stargate, c'est 500 milliards. C'est le même rapport. 109 milliards ! ». Le rapport par rapport à la population, à la différence près qu'il me semble qu'il y a erreur sur l'unité monétaire (non précisée par le Président), car les investissements américains, ce sont 500 milliards de dollars et pas d'euros.

 

 
 


Mais revenons au début. Emmanuel Macron a tenu surtout à préciser que la France était capable de relever le défi mondial de l'intelligence artificielle : « D'abord, on doit être dans la course ! (…) Avant de savoir comme on régule, il faut savoir se dire : nous, on veut en être et on veut inventer des solutions, des technologies, sinon, on va dépendre des autres. ».

C'est sans doute l'un des points les plus importants de chercheurs et des industriels, la régulation tue l'innovation : « Le défi des Européens, c'est quoi ? (…) Si on régule avant d'innover, on n'aura pas d'innovation. Et on dira : on a une super-régulation en Europe, mais on n'a pas un seul acteur. (…) Dans ce cas-là, on se coupera de l'innovation. C'est tout le dilemme qui est le nôtre. (…) Nous, notre première bataille en tant qu'Européen, c'est investir, investir, investir. ». D'où les 109 milliards d'euros.

La petite blague aux États-Unis, c'est : l'innovation se fait aux États-Unis, les Chinois la copie, et les Européens la régulent (à la grande joie des Américains, bien sûr !).

C'est vrai que pour toute innovation, il faut réguler car il faut protéger les personnes et les entreprises. Pour l''intelligence artificielle, il y a de nombreuses menaces, bien sûr, mais peut-être que les plus grandes menaces ne sont pas encore totalement connues. Les dangers sur les mensonges, la désinformation, la haine et, accessoirement, les droits d'auteur sont classiques et ne devraient pas différer de sanction avec d'autres supports, la loi reste la loi.

D'ailleurs, Emmanuel Macron avait publié quelques heures avant la diffusion de son interview une petite vidéo humoristique où il a pris ce que les réseaux sociaux avaient fait de son image, acceptant simplement ce dénigrement gentillet, pour lancer le débat et donner la mesure des possibilités qu'offre l'intelligence artificielle générative et donc également ses risques. Un humour pas du tout du goût de Palki Sharma qui a lâché : « Ce n'est pas drôle, ce n'est pas drôle ! ».





Le Président de la République a surtout voulu montrer tout l'intérêt de l'intelligence artificielle dans tous les domaines. Son credo, c'est que c'est un outil, et comme tous les outils, c'est la manière de s'en servir qui est importante.

Il a ainsi désamorcé les mythes en réduisant son importance intrinsèque : « Il faut les penser comme des assistants. Et donc l'intelligence artificielle, ça ne va jamais remplacer l'homme, ce n'est pas vrai, je ne crois pas du tout à cela. (…) Il faut s'y préparer, donc, d'abord, il faut se former (…). En France, aujourd'hui, on forme 40 000 jeunes par an, on va monter à 100 000 jeunes par an. ».

De même, Emmanuel Macron a affirmé que cela ne créerait pas de chômage, pas plus que toutes les innovations. Il en a même donné la preuve avec une précédente révolution, celle des robots dans l'industrie : « Je ne fais pas du tout partie de ceux qui pense que ça va tout remplacer. Je fais une parenthèse. On a déjà vécu ce débat. Quand les robots sont arrivés, on a eu ce débat dans les années 90 en France. On a dit : les robots vont remplacer les salariés. On a beaucoup plus bloqué les robots dans nos industries qu'ailleurs. Et bien, ce faisant, on a plus désindustrialisé. Là où on a mis le robot, et d'ailleurs, on est en train de corriger cet écart depuis quelques années en France, là où on met le robot, eh bien, nos ouvriers, nos salariés, qui sont formés, ils pilotent le robot, ils ont beaucoup moins de troubles squelettiques, ils ont un temps qui est dégagé, ils regardent la qualité, ils permettent d'avoir dans notre pays beaucoup plus de valeur qui est créée. ».

Bien sûr, certains métiers vont disparaître, mais d'autres vont apparaître, comme dans toute évolution. Après tout, l'électricité a exclu les allumeurs de réverbères, et bien d'autres innovations, le tracteur, la calculatrice voire le logiciel Excel, etc. Pour autant, il y a toujours des agriculteurs, des comptables, etc.

Le message du Président, c'était donc de dire qu'une fois le professionnel déchargé de tâches sans intérêt, il pourra se concentrer sur des fondamentaux. Ainsi, l'avocat ne fera plus de recherche de jurisprudence (lourdes et longues) dans une affaire qu'il a à traiter, il pourra se consacrer plus intensément à certains sujets difficiles, prendre plus de temps pour les explications, ou pour comprendre son client. Idem pour tous les professions médicales, le radiologue prendra moins de temps à lire un cliché IRM et il pourra passer plus de temps avec ses patients.

En résumé, cela va transformer, mais pas supprimer de nombreux emplois : « Ça va transformer nos métiers. (…) Ça va donner plus de temps, aux personnes, pour encadrer le robot, mais pour aussi être plus présent humainement. (…) Ça va redonner de l'espace pour mieux faire. (…) L'intelligence artificielle, elle va permettre de déléguer certains de ces tâches, mais elle permettra de remettre de l'humain. Ce n'est pas un robot ou un assistant d'intelligence artificielle qui aura la bienveillance d'un appel téléphonique, d'un contact physique, du soin qu'on met avec une personne qui est âgée ou qui est en situation de handicap. ».
 

 
 


Devenu ambassadeur de la technologie française (il a encouragé très vivement à utiliser le chat de Mistral au lieu de ChatGPT), le locataire de l'Élysée a analysé les besoins de la France en matière d'intelligence artifcielle : « Nous, c'est simple, c'est de dire : la France, l'Europe sont crédibles sur l'intelligence artificielle, nous y croyons, on veut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. On est la cinquième puissance sur l'intelligence artificielle, nous, Français. Donc, on a des atouts formidables. (…) La France a des talents, c'est une très grande chance. Derrière, on est en retard sur les data centers, c'est-à-dire, les capacités de calculs. Pour faire tout ça, il faut des supercalculateurs qui vont prendre plein de données et aller très vite. ».

Et c'est pour cela qu'il faut investir massivement notamment dans les semi-conducteurs pour qu'ils soient les plus puissants et les plus réduits possible. Il y a deux éléments majeurs pour réussir à se doter de supercalculateurs : augmenter la puissance des composants (mais on arrive bientôt à un seuil), et avoir une alimentation en énergie fiable.

Ce qui a donné l'occasion à Emmanuel Macron d'insister sur la chance du programme nucléaire français (en se trompant un peu sur les dates, puisque ce n'est pas dans les années 1960 que la France a lancé le programme des centrales nucléaires mais en 1974, à l'époque du Premier Ministre Pierre Messmer) : « Nous, en France, on a une avance extraordinaire, c'est qu'on produit l'électricité parmi les plus décarbonées au monde, les plus pilotables et les plus sûres, on a un réseau le plus sûr et le plus stable, et on est exportateur de cette électricité décarbonée. ». Et de rappeler que la France exporte 90 TWh (térawatt heure, 1 téra = 1 000 milliards).

D'où un avantage compétitif de la France sur les États-Unis, par exemple : « Il n'y a aucun pays européen qui produit autant d'énergie décarbonée en surplus de sa consommation. Donc, nous, quand on fait des data centers en France. Ce n'est pas pareil aux États-Unis, aujourd'hui, ces data centers tournent beaucoup avec du pétrole et du gaz. Ce n'est pas pareil dans plein de pays d'Europe, qui sont encore au charbon et au gaz (…). Quand vous allez faire des data centers chez nous, eh bien, c'est simple, ce sont des data centers propres, parce que notre électricité, elle est propre. (…) Et on ne va pas le faire aux dépens de nos industriels, de nos ménages, de notre consommation, parce qu'on est exportateur. ».


Il faut néanmoins mettre un bémol sur cet enthousiasme élyséen lorsque le Président a parlé de « data centers propres ». Je ne crois pas du tout qu'ils soient propres, c'est-à-dire écologiques, même alimentés par de l'électricité d'origine nucléaire. En effet, ces centres de calculs sont également très coûteux en eau de refroidissement et leur consommation d'eau est énorme, pouvant mettre à mal l'organisation de certaines villes. La logique serait d'ailleurs d'installer ces grands centres dans des zones d'Arctique ou d'Antarctique.

En revanche, Emmanuel Macron avait raison lorsqu'il parlait de consommation d'énergie moindre avec les projets français : « Nous, on croit à l'intelligence artificielle plus frugale. C'est ce que les innovations récentes ont montré. Nos modèles consomment moins de données car ils se sont spécialisés. ».
 

 
 


Aidé du journaliste de France 2, le Président de la République a quand même abordé en fin d'interview des sujets plus politiques et économiques. Il n'a pas hésité à s'inquiéter de certains débats budgétaires : « J'entends beaucoup de débats en France qui paraissent fous. Quand on dit : il faut taxer les entreprises... ».

Mais la tirade de Bernard Arnault contre la France l'a visiblement agacé. Emmanuel Macron a voulu donc délivrer un message clair à ces grands patrons français : « Soyez patriotes vous-mêmes ! Menez le débat. Expliquez. Je ne vous ai pas assez entendus ces sept dernières années quand on menait des réformes des retraites. Expliquez plutôt tout ce qu'on a bien fait pendant sept ans. Parce que c'est trop facile d'être planqué dans son bureau et de dire : c'est bien, le travail, mais on ne le dit pas trop fort. (…) Et donc je dis : cela fait sept ans qu'on mène une politique de l'offre. Ça veut dire quoi ? On croit à la relance par l'innovation. On n'a jamais autant réindustrialisé le pays. On n'a jamais autant recréé autant d'emplois. On est le premier pays d'Europe sur les start up, l'innovation. On est le premier pays d'Europe sur l'intelligence artificielle. C'est tout notre boulot ! Ça, on va le mettre au service des services publics, de la redistribution, mais il faut surtout, pas seulement le préserver, l'accélérer. ».

Si on comprend entre les lignes, Emmanuel Macron en a marre du France bashing et si on expliquait un peu mieux les réussites économiques de la France (comme les étrangers savent faire), on aurait peut-être un peu moins de populismes et d'extrémismes à l'Assemblée et on aurait peut-être moins l'obligation de freiner cette politique économique qui, depuis 2017, a rendu la France très attractive économiquement.

En tout cas, le sujet de la semaine qui vient est bel et bien l'intelligence artificielle. C'était déjà le sujet des derniers Prix Nobels de Physique, de Chimie et de Médecine en octobre 2024. Autant en profiter, car c'est très rare que les médias français s'intéressent (vraiment) à de la science !



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
François Bayrou, le début du commencement.
La quadrature du cercle de Michel Barnier.


 

 
 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250209-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-a-la-television-le-259204

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/09/article-sr-20250209-macron.html



.

Écrire un commentaire

Optionnel