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amitié

  • Tristesse

    « Mais vivre en silence
    En pensant aux souffrances
    De la Terre et se dire
    Qu’on n’est pas les plus malheureux »




     

     
     


    7 juillet. Cela pourrait un jour heureux. Cela pourrait être le jour le meilleur, surtout pour qui considère le chiffre sept comme le préféré, à la fois pointu et singulier, diversifié selon qu'on lui laisse cette petite dague à la taille ou pas. Le chiffre lui-même a l'aspect d'une petite hache, c'est le côté tranchant de la chose. Septième jour du septième mois. Nombre premier, chiffre particulier qui se distingue au point d'en avoir entraîné le septennat. Amorce de l'été. Le soleil jaune, le ciel bleu, la prairie verte. La douceur de la nuit, l'éclat du jour.

    Et puis, c'est maintenant le plus pourri. La descente au fond du précipice. L'effondrement sans appel, sans préavis. Le gouffre de la noirceur existentielle. La prison de l'enfer.

    J'ai su le lendemain.
    Le téléphone, l'incompréhension.
    L'insupportable réalité.
    Une réalité tellement fréquente, tellement commune.
    Il faudra vivre avec.

    « Mais vivre en silence
    En pensant aux souffrances
    De la Terre et se dire
    Qu’on n’est pas les plus malheureux »


    Rétroprojection de la veille, au jour J.
    J'étais sur les quais du métro parisien. J'essayais le métro-boulot-dodo. Le provincial que j'étais comprenais les envies suicidaires des travailleurs du matin, de cette France de la banlieue qui se lève tôt pour pas grand-chose à la fin du mois. Sentiment aigu de l'irréversible. Les prisonniers de leur sort. Au bout de cinq jours seulement. C'était un vendredi matin. Dire que là-bas, à plusieurs centaines de kilomètres, tu venais de t'achever. Le soupçon mortuaire aurait-il une raison ? Ai-je été prévenu immédiatement ? Ai-je senti, ai-je pressenti ? Rationalité et grands esprits.

    Mardi suivant. À peine dix jours de travail et déjà un congé sans solde. Autoroute. Voiture remplie. Grand soleil. Saine camaraderie avant l'émotion. À l'approche du lieu, silence, recueillement. Pensée malsaine de vouloir regarder l'endroit exact. Sans savoir. Et puis cette scène : nous étions une dizaine, en avance. Nous nous sommes mis chacun comme un pilier juste dehors, au soleil, à l'entrée de l'église. Une petite église. Les gens sont arrivés. La famille. Nous fermions le ban. Nous étions au chœur. Au cœur. Place privilégiée. Émue. Merci.

    Pendant des années, j'ai roulé dans la nuit. Des heures et des heures. Pendant des années, j'ai écouté ces morceaux, j'ai ruminé ma foi, ma bonne foi et ma mauvaise foi, j'ai "nostalgié", j'ai pleuré, j'ai communié. Pendant des années, je me suis arrêté à ce 7 juillet. Pendant des années, je me suis repassé les films, les photographies, les couleurs, les sons, ta voix, ton sourire, ta vivacité. Les moments si courts. Une sorte d'idéalisation, de mythification, de sanctuarisation, de sanctification. Pendant des années, j'ai compté les jours, les mois, les années. Je les compte encore.

    C'est si loin maintenant.
    Tu étais tout seul. Le matin. Peut-être vers sept heures.
    Route de campagne. Personne. L'été doux. La vie qui s'ouvrait.

    C'était un vendredi matin.
    C'était il y a trente-cinq ans
    Tu étais mon ami.
    Parmi d'autres, plus que d'autres.

    Une distraction. La joie éclipsée par la distraction.
    Un arbre. Un stupide arbre.
    Un don d'organes.
    Tu avais 21 ans.
    Et tu vis encore.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Tristesse.
    Au revoir les enfants.












    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240707-7-juillet.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/tristesse-255670

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/07/article-sr-20240707-7-juillet.html