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  • La collusion des irresponsables

    « Nous avons rectifié un budget qui était sans doute déséquilibré et rigide au départ de manière à en faire un budget de consensus, plus protecteur. (…) La voie du compromis a permis d’obtenir des garanties et des équilibres justes pour les Français. Mais une alliance des extrêmes, à l’idéologie faite de bric et de broc, s’est constituée pour faire voler en éclat l’édifice du Parlement. C’est cette même alliance qui a fait adopter des dizaines de milliards d’impôts et de taxes supplémentaires il y a quelques jours. Il faut dire la vérité aux Français sur le projet de chaos et de discorde du Rassemblement national, poussé par les insoumis. Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est ne laisser à l’URSSAF que quelques semaines de trésorerie pour payer les retraites, rembourser les soins et financer les hôpitaux. Qui veut que les cartes vitales cessent de fonctionner en mars ? (…) J’en appelle donc à la responsabilité du Parlement, en particulier à celle de la coalition entre LFI et le RN. Cette alliance contre-nature est en réalité une alliance contre les Français ! » (Yannick Neuder, le 2 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Le député LR Yannick Neuder avait raison lorsqu'il a s'est exprimé au début de la séance publique de ce lundi 2 décembre 2024 à l'Assemblée Nationale. Il est le rapporteur de la commission mixte paritaire (CMP) pour aborder le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 en seconde lecture. Il exprimait l'idée générale d'une coalition des contraires.

    L'ancien ministre Frédéric Valletoux (Horizons), président de la commission mixte paritaire, qui l'a suivi dans la discussion, a déclaré la même chose : « Je sais la tentation pour le nouveau front populaire et le Rassemblement national de s’unir, de mêler leurs voix pour adopter une motion de censure et renverser le gouvernement. (…) Pour les extrêmes de droite et de gauche, l’heure est à la distraction et à la complaisance, nous l’avons bien compris. Mais la démocratie exige des compromis et le mandat qui est le vôtre impose un texte de responsabilité. C’est le service de la protection sociale, qui protège tous les Français, qui est en jeu. J’ai aussi bien conscience des enjeux de politique calendaire qui sont les vôtres. Mais, avant de penser à 2027 et à la prochaine élection présidentielle, il faut penser au présent en assurant la stabilité fiscale, économique et institutionnelle de notre pays, et en garantissant aux Français le niveau de protection sociale qui leur est dû. ».

     

     
     


    Après une première suspension de séance, le Premier Ministre Michel Barnier a pris la parole avec gravité : «  Dans ma déclaration de politique générale, il y a tout juste deux mois, je vous ai exposé ma méthode, faite d’écoute, de respect et de dialogue, en premier lieu vis-à-vis du Parlement et de tous les groupes politiques qui le constituent. Je vous ai également répété que je tiendrais un langage de vérité sur les très nombreuses contraintes qui pèsent sur notre pays et sur les efforts qu’elles nous imposent. (…) Pour cela, j’ai été au bout du dialogue avec l’ensemble des groupes politiques, en restant toujours ouvert et à l’écoute. Depuis le premier jour de mon engagement politique, je respecte profondément le débat et la culture du compromis ; je les crois indispensables. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale en a d’ailleurs prouvé l’utilité. Les très nombreuses heures de travail parlementaire ont permis d’enrichir le texte du gouvernement et ont conduit à un accord en CMP, pour la première fois depuis quatorze ans. ».

     

     
     


    Et d'annoncer l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 à 15 heures 42 : « Ce texte est là, et il est maintenant temps d’agir pour l’appliquer. Je crois que nous sommes parvenus à un moment de vérité, qui met chacun face à ses responsabilités. C’est maintenant à vous de décider si notre pays se dote de textes financiers responsables, indispensables et utiles à nos concitoyens, ou si nous entrons en territoire inconnu. Je m’adresse à vous avec respect, mais aussi avec une certitude : les Français ne nous pardonneraient pas de préférer les intérêts particuliers à l’avenir de la nation. Je le pense sincèrement. Vous l’entendez dans chacune de vos circonscriptions : les Français attendent de la stabilité et de la visibilité, pour leur vie quotidienne et les entreprises, alors que notre pays a tant à faire pour défendre ses intérêts et son influence en Europe et dans le monde. Je sais de quoi je parle. C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’engage la responsabilité du gouvernement, de mon gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dans sa version résultant des travaux de la commission mixte paritaire et modifié par les amendements rédactionnels et de coordination déposés. Je le fais en appelant à la responsabilité de chacun des représentants de la nation que vous êtes, quand bien même certains d’entre vous quittent l’hémicycle, persuadé que notre mission commune, au-delà de nos divergences, est de servir la France et les Français. Désormais, chacun doit prendre ses responsabilités. J’ai pris les miennes. ».
     

     
     


    À l'évidence, il était impossible de trouver un compromis tant avec les excités de la nouvelle farce populaire (NFP) qu'avec le RN et ses alliés. Le NFP en est encore aujourd'hui à la fable urbaine de sa victoire le 7 juillet 2024 et de Lucie Castets Première Ministre, alors qu'il a été incapable de faire élire son candidat au perchoir et incapable aussi de faire adopter sa version du projet de loi de finances qui a été rejetée en première lecture. La raison a quitté cet hémicycle depuis longtemps. Les historiens auront fort à faire pour comprendre puis expliquer aux générations futures cette actualité affligeante d'irresponsabilité.

     

     
     


    Quant au RN, Marine Le Pen a montré qu'elle ne voulait pas conclure. Michel Barnier, dans sa grande bienveillance, avait reculé sur trois des quatre lignes rouges de la probablement future reprise de justice. Si elle voulait négocier, elle aurait, elle aussi, fait un pas vers le gouvernement. Au lieu de quoi, elle préfère mettre à la poubelle le budget 2025, ce qui signifie que plusieurs millions de Français paieront plus cher l'impôt sur le revenu, dont un peu moins de 400 000 qui n'auraient pas dû en payer du tout mais qui en paieront quand même, car le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une indexation des seuils avec l'inflation. Or, l'échec du texte (il y a deux textes : le projet de loi de finances PLF et le projet de loi de financement de la sécurité sociale PLFSS et si le gouvernement tombe par le 49 alinéa 3, les deux projets de loi tombent aussi), c'est reprendre le budget 2024, soit 3 milliards d'euros de plus en impôt sur le revenu rien que par les effets de seuil découplés de l'inflation. De même, l'engagement de l'État à créer de nouvelles brigades de gendarmerie sera annulé par le vote de la motion de censure.

     

     
     


    Certains commentateurs essaient d'imaginer les intérêts ou pas du RN ou de FI pour une telle censure, ces deux partis complètement obsédés par la prochaine élection présidentielle. Mais le simple fait de parler d'intérêts partisans ou personnels est un scandale, un responsable politique, un élu, doit avant tout s'occuper de l'intérêt général et ne pas mettre un pays en crise, en péril pour d'obscurs raisons de rancune ou de susceptibilité personnelle. De toute façon, les Français, qui ont toujours du bon sens, sauront rapidement qui les défend réellement et qui se moque d'eux.
     

     
     


    Quant aux supputations de démission du Président de la République, Emmanuel Macron, en visite d'État en Arabie Saoudite du 2 au 4 décembre 2024, a déclaré bien clairement le 3 décembre à Riyad devant des journalistes français : « Je serai Président jusqu'à la dernière seconde. Si je suis devant vous, c'est parce que j'ai été élu à deux reprises par le peuple français. J’en suis extrêmement fier et j’honorerai cette confiance avec toute l’énergie qui est la mienne jusqu’à la dernière seconde pour être utile au pays. ». Heureusement qu'il est là pour assurer encore une stabilité institutionnelle. Ces populistes extrémistes veulent saccager la France et détruire toutes ses institutions.

    La conférence des présidents de l'Assemblée réunie ce mardi 3 décembre 2024 a décidé que c'est le mercredi 4 décembre 2024 à 16 heures que seront débattues (en même temps) les deux motions de censure déposées le lundi 2 décembre.

     

     
     


    La première (déposée le 2 décembre à 16 heures 35) a été signée par 185 députés du NFP (il en manque 8 à l'appel dont Sophie Pantel, députée PS de Lozère, qui a annoncé : « Je ne voterai pas cette motion de censure ! »), elle sera défendue par Éric Coquerel, et dans sa présentation, elle est particulièrement offensive contre le RN : « Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier Ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration, qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique. L’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est le résultat du choix d’Emmanuel Macron de désigner un Premier Ministre ne détenant qu’un très faible soutien dans l’hémicycle et dans le pays et qui ne cherche à se maintenir, au-delà de ses divisions, que par la recherche d’un accord désormais clair avec le Rassemblement national. ».

    Malgré ce texte très dur contre le RN, le RN a déjà annoncé qu'il voterait volontiers pour cette motion de censure. Cela ne gêne pas le PS et en particulier François Hollande, l'un des signataires furieux de cette motion, de voter la censure en mélangeant sa voix avec celles du RN. Cela ne gêne pas François Hollande se s'être soumis à son pire adversaire Jean-Luc Mélenchon pour se faire élire dans sa circonscription corrézienne où il n'a même pas obtenu 50% au second tour. Et où se trouve Raphaël Glucksmann, le donneur de leçons de morale, qu'on n'entend pas en cette période de grave crise politique ?

    Sur BFMTV, l'éditorialiste Bruno Jeudy a affirmé : « Il faut le rappeler aux téléspectateurs : si le PS ne votait pas la censure (avec les 60 députés socialistes), eh bien le gouvernement Barnier ne tomberait pas ! ». Pourquoi le PS ne veut-il pas négocier avec le gouvernement en monnayant sa non-censure, sinon par irresponsabilité dans une Assemblée sans majorité ?


    À chacun de prendre ses responsabilités. On savait que les insoumis n'avaient aucune once de responsabilité et que leur but, dans une stratégie du chaos, est de faire une révolution ouverte pour mettre leur guide à vie à la tête d'une république rougeoyante. Mais les socialistes viennent eux d'un parti qui se disait de gouvernement et qui a encore récemment (il y a sept ans et demi) gouverné la France. Comment peuvent-ils faire la politique du pire.
     

     
     


    Pourquoi le RN voterait-il la motion des insoumis (particulièrement anti-RN) alors qu'il a déposé sa propre motion de censure ? En effet, la seconde motion de censure (déposée le 2 décembre à 17 heures 30) a été signée par 140 députés du RN et de ses alliés ciottistes. Dans ce texte, le RN aurait voulu que le gouvernement Barnier appliquât le programme du RN, mais il n'est pas au pouvoir car il n'est pas majoritaire. Le RN a réaffirmé vouloir « dégraisser l'État » et « engager une débureaucratisation massive ».

    Dans ce texte, il y a beaucoup de formules creuses qui ne veulent rien dire concrètement : « rendre du pouvoir d'achat aux Français », « défendre les entrepreneurs et la valeur travail », « lutter contre la fraude », « stopper les dépenses contraires à la volonté populaire », et en même temps, il y a des propositions qui vont totalement à l'encontre de la volonté populaire comme faire un Frexit financier en ne contribuant plus financièrement à l'Union Européenne.


    En fait, lorsqu'on lit attentivement ce texte, on se dit que Michel Barnier a eu bien tort d'essayer de négocier avec le RN : Marine Le Pen avait décidé depuis le début de voter la motion de censure, parce qu'elle se sent cernée avec sa probable future condamnation judiciaire et qu'elle est aux abois. En montrant son pouvoir de dislocation du gouvernement, elle montre ainsi sa capacité à faire pire. Puissance de nuisance à défaut d'être constructif pour le pays.
     

     
     


    C'est un sabordage du RN qui perd définitivement sa crédibilité pour gouverner. Presque quatorze années d'effort réduites à néant par un procès qui va faire exploser l'avenir présidentiel de la fille de Jean-Marie Le Pen. C'est vrai, il y a de quoi enrager, d'autant plus que la relève est déjà assurée par Jordan Bardella qui ne voulait plus de candidat RN aux prochaines élections avec un casier judiciaire non vierge !

    Ajouté à cela, même si c'est très anecdotique, insistons sur le fait que l'ancien président de LR Éric Ciotti fait partie des signataires de cette motion de censure, c'est-à-dire qu'il va censurer Michel Barnier avec qui il était en compétition pour la primaire LR de décembre 2021, il n'y a pas si longtemps (trois ans). En se mettant en une opposition totale contre les députés de son ancien parti LR, Éric Ciotti montre qu'il n'a fait que retourner sa veste, qu'il s'est définitivement vendu au RN, au point de vouloir renverser le gouvernement de la République en mélangeant sa voix avec celle de François Hollande et surtout celles des mélenchonistes et des communistes. À l'évidence, les historiens auront beaucoup de travail dans les années et décennies à venir pour expliquer cette période à leurs étudiants.


     

     
     


    Le pire, dans tout cela, c'est que les députés qui s'apprêtent à voter la censure n'ont aucune solution de rechange à proposer à la France avec la configuration tripartite de l'Assemblée actuelle qui restera encore au moins six mois, quoi qu'il se passe. Cette collusion des contraires ne peut que détruire les projets mais en aucun cas construire une proposition nouvelle, de gouvernement ou même de budget.

     

     
     


    Reprenant la parole ce mardi 3 décembre 2024 à l'occasion d'une question au gouvernement du président du groupe communiste André Chassaigne sur la situation politique, le Premier Ministre a insisté sur la gravité et les conséquences de l'adoption d'une motion de censure : « Sur le fond, tout le monde sait que la situation est difficile. D’abord, elle l’est sur le plan budgétaire, je l’ai dit dès le début en cherchant à montrer la vérité aux Français : la situation est plus grave qu’on ne l’a cru, avec une dette que tout le monde devra payer un jour. Ensuite, elle l’est sur le plan économique et social. Tout à l’heure, l’un de vos collègues parlait de la Chapelle Darblay et d’ArcelorMittal et je m’attendais à une question sur Michelin. Je suis cela très attentivement avec le ministre de l’industrie, le ministre de l’économie et des finances, ainsi que le ministre du travail. Tous les jours, nous veillons à apporter notre soutien aux salariés et aux territoires qui sont touchés. Enfin, la situation est difficile sur le plan financier. Je suis avec une grande vigilance les marchés financiers, que je connais assez bien. ».

    Et il a conclu en guise de prophétie : « Il y a une chose dont je suis sûr, retenez bien ce que je vous dis aujourd’hui : la censure dont il est question pour demain rendra tout plus difficile et plus grave. ». Honte aux députés irresponsables qui vont coûter très cher à la France et aux Français. Ceux-ci se rappelleront le moment venu quelles sont les irresponsables qui auront fait plonger la France dans un cycle économique et financier désastreux avec une surenchère des intérêts de la dette et un hausse des plans sociaux. L'histoire a toujours jugé sévèrement les irresponsables, soit par volonté, soit, comme pour les socialistes, par soumission, mollesse et inconséquence. Dans tous les cas, ce seront les Français qui trinqueront.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
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    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241202-motion-de-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-collusion-des-irresponsables-257958

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/03/article-sr-20241202-motion-de-censure.html