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Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !

« Les résultats des élections législatives redessinent largement le paysage politique de notre pays. Une nouvelle fois, ces élections ont révélé les fractures profondes qui traversent notre société. Elles ne peuvent être ignorées plus longtemps. (…) Comme Chambre de la République et conseil des institutions qui élaborent la loi, le CESE portera la voix des organisations de la société civile, leurs expériences concrètes et leurs solutions pour répondre aux besoins de nos concitoyens. » (Thierry Beaudet, le 24 juillet 2024).



 

 
 


Oui, j'avoue, mon titre est assez facile, mais mon envie de le mettre était irrépressible. Chaque fois que le nom d'un éventuel futur Premier Ministre est donné en pâture aux médias et à la classe politique, c'est comme si on le jetait dans une mare à piranhas, et généralement, il est immédiatement déchiqueté, il ne dure pas vingt-quatre heures (le "on", en l'occurrence, semble être l'Élysée lui-même). Ce lundi 2 septembre 2024, jour de la rentrée scolaire, c'était le jour de Thierry Beaudet.

Pourtant, cette journée du lundi était effectivement bien consacrée à de nouvelles consultations du chef de l'État, mais uniquement des politiques : Emmanuel Macron a rencontré Bernard Cazeneuve, François Hollande, Xavier Bertrand, Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Gabriel Attal. Le nom des visiteurs n'est pas anodin : Bernard Cazeneuve, à gauche, et Xavier Bertrand, à droite, sont régulièrement évoqués depuis le second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.

L'hypothèse Bernard Cazeneuve semble avoir du plomb dans l'aile après avoir été hué à Blois par les militants socialistes, à l'initiative d'une invitée, Clémentine Autain, et sans réaction des dirigeants du PS. Le risque pour Emmanuel Macron, d'ailleurs, serait qu'un Premier Ministre Bernard Cazeneuve, qui demanderait l'ensemble des pouvoirs de chef du gouvernement, soit l'otage de la gauche et se sente obligé de proposer des mesures emblématiques très à gauche (comme l'abrogation de la réforme des retraites ou le rétablissement de l'ISF) pour préserver la tolérance des députés de la nouvelle farce populaire (NFP).

L'hypothèse Xavier Bertrand semble aussi avoir du plomb dans l'aile depuis la venue de Marine Le Pen à l'Élysée le 26 août 2024 : la présidente du groupe RN à l'Assemblée avait alors assuré que le groupe RN voterait la censure dès l'éventuelle nomination de Xavier Bertrand, fer de lance de la lutte anti-RN qui avait affronté (et battu) Marine Le Pen elle-même aux élections régionales des Hauts-de-France en décembre 2015.

Pour Emmanuel Macron, le retour à l'hypothèse d'un Premier Ministre "technicien" a repris de la crédibilité avec cette idée : puisque la classe politique est incapable de s'entendre pour me proposer le nom d'une personnalité susceptible de ne pas être immédiatement censurée, trouvons-la en-dehors du sérail.


D'où l'hypothèse, pas dénuée de signification, d'une désignation de Thierry Beaudet (62 ans), Président du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) depuis le 18 mai 2021. On sait à quel point Emmanuel Macron "aime bien" le CESE au point de vouloir en faire la troisième chambre du Parlement (ce qu'il n'est absolument pas : le Parlement est une représentation démocratique, aucun membre du CESE n'émane de la démocratie représentative, mais seulement participative), en raison probablement de la très forte influence qu'a eue Jean-Paul Delevoye (ancien Président du CESE du 16 octobre 2010 au 1er décembre 2015) sur Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle de 2017.

Incontestablement de gauche (reconnu comme tel par les gens de gauche), Thierry Beaudet a commencé sa vie active comme instituteur en Normandie. Il a toutefois rapidement changé de voie en prenant des responsabilités dans sa mutuelle, au point de devenir le président la MGEN (Mutuelle générale de l'Éducation nationale) du 8 juillet 2009 au 11 juillet 2017, puis président de VYV (premier groupe mutualiste de santé et de protection sociale de France : 10 millions d'assurés, 35 000 employés et 9 milliards de chiffre d'affaires) du 13 septembre 2017 au 8 juin 2021. Par ailleurs, il a été élu président de la Fédération nationale de la mutualité française du 23 juin 2016 au 5 octobre 2021. Thierry Beaudet a aussi présidé la MFPASS, l'union mutualiste qui gère les établissements sanitaires et médico-sociaux créés par les mutuelles de la fonction publique, de 2012 à 2016.





Thierry Beaudet a été désigné membre du CESE en janvier 2021. Sa consécration, il l'a due à Laurent Berger (lui aussi cité pour Matignon), alors secrétaire général de la CFDT, qui l'a aidé à se faire élire Président du CESE le 18 mai 2021, avec 163 voix sur 172, poste qu'il assume de manière particulièrement volontariste en ayant l'intention de faire de cette chambre placard pour recalés de la politique (disons les choses clairement) une chambre utile où pourraient s'exprimer des citoyens tirés au sort pour venir en complément des parlementaires. Après la Convention citoyenne pour le climat (qui a fini ses travaux avant son accession à la présidence, le 21 juin 2020), il a organisé la Convention citoyenne sur la fin de vie dont la conclusion (exprimée le 3s avril 2023) favorable à l'euthanasie n'était pas étonnante puisque lui-même y était favorable (déclaration du 18 janvier 2020), ce qui remet d'ailleurs en cause l'utilité de ces conventions citoyennes qui prennent toujours la même position que leurs "encadrants sachants" et cela sans représentation populaire.

 

 
 


Ce n'était pas la seule prise de position publique de Thierry Beaudet puisque le 26 juin 2024, il avait aussi mis en garde contre la victoire du RN aux élections législatives anticipées (dans une interview à "La Tribune"), et bien auparavant, le 21 janvier 2024, il avait manifesté au Trocadéro contre la loi Immigration. Homme d'équilibre, fin négociateur, gros travailleur, réformateur et innovateur, Thierry Beaudet a su montrer, tout au long de sa carrière professionnelle un comportement consensuel prêt aux synthèses. Il comptait solliciter un deuxième mandat de cinq ans à la tête du CESE en 2026.

Voici comment il a exprimé son inquiétude de voir arriver le RN au pouvoir : « L'extrême droite est aux portes du pouvoir. Historiquement, elle a combattu la démocratie parlementaire, entretenu le racisme, l'antisémitisme, le sexisme, la haine de l'autre, pourchassé les contre-pouvoirs, les droits fondamentaux et l'État de droit. D'aucuns affirment que son visage contemporain serait réellement différent de ce sombre tableau ; mais je ne veux pas que nous prenions le risque de le tester grandeur nature. La société m'apparaît traversée par des ambitions qui cherchent à exploiter le sentiment d'une partie des Français de ne pas être assez entendus et considérés. Ces ambitions s'emploient à électriser la société plutôt qu'à la réconcilier, dans un intérêt électoraliste selon moi pyromane et irresponsable. Il est évident que les 40% de Français qui lors des européennes ont porté leur suffrage dans l'escarcelle du RN et de Reconquête ne sont pas tous des racistes anti-système eurosceptiques et russophiles. Nombre d'entre eux ont simplement exprimé leur découragement et leur désillusion devant un cénacle politique qu'ils jugent sourd ou méprisant vis-à-vis de leurs malaises et de leurs espérances. (…) Ce qui est nouveau, c'est que ces électeurs désemparés estiment avoir vraiment tout tenté : gauche, droite, centre, et même macronisme en faveur desquels ils ont souvent oscillé d'une élection à l'autre. Ils ont le sentiment que grâce au RN ils seront enfin entendus, considérés. C'est un leurre, peut-on leur démontrer ; mais leur réponse est invariable : "Possible. Mais qu'a-t-on à perdre ? Au moins on aura essayé, et de toute façon il ne peut pas faire pire". Si, malheureusement... » ("La Tribune", le 26 juin 2024).


Le profil de Thierry Beaudet est donc très intéressant, notamment comme le leader du front républicain qui a, seul, gagné ce second tour des législatives, même s'il n'a jamais eu personnellement d'expérience élective. C'est son plus gros point faible, comme l'a souligné, un peu énervé, le maire LR de Meaux Jean-François Copé ce mardi 3 septembre 2024 sur TF1 : « Où est-il écrit dans la Constitution, dans l'histoire politique de notre pays, qu'il fallait choisir à la tête du gouvernement quelqu'un de neutre qui n'a pas d'expérience politique (…). Nous avons besoin d'un professionnel (…). Le programme de la gauche est totalement celui de Mélenchon (…). C'est comme si nous, on avait fait alliance avec l'extrême droite (…). Le programme de l'extrême gauche qui est celui que le PS revendique tout autant est un programme suicidaire pour le pays. ».

En effet, le Premier Ministre désigné devra connaître très bien les procédures parlementaires car les extrêmes n'hésiteraient pas à le faire tomber dans mille et un pièges. Mais cela s'apprend. On a vu qu'une ministre très technicienne (néanmoins politique) était capable de diriger un gouvernement très politique dans une Assemblée très difficile (Élisabeth Borne).

D'après des "journalistes bien informés" (comme on dit), Thierry Beaudet aurait été reçu par Emmanuel Macron le jeudi 29 juin 2024 pour lui soumettre le projet de le nommer à Matignon, projet qu'il aurait accepté. Cette information a été révélée ce lundi 2 septembre 2024 en début de matinée juste avant les consultations politiques à l'Élysée (une fuite organisée, apparemment, et peut-être pour mettre la pression sur les partis politiques, en l'occurrence le PS et LR).


Mais la révélation s'est faite avec une autre information qui a pourtant le don de le griller sur le champ sur l'autel des Premiers Ministres morts nés : en effet, l'Élysée aurait fait savoir que son directeur de cabinet aurait été déjà identifié (le dircab d'un Premier Ministre de cohabitation est un rouage technique et politique crucial). Il s'agirait de l'actuel préfet de la région Hauts-de-France Bertrand Gaume (49 ans), ancien préfet de l'Essonne et du Vaucluse, ancien de la DGSE, grand ami de l'ancien candidat socialiste Benoît Hamon (dont il a été le dircab en 2012 au Ministère délégué à l'Économie sociale et solidaire), déjà pressenti pour diriger le cabinet d'Élisabeth Borne à Matignon en juillet 2023 après le départ d'Aurélien Rousseau (devenu ministre ; aujourd'hui, ce dernier est député NFP).

Or, un Premier Ministre novice en politique qui se voit imposer son dircab par l'Élysée, comment pourrait-il être un Premier Ministre de cohabitation totalement autonome politiquement, prêt à affronter le Président de la République sur des sujets de fond le cas échéant ? Ce n'est pas très crédible sauf à comprendre que le Président de la République, malgré le désaveu électoral qu'a subi son camp, veuille toujours garder l'initiative du pouvoir. C'est là le problème, d'autant plus que Thierry Beaudet n'a pas hésité à tresser quelques lauriers à Emmanuel Macron (le 26 juin 2024 dans "La Tribune") : « Je ne ferai pas le "procès démocratique" d'Emmanuel Macron pour une raison en particulier. Qui s'est montré sensible à la nécessité de revitaliser la démocratie délibérative, participative, en créant les Conventions citoyennes ? Qui a lancé le Grand Débat ou réuni les corps intermédiaires autour de Conseils nationaux de la refondation (CNR) ? Ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy ou François Hollande ? Non. Le soi-disant "Président jupitérien". ».

De toute façon, la roue tourne encore ! Pour l'heure, matin du mardi 3 septembre 2024, l'hypothèse Xavier Bertrand serait de nouveau privilégiée par le chef de l'État...



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 septembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
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Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
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Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240902-thierry-beaudet.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-43-haro-sur-le-256594

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/03/article-sr-20240902-thierry-beaudet.html




 

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