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Pierre Arditi est-il un proche de Marine Le Pen ?

« Mais je suis très proche de Marine Le Pen, vous ne le saviez pas ? Non non, de plus en plus, on peut écouter ce son-là, il n'est pas totalement inutile... » (Pierre Arditi).




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L'acteur Pierre Arditi fête son 80e anniversaire ce dimanche 1er décembre 2024 (comme le romancier Daniel Pennac) et on imagine qu'il en est le premier étonné tant il se sent toujours aussi éveillé et alerte dans la vie.

L'un des sujets qui l'irrite souvent est de le mettre dans la case de la gauche caviar car il ne se considère pas comme ainsi. Évidemment, à force de jouer le vrai et le faux, il risque d'être un peu plus incompréhensible. Pour ne pas se laisser enfermer dans une case, peut-être ?

Pour preuve, sa fausse interview lors de son passage chez Thierry Ardisson, à "Salut les Terriens !" diffusée le 3 octobre 2015 sur Canal Plus, où il précisait très doctement à propos de Nadine Morano : « C'est surtout une fine analyse de ce qu'est la société française d'aujourd'hui. ». Tout en avouant sa vénalité théâtrale : « Mais c'est-à-dire, si vous voulez, forcément, c'est là où il y a un peu de pognon, alors moi, je défends là où ça casque à la caisse, sinon, ça ne m'intéresse pas ! ». On peut l'écouter sur la vidéo de l'INA à la fin de l'article.

Bien sûr, tout était faux, mais c'était à une époque où le jeu, la légèreté n'étaient pas pollués par la crédulité pour les choses du premier degré, et surtout par les fake news. Pierre Arditi est un comédien et aime d'abord jouer (voire fanfaronner) et jouer à celui qu'il n'est pas, c'est un rôle qu'il aime bien (et qui le protège peut-être, d'ailleurs, de sa propre réalité). Des âmes sensibles pourraient s'en offusquer.


Dans une interview pour "Le Bien public" publiée le 29 mai 2013, Pierre Arditi assurait de toute façon : « Je continue d’être un homme engagé à gauche. C’est comme ça depuis toujours. Et ça finira comme ça. Mais, avec le temps, je me suis calmé. Mes convictions sont les mêmes, mais je suis beaucoup moins manichéen que lorsque j’étais beaucoup plus jeune, ce qui est tout à fait normal. Aujourd’hui, les choses sont beaucoup plus complexes. Maintenant, après avoir vécu déjà un long moment de ma vie, je suis à même de les analyser autrement. Il y a des gens qui ne sont pas de mon bord que j’estime profondément et vice et versa. Je pense qu’on ne peut pas passer sa vie à donner des leçons de morale. D’abord parce que lorsque l’on en donne, il faut commencer à se les appliquer à soi-même et qu’on ne le fait pas toujours. Dans ces cas-là, on est mal en point. Mais simplement, on peut essayer de convaincre, parfois sur certains thèmes, certaines choses, qu’à un moment donné il faudrait être plus généreux, plus solidaire, etc. Après, la vie est ce qu’elle est, les sociétés sont ce qu’elles sont. Elles sont difficiles, elles sont égoïstes, elles sont parfois trop repliées sur elles-mêmes. C’est compliqué. La vie est de plus en plus compliquée et de plus en plus féroce. Alors, ce n’est plus un problème d’être de droite ou de gauche, il suffit simplement d’être un humain. C’est plutôt comme ça que j’essaye de me redéfinir. Je tente de ne pas perdre cette part d’humanité que j’ai encore, avec laquelle je me bagarre pour la conserver. » (propos recueillis par Vincent Lindeneher). Une longue tirade certainement issue de sa sincérité spontanée, mais pour finir par dire ceci : « Avant d’être de gauche, je suis Français. Ce que je souhaite, c’est que ce Président-là réussisse pour le bien de notre pays. Et si c’était un autre, je lui souhaiterais la même chose. » (il parlait à l'époque de François Hollande).

Un an et demi plus tard, le 3 octobre 2014, tout aussi sincèrement, le comédien disait à Audrey Crespo-Mara sur LCI : « Diaboliser le FN, c'est une imbécillité. À partir du moment où un nombre important de gens, des millions, finissent par voter dans ce sens-là, ça commence à devenir un vote d'adhésion. Pourquoi ça le devient ? Parce que ce qu'on attend des partis politiques traditionnels ne vient pas. Des promesses ne sont pas tenues, les résultats pour le moment ne sont pas là, c'est difficile, mais c'est comme ça. Alors, qu'est-ce qu'on fait ? On bâillonne les gens qui votent pour le FN ? On sait que c'est le premier parti ouvrier de France, il y a beaucoup d'anciens membres du Parti communiste qui votent pour le Front national... Qu'est-ce qu'on fait ? On les brûle ? Non ! On les déporte ? Non ! Donc, ce qui peut empêcher Marine Le Pen d'entrer à l'Élysée, c'est que la classe politique, quelle qu'elle soit, de gauche ou de droite, sache que la parole donnée doit être, à un moment ou à un autre, tenue ! Parce que, sinon, quand on donne sa parole et qu'on ne la tient pas, c'est très ennuyeux, on n'en a plus ! Je ne jette pas la pierre, c'est mon camp, c'est mon bord. ».


Rejetant une éventuelle appartenance au PS (au pouvoir à l'époque), il enrageait de la fronde menée par les ministres Arnaud Montebourg et Benoît Hamon : « Il y a un minimum de solidarité gouvernementale. Ce qu'on pourrait dire à des membres du gouvernement, je ne citerai personne, c'est qu'il faut qu'ils se mettent dans le crâne qu'ils ne sont pas au bureau national du PS, mais qu'ils appartiennent au gouvernement de la France, cela n'a rien à voir ! ». Mais de là à devenir proche d'Alain Juppé... pourquoi pas : « Ne me demandez pas non plus de ne pas être objectif avec l'autre camp quand il a des qualités, et c'est le cas d'Alain Juppé ! ».

Dans "Le Divan" de Marc-Olivier Fogiel, le 21 mars 2017, en pleine campagne présidentielle, Pierre Arditi est revenu sur la politique en répondant à ses détracteurs qui trouveraient qu'il gagnerait beaucoup trop d'argent pour être un homme de gauche : « Mais vous devriez au contraire m'estimer davantage. Parce que j'ai tout dans ma condition sociale pour être un homme de droite. (…) Je trouve tout à fait normal, que moi gagnant bien ma vie, j'aide ceux qui la gagnent bien moins que moi ! ». D'autant plus qu'il n'a jamais autant payé d'impôt que depuis que la gauche est revenue au pouvoir, avouait-il !


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Saut dans le temps. Nous voici maintenant dans l'émission "C à Vous" le 5 septembre 2023 sur France 5. L'acteur s'est un peu lâché contre la Nupes dont l'attitude irresponsable allait apporter, selon lui, la victoire de l'extrême droite sur un plateau d'argent : « J’ai un âge, malheureusement, qui me permets d’en avoir connu une autre, d’autres gauches, avec lesquelles je me sentais plus en accord. Aujourd’hui, elle est où exactement ? C’est quoi l’identité de la gauche ? Moi, je ne la connais pas et je ne la reconnais pas. (…) Quand est-ce que ces gens vont comprendre qu’on est en train de faire le berceau de l'extrême droite ? Je ne citerai pas de nom, mais vous pouvez imaginer à qui je fais allusion. (…) Ça finira par arriver, si la gauche continue de donner ce spectacle. ». Il faut penser aussi qu'entre-temps, Pierre Arditi a soutenu Emmanuel Macron.

Comme il a soutenu le 12 janvier 2024 au micro de RTL la nouvelle ministre Rachida Dati qui venait d'être nommée la veille : « Le procès qu'on lui fait c'est qu'elle n'est pas du bon bord, qu'elle n'est pas spécialiste. Mais qui est spécialiste ? Personne, absolument personne. Qui sait tout sur la culture ? Qui sait ce qu'il faut faire et ce qu'il faudrait faire et surtout qui le fait ? Personne ou pratiquement personne ! (…) On les décapite avant qu'ils aient pu se servir de leur tête. Comment peut-on juger quelqu'un avant qu'il ait fait quoi que ce soit ? C'est grotesque ! ».

Après l'incompréhensible dissolution, Pierre Arditi a refusé de soutenir la nouvelle farce populaire (NFP) dans une tribune intitulée "La question n'est pas Macron ou non" publiée le 23 juin 2024 dans "La Tribune Dimanche" qui commençait ainsi : « Depuis l'annonce de la dissolution, nous avons l'impression de vivre un cauchemar au ralenti. Celui d'une France blessée et divisée, en route vers son suicide. Celui d'une classe politique indécente, inconséquente, avide de sauver ses intérêts, "l'anatomie d'une chute" vers le chaos. Un moment de bascule historique, celui de la fin d'une ère de démocratie et de liberté, comme nous l'avions lu, jadis, dans les livres, comme nous l'avaient raconté nos parents ou nos grands-parents. Comme si nous vivions, comme au siècle dernier, le délitement inexorable de nos fondamentaux. Cette situation est l'addition que nous payons aujourd'hui de décennies de colère populaire et de la détestation souvent injuste de la classe politique. ».

Inquiet du risque de l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite, il a affirmé : « Laisser le RN prendre Matignon, c'est accepter au nom d'une pseudo-souveraineté d'abandonner notre indépendance. ». Mais il n'était pas possible pour lui de soutenir le NFP : « Le nouveau front populaire s'est formé avec des cœurs sincères, remplis d'espérance. Ces cœurs sincères sont ma famille, j'ai passé ma vie à les soutenir, à voter comme eux et avec eux. Si certains d'entre eux sont des sociaux-démocrates sincères, je le sais, cette alliance contre-nature est désespérante. (…) La question n'est pas Macron ou non. La question est le chaos ou le sursaut, pas une question de personnes mais une question de survie. ».


Il faut dire que le 15 avril 2024, le soir à l'Élysée, Pierre Arditi a reçu des mains du Président de la République les insignes de commandeur de l'Ordre national du Mérite. Après avoir fait allusion aux deux malaises sur scène du comédien, Emmanuel Macron, devant une quarantaine d'invités, s'est interrogé en connaisseur : « On peut se poser une question : pourquoi Pierre Arditi n’est pas démodé ? Au fond, vous n'avez jamais joué votre époque, vous avez joué des rôles intempestifs. Vous êtes devenu un style, intemporel. ». Réaction de l'intéressé, ému : « Il n'a pas fait un discours, il a fait une déclaration d'amour ! ».

À ses détracteurs qui lui reprochaient d'avoir été présent à la Rotonde le soir de la victoire d'Emmanuel Macron en 2017, Pierre Arditi a répondu le 28 juin 2024 sur la chaîne C8 qu'il se sentait plus de la "gauche cassoulet" que de la "gauche caviar" : « Je ne peux pas dire que ça m’a été reproché. Ça a surpris de me voir avec Macron (...) Le Président de la République, je l'aime bien. Il y a des choses avec lesquelles je suis d'accord, d'autres avec lesquelles je suis moins d'accord. (…) Il fait des choses, il est courageux (…). Je suis plutôt un homme de gauche, plutôt gauche cassoulet que caviar ! ».

Et de poursuivre : « Et de toute manière, même s’il m’arrivait de manger du caviar et d’être de gauche, ce serait d’autant plus louable chez moi. Si j’avais ces moyens-là, je devrais plutôt être de droite. Donc, si je me bagarre pour que des gens qui n’ont pas les moyens que j’ai, finissent par en avoir aussi, c’est plutôt mieux que le contraire, c'est-à-dire préserver mes petits privilèges ! ».

Pierre Arditi a ajouté qu'il n'avait aucune vocation à entrer au gouvernement : « Un acteur n'est pas fait pour être Ministre de la Culture. ». Il jouerait pourtant forcément bien ce rôle. Resterait alors à trouver un scénariste pour l'histoire...


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Sylvain Rakotoarison (30 novembre 2024)
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